Date : 12.06 22h37
auteur : Antoine
Message reclassé de la rubrique Incarnation
Date : 12.06 16h45 message 4
J'essaie de répondre mais comme Katherine j'ai aussi souvent le vertige devant ces mystères et les sonder devient vite une prière qui n'est plus communicable sur un forum. En cela je comprends le rappel à l'ordre d'Olia, bien que n'en partageant pas le contenu.
Je marche ci-dessous sur des œufs théologiques et pardonnez moi si je me fais mal comprendre ou si certains propos paraissent en marge d'hérésie.
L'anthropologie orthodoxe est disséminée de façon très éparse un peu partout chez les pères et il n'y a pas de récapitulation. La théologie de la création à l'Image suit le même processus et souvent les propos des Pères peuvent sembler contradictoires tellement leurs complémentarités sont éloignées. De plus nous ne disposons pas de dogmes conciliaires sur l'anthropologie si ce n'est l'affirmation de la plénitude divine et humaine du Christ dans la définition de la double nature de Chalcédoine et la résurrection de la chair.
Katherine vous écrivez:
<<• Le Christ a pris la nature de l'homme (non la nature déchue !), càd de l'"Anthropos" (= à la fois d'Adam et d'Ève) sur lui en S'incarnant. POINT.>>
Le Christ dans l'incarnation a pris sur lui toutes les conséquences du péché sans le péché lui-même disent les Pères. Et la différenciation des sexes, même surajoutée comme le disent St Basile et Grégoire de Nysse, est une conséquence du péché, bien que surajoutée par avance, donnée "en prévision de" par prescience divine.
Le Christ n'avait certainement pas une masculinité "apparente".Il en a subi les conséquences comme il a subi la faim, la soif, la fatigue, la tristesse, le sentiment d'abandon, la douleur, etc… et dans ces conséquences je persiste à penser qu'il y a celles qui découlent de l'entrée du péché par Eve.(Ce qui est un peu différent de votre formulation de "nature à la fois d'Adam et d'Ève"
Le fait que la nature de l'Anthropos précède la distinction des sexes ne fait pas de l'Anthropos un androgyne (ce que vous ne faites pas certes), car l'androgyne pré-suppose également une différentiation des sexes.
Affirmer l'androgynéité c'est rajouter à l'Anthropos une sexualité de "Nature", ce qui ne change rien au problème de la différenciation des sexes. C'est un tour de passe des néo orthodoxes pour affirmer que l'accomplissement de l'image se réalise dans la rencontre charnelle du couple.(Yannaras, Paul evdokimov, O. Clément, Soloviev Andronikov et d'autres)
Mais il n'en reste pas moins que le christ a dans son incarnation cette différentiation de la masculinité en prévision d'une chute que lui ne fait pas, afin d'en revêtir les conséquences pécheresses sans y tomber.
Et les textes de l'office du 1er Janvier ne sont pas étrangers à cette masculinité:
«
Il n'a pas dédaigné la circoncision de la chair. […] Le Verbe ayant pris chair fut circoncis pour accomplir la loi. CE FAISANT il nous accorde les prémices de la divine grâce et de l'immortelle vie.[…] Le seigneur daigne subir la circoncision et retranche dans sa bonté les fautes qui couvraient l'humanité ; en ce jour il donne au monde le salut. […] Selon, la loi le Sauveur est circoncis non comme Dieu mais en mortel.[…]
Le Seigneur s'incarne par la féminité virginale de Marie en la masculinité de Jésus, et les deux sont nécessaires à notre salut dans leur acceptation .Je ne peux exclure la masculinité charnelle de l'incarantion au profit d'une incarnation-anthropos.
Mais je peux aussi me tromper. La création est déjà un grand mystère inexplicable, alors l'incarnation...
Mais je ne cherchais que des significations théologiques à la masculinité ontologique de la prêtrise.
Merci de votre indulgence.
Antoine
Ps : un exemple de neo-orthodoxie parmi tant d'autres :
Constantin Andronikof « Des mystères sacramentels » chapitre «
Le mariage »,
sous chapitre 8 « Eros et sexe » p 281, publié au Cerf:
« Est-il gênant, impudique et malaisé d'analyser le contenu de cette extase? Cela est d'autant plus difficile qu'elle avoisine une contemplation, encore que, le plus souvent, quasiment subconsciente. Il ne nous paraît cependant pas inconvenant de le tenter, au moins en des termes philosophiques aussi adéquats que possible à la réalité éprouvée. C'est que le phénomène biologique de l'orgasme s'accompagne d'intuitions ou de perceptions, tant physiques que mentales et que métaphysiques.
Exaltée par sa dualité toute tendue vers l'union, l'intensité de la sensation profondément personnelle au départ devient paroxystique. Elle dépasse alors le champ charnel des individus et acquiert une dimension cosmique.
Entendant comme « la musique des sphères «, les conjoints se sentent entraînés l'un par l'autre et avec l'autre vers les sources de l'être. Par l'ensemble de leur organisme- corps, âme, esprit -, ils expérimentent, le temps d'un éclair, une perception indicible. Leur moi, à la fois individuel et commun, est extasié par l'élan qui leur fait approcher le mystère de la vie, de l'œuvre du Verbe. En cet instant, ils perdent le sens immédiat de leur personne, même de leur corps.
Leur moi s'est transcendé, il a cessé de n'être qu'immanent. Il se produit là quelque chose d'extraordinaire, à peine saisissable dans sa fulguration. L'homme et la femme fusent vers les origines de leur création. Ils éprouvent le sentiment de leur « matière» première. L'homme est remonté à Adam, la femme à Eve. Il se sent cosmique, elle adamique. L'esprit de l'homme, microcosme, gire, ébloui et muet, dans l'univers dont il fut issu. L'esprit de la femme se fixe sur l'homme. Il lui arrive alors de crier le nom du représentant actuel de celui dont elle fut initialement tirée. »
Bien sûr l'homme, lui, ne criera pas :"Ah Tu es mon Eve!" Il y a des sens uniques qui ne fluidifient pas la circulation des idées...
Et un peu plus loin Andronikof tombe dans le filioquisme le plus
radical pour étayer ses thèses .
Ainsi p 291 :
« Fort suggestif aussi est cet exposé de Cornelius à Lapide -« En produisant Adam
et Eve, Dieu a voulu imiter sa propre génération éternelle. De même (sicut) en effet que d'éternité il a engendré le Fils et, du Fils, soufflé l'Esprit Saint, de même (ita), dans le temps, il produisit Adam à son image, et l'engendra ainsi comme (quasi) le Fils; puis, de lui, il produisit Eve, dont l'amour pour Adam était comme (sicut ) l'Esprit Saint est l'amour de Dieu »
Que nous sommes loin des Pères et de Grégoire de Nysse ! Si c'est avec cet enseignement qu'on a formé nos évêques à St Serge, on ne s'étonnera pas d'en voir un certain nombre soutenir la prêtrise des femmes et minimiser le filioque pour un rapprochement œcuménique...