à propos des reliques de saint Nicolas de Myre
Publié : ven. 24 déc. 2004 17:38
Les media francophones (notamment Le Point, dans un article page 20 du n° 1683 du 16 décembre 2004) ont donné un très grand écho aux travaux d'une équipe d'anthropologues de l'Université de Manchester qui prétend avoir reconstitué par ordinateur en trois dimensions le "vrai" visage de saint Nicolas de Myre en Lycie à partir des reliques conservées à Bari dans les Pouilles. (Dans son enthousiasme, Frédérique Andérani, auteur de l'article du Point, pousse le mépris pour la vérité historique, l'hellénisme et l'Orthodoxie jusqu'à faire de saint Nicolas un "évêque orthodoxe turc du IVe siècle" - il s'agit probablement d'une "erreur" volontaire afin de soutenir la revendication de la Turquie sur ses reliques, qui seraient exposées dans le cadre d'un plan de développement touristique.)
Ce tohu-bohu médiatique devrait être l'occasion de mentionner un ouvrage sérieux qu'aucun de nos journaleux n'a pris la peine de lire ou de citer: Concerning the relics of St. Nicholas ( A propos des reliques de saint Nicolas). Il s'agit d'une brochure publiée en grec en 1992 par M. Antoine Markou, catéchiste du synode vieux-calendariste cyprianiste, et traduite en anglais en 1994 par M. Patrick G. Barker. L'ouvrage a été publié en version anglaise par le CTOS (Centre d'études orthodoxes traditionalistes) d'Etna en Californie, et peut être commandé sur Internet auprès de la librairie en ligne http://www.stnectariospress.com/index.htm .
L'auteur émet d'abord l'hypothèse que la notice du synaxaire de saint Nicodème l'Hagiorite à propos de la commémoration de la translation des reliques de saint Nicolas serait une traduction d'une notice des calendriers slaves démarquée des calendriers catholiques romains. L'histoire du pieux prêtre de Bari à qui saint Nicolas serait apparu pour demander de venir sauver ses reliques menacées par l'avancée des Turcs serait une légende inventée en Italie pour masquer la réalité d'une opération de vol de reliques par des négociants italiens, vol de reliques comme il y en eut beaucoup avant comme après le schisme (que l'on se souvienne de l'histoire célèbre des reliques de sainte Foy volées à Agen par les moines de Conques). M. Markou se base sur un certain nombre d'indices pour soutenir la thèse du vol, mais concède cependant que la conscience de la menace que les Turcs faisaient peser sur la ville de Myre a pu aussi amener les gardiens des reliques à ne pas opposer de résistance réelle au vol.
D'après M. Markou, ce que l'Eglise commémore le 9 mai chez les Slaves et le 20 mai chez les autres, ce n'est pas le vol (camouflé en translation) des reliques, mais c'est la relâche du bateau qui transportait les reliques dans plusieurs ports du Dodécanèse, de Crète, du Péloponnèse et des îles Ioniennes, où les fidèles purent les vénérer. Il avance à l'appui de cette thèse l'existence de commémorations locales du passage des reliques et le nombre des églises dédiées à saint Nicolas, particulièrement important dans les diocèses où les reliques sont susceptibles d'être passées en 1087.
La thèse de M. Markou souffre cependant de deux faiblesses. La première est qu'il y avait encore une forte présence orthodoxe à Bari en 1087: la ville n'avait été conquise par les Normands qu'en 1071 et j'ai déjà eu l'occasion de signaler sur ce forum que les Normands n'ont pas entrepris de manoeuvres pour éradiquer l'Orthodoxie en Italie du Sud avant l'an 1154. Les négociants de Bari (ou le prêtre, si l'on suit le texte de saint Nicodème) peuvent très bien avoir été des orthodoxes. L'autre difficulté est que l'on voit mal, s'il y a vraiment eu effraction du tombeau à Myre et vol des reliques, comment le bateau qui les transportait a en même temps fait relâche dans différents ports de l'Empire des Romains en cachant si peu la présence des reliques que leur passage a été inscrit comme fête locale dans les calendriers diocésains.
Toujours est-il que c'est la dernière partie de la brochure de M. Markou qui est la plus intéressante. Les Anglo-Saxons sont les rois de la publicité, mais le tintamarre fait autour du travail de l'université de Manchester ne doit pas nous faire oublier que les Italiens ont déjà fait des études scientifiques de fond sur les reliques de saint Nicolas voici un demi-siècle.
En effet, en 1953 puis en 1957, des équipes italiennes, sous la conduite du professeur Luigi Martino, professeur d'anatomie à l'Université de Bari, ont procédé à des études médicales, chimiques et anthropométriques sur les reliques conservées à Bari. Ces travaux ont notamment prouvé que les ossements conservés à Bari provenaient bien de la même personne, qu'il s'agissait d'une homme de race blanche d'environ 167 centimètres de haut, au régime essentiellement végétarien et mort à plus de 70 ans. Les scientifiques italiens dressaient du saint un portrait dont les traits caractéristiques correspondent à ceux que l'on retrouve sur ses icônes. Aujourd'hui, les scientifiques anglais prétendent que saint Nicolas mesurait environ 177 centimètres (un géant pour l'époque...) et qu'il serait mort à 60 ans (ce qui cadre moins bien avec sa biographie). La science avancerait-elle à reculons?
On lira avec intérêt et émotion, dans la brochure de M. Markou, l'analyse par l'Institut de Chimie et d'Hygiène de l'Université de Bari de la "manne" qui coula autrefois des reliques de saint Nicolas. Cette analyse constitue une sorte de confirmation scientifique (superflue pour les croyants, comme le rappelle M. Markou) du caractère de myrrhoblyte attribué par la tradition aux reliques du saint archevêque de Myre en Lycie.
Joyeux Noël à tous!
Ce tohu-bohu médiatique devrait être l'occasion de mentionner un ouvrage sérieux qu'aucun de nos journaleux n'a pris la peine de lire ou de citer: Concerning the relics of St. Nicholas ( A propos des reliques de saint Nicolas). Il s'agit d'une brochure publiée en grec en 1992 par M. Antoine Markou, catéchiste du synode vieux-calendariste cyprianiste, et traduite en anglais en 1994 par M. Patrick G. Barker. L'ouvrage a été publié en version anglaise par le CTOS (Centre d'études orthodoxes traditionalistes) d'Etna en Californie, et peut être commandé sur Internet auprès de la librairie en ligne http://www.stnectariospress.com/index.htm .
L'auteur émet d'abord l'hypothèse que la notice du synaxaire de saint Nicodème l'Hagiorite à propos de la commémoration de la translation des reliques de saint Nicolas serait une traduction d'une notice des calendriers slaves démarquée des calendriers catholiques romains. L'histoire du pieux prêtre de Bari à qui saint Nicolas serait apparu pour demander de venir sauver ses reliques menacées par l'avancée des Turcs serait une légende inventée en Italie pour masquer la réalité d'une opération de vol de reliques par des négociants italiens, vol de reliques comme il y en eut beaucoup avant comme après le schisme (que l'on se souvienne de l'histoire célèbre des reliques de sainte Foy volées à Agen par les moines de Conques). M. Markou se base sur un certain nombre d'indices pour soutenir la thèse du vol, mais concède cependant que la conscience de la menace que les Turcs faisaient peser sur la ville de Myre a pu aussi amener les gardiens des reliques à ne pas opposer de résistance réelle au vol.
D'après M. Markou, ce que l'Eglise commémore le 9 mai chez les Slaves et le 20 mai chez les autres, ce n'est pas le vol (camouflé en translation) des reliques, mais c'est la relâche du bateau qui transportait les reliques dans plusieurs ports du Dodécanèse, de Crète, du Péloponnèse et des îles Ioniennes, où les fidèles purent les vénérer. Il avance à l'appui de cette thèse l'existence de commémorations locales du passage des reliques et le nombre des églises dédiées à saint Nicolas, particulièrement important dans les diocèses où les reliques sont susceptibles d'être passées en 1087.
La thèse de M. Markou souffre cependant de deux faiblesses. La première est qu'il y avait encore une forte présence orthodoxe à Bari en 1087: la ville n'avait été conquise par les Normands qu'en 1071 et j'ai déjà eu l'occasion de signaler sur ce forum que les Normands n'ont pas entrepris de manoeuvres pour éradiquer l'Orthodoxie en Italie du Sud avant l'an 1154. Les négociants de Bari (ou le prêtre, si l'on suit le texte de saint Nicodème) peuvent très bien avoir été des orthodoxes. L'autre difficulté est que l'on voit mal, s'il y a vraiment eu effraction du tombeau à Myre et vol des reliques, comment le bateau qui les transportait a en même temps fait relâche dans différents ports de l'Empire des Romains en cachant si peu la présence des reliques que leur passage a été inscrit comme fête locale dans les calendriers diocésains.
Toujours est-il que c'est la dernière partie de la brochure de M. Markou qui est la plus intéressante. Les Anglo-Saxons sont les rois de la publicité, mais le tintamarre fait autour du travail de l'université de Manchester ne doit pas nous faire oublier que les Italiens ont déjà fait des études scientifiques de fond sur les reliques de saint Nicolas voici un demi-siècle.
En effet, en 1953 puis en 1957, des équipes italiennes, sous la conduite du professeur Luigi Martino, professeur d'anatomie à l'Université de Bari, ont procédé à des études médicales, chimiques et anthropométriques sur les reliques conservées à Bari. Ces travaux ont notamment prouvé que les ossements conservés à Bari provenaient bien de la même personne, qu'il s'agissait d'une homme de race blanche d'environ 167 centimètres de haut, au régime essentiellement végétarien et mort à plus de 70 ans. Les scientifiques italiens dressaient du saint un portrait dont les traits caractéristiques correspondent à ceux que l'on retrouve sur ses icônes. Aujourd'hui, les scientifiques anglais prétendent que saint Nicolas mesurait environ 177 centimètres (un géant pour l'époque...) et qu'il serait mort à 60 ans (ce qui cadre moins bien avec sa biographie). La science avancerait-elle à reculons?
On lira avec intérêt et émotion, dans la brochure de M. Markou, l'analyse par l'Institut de Chimie et d'Hygiène de l'Université de Bari de la "manne" qui coula autrefois des reliques de saint Nicolas. Cette analyse constitue une sorte de confirmation scientifique (superflue pour les croyants, comme le rappelle M. Markou) du caractère de myrrhoblyte attribué par la tradition aux reliques du saint archevêque de Myre en Lycie.
Joyeux Noël à tous!