Là, pardonnez-moi, Jean-Serge, mais j’ai l’impression de revenir dans l’église romaine avec son Index, liste des livres interdits à la lecture des fidèles kto, fidèles infantilisés, perpétuels mineurs que le clergé « enseignant » devait maintenir dans le droit bêlement.Si vous lisez le court livre "confession et communion" du Père Denis, vous verrez que dans la liste des péchés (dans le trebnik je crois), figurent : "la lecture d'ouvrages hérétiques" et "l'assistance à une réunion religieuse d'hérétiques". Ce sont en effet là deux façons d'attraper le virus, surtout si on est mal immunisé par une bonne connaissance de ce qu'est l'orthodoxie.
Contre les virus physiques, il existe des anti-viraux et des vaccins ; contre les virus informatiques, ce bon docteur Norton et ses « confrères » ; contre les virus dogmatiques, le Credo et les ouvrages des Pères.
Mais, par pitié, ne ramenons pas en orthodoxie cette vieille lune de l’Eglise enseignante/Eglise enseignée, d’autant que c’est plus souvent dans l’histoire le peuple royal qui a ramené les hiérarques à l’orthodoxie que l’inverse. Ce que démontre ce forum où l’on joue dur et franc jeu mais sans haine (et c’est bien pourquoi je le fréquente), c’est au contraire la maturité spirituelle et théologique de la plupart des intervenants.
Antoine a écrit :
Dans tous les monastères, il y a toujours eu la table des moines et celle des invités occasionnels, si ce n’est le réfectoire des moines et celui de l’hôtellerie. Il me semble que cette séparation fait d’une pierre deux coups : elle évite de troubler les moines, de les contraindre de se soustraire à la règle librement choisie et c’est également un geste de courtoisie envers l’invité que l’on n’oblige pas à la même ascèse.Il y a un temps pour tout. Un temps pour l'accueil et un pour la prière. Dans les monastère le repas n'est pas un moment de détente et de convivialité. Il est une nécessité soumise à la règle. Les moines y sont en prière pendant les lectures, réalisant ainsi la parole des Actes 4, 32:"La multitude des croyants n’avait qu’un cœur et qu’une âme"
Sans doute l'autosuffisance de l'invité venu "instruire" les moines auraient troublé leur recueillement dans l'unité. De plus l'archimandrite n'avait certes pas à recevoir ce "Monseigneur" avec l'honneur rendu à un évêque, marquant par là qu'il aurait reconnu la dignité épiscopale à un hétérodoxe. Nos hiérarques devraient bien s'inspirer de cette anecdote et laisser leur courbettes diplomatiques à l'entrée de la salle du festin.
Il est parfaitement normal qu’un hétérodoxe ou un schismatique soit reçu comme un simple visiteur, quel que soit son rang dans sa propre juridiction. Mais, ne sondant pas les reins et les cœurs, j’ignore si cet hétérodoxe là était dans l’autosuffisance ou voulait « instruire » qui que ce soit. Giorgios ne dit rien de tel. Ne tombons pas dans les travers que nous reprochons à d’autres.
Mais ne généralisons pas en dehors des monastères. C’est à la table du vrai festin, à la communion eucharistique que le clivage orthodoxe/hétérodoxe est juste – pas dans les réunions de famille ou au bistro avec des amis d’autres confessions. Cela va sans doute sans dire, mais tellement mieux en le disant.
Le problème de l’œcuménisme actuel, ce n’est pas le dialogue, que je crois préférable à la persécution ou à la bagarre physique qui eurent lieu en d’autres temps, c’est le syncrétisme. Le problème, ce sont les « règles » édictées par des participants au « Parlement des religions » pour le « dialogue interreligieux ». Permettez-moi de les citer et de les commenter, car elles valent leur pesant de cacahuètes salées !
Je vous épargne les commentaires du site http://users.online.be/interfaith_guidelines sur lequel se trouve ce texte.DIRECTIVES DU DIALOGUE INTERRELIGIEUX
1) NOUS CROYONS qu'un véritable dialogue est uniquement possible, non pas tellement dans la tolérance, mais dans l'acceptation et dans le respect mutuel des autres dans leur caractère propre. A cette fin, la connaissance des autres dans leur culture, constitue une condition essentielle de cette acceptation. En reconnaissant et en acceptant la diversité aux niveaux sociaux, culturels et religieux, un échange de valeurs réciproques et une union dans la collaboration conduiront en définitive à l'unité de la race humaine.
2) NOUS CROYONS que nous sommes, en tant qu'êtres humains, activement impliqués, en même tant que la nature entière et que tout ce qui vit, dans un processus de croissance vers un monde plus parfait dans un environnement intellectuel et spirituel toujours plus élevé (Teilhard de Chardin). A partir de cette vue optimiste de la vie et dans le cadre de notre nouveau monde de la télécommunication globale sans frontières, la conscience du fait que tous les êtres humains appartiennent à la même fraternité à travers leur Origine commune et leur Destination commune, doit mener à une responsabilité universelle plus élevée par la mise en réelle pratique de ceci dans la vie de tous les jours.
3) NOUS CROYONS que les leaders des religions mondiales et autres traditions ont une tâche inspiratrice à remplir dans la réalisation d'un meilleur ordre mondial, dans la paix et la justice. Leurs églises, organisations et instituts représentent, au sein de leur tradition culturelle et philosophique, les institutions par excellence pour la présentation et la stimulation d'une morale universellement valable.
4) NOUS CROYONS que les principes de toutes les religions mondiales et des autres traditions de foi ont obtenu leur forme dans la culture á partir de laquelle elles sont nées, qu'elles se sont développées, toutes avec leur propre identité de valeur, á partir des acquis philosophiques et moraux de cette culture et qu'elles ont approché et présenté le mystère divin dans les termes et les cérémonies propres à la culture à laquelle elles appartiennent. En tant que pèlerins en route vers d'incessantes nouvelles découvertes, toujours en proie à des changements, aucun adhérent de quelque religion ou autre tradition de foi que ce soit, ne peut revendiquer la représentation exclusive de la Vérité, ni sa supériorité sur autrui.
5) NOUS CROYONS que, comme conséquence manifeste, il existe un besoin de convertir les activités pastorales et les objectifs des religions mondiales d'une "approche de conversion" en une "approche de témoignage". Les éléments de valeur essentiels de la propre foi doivent être présentés dans une langue que comprend le croyant local, de sorte que le dialogue entre les religions et autres traditions mondiales puisse mener á une meilleure connaissance et une meilleure compréhension réciproques, et à un échange de valeurs mutuelles, comme un enrichissement de la foi propre et de la foi des autres.
6) NOUS CROYONS que dans la recherche passionnée de la vérité et d'une approche plus globale de la spiritualité, la méditation doit être réévaluée et pratiquée de façon plus universelle pour être la voie par excellence menant á une conscience plus profonde de la présence divine. La méditation représente l'approche cruciale du Divin et elle dépasse les frontières de la culture religieuse, et elle est également partagée et acceptée universellement. La méditation en silence devrait être un élément de toute rencontre interreligieuse.
7) NOUS CROYONS qu'une conscience et un souci permanents des problèmes écologiques, sociaux, économiques et financiers croissants de notre monde doivent toujours être présents dans l'esprit des personnes engagées dans le dialogue interreligieux et interculturel. L'acceptation de ces directives peut devenir un tremplin capital menant á une union dans la collaboration entre les communautés de foi do notre monde, au-delà des différences de doctrine. Un tel dialogue dans la collaboration avec le monde politique constituerait la contribution la plus concrète á des solutions plus efficaces aux problèmes du monde, et en même temps un tremplin important ouvrant sur un nouvel ordre mondial de plus de paix et de justice pour tous.
Explication des Directives
Ces "Directives du Dialogue Interreligieux" seront probablement jugées par beaucoup comme étant un rêve. Or les rêves sont le moteur du progrès de la civilisation humaine et de la communauté humaine. Afin que les rêves puissent se réaliser, ils doivent être ancrés dans un système de valeurs qui suppose entre autres:
• que tous les hommes sont équivalents dans leurs droits et également dans leurs devoirs;
• que le bonheur humain réside dans l'amour et dans le retour à son Créateur dans cet amour;
• que le soutien de l'enseignement et des connaissances constitue le premier objectif de l'aide au développement;
• que la communication et la coopération prennent la place de la confrontation;
• que toute guerre et toute violence est une défaite pour chacun;
• que la limitation de l'armement, du trafic d'armes et de la possession d'armes est le plus court chemin vers la paix et vers une société sans violence;
• qu'une langue universelle commune, à côté de la langue nationale propre, est le moyen approprié pour une communication mondiale plus aisée.
• La véritable liberté humaine consiste à disposer de la capacité intérieure de faire ce qui est considéré communément comme étant le bien et d'éviter ce qui est communément considéré comme étant le mal.
• Le dialogue interculturel et interreligieux débouche sur une union mutuellement enrichissante et se traduira à plus long terme par une homogénéité plus universelle et finalement par une unité globale.
• que les matières premières de note planète sont la propriété de toute l'humanité et ne devraient pas être la propriété exclusive des nations qui se trouvent géographiquement au dessus de ou proche de ses matières premières. Une taxe sur ceux qui en profitent devrait être appliquée et utilisée pour le bien-être de toute l'humanité.
Se fondant sur ces valeurs, ces directives veulent offrir une base pour l'acceptation réciproque et une présentation des conditions essentielles pour arriver à la réalisation de collaboration entre les communautés de foi mondiales •le christianisme, l'islam, le bouddhisme, l'hindouisme, le Baha'i, et autres, les mouvements spirituels, humanistes et autres convictions -et entre les différentes cultures de notre planète. Les sept thèses se limitent à ce qui peut être considéré comme des conditions essentielles pour achever l'objectif poursuivi: 'paix sur terre pour tous les hommes de bonne volonté'. Les observations et les conseils de nombreux lecteurs ont résulté en différentes adaptations sur une période de 5 ans, alors que les conceptions originelles ont été maintenues.
Texte original 1994 Dernière révision: février 2003
Mais voici les miens et tout d’abord : c’est un Credo. Il y a donc bien une volonté d’instaurer une religion universelle (à plusieurs « branches » ?)
Pourtant, dans la première sentence de ce credo, le « religieux » vient en troisième place, derrière le social et le culturel. En d’autres termes, nous sommes dans une idéologie dérivée du marxisme où le religieux, sous-ensemble du culturel, est une « superstructure » dont la cause première est le social. Peut-être même le social tel que l’hypostasiait Durkheim (pas Graf, l’autre, Emile, le fondateur de la sociologie).
L’eschatologie du second article est on ne peut plus vague. De quelle Origine s’agit-il ? De quelle Destination ? On y parle de la nature, de Teilhard de Chardin et, sans le dire, de l’évolutionnisme sous sa forme la plus générale, « complexification croissante », « montée vers la conscience », etc., hypothèse ni vraie ni fausse sous cette forme non réfutable par l’expérience et ici élevée au statut de dogme. On remarquera que cette eschatologie purement montante ne laisse aucune place pour la chute.
Troisième article : le rôle des religions est uniquement moral. Il n’est pas dit clairement qu’elles doivent devenir a-dogmatiques, mais c’est sous-entendu et devient explicite dans le quatrième point puisque, je cite, « aucun adhérent de quelque religion ou autre tradition de foi que ce soit, ne peut revendiquer la représentation exclusive de la Vérité, ni sa supériorité sur autrui ».
Le cinquième point enfonce le clou, puisqu’il faut passer de l’approche de conversion à l’approche de témoignage. Mais de quoi a-t-on encore le droit de témoigner puisque la vérité est exclue ? Et pourquoi insister sur « la langue que comprend le croyant local » si c’est pour ne rien dire ?
La méditation, universellement acceptée ? Pas si sûr. Ou alors, cela devient un mot fourre-tout. Mes amis bouddhistes réellement pratiquants hurleraient. Quant à moi, je lui préfère la prière. Zut alors, je ne rentrerai pas dans leur paradis terrestre !
Enfin, les « vrais problèmes » sont écologiques, sociaux, économiques et financiers. Et Dieu dans tout ça ?
Les « explications » présentent cette bouillie comme un rêve ; j’y verrai plutôt un cauchemar, le cauchemar d’un monde d’où toute transcendance divine est exclue, où la faillibilité de l’homme n’est pas envisagée et qui n’offre donc ni pardon ni rédemption (je me répète, mais c’est trop grave), où le relativisme théologique devient le seul dogme et la morale la seule voie « spirituelle » avec une technique de « méditation » qui s’apparente plutôt à de l’auto-hypnose, où l’intelligence humaine est priée de se mettre en veilleuse au profit des bons sentiments, ce qui est tout autre chose que l’intelligence du cœur.
Quant au but recherché, il est explicite en conclusion :
Pour retentir d’un « esprit vraiment humain », cela retentit et même de « l’humain, trop humain » que redoutait tant le vieux Nietzsche (que je ne confonds pas avec un théologien).Dans les conditions actuelles, les communautés de foi du monde ne sont absolument pas prêtes pour une unification ou une fusion. L'union recherchée par le dialogue entre les fois, est uniquement possible dans la collaboration.
Si les organisations actives dans le dialogue interreligieux/interculturel et dans le dialogue pour la paix croient vraiment ce qu'elles croient, alors la façon la plus directe et la plus efficace de réaliser un forum mondial d'une seule voix pour toutes les communautés de foi, l'objet de l'Initiative des Religions Unies, et pour les principales organisations interreligieuses et pour la paix (p.ex. le Parlement des Religions du Monde, la Conférence Mondiale des Religions pour la Paix, le Congrès Mondial des Religions, l'Association Internationale pour la Religion et la Paix, et bien d'autres dans le Sud-est asiatique et dans d'autres pays), serait de dépasser leurs intérêts propres et de s'unir pour la création d'une Organisation des Religions Unies qui serait un partenaire valable de l'Organisation des Nations Unies. Seule une telle union dans la collaboration peut apporter des solutions efficaces aux problèmes de notre monde. Elle serait l'expression, qui retentirait à travers le monde entier, d'un esprit vraiment humain d'amour et de compassion mutuels, et aussi de l'esprit japonais et oriental de l'harmonie, oubliant le "moi" pour le bien-être commun.
J’ajouterai que, dans l’Ecriture Sainte, le mot « amour » n’est jamais employé sans complément, jamais suspendu à des pinces à linge sans fil. Il est question dans les commandements divins d’aimer Dieu, d’aimer son prochain comme soi-même, d’aimer ses frères ou d’aimer ses ennemis. C’est clair, net, précis, jamais de la guimauve. Si quelqu’un en doute, qu’il consulte une Concordance.
Jean Starynkevitch me rétorquera que les orthodoxes œcuménistes et les kto ne vont pas jusque là et gardent quelque dogmatique. C’est vrai mais, dans le COE, il y a aussi des églises protestantes à l’américaine tout à fait borderline et qui souscrivent (explicitement ou non) à cette bouillie. Même moi qui suis plutôt à la « gauche » du forum si Jean-Serge définit sa position comme la « droite », je ne peux pas envisager une seconde ce type d’œcuménisme. A vrai dire, le seul qui me semble correct, c’est celui qu’en leur temps avaient inauguré si ma mémoire est bonne Cyrille d’Alexandrie et Jean de Jérusalem : dans le dialogue, approfondir sans concession les points de désaccord théologique et chercher ensemble la formulation la plus vraie, inspirée par l’Esprit Saint, au lieu de commencer par s’insulter et se taper dessus. Et si je dis « la plus vraie », c’est dans la conscience qu’aucun mot humain n’est assez vaste ni assez précis pour enclore la pensée divine. Cela ne signifie pas « la langue de bois qui ne fâchera personne » mais qui pave l’enfer.