Sylvie , les conseillers qui vous ont dit "sans plus d'explication", "que c'était beau" vous ont dit une énorme imbécillité. Non vous nêtes pas une illuminée pour avoir fait ce rêve somme toute assez banal, même si vous en conservez une forte impression dont je suis sûr qu'une praxis orthodoxe vous libèrerait très vite.
Jean Serge vous a répondu ci-dessus :
« Il est d'usage dans l'orthodoxie d'ignorer les rêves et autres visions et j'en passe... car ce sont les portes ouvertes à l'illusion spirituelle... »
Cela peut sembler curieux à une époque où la psychanalyse règne en maître et se sert du rêve à des fins thérapeutiques, et où tout le monde s'essaye pauvrement à une analyse de ses propres rêves, mais Jean Serge vous a répondu avec justesse quoique d’une façon générique.
Briantchaninov écrit lui aussi génériquement d'ailleurs: « L'ange déchu essaie de tromper les moines et de les entraîner à leur perte en leur suggérant non seulement le péché sous toutes ses formes, mais encore des vertus très élevées mais qui ne correspondent pas à leur condition.
Ne vous fiez pas, frères, à vos pensées, à vos conceptions, à vos rêves, à vos impulsions, même s'ils vous paraissent les meilleurs qui soient, même s'ils vous présentent l'image attirante de la plus sainte des vies monastiques. Si le monastère dans lequel vous vivez vous donne la possibilité de mener une vie conforme aux commandements de l'Evangile, à moins d'être exposés à des tentations de péchés mortels, ne le quittez pas. Supportez-en avec patience les défauts tant spirituels que matériels.
Ne vous avisez pas de rechercher en vain une forme d'ascèse que Dieu n'a pas donnée à notre époque » (Jean serge je mets en italique aussi cette dernière phrase pour nos controverses calendaires)
Le texte ci dessous (et le court extrait ci dessus) est tiré du Livre Les miettes du festin (p245)que les éditions Présence ont sur-titré
"Introduction à la vie ascétique de l’Eglise d’Orient". Ignace Briantchaninov qui en est l’auteur était higoumène (supérieur) de monastère et un Père spirituel très réputé . Ses conseils qui s’adressent aux moines sont aussi très édifiants pour le simple laïc de la vie civile. Vous verrez que ce texte n’est pas exclusivement orthodoxe et s’appuie sur l’expérience mystique de St Jean Climaque, St Jean Cassien, Saint Macaire le Grand etc… c’est à dire nos grands Maîtres spirituels Chrétiens. Que vous soyez de confession catholique romaine ou orthodoxe ou protestante cela ne change donc rien quant à l’enseignement que vous pourrez en retenir, ces auteurs nous sont communs à tous.
Vous verrez que le problème des rêves qui hantaient nos moines étaient pris très au sérieux par leur Pères qui s’en méfiaient terriblement. Vous avez eu tort d’enlever votre récit car ce n’était pas vous qui étiez jugé mais un contenu. Ce n’est pas le don de clairvoyance, rassurez vous, qui nous a dicté nos réponses mais l’ habitude d’une littérature spirituelle très répandue dans l’orthodoxie.
Le contenu de votre rêve était intéressant de par ses éléments qui appartiennent à une fausse théologie occidentale et une fausse spiritualité. Il aurait servi d’ exemple type. En revanche il est vrai que votre rapport à son contenu et à sa source ne peut être traité sur le forum car ils nous engagerait dans des entretiens spirituels personnalisés que nous n’avons pas le droit de mener avec vous.
J'espère que ce texte pourra vous aider.
XLVI. De la signification des rêves
Les démons utilisent les rêves pour troubler l'âme des hommes et lui nuire ; de leur côté, les moines inexpérimentés se font eux-mêmes du tort en prêtant attention â leurs rêves. C'est pourquoi il est indispensable de préciser ici leur signification chez l'homme dont la nature n'a pas encore été renouvelée par le Saint-Esprit.
Dieu a conçu l'état de sommeil de telle sorte que l'homme tout entier s'y trouve dans un repos complet. Ce repos est si total que l'homme perd alors la conscience de sa propre existence et entre dans un état d'oubli. Durant le sommeil toute activité liée à un effort et accomplie consciemment sous le contrôle de la raison et de la volonté cesse ; seules subsistent les activités indispensables pour notre existence et qui ne sauraient être interrompues. Dans le corps, la circulation du sang continue, l'estomac digère la nourriture, les poumons assurent la respiration, la peau laisse passer la transpiration ; dans l'âme, les idées, les images et les sentiments continuent de se multiplier, toutefois non sous la dépendance de la raison et de la volonté mais sous l'influence de la zone inconsciente de notre nature. Le rêve est la convergence de ces images mêlées d'idées et de sentiments qui leur correspondent. Il est souvent étrange comme s'il n'appartenait pas à la sphère des imaginations et des réflexions volontaires et intentionnelles de l'homme, mais surgissait spontanément et obscurément en accord avec une loi et une exigence de notre nature. D'un rêve se dégage parfois une vague impression de réflexions et d'imaginations volontaires, alors que d'autres fois il est le résultat d'une disposition particulière de l'âme. Ainsi, en lui-même, un rêve ne peut et ne doit avoir aucune signification. Il est donc ridicule et tout à fait illogique de chercher, comme le font certains, à discerner dans les divagations de leurs rêves une prédiction de leur avenir ou de celui d'autres personnes, ou quelque autre signification. Comment pourrait exister ce qui n'a pas de cause ?
Les démons, qui ont accès à nos âmes quand nous sommes dans l'état de veille, l'ont aussi quand nous dormons. Alors également ils nous tentent en mêlant leurs propres images aux nôtres. De plus, quand ils remarquent que nous sommes attentifs aux rêves, ils s'efforcent de les rendre intéressants, d'éveiller en nous une curiosité redoublée pour eux et de nous amener ainsi peu à peu à nous fier à eux. Une telle confiance s'accompagne toujours de suffisance ; celle-ci déforme la vision que nous avons de nous-mêmes, et ainsi toute notre activité se trouve faussée : c'est exactement ce qu'il faut aux démons ! Quand cette présomption s'est bien installée, les démons commencent à nous apparaître sous forme d'anges de lumière, de martyrs et de saints moines, même sous celle de la Mère de Dieu et du Christ lui-même. Ils louent la manière dont nous vivons, nous promettent les couronnes célestes, et ainsi nous élèvent jusqu'au sommet de la présomption et de l'orgueil. Un tel sommet est en même temps un abîme de perdition.
Il nous faut savoir et bien comprendre que dans notre état encore non renouvelé par la grâce, nous ne sommes pas capables d'avoir d'autres rêves que ceux produits par les divagations de notre âme ou par les ruses des démons. De même que durant notre état de veille, des pensées et des images surgissent continuellement de notre nature déchue ou nous sont suggérées par les démons, ainsi, durant notre sommeil, nous ne voyons en rêve que ce qui est produit par notre nature déchue ou par les démons. Tout comme notre consolation durant l'état de veille consiste en l'humble attendrissement du cœur qui vient de la conscience de nos péchés, du souvenir de la mort et du Jugement de Dieu (seules de telles pensées procèdent en nous de la grâce divine infusée par le saint baptême, et elles nous sont apportées par les Anges de Dieu conformément à notre état de repentir), de même, durant le sommeil, il arrive parfois, très rarement, en cas d'extrême nécessité, que les Anges de Dieu nous représentent notre mort, ou les tourments de l'enfer, ou encore le terrible jugement qui aura lieu au moment de notre mort et dans l'au-delà. De tels rêves éveillent en nous la crainte de Dieu, l'humble attendrissement du cœur et nous font pleurer sur nous-mêmes. Mais ils ne sont que très rarement accordés aux ascètes, ou même aux pécheurs notoires et endurcis, par la prévenance particulière et mystérieuse de Dieu. Ils nous sont rarement accordés, non parce que la grâce divine serait avare à notre égard, mais parce que tout ce qui nous arrive en dehors de l'ordre commun nous pousse à la présomption et sape en nous l'humilité, si fondamentale pour notre salut. La volonté de Dieu, dont l'accomplissement conduit l'homme au salut, est exprimée dans la sainte Ecriture avec tant de clarté, de force et de précision qu'il est devenu tout à fait superflu et inutile de rompre l'ordre commun pour concourir au salut des hommes.
A celui qui demandait la résurrection d'un mort pour qu'il puisse aller chez ses frères et les exhorter à abandonner la voie large et à s'engager sur la voie étroite, il fut dit : Ils ont Moïse et les prophètes, qu'ils les écoutent. Mais quand celui qui demandait répliqua : Non [...] mais si quelqu'un vient à eux de chez les morts, ils se convertiront, il reçut comme réponse : S'ils n'écoutent pas Moise, ni les prophètes, même si quelqu'un ressuscite des morts ils ne seront pas convaincus (cf. Lc 16, 27-31).
L'expérience a montré que, bien souvent, ceux qui avaient bénéficié durant leur sommeil d'une vision des tourments du Jugement dernier et d'autres horreurs d'outre-tombe, furent secoués par la vision pour un certains temps, puis qu'ils se dissipèrent à nouveau, oublièrent ce qu'ils avaient vu et reprirent leur vie insouciante ; d'autres, par contre, qui n'avaient jamais eu aucune vision mais qui avaient soigneusement étudié la Loi de Dieu, sont progressivement parvenus à la crainte de Dieu, ont fait des progrès spirituels et, avec la joie que l'on éprouve lorsqu'on est « informé » de son salut, sont passés de cette vallée de larmes sur terre dans la bienheureuse éternité.
Sur le rôle joué par les démons dans les rêves des moines, saint Jean Climaque s'exprime comme suit : « Lorsque pour suivre le Seigneur nous abandonnons notre maison et nos proches, et adoptons, par amour de Dieu, la condition de pèlerins, les démons, pour se venger, essaient de nous troubler par des rêves, nous représentant nos proches occupés à se lamenter, ou sur le point de mourir, ou tenus en captivité ou subissant à cause de nous toutes sortes de malheurs. Celui qui ajoute foi à ses rêves est semblable à celui qui court après son ombre pour essayer de la saisir.
« Les démons de la vaine gloire se transforment dans les rêves en prophètes : devinant par leurs astuces l'avenir, ils nous l'annoncent afin que, lorsque la vision se réalise, nous soyons saisis d'étonnement et que, nous croyant déjà proches du don de prescience, nous tombions dans l'orgueil. Le démon est souvent un prophète pour ceux qui se fient à lui ; mais il est toujours un menteur pour ceux qui le méprisent. Etant un esprit, il voit ce qui se passe dans l'espace aérien, et, comprenant que quelqu'un meurt, il en informe durant le sommeil ces écervelés. Les démons ne savent rien de l'avenir par prescience autrement les sorciers pourraient, eux aussi, nous prédire notre mort.
« Les démons se transforment en anges de lumière, prennent souvent l'aspect de martyrs et, dans nos rêves, nous donnent l'impression que nous sommes en communication avec eux ; mais quand nous nous réveillons, ils nous plongent dans une joie et une exaltation malsaines. Que ce soit pour toi le signe de l'illusion (de la séduction démoniaque). Les saints Anges, par contre, montrent les tourments, le jugement, la mort, ce qui nous remplit de crainte et de lamentations quand nous nous réveillons.
« Si nous commençons à nous soumettre aux démons dans nos rêves, ils se mettront à nous berner également durant l'état de veille. Celui qui se fie aux rêves est complètement inexpérimenté ; mais celui qui n'ajoute foi à aucun rêve est vraiment un sage. Ne te fie qu'aux rêves qui t'annoncent les tourments et le jugement ; mais si, à cause de cela, le désespoir commence à te saisir, c'est que ces rêves proviennent, eux aussi, des démons » (1).
Saint Jean Cassien raconte au sujet d'un moine originaire de Mésopotamie, qu'il menait une vie très solitaire et des plus ascétiques, mais qu'il succomba à la séduction de rêves démoniaques. Voyant que ce moine n'accordait que peu d'attention à son développement spirituel mais qu'il fixait toute son attention sur son ascèse corporelle pour laquelle il avait une très haute estime — et, par conséquent, pour lui-même aussi — les démons commencèrent à lui présenter des rêves qui, par une ruse vraiment diabolique, se réalisaient ensuite dans les faits. Lorsque la confiance du moine en ses rêves et en lui-même fut bien affermie, le diable lui présenta dans un rêve magnifique les Juifs jouissant de la félicité céleste alors que les chrétiens étaient tourmentés dans les supplices de l'enfer. Alors le démon — bien entendu sous l'apparence d'un ange ou de quelque saint de l'Ancien Testament — donna à ce moine le conseil de se convertir au judaïsme afin de pouvoir, lui aussi, participer à la béatitude des Juifs ; ce que le moine fit sans la moindre hésitation (2).
Ce qui a été dit devrait suffire pour expliquer à nos frères bien-aimés, les moines contemporains, combien il est peu judicieux de prêter attention et, à plus forte raison, de se fier aux rêves, et quels terribles maux peuvent en résulter. A partir d'une simple attention portée aux rêves, à coup sûr une confiance en eux finira par s'infiltrer dans l'âme. C'est pourquoi il est strictement interdit d'analyser les rêves.
La nature renouvelée par le Saint-Esprit est régie par de tout autres lois que la nature déchue croupissant dans son état de chute. C'est le Saint-Esprit qui dirige l'homme renouvelé. « La grâce de l'Esprit divin les a illuminés, dit saint Macaire le Grand, et elle s'est établie dans les profondeurs de leur esprit : pour eux, le Seigneur est comme leur âme » (3). Aussi bien durant l'état de veille que durant le sommeil, ils demeurent dans le Seigneur, hors du péché, hors des pensées et des imager terrestres et charnelles. Leurs idées et leurs imaginations, qui durant le sommeil échappent au contrôle de la raison et de la volonté de l'homme, et qui chez les autres hommes sont inconsciemment élaborées par la nature, se forment en eux sous la mouvance de l'Esprit ; les rêves de tels hommes revêtent une signification spirituelle. Ainsi saint Joseph apprit pendant le sommeil le mystère de l'incarnation de Dieu le Verbe ; ce fut par un rêve qu'il reçut l'ordre de fuir en Egypte, et ensuite d'en revenir (cf. Matth. 1 et 2).
Les rêves envoyés par Dieu portent en eux-mêmes une irrésistible évidence de vérité. Cette certitude est saisie par les saints de Dieu, mais elle est inconcevable pour ceux qui se trouvent encore engagés dans la lutte contre les passions.
Notes:
(1) JEAN CLIMAQUE, Echelle, III, Appendice.
(2) JEAN CASSIEN, Conférences, II, De la discrétion.
(3) Homelies spirituelles. VII, 12.