ORTHODOXIE & BOUDDHISMES

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Claude le Liseur
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Re: Dialogue entre bouddhisme et chrétienté orthodoxe.

Message par Claude le Liseur »

Claude le Liseur a écrit :
theodore a écrit :Je ne sais pas s 'il existe un dialogue entre bouddhisme et chrétienté orthodoxe en particulier(comme c'est le cas pour des chrétiens catholiques ou anglicans qui vécurent en Inde ou en Chine), mais il a bien dû exister des échanges un peu quelque part en Iakoutie ou en Bouriatie entre les missionnaires russes et les guides de ces peuples plus ou moins de culture bouddhiste(mon voisin me souffle qu'il devaient plutôt être shamanistes que bouddhistes comme les peuples de Mongolie).
Les Bouriates et les Kalmouks sont de tradition bouddhiste, rattachés à l'école Gelougpa du bouddhisme tibétain, ce qui n'exclut bien sûr pas la persistance de traditions chamaniques.

Les Iakoutes et les Khakasses, en revanche, ne sont pas de tradition bouddhiste.

Le chamanisme est sans doute plus fort chez les Iakoutes (Sakhas) que parmi les autres peuples cités, mais beaucoup de Iakoutes sont de tradition orthodoxe depuis le XIXe siècle, ce qui n'exclut pas, bien sûr, les phénomènes de double appartenance.

Il y a (au moins) un très bon restaurant bouriate au centre de Moscou, avec, bien sûr, un portrait du Dalaï-Lama et des moulins à prière à l'entrée, ce qui ne laisse aucun doute sur le fait que ce peuple se revendique de culture bouddhique. Dans quelle mesure il pratique encore le bouddhisme, après l'éradication du bouddhisme en Union soviétique sous le régime communiste, c'est une autre question.

Pour l'anecdote, il y a aussi un pourcentage de Vieux-Croyants considéré comme significativement plus fort (en l'absence de statistiques officielles) en Bouriatie que dans le reste de la Russie
Je viens de recevoir l'ouvrage de Galina Druon publié aux éditions L'Harmattan: Parlons bouriate, avec des indications intéressantes sur la persistance du bouddhisme en Bouriatie et la présence de l'Orthodoxie officielle et des Vieux-Croyants. Encore merci aux éditions L'Harmattan qui poursuivent contre vents et marées l'édition de monographies sur les langues et les cultures des minorités de Russie, étant rappelé que le bouriate est une langue en danger (60% des Bouriates ne parlent plus que le russe).
Pour ceux qui voudraient sous-estimer l'impact de la lutte anti-religieuse à l'époque communiste, il faut savoir qu'avant l'arrivée au pouvoir de Gorbatchev, il n'y avait, dans toute la république soviétique de Bouriatie (1 million d'habitants) qu'une seule église orthodoxe et qu'un seul temple bouddhique encore en fonctionnement. Comment, dans ces conditions, gober les revendications des différents chefs religieux qui font comme si l'athéisme n'avait jamais existé en Russie, en Ukraine ou en Albanie?
Claude le Liseur
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Re: ORTHODOXIE & BOUDDHISMES

Message par Claude le Liseur »

Claude le Liseur a écrit :

Le professeur Teule indique qu'il y aurait encore aujourd'hui, dans l'ex-Union soviétique, des descendants des Assyriens unis à l'Église orthodoxe en 1898 et qui, sans renier cette union, auraient gardé une conscience de leur identité propre.
À la fin du 19e siècle, dans le contexte politique de l'expansion russe en Azerbaïdjan perse, l'Église orthodoxe russe réussit à convertir 10.000 à 15.000 Assyriens qui, en suivant l'exemple de leur évêque, Mar Yonan de Supurgan, abjurèrent «l'hérésie nestorienne» (1898). Installés en Union soviétique après le retrait des Russes en 1917, certains de ces "orthodoxes" assyriens assimilés ont gardé le souvenir de leurs origines et conservant jalousement des manuscrits ou des livres liturgiques provenant de leurs régions d'origine, le Hakkari ou l'Azerbaïdjan persan. (Herman Teule, Les Assyro-Chaldéens, Brepols, Turnhout 2008, p. 162).
(On admirera au passage le style du professeur Teule, qui écrit directement en français alors qu'il est de langue maternelle néerlandaise.)

Il ne faut pas confondre ces Assyriens orthodoxes qui ont réussi à garder une partie de leur conscience ethnique après leur exil en Russie avec d'autres Assyriens, qui n'avaient pas approuvé les réunions de 1898 ou 1914 ou les ont rejetées, mais qui ont aussi trouvé refuge à Moscou et à Saint-Pétersbourg où ils maintiennent jusqu'à ce jour une petite présence «nestorienne» . Petite, mais bien vivante, et, dans le contexte de déliquescence actuelle de l'Église d'Orient (assyrienne), qui ne se remet pas des massacres dont elle fut l'objet en 1914-1918 et en en 1933, cette communauté nestorienne de Russie, résultat d'incroyables vicissitudes historiques méconnues en Occident, est une des plus vivantes, avec sa propre cathédrale de style babylonien. Elle dépend de l'évêque assyrien de Douhok en Irak, Mar Isaac Joseph, qui a le titre d'évêque de «l'Iraq septentrional, de la Russie, de l'Arménie et de la Géorgie» - vaste diocèse ! (cf. Orthodoxia 2009-2010, Ostkirchliches Institut, Ratisbonne 2009, p. 36). Les quelques milliers d'Assyriens qui vivent en Arménie et en Géorgie sont les descendants d'émigrations bien antérieures à la première Guerre mondiale.

Sur YouTube, liturgie de Noël à la cathédrale nestorienne de Moscou (7 janvier 2008): http://www.youtube.com/watch?v=mUUzkFu8GDo

Site Internet (en russe) de la paroisse nestorienne de Moscou: http://assyrianchurch.ru/ avec des photographies de cette étonnante cathédrale.

Tout ceci pour rappeler qu'il n'y a pas que la France ou la Grande-Bretagne à qui de très oubliées aventures hors de leurs frontières aient valu d'abriter sur leur sol des communautés d'anciens alliés ou «protégés» venus parfois de très loin. Cette cathédrale nestorienne de Moscou est comme un écho lointain de telle pagode bouddhique vietnamienne de l'Allier, elle aussi construite par les descendants de gens qui avaient dû tout abandonner par fidélité envers ceux à qui ils avaient accordé leur confiance.

Le site de la paroisse nestorienne de Moscou est très clair quant au nom officiel de cette communauté: le seul nom utilisé est Церковь Востока (Église d'Orient) et c'est une fois de plus ici le lieu de rappeler que, malgré tous les abus de langage, c'est bien la seule et unique Église qui a droit au nom d'Église d'Orient.

Une des pages du site de la cathédrale assyrienne de Moscou (ici: http://assyrianchurch.ru/publ/4-1-0-19) contient à peu près les seules explications théologiques que j'ai jamais vues de la part des «nestoriens» actuels, d'habitude assez peu enclins à expliquer leur foi à l'extérieur. On notera sous le point 11 qu'ils dissipent une vieille calomnie, en rappelant que, s'ils ne connaissent pas la vénération des icônes, mais seulement celle de la croix, ils ne sont pas iconoclastes pour autant.

Un fait intéressant: au recensement russe de 2010, 4'466 personnes ont déclaré connaître la langue "assyrienne". Comme la question de la religion n'est pas posée dans les recensements russes, je ne sais comment ces personnes de tradition syro-orientale se ventilent entre orthodoxes, nestoriens et athées. Ce chiffre, bien que faible à l'échelle de la Russie, est loin d'être insignifiant à l'échelle de ce peuple en grand péril que sont les Assyriens, devenus à l'heure actuelle une des cibles privilégiées des fanatiques mahométans depuis que le gouvernement de Bachar al-Assad ne peut plus assurer la protection des minorités religieuses dans la Djezireh où les Assyriens sont relativement nombreux.
En effet, s'il est probable que l'on ne puisse assigner la totalité des 4'466 personnes qui se sont déclarées de langue assyrienne à l'Église d'Orient, puisqu'il y a forcément des orthodoxes et des athées parmi eux, il est aussi possible qu'un certain nombre d'Assyriens de Russie aient perdu leur langue, tout en restant rattachés au catholicossat de Séleucie-Ctésiphon en exil à Chicago. Après tout, nous constatons en Europe occidentale que beaucoup d'Arméniens ont conservé une identité arménienne (rattachement à l'Église apostolique arménienne, aux uniates arméniens ou aux Églises protestantes arméniennes) tout en n'ayant plus qu'un usage fort incertain de la langue arménienne.
Quoiqu'il en soit, ce chiffre du recensement russe de 2010, de même que l'existence d'une cathédrale assyrienne à Moscou, laisse supposer la survivance, sur le territoire de la Fédération de Russie, au moins à Moscou, à Saint-Pétersbourg et vraisemblablement en Ciscaucasie, d'une communauté assyrienne de plusieurs milliers d'âmes. On notera que le chiffre de 4'466 locuteurs de la langue assyrienne mentionné par le recensement russe de 2010 est fort proche de l'estimation donnée par Teule (op. cit., p. 169) de 5'000 Assyriens dans la Fédération de Russie, auxquels s'ajouteraient 2'000 Assyriens en Géorgie et 2'000 en Arménie. En tout cas, s'agissant d'une communauté aux effectifs réduits dès le départ, arrivée dans des conditions difficiles liées aux deux guerres mondiales et dispersée dans l'immense Union soviétique, on ne peut que constater une préservation remarquable de l'identité syriaque orientale.
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Claude le Liseur a écrit :


2. J'ai entre les mains un manuel de sanscrit de la collection Teach Yourself (Michael Coulson, revu par Richard Gombrich et James Benson, Teach Yourself Sanskrit, Hodder Education, Londres 2007). Cette collection ne vaut pas ce que nous avons comme équivalents en français chez Presses Pocket ou Assimil, mais, voilà, pour le sanscrit, je n'ai pas trouvé de manuel en français. Encore qu'il existe en allemand une méthode fort sympathique publiée par une avocate de Stuttgart, Me Jutta Marie Zimmerman, mais cette méthode n'a pas de lexique aussi complet que dans le manuel de Coulson (Jutta Marie Zimmerman: Sanskrit. Tome I: Devanāgarī. Die Schrift aus der Stadt der Götter, Raja Verlag, 2e édition, Stuttgart 2005, 90 pages. Tome II: Devavānī. Die Sprache aus der Stadt der Götter, Raja Verlag, 1re édition, Stuttgart 2006, 114 pages.) Raison pour laquelle je dois me reporter au manuel anglais. Je suis fort marri de ne rien trouver de satisfaisant dans notre langue.

Je dois signaler que, depuis 2013, il existe une excellente méthode d'auto-apprentissage du sanskrit pour francophones:

Nalini BALBIR
Le Sanskrit
Assimil, Chennevières-sur-Marne 2013

845 pages (soit 100 leçons, un appendice grammatical, un index grammatical, un tableau chronologique, un index des sources des textes sanskrits originaux, une carte de l'Inde, une bibliographie sommaire, un lexique sanskrit-français et un lexique français-sanskrit). La méthode existe aussi avec des CD d'enregistrement des leçons. Je tire mon chapeau à cet éditeur qui a fait un travail remarquable pour l'auto-apprentissage des langues anciennes (égyptien hiéroglyphique, grec ancien, latin et sanskrit) et qui n'a pas hésité à consacrer une partie de sa méthode d'occitan à des leçons d'occitan médiéval. Je suppose que l'étroitesse du marché francophone rend impossible la publication de méthodes de babylonien, de vieil-anglais ou de norrois comme on en trouve chez les éditeurs anglo-saxons - alors que les méthodes publiées en anglais (y compris Teach Yourself) sont moins soignées que les méthodes publiées par Assimil. Je rêve d'une méthode Assimil pour le vieux français, le vieil-anglais et le norrois (pour ne même pas parler du babylonien ou du sumérien), mais le marché francophone est trop restreint pour que ce rêve puisse devenir réalité.
Claude le Liseur
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Claude le Liseur a écrit : mar. 05 janv. 2010 21:13


Le professeur Teule indique qu'il y aurait encore aujourd'hui, dans l'ex-Union soviétique, des descendants des Assyriens unis à l'Église orthodoxe en 1898 et qui, sans renier cette union, auraient gardé une conscience de leur identité propre.
À la fin du 19e siècle, dans le contexte politique de l'expansion russe en Azerbaïdjan perse, l'Église orthodoxe russe réussit à convertir 10.000 à 15.000 Assyriens qui, en suivant l'exemple de leur évêque, Mar Yonan de Supurgan, abjurèrent «l'hérésie nestorienne» (1898). Installés en Union soviétique après le retrait des Russes en 1917, certains de ces "orthodoxes" assyriens assimilés ont gardé le souvenir de leurs origines et conservant jalousement des manuscrits ou des livres liturgiques provenant de leurs régions d'origine, le Hakkari ou l'Azerbaïdjan persan. (Herman Teule, Les Assyro-Chaldéens, Brepols, Turnhout 2008, p. 162).
(On admirera au passage le style du professeur Teule, qui écrit directement en français alors qu'il est de langue maternelle néerlandaise.)

Il ne faut pas confondre ces Assyriens orthodoxes qui ont réussi à garder une partie de leur conscience ethnique après leur exil en Russie avec d'autres Assyriens, qui n'avaient pas approuvé les réunions de 1898 ou 1914 ou les ont rejetées, mais qui ont aussi trouvé refuge à Moscou et à Saint-Pétersbourg où ils maintiennent jusqu'à ce jour une petite présence «nestorienne» . Petite, mais bien vivante, et, dans le contexte de déliquescence actuelle de l'Église d'Orient (assyrienne), qui ne se remet pas des massacres dont elle fut l'objet en 1914-1918 et en en 1933, cette communauté nestorienne de Russie, résultat d'incroyables vicissitudes historiques méconnues en Occident, est une des plus vivantes, avec sa propre cathédrale de style babylonien. Elle dépend de l'évêque assyrien de Douhok en Irak, Mar Isaac Joseph, qui a le titre d'évêque de «l'Iraq septentrional, de la Russie, de l'Arménie et de la Géorgie» - vaste diocèse ! (cf. Orthodoxia 2009-2010, Ostkirchliches Institut, Ratisbonne 2009, p. 36). Les quelques milliers d'Assyriens qui vivent en Arménie et en Géorgie sont les descendants d'émigrations bien antérieures à la première Guerre mondiale.

Sur YouTube, liturgie de Noël à la cathédrale nestorienne de Moscou (7 janvier 2008): http://www.youtube.com/watch?v=mUUzkFu8GDo

Site Internet (en russe) de la paroisse nestorienne de Moscou: http://assyrianchurch.ru/ avec des photographies de cette étonnante cathédrale.

Tout ceci pour rappeler qu'il n'y a pas que la France ou la Grande-Bretagne à qui de très oubliées aventures hors de leurs frontières aient valu d'abriter sur leur sol des communautés d'anciens alliés ou «protégés» venus parfois de très loin. Cette cathédrale nestorienne de Moscou est comme un écho lointain de telle pagode bouddhique vietnamienne de l'Allier, elle aussi construite par les descendants de gens qui avaient dû tout abandonner par fidélité envers ceux à qui ils avaient accordé leur confiance.

Le site de la paroisse nestorienne de Moscou est très clair quant au nom officiel de cette communauté: le seul nom utilisé est Церковь Востока (Église d'Orient) et c'est une fois de plus ici le lieu de rappeler que, malgré tous les abus de langage, c'est bien la seule et unique Église qui a droit au nom d'Église d'Orient.

Une des pages du site de la cathédrale assyrienne de Moscou (ici: http://assyrianchurch.ru/publ/4-1-0-19) contient à peu près les seules explications théologiques que j'ai jamais vues de la part des «nestoriens» actuels, d'habitude assez peu enclins à expliquer leur foi à l'extérieur. On notera sous le point 11 qu'ils dissipent une vieille calomnie, en rappelant que, s'ils ne connaissent pas la vénération des icônes, mais seulement celle de la croix, ils ne sont pas iconoclastes pour autant.
On peut trouver sur un site russe l'interview (filmée en russe, transcrite en anglais) d'un Assyrien de Russie, Monsieur Abdias Bijanov, qui a quitté l'Eglise d'Orient pour l'Eglise orthodoxe http://orthochristian.com/105730.html . Cette interview est fort intéressante, car elle aborde des sujets variés: la persistance du nestorianisme au sein de l'Eglise d'Orient, malgré la théologie assez incertaine de cette communauté; le cheminement du narrateur vers l'Orthodoxie; la difficile survivance de la langue ; le fait que des descendants des Assyriens orthodoxes de la mission d'Ourmiah aient survécu jusqu'à nos jours en Iraq; l'existence d'une paroisse orthodoxe assyrienne au sein du patriarcat de Géorgie, sous la conduite de l'archimandrite Séraphin (Bitbounov), qui doit vraisemblablement être la seule communauté de ce type au monde, la seule paroisse à s'inscrire à la suite de la mission d'Ourmiah.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Claude le Liseur a écrit : dim. 14 juin 2015 17:58
Un fait intéressant: au recensement russe de 2010, 4'466 personnes ont déclaré connaître la langue "assyrienne". Comme la question de la religion n'est pas posée dans les recensements russes, je ne sais comment ces personnes de tradition syro-orientale se ventilent entre orthodoxes, nestoriens et athées. Ce chiffre, bien que faible à l'échelle de la Russie, est loin d'être insignifiant à l'échelle de ce peuple en grand péril que sont les Assyriens, devenus à l'heure actuelle une des cibles privilégiées des fanatiques mahométans depuis que le gouvernement de Bachar al-Assad ne peut plus assurer la protection des minorités religieuses dans la Djezireh où les Assyriens sont relativement nombreux.
En effet, s'il est probable que l'on ne puisse assigner la totalité des 4'466 personnes qui se sont déclarées de langue assyrienne à l'Église d'Orient, puisqu'il y a forcément des orthodoxes et des athées parmi eux, il est aussi possible qu'un certain nombre d'Assyriens de Russie aient perdu leur langue, tout en restant rattachés au catholicossat de Séleucie-Ctésiphon en exil à Chicago. Après tout, nous constatons en Europe occidentale que beaucoup d'Arméniens ont conservé une identité arménienne (rattachement à l'Église apostolique arménienne, aux uniates arméniens ou aux Églises protestantes arméniennes) tout en n'ayant plus qu'un usage fort incertain de la langue arménienne.
Quoiqu'il en soit, ce chiffre du recensement russe de 2010, de même que l'existence d'une cathédrale assyrienne à Moscou, laisse supposer la survivance, sur le territoire de la Fédération de Russie, au moins à Moscou, à Saint-Pétersbourg et vraisemblablement en Ciscaucasie, d'une communauté assyrienne de plusieurs milliers d'âmes. On notera que le chiffre de 4'466 locuteurs de la langue assyrienne mentionné par le recensement russe de 2010 est fort proche de l'estimation donnée par Teule (op. cit., p. 169) de 5'000 Assyriens dans la Fédération de Russie, auxquels s'ajouteraient 2'000 Assyriens en Géorgie et 2'000 en Arménie. En tout cas, s'agissant d'une communauté aux effectifs réduits dès le départ, arrivée dans des conditions difficiles liées aux deux guerres mondiales et dispersée dans l'immense Union soviétique, on ne peut que constater une préservation remarquable de l'identité syriaque orientale.
J'ai trouvé le chiffre exact des personnes qui se sont déclarées de "nationalité" (au sens russe du terme: en français, on dirait plutôt "ethnie") assyrienne au recensement russe de 2010: http://www.gks.ru/free_doc/new_site/per ... gi1612.htm (tableau Excel intitulé НАЦИОНАЛЬНЫЙ СОСТАВ НАСЕЛЕНИЯ РОССИЙСКОЙ ФЕДЕРАЦИИ), soit 11'084 dont 8'437 en milieu urbain et 2'647 en milieu rural. Le nombre de 4'466 locuteurs de la langue est indiqué par le tableau Excel intitulé НАСЕЛЕНИЕ РОССИЙСКОЙ ФЕДЕРАЦИИ ПО ВЛАДЕНИЮ ЯЗЫКАМИ.
Le taux de rétention de la langue est donc de 40,29%, ce qui est exceptionnel pour une aussi petite minorité qui n'a plus reçu d'apport extérieur depuis 1945.
En tout cas, l'estimation du professeur Teule (5'000 Assyriens en Russie) n'est pas cohérente avec le résultat du recensement russe de 2010 qui trouvait plus de 11'000 Assyriens en Russie. Faut-il l'interpréter comme voulant dire 5'000 "nestoriens", le reste étant majoritairement ventilé entre athées, orthodoxes et protestants ?
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Claude le Liseur a écrit : jeu. 07 janv. 2010 2:58
En revanche, ce qui est confirmé par une autre source, c'est que cette petite communauté fut jugée suffisamment significative (peut-être dans le cadre d'une utilisation future dans la politique soviétique au Moyen-Orient?) pour faire l'objet d'une initiative «pédagogique» de la part du pouvoir soviétique:
En Union soviétique, les organismes dirigeants se sont donnés à tâche de généraliser l'instruction en permettant non seulement aux républiques associées et à tous les «territoires autonomes» qui en font partie, mais même aux petits groupes n'ayant pas de territoire administrativement propre, de donner l'instruction d'abord dans leurs langues maternelles. Pour atteindre cet objectif, l'alphabet latin, en principe sous la forme d'un des alphabets phonétiques en usage chez les savants, a été appliqué à des langues de diverses origines, non écrites ou écrites dans une écriture incommode. Un petit exemple significatif est celui des Aysor ou Assyriens, groupés surtout à Leningrad, qui écrivaient auparavant leur langage araméen dans l'écriture syriaque nestorienne.
Mais, postérieurement à ce mouvement de latinisation, en raison de la position éminente du russe dans l'Union des républiques socialistes soviétiques, de la possibilité nouvelle d'en introduire de bonne heure l'étude à l'école chez des populations désormais habituées à l'instruction, et en tenant compte d'autre part du fait que l'alphabet cyrillique, plus riche que l'alphabet latin, est aussi mieux adapté traditionnellement aux notations phonétiques, cette écriture cyrillique a été préférée. Elle a donc été généralement substituée à l'écriture latine, mais comporte également un usage systématique et rationnel. La cyrillisation a ainsi succédé à la latinisation.
(Marcel Cohen, «La grande invention de l'écriture et son évolution» , in Marcel Cohen et Jérôme Peignot, Histoire et art de l'écriture, Bouquins, Robert Laffont, Paris 2005, page 217; 1re édition du texte cité, Paris 1958.)
On notera que cette présentation extrêmement lénifiante - qui laisse supposer de solides convictions marxistes chez l'auteur - ne nous permet pas de savoir en quoi l'écriture syriaque nestorienne était «incommode» pour les Assyriens qui l'utilisaient, sous une variante ou une autre, depuis deux millénaires, pas plus qu'elle ne nous permet pas de comprendre si les Assyriens de Russie et du Caucase subirent les mêmes expériences «éducatives» du pouvoir soviétique que d'autres populations à qui on imposa successivement l'alphabet latin, puis l'alphabet cyrillique, en une quinzaine ou une vingtaine d'années...
Je trouve sur le site des éditions Geuthner une curiosité philologique qui semble être issue de ces écoles que le régime soviétique avait créées pour permettre aux "Aysor" de conserver leur langue (source : https://geuthner.com/livre/grammaire-n% ... adultes/75 ):

Q.I. MAROGULOV
Traduit par O. KAPELIUK
Grammaire néo-syriaque pour écoles d'adultes
(Dialecte d'Urmia)

Geuthner, Paris 1976

Le site de l'éditeur ne donne aucune information, mais...
L'auteur a un nom russe ou russifié, et avec la séquence prénom / nom patronymique / nom de famille typique de l'Empire russe et de l'Union soviétique.
Le traducteur a un nom ukrainien ou biélorusse.
La grammaire est basé sur le dialecte d'Urmia, or ce sont les nestoriens de cette région qui se sont unis à l'Orthodoxie en 1898 et ont dû émigrer en Russie vers 1914-1915.
On parle d'une grammaire pour des écoles d'adultes. Dans quel autre pays au monde que l'Union soviétique pouvait-il exister en 1976 des cours du soir de soureth - puisqu'il s'agit bien de ce dialecte araméen-là ?

Pour une fois que je dois dire du bien du régime communiste...
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