Stephanopoulos a écrit :C'est bien la première fois que j'entend dire que "1054 est une construction artificielle d'historiens". De plus il n'y a pas de nom, ni de date et aucune autre preuve qui pourraient appuyer de tel propos!
En effet, ont-ils rêvé les témoins (le clergé et le peuple) qui ont vu les légats du pape déposer leur bulle sur l'autel de Sainte-Sophie le 16 juillet 1054?
Est-ce une invention, le fait que le Patriarche Cérulaire a renouvellé le manifeste de saint Photios de 867 lors d'un synode, la même année, à la suite de quoi il lance l'excommunication contre les latins?
De plus, en quoi est-ce-que les mots "contact" et "dialogue" sont-ils équivalent au mot "communion"?
N' y a-t-il pas rupture dès le moment où un patriarche ou un pape adopte une hérésie, même s'il n'y a pas un patriarche pour le déclarer par écrit?
Dans le cas qui nous intéresse, notre compréhension est faussée par l'oubli que la séparation d'avec l'Orthodoxie a été avant tout une guerre civile à l'intérieur de la théologie latine. Il se passe 220 ans entre la proclamation du Filioque par Charlemagne et l'adoption définitive de celui-ci à Rome.
Et nous devons garder à l'esprit que l'Europe occidentale ne se présentait pas du tout sous la forme du "patriarcat d'Occident" imaginé par les oecuménistes orthodoxes. Une fois Rome tombée en 1014, encore fallait-il qu'elle mette au pas les Eglises locales d'Occident. Le processus s'est étalé jusqu'à la fin du XIIe siècle, avec la croisade anglaise contre l'Irlande promue par la bulle papale Laudibiliter.
Les exemples sont nombreux. Ainsi, dans sa lutte contre les prétentions de Nicolas Ier, saint Photius avait reçu le soutien des archevêques de Trèves, Cologne et Ravenne, qui se firent représenter au concile réuni contre le premier pape papiste en 867. Le Filioque n'a été inséré dans le Credo à Paris que plusieurs décennies après Rome. Encore à l'extrême fin du Xe siècle, saint Gérard, évêque de Toul en Lorraine, réunissait autour de lui un choeur de moines grecs, ce qui montrait de manière éloquente où allaient ses préférences.
Le grand artisan de l'éradication totale de l'Orthodoxie en Europe occidentale fut Grégoire VII. A l'époque où il n'était encore que l'archidiacre Hildebrand, il s'était allié avec les hérétiques patarins de Milan pour venir à bout de l'Eglise locale de Milan. Par la suite, il s'acharna particulièrement contre le rite mozarabe espagnol.
Pour le cas de l'Eglise de Hongrie, fondée au départ comme un archevêché autocéphale de rit latin, elle est restée orthodoxe au moins jusque dans les dernières années du XIe siècle. On peut donc constater que la rupture avec l'Eglise orthodoxe est un processus variable selon les lieux, mais entièrement consommé à la fin du XIIe siècle.
1054 est surtout le constat de l'impossibilité d'un retour à l'union, après quarante ans de patience et d'exhortations de la part des orthodoxes. Il faut aussi se rappeler qu'en cette circonstance, les filioquistes se sont en fin de compte anathématisés eux-mêmes.