L'enfer non-définitif

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Louis
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L'enfer non-définitif

Message par Louis »

Chers amis

Quelle différence y a-t-il entre l'enfer non-définitif après notre mort physique et l'enfer après le jugement dernier?

Cet enfer non-définitif ressemble au purgatoire des catholiques.

Qu'en pensez-vous?
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

L’Église catholique raconte que les âmes des défunts qui sont morts alors qu’ils portaient encore le poids de péchés “véniels” doivent subir de la part des démons des châtiments analogues à ceux du feu de l’Enfer définitif, mais pour un temps limité, proportionné à la gravité de leurs fautes. Le poids des péchés "véniels" peut être diminué par "l’absolution" donnée par un prêtre ainsi qu’en achetant une "indulgence" au Pape. (La création du système des Indulgences par le Vatican fut la cause d’un grand trouble des consciences et en particulier la création des Églises de la Réforme).

Il me semble que c’est de cet “enseignement” catholique que vous voulez parler sous le nom “d’Enfer non-définitif”. Ce n’est pas l’enseignement de l’Église orthodoxe.

L’Église orthodoxe (c’est-à-dire l’Église des origines) s’appuie sur la parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare, qui se trouve au chapitre 16 de l’Évangile selon saint Luc. Je ne peux que vous encourager à la relire. Elle nous montre que le mauvais riche, après sa mort, se trouve “dans les tortures, dans l’Hadès”, cependant que les Anges avaient emmené le pauvre Lazare “dans le sein d’Abraham”. Les Pères de l’Église nous disent que l’Hadès où se trouve le mauvais riche est l’Enfer, et que “le sein d’Abraham” est le Paradis des justes, et que Abraham est une manière respectueuse de marler de Dieu. Et le mauvais riche, parlant (de loin) à “Abraham” constate “qu’entre vous et nous s’étend un grand abîme”, infranchissable.

Le mauvais riche se trouve en Enfer dès sa mort physique. Le jugement dernier n’est pas encore survenu. Mais l’Église sait qu’après la mort individuelle l’âme devra passer par diverses épreives qui correspondent aux passions dont elles n’a pas su se débarrasser durant le cours de sa vie charnelle. Les démons lui demanderont des comptes de toute cette part obscure qu’elle s’est obstinée à ne pas purifier. Mais l’Église sait aussi que sur son parcours l’âme vecevra l’aide des prières de l’Église et de tous les saints, de la Mère de Dieu elle-même et enfin du Seigneur ressuscité qui viendra l”accueillir.

Je vous signale que nous en avons parlé à plusieurs reprises sur ce Forum, en particulier dans la rubrique consacrée aux “péages”. Vous pouvez retrouver quelques messages sur les questions qui vous préoccupent en utilisant la fonction “rechercher” du Forum.

Le mot “péage” fait allusion à une image couramment employée dans l’Église : sur son parcours vers le Paradis, l’âme devra passer par un certain nombre de postes de péages où les démons lui réclameront ce qu’ils croient être leur dû. Ce n’est qu’une image parmi d’autres, mais il y a bien des épreuves qui attendent l’âme après la mort.
Jean-Louis Palierne
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Louis
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Message par Louis »

Merci Jean-Louis pour votre réponse.

J'ai fait une recherche avec le mot "péage" mais je n'ai rien trouvé qui réponde à ma question : est-ce que l'enfer avant le jugement dernier (juste après notre mort) est de même nature que celui d'après ce même jugement?
J'ai beaucoup de mal a accepter qu'un Dieu d'amour puisse abandonner ses créatures ETERNELLEMENT en enfer.
J'aimerai vraiment savoir ce qu'en dit la théologie orthodoxe. (en évitant de comparer avec la théologie catholique ou d'autres si possible)
+Louis
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Louis a écrit :J'ai beaucoup de mal a accepter qu'un Dieu d'amour puisse abandonner ses créatures ETERNELLEMENT en enfer.
J'aimerai vraiment savoir ce qu'en dit la théologie orthodoxe. (en évitant de comparer avec la théologie catholique ou d'autres si possible)
Oui, mais il faut quand même faire des comparaisons avec la théologie catholique romaine (ou son succédané protestant sur ce point), car elle conditionne à tel point les esprits (y compris chez certains orthodoxes scolastiques) que votre question elle-même et la manière dont vous la formulez ne peut se comprendre que dans le contexte du Dieu furieux et offensé, de la théorie de la satisfaction, bref de toute une théologie qui a fortement imprégné la psyché en Europe occidentale et qui est complètement étrangère à la tradition orthodoxe. La théologie est la vie et tout est lié.

Ce n'est pas Dieu qui abandonne ses créatures. Ce sont ses créatures qui font usage de leur liberté pour se damner. Car Dieu aime autant les élus que les damnés. Mais cet amour de Dieu est miel délicieux pour les élus, et fleuve de feu pour les damnés, car les damnés se sont conditionnés, par leur vie, à le recevoir ainsi.

N'ayant pas le temps aujourd'hui de saisir les passages topiques, je ne peux que vous inviter à vous procurer la traduction française de la conférence que le docteur Alexandre Kalomiros, chirurgien et théologien laïc à Thessalonique (Grèce), avait prononcé (en 1966 je crois) à l'église russe de Seattle dans l'Etat de Washington: Le fleuve de feu. Cette traduction française a été publiée dans le n° 39-40 de la revue La Lumière du Thabor, aux Editions L'Âge d'Homme à Lausanne (Suisse) en 1993. Ce numéro doit être encore facilement disponible.

Je n'ai pas ma bibliothèque sous la main et ai un programme chargé jusqu'à au moins vendredi, mais je vais essayer de reproduire des passages de la conférence précitée et d'autres textes qui donnent la réponse de l'Eglise à cette angoissante question.

Et je comprends d'autant plus que l'on puisse se poser cette question qu'elle a précisément été la cause première de ma conversion à l'Orthodoxie quand j'avais dix-neuf ans.
Louis
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Message par Louis »

Et je comprends d'autant plus que l'on puisse se poser cette question qu'elle a précisément été la cause première de ma conversion à l'Orthodoxie quand j'avais dix-neuf ans.
Je suis ravi d'être tombé pile!
Dans ce cas, vous avez du approfondir ce sujet et le méditer longuement. Je suis impatient de lire la suite de votre explication...
+Louis
Antoine
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Message par Antoine »

Louis a écrit :est-ce que l'enfer avant le jugement dernier (juste après notre mort) est de même nature que celui d'après ce même jugement?
J'ai beaucoup de mal a accepter qu'un Dieu d'amour puisse abandonner ses créatures ETERNELLEMENT en enfer.
A la rubrique "pêché contre le Saint Esprit et euthanasie" vous trouvez:
L’enfer est l’état de ceux qui refusent l’amour de Dieu. Cet amour les brûle douloureusement alors qu’il vivifie ceux qui l’acceptent ; et cette souffrance qu’ils s’infligent à eux mêmes par ce refus les empêche d’accepter cet amour et les maintient dans une révolte contre Dieu. Dieu ne met personne en enfer, c'est l'homme qui s'y met tout seul.

Accepter le pardon de Dieu n’est pas chose facile. Il faut toute la vie pour s’y préparer en pratiquant la métanoïa et le pardon du prochain « 7 fois 77 fois. »

Dans la parabole du Fils prodigue c’est le frère aîné qui se place en enfer : « il se mit en colère et il refusait d’entrer » nous dit Luc 15, 28.
Il n’accepte pas la miséricorde divine en soi et refuse de participer au festin. A travers le refus du pardon de son Père à son frère c’est le pardon en soi qu’il rejette.
Il n’y a pas d’abandon de la part de Dieu mais il y a un respect de la liberté humaine.
A fortiori il n’y a pas d’abandon éternel puisque pas d’abandon du tout.
De plus dans votre formulation, je ne saurais discerner ce qu’est le provisoire et le définitif en Dieu. Cette distinction n'est elle pas un possible impossible ? A trop vouloir percer les mystères qui ne nous sont pas révélés n’y a-t-il pas un risque à enfermer conceptuellement ce qui est au-delà de tout concept ?
Votre question devient alors :
Comment concilier refus de Dieu et liberté s’il n’y a de liberté que dans l’acceptation de Dieu ?
A cela nous pouvons simplement répondre : L’Esprit Saint ne nous montre t-il pas au sein même de notre liberté constitutive de notre être, ce qu’est cette liberté même ? Et dans cette confrontation de nous même avec nous même , comment imaginer que nous ne finirions pas par nous conformer à nous même tel que l’Esprit nous révèle à nous même ? Le Christ n’a t-il pas réalisé cette conformité pour nous dans l’union des deux natures ? Ainsi comment pourrions nous imaginer de vivre éternellement en contradiction avec nous même , dans ce refus de notre liberté au nom de cette même liberté? Cela supposerait que notre consentement au mal (qui n’est qu’éloignement de Dieu) est plus puissant que la volonté libre dont Dieu nous a pourvue. Or le consentement au mal est justement privation de liberté. Comment pourrait-on affirmer que la libre volonté dont Dieu nous a pourvus est en elle même privation de liberté ?

L’enfer est une question qui ne peut se résoudre que par l’espérance du salut pour tous. Le présupposé de l’enfer est notre façon d’envisager qu’il puisse y avoir des damnés autres que nous mêmes. L’enfer est notre résistance à l’amour. Or l’espérance de la réconciliation de tous en Christ est un universel qui s’impose à tous les chrétiens. L' enfer est cette réalité que l'espérance refuse tout comme l'espérance est la réalité du refus de l'enfer.
Stephanopoulos
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Message par Stephanopoulos »

Bonjour à tous,

Le mot “sauvé” dans l'Epître aux Corinthiens, sur lequel s'appuyent les théologiens du pape, a été mal interprété. De cette erreur est née, au XIIIème siècle, la théorie du purgatoire (le feu purificateur) qui, bien entendu s’oppose à l’enseignement des Pères de L’Eglise.
Voici donc un extrait de l’ouvrage de Mgr. Hiérothéos Vlachos, Métropolite de Naupacte et de Saint Blaise, qui explique le texte de saint Paul (1 Corinthiens 3 : 10-15) :

"Dans le dessein de soutenir l’existence du feu purificateur, les latins utilisent divers passages des Ecritures saintes. C’est justement pour cette raison que saint Marc Evgénikos dans ses discours -textes de controverses qui furent prononcés dans les discussions du concile de Ferrare-Florence -, prend la peine de fournir un commentaire orthodoxe de ses passages de la sainte Ecriture afin de démontrer que les latins commettent en réalité une erreur d’interprétation qu’ils tentent d’utiliser à l’appui de leurs innovations dogmatiques.

Le principal des passages qu’envisagent ces discours est celui qui est tiré de la 1ère Epître aux corinthiens. C’est le passage où il est dit que l’oeuvre de chaque homme sera soumise à l’épreuve du feu. Voici exactement ce qu’écrit l’apôtre Paul dans ce texte :
“Que chacun veille à la manière dont il édifie. Personne ne peut en effet poser d’autre fondement que Celui qui a été posé, qui est Jésus-Christ. Si sur ce fondement quelqu’un édifie de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, du bois, du foin, de la paille, l’oeuvre de chacun deviendra évidente. Le jour en effet la manifestera, car ce sera révélé dans le feu. Et l’oeuvre de chacun, ce qu’elle est, le feu l’éprouvera. Si loeuvre de l’un reste ce qu’il a édifié, il recevra son salaire. Si l’oeuvre d’un autre est consumée, il sera mis à l’amende, mais il sera sauvé, comme à travers le feu.”

Selon les paroles de saint Marc, alors que ce passage semble bien introduire l’idée d’un feu purificateur, “plus que tout autre, c’est ce passage qui le réfute”. Les raisons qui le démontrent sont les suivantes : 1) L’apôtre Paul dit qu’il s’agit d’une “épreuve” par le feu, et non d’une “purification” par le feu.
2) Toutes les oeuvres, et même les oeuvres les meilleures et les plus honorables, devront subir cette épreuve par le feu, ce qui implique qu’elles n’ont pas toutes besoin du feu.
3) L’Apôtre dit que seules les oeuvres des méchants seront brûlées et qu’eux seront mis à l’amende; alors que selon l’explication qu’en donne les latins, ceux qui auront été purifiés en tireraient profit.
4) Tout ce qui est dit là par l’Apôtre concerne le jour du Jugement et du siècle à venir, et il ne s’agit nullement d’un prétendu feu purificateur qui viendrait s’intercaler entre le Paradis et l’Enfer. Cela n’est d’ailleurs dit nulle part dans les saintes Ecritures. Bien plus, le Christ est tout-à-fait catégorique lorsqu’il dit qu’ils “s’ en iront, ceux-ci vers l’Enfer éternel, mais les justes vers la Vie éternelle (Matthieu 25 : 46).

Il s’agit donc essentiellement d’une grâce incréée de Dieu, agissant aussi bien pour illuminer les justes que pour consumer les pécheurs. Les passages de la sainte Ecriture que cite saint Marc sont bien d’accord sur ce point. C’est ainsi que David, roi des prophètes, peut dire : “Devant Lui un feu dévorera autour, de Lui une tempête déchaînée (Psaume 49 : 3). Et aussi : “Le feu s’avancera devant Lui, consumant alentour ses ennemis (Psaume 96 : 3). Et le prophète Daniel d’écrire : “ Un fleuve de feu s’étendait devant Lui (Daniel 7 : 10).

Il faut accorder une importance particulière à la phrase suivante de l’Apôtre : “Si l’oeuvre d’un autre est consumée, il sera mis à l’amende, mais il sera sauvé, comme à travers le feu.” Pour commenter ce verset, saint Marc dit que cette oeuvre que le feu consumera et qui devra complètement disparaître est la mauvaise disposition, ou énergie ; le verbe “sera mis à l’amende” fait allusion aux lourdes sanctions qui pèseront sur les pécheurs, cependant que le verbe “sera sauvé” indique seulement qu’il seront conservés (préservés). On notera particulièrement ces mots de saint Marc : “Il les sauvera cependant, c’est-à-dire qu’il les retiendra et les emprisonnera à perpétuité, mais sans les anéantir pour leur méchanceté”.

Cette interprétation de saint Marc Evgénikos n’est pas une trouvaille de son cru, elle représente bien l’enseignement des saint Pères de notre Eglise. Ce que saint Marc rapporte ici, c’est ce qu’on pouvait déjà trouver dans les commentaires de saint Jean Chrysostome ou bien dans l’enseignement de saint Basile sur le feu du siècle à venir.

Saint Jean Chrysostome, qui est la bouche de Paul, tout comme l’Apôtre Paul est la bouche du Christ, écrit ceci : “les mots “il sera sauvé” signifient “le pécheur comme par le feu”, c’est-à-dire qu’il sera châtié par le feu, sans être pour autant anéanti avec ses oeuvres et ses dispositions mauvaises”. Nous retrouvons donc ici l’enseignement orthodoxe qui dit bien que l’homme est une personne, qu’il ne peut jamais être conduis au néant, à l’inexistence, et qu’en ressucitant, le Christ a fait don de la résurrection à tous les hommes, tant justes qu’injustes, c’est-à-dire qu’il leur a fait don de cette résurection qui aura lieu lors du second avènement, car il y aura alors une “restauration de la nature”, mais non de la liberté, et c’est alors que les justes pourront jouir du “toujours être dans le bien (aei eu einai)”, mais ce que les pécheurs recevront, ce sera “d’être toujours dans le hélas! (aei feu einai)”.

Pour commenter le verset du Psaume : “La voix du Seigneur partageant la flamme de feu”, saint Basile le Grand dit que, puisque le feu a deux facultés, une faculté illuminatrice et une faculté caustique, la voix du Seigneur répartira ce feu “en sorte que le feu de l’enfer est sans lumière, et que le feu du repos reste un feu qui ne brûle pas”.

Commentant ce passage de saint Basile, saint Marc dit que les oeuvres de lumière des justes paraîtront plus brillantes encore, et que les justes deviendront les héritiers de la Lumière. Mais les pécheurs pâtiront du rejet de leurs oeuvres, cependant “qu’ils seront sauvés d’un salut qui sera pire encore qu’une perdition, car ils demeureront conservés dans le feu (c’est avant tout cela le sens de ces mots “être sauvés”), afin qu’il ne puissent plus même espérer trouver leur salut dans la force destructrive du feu pour être anéantis du même coup”. (Hiérothéos Vlachos, La vie après la mort, l’Age d’Homme 2002; pp. 149-151)
Stephanopoulos
Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Qu’est-ce que veulent dire des mots comme provisoire ou définitif quand on parle de l’âme séparée du corps ou recevant le corps de résurrection ? Votre question, Louis, sous-entend une temporalité sur l’autre versant qui serait au moins analogue à celle à laquelle nous sommes soumis en cette vie. Or le temps n’est pas une notion simpliste. Et l’éternité sans doute pas un temps indéfiniment prolongé.
L’enfer provisoire ? Mais d’un certain point de vue, nous y sommes ici et maintenant : prisonniers de nos passions, de nos doutes, de nos affects, de nos souffrances, taraudés par la conscience même floue d’être mortels et de ne maintenir la vie de notre corps qu’au détriment d’autres vies. Et puis la mort, cet événement abrupt. Déjà la mort de l’autre, quand on l’accompagne, opère un tri drastique dans nos propres vies entre l’essentiel et l’accessoire. Jean Louis cite la parabole de Lazare et du mauvais riche, lequel constate un abîme infranchissable entre eux. Cet abîme est déjà creusé par la mort entre celui qui part et ceux qui restent encore un temps. Si je te dis « je t’aime », peux-tu encore le recevoir et l’entendre ? Et que signifie t’aimer, toi que je porte dans ma mémoire et mon cœur mais avec qui je ne peux plus cheminer au quotidien ? Il y a un abîme, de fait, d’expérience, un abîme qui ne peut se franchir que par la foi et l’espérance. Un abîme devant lequel presque tout, en tout cas tout ce qui touche à cette terre, devient à la fois dérisoire et précieux. Un abîme plus abrupt et profond que les grandes fosses océaniques et tout aussi amer.
Lorsque l’homme, dans sa liberté mal vécue, se détourne de Dieu et s’enferme dans sa propre solitude et son orgueil, il ne peut plus franchir cet abîme puisqu’il se coupe de la source de toute foi et de toute espérance. Mais cela veut dire aussi qu’il se coupe non seulement de la Sainte Trinité mais aussi des autres hommes, de toute relation personnelle, de toute communion.
Je suis en accord total avec ce qu’a écrit Antoine.
Quant aux « péages », je ne sais pas. Ce n’est de toute manière qu’une métaphore pour parler de réalités pour lesquelles nous n’avons pas vraiment de mots et que nous ne percevons qu’au travers de la nuit. J’y vois en tout cas une espérance, celle que l’amour de Dieu est tel que, même hors du temps, les situations intérieures ne sont pas totalement figées.
La tension juste : ne pas se résigner à la damnation de quiconque – mais ne pas oblitérer la liberté du refus sans laquelle le oui n’a pas de sens. Ni exclure le pardon, ni faire du salut plénier une conclusion mécanique de l’histoire de chaque être. Pauvre Evagre, incapable de scruter les conséquences de la liberté de refuser Dieu et qui la confond avec la gravitation ! Pauvre Justinien, qui voit dans le pardon offert à tous un « encouragement au vice » ! Face et pile du même sou, négation de la liberté spirituelle, incompréhension de ce dont il s’agit d’abord et avant tout : de l’immense amour kénotique de Dieu et de l’amour difficile à l’homme en retour, tant et si bien qu’il tourne parfois en haine comme du lait qui se met à cailler.
"Viens, Lumière sans crépuscule, viens, Esprit Saint qui veut sauver tous..."
Claude le Liseur
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le fleuve de feu (I)

Message par Claude le Liseur »

Voici, comme promis à Louis, le début de la conférence prononcée en juin 1980 à Seattle par le Dr Alexandre Kalomiros (1931-1990).

Traduction française par Hélène Pignot, in La Lumière du Thabor nos 39-40, L'Âge d'Homme, Lausanne 1994, pp. 80-113.



Alexandre KALOMIROS

LE FLEUVE DE FEU

Réponse à deux questions :

Dieu est-il vraiment bon ? Dieu a-t-il créé l’enfer ?

Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit.

Révérends pères, chers frères et sœurs.

Nous vivons assurément l’âge de l’apostasie annoncé pour les derniers temps. En pratique, la plupart des gens sont athées, même si certains conservent une foi théorique. L’indifférence et l’esprit de ce monde prévalent partout.
Quelle en est la cause ?

C’est le refroidissement de l’amour. Les cœurs des hommes ne brûlent plus d’amour pour Dieu et, en conséquence, l’amour du prochain se meurt lui aussi.

Quelle est la raison de cet affaiblissement de l’amour des hommes pour Dieu ? C’est certainement le péché, cette sombre nuée qui voile la lumière divine et la voile à nos regards.

Cependant le péché a toujours existé. Comment en sommes-nous donc arrivés au point de ne plus simplement ignorer Dieu, mais de le prendre en haine ? Car l’attitude de l’homme contemporain à l’égard de Dieu n’est pas vraiment une attitude d’ignorance ou d’indifférence ; à y regarder de près, on l’aperçoit teintée d’une haine profonde. Or personne ne hait ce qui n’existe point.

Je soupçonne que les hommes croient davantage en Dieu aujourd’hui qu’à toute autre époque. Ils ont l’Evangile, l’enseignement de l’Eglise et ils connaissent la création mieux qu’auparavant. Ils sont profondément conscients de l’existence de Dieu. Leur athéisme n’est pas une véritable incroyance, mais une aversion pour quelqu’un qu’ils connaissent fort bien, mais qu’ils haïssent de tout leur cœur, comme le font les démons.

Nous haïssons Dieu. Cette haine nous porte à l’oublier, à faire semblant d’ignorer sa présence, à nous poser en athées. En fait, nous voyons en Lui notre ennemi par excellence. Notre négation est une vengeance, notre athéisme une revanche.

Pourquoi les hommes détestent-ils Dieu ? Ce n’est pas simplement que leurs actions sont ténébreuses alors que Dieu est lumière, mais aussi parce qu’ils Le considèrent comme une menace, comme un danger imminent et éternel, un adversaire en justice, un accusateur public et un persécuteur éternel. A leurs yeux, Dieu n’est plus le médecin tout-puissant venu les sauver de la maladie et de la mort, mais plutôt un juge inexorable et un inquisiteur sans merci.

Le diable a réussi à nous faire croire que Dieu ne nous aime pas vraiment mais qu’Il n’aime, en réalité, que Lui-même ; qu’Il ne veut de nous que si nous nous comportons selon Son bon plaisir, qu’Il nous déteste si nous désobéissons à Ses ordres et que notre insubordination L’offense à un point tel que nous devons la payer par des tortures éternelles qu’Il a préparées à cette fin.

Qui aimerait un tortionnaire ? Ceux-là mêmes qui s’efforcent d’échapper à la colère de Dieu ne peuvent vraiment l’aimer. Ils n’aiment qu’eux-mêmes, cherchant à échapper à la vengeance de Dieu et à obtenir le bonheur éternel en se rendant agréables à ce Créateur si effroyablement dangereux.

Voyez comment le diable calomnie notre Dieu qui est tout amour et bonté. C’est pourquoi l’on appelle le démon, en grec, diavolos (NdL: διάβολος) , ce qui signifie « le calomniateur ».

(à suivre...)
Arnaud Dumouch
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Message par Arnaud Dumouch »

Jean-Louis Palierne a écrit :L’Église catholique raconte que les âmes des défunts qui sont morts alors qu’ils portaient encore le poids de péchés “véniels” doivent subir de la part des démons des châtiments analogues à ceux du feu de l’Enfer définitif, mais pour un temps limité, proportionné à la gravité de leurs fautes. Le poids des péchés "véniels" peut être diminué par "l’absolution" donnée par un prêtre ainsi qu’en achetant une "indulgence" au Pape. (La création du système des Indulgences par le Vatican fut la cause d’un grand trouble des consciences et en particulier la création des Églises de la Réforme)..
Cher Jean-Louis,

hum... cette théologie catholique là est celle d'une école particulière, datant du XVI° siècle et qui ne fut jamais celle du Magistère de l'Eglise. A vous lire, je rougis jusqu'aux oreilles et je me dis que, décidement, nous avons tendance à identifier nos frères à leur moments disons, pénibles...

La théologie catholique, portée par saint Augustin et saint Thomas d'Aquin, et mûrie ensuite jusqu'à nos jours dit que, à l'heure de la mort (pas APRES la mort), le Christ paraît dans sa gloire, accompagné des anges et des saints et que cette apparition bouleversante provoque dans le mourant (qu'il soit chrétien ou non), selon qu'il est égoïste ou généreux dans son intention profonde, répulsion ou amour (Agape). Cet amour est totale et pleinier (on aime ou on déteste le Christ de TOUT son coeur). Mais, pour entrer dans la vision béatifique, cette charité, vertu théologale, doit souvent être purifiée de quelques restes de notre péché passé comme une certaine fierté... Et c'est vrai que l'âme qui n'est pas entièrement humble dit: "Seigneur. Je t'aime. Et par amour pour toi, je serai un jour digne de toi".
Le purgatoire, l'âme le choisit donc, par amour et elle n'y est nullement torturée par le démon. Ces âmes sont saintes et, ce qui les torture, c'est l'ABSENCE DE DIEU. Certes, c'est aussi l'absence de Dieu qui fait souffrir en enfer, mais pas pour les mêmes raisons: au purgatoire, on a SOIF DE LA VENUE DE DIEU. En Enfer, on est en rage à cause de toute cette humilité et cet amour du Ciel. A la fin d'une longue attente intérieure, l'âme assoiffée, usée par tant de soif, dit: "seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une Parole et je serai guéri".

Les indulgences sont juste notre communion des saints avec ces âmes. Losque de la terre, nous prions pour elles, cet amour leur est manifestée et elles comprennent mieux qu'il leur est inutile d'être ainsi dures avec elles, que le Christ a pris sur lui toutes les dettes de peines signifiées par ce texte qu'elles s'appliquent:
Matthieu 5, 25 Hâte-toi de t'accorder avec ton adversaire, tant que tu es encore avec lui sur le chemin, de peur que l'adversaire ne te livre au juge, et le juge au garde, et qu'on ne te jette en prison.
Matthieu 5, 26 En vérité, je te le dis: tu ne sortiras pas de là, que tu n'aies rendu jusqu'au dernier sou.
Quant à l'état du riche, pour la plupart des théologien catholique, c'est justement une description non de l'enfer des pervers mais du purgatoire des saints car cet homme, visiblement, s'est repenti et veut du bien à ses frères, a soif de la grâce (l'eau).


Encore une remarque: tout dans ce que je vous raconte n'est pas solennellement défini par un pape ou un Concile. Mais, en se servant de ce qui est définit, voici ce qui en sort...
Avec toute mon amitié.
Arnaud
Arnaud Dumouch
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Message par Arnaud Dumouch »

Cher Stephanopoulos,

L'Eglise catholique appuie sa foi sur l'existence d'un purgatoire qui suit cette terre non sur un seul texte de la Sainte Ecriture mais sur trois textes. Il y a certes celui que vous citez. Mais il y a ausi cet autre, tiré de l'Ancien Testament:
2 Maccabées 12, 39 Le jour suivant, on vint trouver Judas (au temps où la nécessité s'en imposait) pour relever les corps de ceux qui avaient succombé dans cette guerre et les inhumer avec leurs proches dans le tombeau de leurs pères.
2 Maccabées 12, 40 Or ils trouvèrent sous la tunique de chacun des morts des objets consacrés aux idoles de Iamnia et que la Loi interdit aux Juifs. Il fut donc évident pour tous que cela avait été la cause de leur mort.
2 Maccabées 12, 41 Tous donc, ayant béni la conduite du Seigneur, juge équitable qui rend manifestes les choses cachées,
2 Maccabées 12, 42 se mirent en prière pour demander que le péché commis fût entièrement pardonné, puis le valeureux Judas exhorta la troupe à se garder pure de tout péché, ayant sous les yeux ce qui était arrivé à cause de la faute de ceux qui étaient tombés.
2 Maccabées 12, 43 Puis, ayant fait une collecte d'environ 2.000 drachmes, il l'envoya à Jérusalem afin qu'on offrît un sacrifice pour le péché, agissant fort bien et noblement d'après le concept de la résurrection.
2 Maccabées 12, 44 Car, s'il n'avait pas espéré que les soldats tombés dussent ressusciter, il était superflu et sot de prier pour les morts,
2 Maccabées 12, 45 et s'il envisageait qu'une très belle récompense est réservée à ceux qui s'endorment dans la piété, c'était là une pensée sainte et pieuse. Voilà pourquoi il fit faire ce sacrifice expiatoire pour les morts, afin qu'ils fussent délivrés de leur péché.
Le troisième est celui-ci:
Luc 16, 19 "Il y avait un homme riche qui se revêtait de pourpre et de lin fin et faisait chaque jour brillante chère.
Luc 16, 20 Et un pauvre, nommé Lazare, gisait près de son portail, tout couvert d'ulcères.
Luc 16, 21 Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche... Bien plus, les chiens eux-mêmes venaient lécher ses ulcères.
Luc 16, 22 Or il advint que le pauvre mourut et fut emporté par les anges dans le sein d'Abraham. Le riche aussi mourut, et on l'ensevelit.
Luc 16, 23 "Dans l'Hadès, en proie à des tortures, il lève les yeux et voit de loin Abraham, et Lazare en son sein.
Luc 16, 24 Alors il s'écria: Père Abraham, aie pitié de moi et envoie Lazare tremper dans l'eau le bout de son doigt pour me rafraîchir la langue, car je suis tourmenté dans cette flamme.
Luc 16, 25 Mais Abraham dit: Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et Lazare pareillement ses maux; maintenant ici il est consolé, et toi, tu es tourmenté.
Luc 16, 26 Ce n'est pas tout: entre nous et vous un grand abîme a été fixé, afin que ceux qui voudraient passer d'ici chez vous ne le puissent, et qu'on ne traverse pas non plus de là-bas chez nous.
Luc 16, 27 "Il dit alors: Je te prie donc, père, d'envoyer Lazare dans la maison de mon père,
Luc 16, 28 car j'ai cinq frères; qu'il leur porte son témoignage, de peur qu'ils ne viennent, eux aussi, dans ce lieu de la torture.
Luc 16, 29 Et Abraham de dire: Ils ont Moïse et les Prophètes; qu'ils les écoutent. --
Luc 16, 30 Non, père Abraham, dit-il, mais si quelqu'un de chez les morts va les trouver, ils se repentiront.
Luc 16, 31 Mais il lui dit: Du moment qu'ils n'écoutent pas Moïse et les Prophètes, même si quelqu'un ressuscite d'entre les morts, ils ne seront pas convaincus."
Ce riche ne peut en aucun cas être dans l'enfer des damnés. Son état ne relève en rien du "blasphème contre l'Esprit".
Arnaud
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Message par Claude le Liseur »

Arnaud Dumouch a écrit :
Jean-Louis Palierne a écrit :L’Église catholique raconte que les âmes des défunts qui sont morts alors qu’ils portaient encore le poids de péchés “véniels” doivent subir de la part des démons des châtiments analogues à ceux du feu de l’Enfer définitif, mais pour un temps limité, proportionné à la gravité de leurs fautes. Le poids des péchés "véniels" peut être diminué par "l’absolution" donnée par un prêtre ainsi qu’en achetant une "indulgence" au Pape. (La création du système des Indulgences par le Vatican fut la cause d’un grand trouble des consciences et en particulier la création des Églises de la Réforme)..
Cher Jean-Louis,

hum... cette théologie catholique là est celle d'une école particulière, datant du XVI° siècle et qui ne fut jamais celle du Magistère de l'Eglise. A vous lire, je rougis jusqu'aux oreilles et je me dis que, décidement, nous avons tendance à identifier nos frères à leur moments disons, pénibles...

La théologie catholique, portée par saint Augustin et saint Thomas d'Aquin, et mûrie ensuite jusqu'à nos jours dit que, à l'heure de la mort (pas APRES la mort), le Christ paraît dans sa gloire, accompagné des anges et des saints et que cette apparition bouleversante provoque dans le mourant (qu'il soit chrétien ou non), selon qu'il est égoïste ou généreux dans son intention profonde, répulsion ou amour (Agape). Cet amour est totale et pleinier (on aime ou on déteste le Christ de TOUT son coeur). Mais, pour entrer dans la vision béatifique, cette charité, vertu théologale, doit souvent être purifiée de quelques restes de notre péché passé comme une certaine fierté... Et c'est vrai que l'âme qui n'est pas entièrement humble dit: "Seigneur. Je t'aime. Et par amour pour toi, je serai un jour digne de toi".
Le purgatoire, l'âme le choisit donc, par amour et elle n'y est nullement torturée par le démon. Ces âmes sont saintes et, ce qui les torture, c'est l'ABSENCE DE DIEU. Certes, c'est aussi l'absence de Dieu qui fait souffrir en enfer, mais pas pour les mêmes raisons: au purgatoire, on a SOIF DE LA VENUE DE DIEU. En Enfer, on est en rage à cause de toute cette humilité et cet amour du Ciel. A la fin d'une longue attente intérieure, l'âme assoiffée, usée par tant de soif, dit: "seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une Parole et je serai guéri".

Les indulgences sont juste notre communion des saints avec ces âmes. Losque de la terre, nous prions pour elles, cet amour leur est manifestée et elles comprennent mieux qu'il leur est inutile d'être ainsi dures avec elles, que le Christ a pris sur lui toutes les dettes de peines signifiées par ce texte qu'elles s'appliquent:
Matthieu 5, 25 Hâte-toi de t'accorder avec ton adversaire, tant que tu es encore avec lui sur le chemin, de peur que l'adversaire ne te livre au juge, et le juge au garde, et qu'on ne te jette en prison.
Matthieu 5, 26 En vérité, je te le dis: tu ne sortiras pas de là, que tu n'aies rendu jusqu'au dernier sou.
Quant à l'état du riche, pour la plupart des théologien catholique, c'est justement une description non de l'enfer des pervers mais du purgatoire des saints car cet homme, visiblement, s'est repenti et veut du bien à ses frères, a soif de la grâce (l'eau).


Encore une remarque: tout dans ce que je vous raconte n'est pas solennellement défini par un pape ou un Concile. Mais, en se servant de ce qui est définit, voici ce qui en sort...
Avec toute mon amitié.

Et là où je rougis jusqu'aux oreilles, c'est de constater que Jean-Louis Palierne a très exactement décrit la théologie catholique romaine, et qui fut bien celle de ce que vous appelez le Magistère.

Décret n° 227 du concile de Florence (1439), dont la signature était imposée aux orthodoxes s'ils voulaient une aide contre l'invasion musulmane:

"Si, vraiment pénitents, ils meurent dans l'amour de Dieu, avant d'avoir satisfaits, par des dignes fruits de pénitence, pour ce qu'ils ont commis ou omis, leurs âmes sont purifiées après la mort par des peines purgatoires. Pour que ces peines soient adoucies, les intercessions des fidèles vivants leur sont utiles, à savoir le sacrifice de la Messe, les prières, les aumônes, et les autres oeuvres de piété que les fidèles ont coutume de faire pour les autres fidèles selon les institutions de l'Eglise."

Il est bien question d'un Dieu à satisfaire, selon la théologie de la satisfaction inconnue dans l'Eglise orthodoxe, et non d'âmes qui choisissent le purgatoire, comme nous l'explique M. Dumouch.


Bulle "Cum postquam" de Léon X (1518)

"(...) le Pontife romain peut, pour de justes raisons, concéder à ces fidèles, membres du Christ par le lien de la charité, qu'ils soient en cette vie ou au purgatoire, des indulgences tirées de la surabondance des mérites du Christ et des saints. Quand, en vertu de son autorité apostolique, il concède l'indulgence pour les vivants comme pour les morts, il distribue selon sa coutume le trésor des mérites de Jésus-Christ et des saints, en appliquant l'indulgence elle-même par l'absolution ou en l'appliquant par manière d'intercession. C'est pourquoi tous ceux, vivants ou morts, qui ont reçu vraiment cette indulgence, sont libérés de la peine temporelle due, selon la justice divine, pour leurs péchés actuels, dans la mesure équivalente à l'indulgence concédée et acquise. Nous décrétons par la teneur des présentes qu'ainsi tous doivent penser et prêcher, sous peine d'excommunication latae sententiae."

Là encore, je ne vois pas les âmes qui choisissent d'aller au purgatoire dans la conception de M. Dumouch. Je vois toujours le Dieu offensé et vengeur étranger à la théologie orthodoxe.

§ 1472 du catéchisme de Jean-Paul II (1992)

"L'indulgence est la rémission devant Dieu de la peine temporelle due pour les péchés dont la faute est déjà effacée, rémission que le fidèle bien disposé obtient à certaines conditions déterminées, par l'action de l'Eglise, laquelle, en tant que dispensatrice de la rédemption, distribue et applique par son autorité le trésor des satisfactions du Christ et des saints."

Je ne retrouve dans ce texte ni la définition des indulgences de M. Dumouch, ni les idées limitées à la théologie du XVIe siècle et le silence du Magistère si l'on en croit M. Dumouch (il s'agit d'un texte publié en 1992 sous l'autorité du Pape).

M. Dumouch, des millions et des millions de gens, au cours des siècles, ont vécu dans l'angoisse du Purgatoire, alors, je vous en prie, ne le présentez pas sous un jour aussi favorable.

Tant qu'on y est, vous nous ferez aussi une présentation expurgée de la théorie des limbes?

A l'égard de Louis, qui souhaitait qu'on explique l'enseignement orthodoxe sur ces questions de fins dernières si possible sans faire référence à d'autres religions, je présente mes excuses. Mais M. Dumouch ayant entrepris de venir faire ici l'exposé de la théologie catholique romaine sur la question en ne citant pas les textes qui la définissent, et même en présentant des affirmations qui ne cadrent pas avec ces textes, je me suis vu contraint de combler cette lacune. Et c'est ainsi que, dans un fil consacré à la vision orthodoxe des fins dernières, nous nous retrouvons, comme de bien entendu, confrontés à un exposé de la vision catholique romaine.
Vous avez dit impérialisme? Prosélytisme?
Dernière modification par Claude le Liseur le jeu. 01 déc. 2005 8:52, modifié 4 fois.
Louis
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Re: le fleuve de feu (I)

Message par Louis »

Pour le moment, ce docteur Alexandre KALOMIROS (doc en théologie ou en médecine?) ne répond pas à ma question. Mais j'attends la suite...
l’attitude de l’homme contemporain à l’égard de Dieu n’est pas vraiment une attitude d’ignorance ou d’indifférence ; à y regarder de près, on l’aperçoit teintée d’une haine profonde. Or personne ne hait ce qui n’existe point.
Leur athéisme n’est pas une véritable incroyance, mais une aversion pour quelqu’un qu’ils connaissent fort bien, mais qu’ils haïssent de tout leur cœur, comme le font les démons.
Je ne partage pas du tout cette vision. Je connais beaucoup de gens de toutes cultures, de toutes religions, des athées, des communistes... et aucun d'entre eux hait Dieu!
Les institutions religieuses peut-être, mais pas Dieu! Il ne faut pas confondre.
mais aussi parce qu’ils Le considèrent comme une menace, comme un danger imminent et éternel, un adversaire en justice, un accusateur public et un persécuteur éternel. A leurs yeux, Dieu n’est plus le médecin tout-puissant venu les sauver de la maladie et de la mort, mais plutôt un juge inexorable et un inquisiteur sans merci.
C'est malheureusement une réalité historique. L'orgueil de l'Eglise est à l'origine de sa décadence. J'espère que ce doc aura l'honneteté d'analyser de plus près cet orgueil.
+Louis
Claude le Liseur
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Re: le fleuve de feu (I)

Message par Claude le Liseur »

Louis a écrit :Pour le moment, ce docteur Alexandre KALOMIROS (doc en théologie ou en médecine?) ne répond pas à ma question. Mais j'attends la suite...
l’attitude de l’homme contemporain à l’égard de Dieu n’est pas vraiment une attitude d’ignorance ou d’indifférence ; à y regarder de près, on l’aperçoit teintée d’une haine profonde. Or personne ne hait ce qui n’existe point.
Leur athéisme n’est pas une véritable incroyance, mais une aversion pour quelqu’un qu’ils connaissent fort bien, mais qu’ils haïssent de tout leur cœur, comme le font les démons.
Je ne partage pas du tout cette vision. Je connais beaucoup de gens de toutes cultures, de toutes religions, des athées, des communistes... et aucun d'entre eux hait Dieu!
Les institutions religieuses peut-être, mais pas Dieu! Il ne faut pas confondre.
mais aussi parce qu’ils Le considèrent comme une menace, comme un danger imminent et éternel, un adversaire en justice, un accusateur public et un persécuteur éternel. A leurs yeux, Dieu n’est plus le médecin tout-puissant venu les sauver de la maladie et de la mort, mais plutôt un juge inexorable et un inquisiteur sans merci.
C'est malheureusement une réalité historique. L'orgueil de l'Eglise est à l'origine de sa décadence. J'espère que ce doc aura l'honneteté d'analyser de plus près cet orgueil.
Louis,

Je vous rappelle que je recopie cette conférence pour répondre à la question "comment un Dieu qui aime ses créatures peut-il tolérer un enfer éternel?", parce qu'elle est prioritaire à mes yeux. Et vous verrez que la conférence de Kalomiros y répond admirablement. Mais un peu de patience: je n'ai jusqu'à présent saisi que les deux premières pages, et il y en a vingt.


En ce qui concerne votre première remarque: qu'il y ait des athées, c'est une chose que Kalomiros ne conteste pas. Il parle de ce qu'il a constaté sur la masse des prétendus athées. Et surtout, il pose la question du pourquoi de l'athéisme. Et vous verrez où il veut en venir dans la suite du texte.

Quant à votre deuxième réflexion, je ne sais pas où vous vous situez et si vous parlez de l'Eglise catholique romaine quand vous écrivez "l'orgueil de l'Eglise est à l'origine de sa décadence". Ici, Kalomiros ne se donne pas pour but de parler des phénomènes historiques, il se situe à un niveau plus profond: la substitution d'un Dieu vengeur et inquisiteur au Dieu d'amour. Cela aussi sera développé dans la suite du texte, et là encore vous verrez le lien. Un peu de patience, le texte est long, et il me faudra du temps pour le recopier entièrement.
Dernière modification par Claude le Liseur le jeu. 01 déc. 2005 8:46, modifié 1 fois.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Arnaud Dumouch a écrit :Cher Stephanopoulos,

L'Eglise catholique appuie sa foi sur l'existence d'un purgatoire qui suit cette terre non sur un seul texte de la Sainte Ecriture mais sur trois textes. Il y a certes celui que vous citez. Mais il y a ausi cet autre, tiré de l'Ancien Testament:
2 Maccabées 12, 39 Le jour suivant, on vint trouver Judas (au temps où la nécessité s'en imposait) pour relever les corps de ceux qui avaient succombé dans cette guerre et les inhumer avec leurs proches dans le tombeau de leurs pères.
2 Maccabées 12, 40 Or ils trouvèrent sous la tunique de chacun des morts des objets consacrés aux idoles de Iamnia et que la Loi interdit aux Juifs. Il fut donc évident pour tous que cela avait été la cause de leur mort.
2 Maccabées 12, 41 Tous donc, ayant béni la conduite du Seigneur, juge équitable qui rend manifestes les choses cachées,
2 Maccabées 12, 42 se mirent en prière pour demander que le péché commis fût entièrement pardonné, puis le valeureux Judas exhorta la troupe à se garder pure de tout péché, ayant sous les yeux ce qui était arrivé à cause de la faute de ceux qui étaient tombés.
2 Maccabées 12, 43 Puis, ayant fait une collecte d'environ 2.000 drachmes, il l'envoya à Jérusalem afin qu'on offrît un sacrifice pour le péché, agissant fort bien et noblement d'après le concept de la résurrection.
2 Maccabées 12, 44 Car, s'il n'avait pas espéré que les soldats tombés dussent ressusciter, il était superflu et sot de prier pour les morts,
2 Maccabées 12, 45 et s'il envisageait qu'une très belle récompense est réservée à ceux qui s'endorment dans la piété, c'était là une pensée sainte et pieuse. Voilà pourquoi il fit faire ce sacrifice expiatoire pour les morts, afin qu'ils fussent délivrés de leur péché.
Le troisième est celui-ci:
Luc 16, 19 "Il y avait un homme riche qui se revêtait de pourpre et de lin fin et faisait chaque jour brillante chère.
Luc 16, 20 Et un pauvre, nommé Lazare, gisait près de son portail, tout couvert d'ulcères.
Luc 16, 21 Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche... Bien plus, les chiens eux-mêmes venaient lécher ses ulcères.
Luc 16, 22 Or il advint que le pauvre mourut et fut emporté par les anges dans le sein d'Abraham. Le riche aussi mourut, et on l'ensevelit.
Luc 16, 23 "Dans l'Hadès, en proie à des tortures, il lève les yeux et voit de loin Abraham, et Lazare en son sein.
Luc 16, 24 Alors il s'écria: Père Abraham, aie pitié de moi et envoie Lazare tremper dans l'eau le bout de son doigt pour me rafraîchir la langue, car je suis tourmenté dans cette flamme.
Luc 16, 25 Mais Abraham dit: Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et Lazare pareillement ses maux; maintenant ici il est consolé, et toi, tu es tourmenté.
Luc 16, 26 Ce n'est pas tout: entre nous et vous un grand abîme a été fixé, afin que ceux qui voudraient passer d'ici chez vous ne le puissent, et qu'on ne traverse pas non plus de là-bas chez nous.
Luc 16, 27 "Il dit alors: Je te prie donc, père, d'envoyer Lazare dans la maison de mon père,
Luc 16, 28 car j'ai cinq frères; qu'il leur porte son témoignage, de peur qu'ils ne viennent, eux aussi, dans ce lieu de la torture.
Luc 16, 29 Et Abraham de dire: Ils ont Moïse et les Prophètes; qu'ils les écoutent. --
Luc 16, 30 Non, père Abraham, dit-il, mais si quelqu'un de chez les morts va les trouver, ils se repentiront.
Luc 16, 31 Mais il lui dit: Du moment qu'ils n'écoutent pas Moïse et les Prophètes, même si quelqu'un ressuscite d'entre les morts, ils ne seront pas convaincus."
Ce riche ne peut en aucun cas être dans l'enfer des damnés. Son état ne relève en rien du "blasphème contre l'Esprit".

Monsieur Dumouch,

Ce serait peut-être bien de lire le message de Stephanopoulos avant de lui répondre.
Aucun des textes que vous citez dans ce message ne parle du feu purgatoire.
Le texte de II Maccabées que vous citez n'est qu'un argument en faveur de la prière pour les morts. Or, vous savez bien que la prière pour les morts existe aussi dans l'Eglise orthodoxe. Le point de discussion qui a été abordé au concile de Florence et dont Stephanopoulos avait commencé à parler concerne bien le purgatoire, que l'Eglise orthodoxe rejette.
Avant de venir polémiquer sur un forum orthodoxe, prenez peut-être aussi la peine de vous informer des croyances orthodoxes sur le sujet. Le premier pas dans cette direction serait bien sûr de lire les messages que vous critiquez.
Dernière modification par Claude le Liseur le jeu. 01 déc. 2005 8:51, modifié 1 fois.
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