la crypte de la rue Daru

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nicolasp
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la question de la langue

Message par nicolasp »

Bon, il faudrait peut-être que je relativise ce que j'ai dit concernant ma préférence pour la messe traditionnelle. Disons que, depuis quelque mois, je fréquentais alternativement ma paroisse (rit actuel) et la chapelle Notre-Dame des Armées à Versailles (rit tridentin en application du motu prorio Ecclesia Dei). J'avais été attiré à NDA parce que, à mon retour chez moi après près d'un an chez mes parents à Toulouse pour cause de sévère dépression, j'avais un très mauvais souvenir de ma paroisse et puis depuis quelque temps je fréquentais des sites tradis sur Internet et j'avais envie de pousser un peu plus loin.

Je ne rejette pas complètement la liturgie actuelle (dont le problème réside à mon sens dans la trop grande liberté accordée dans la façon de célébrer), et encore moins le fait de célébrer en français. Mais je ne battrais pas non plus pour célébrer en français: je ne crois pas que le plus grand obstacle à la compréhension et à l'acceptation de la Parole de Dieu soit linguistique.

Je me souviens avoir discuté de la question de la langue avec mon amie russe. Elle m'a dit simplement que pour un russe le slavon était simple à comprendre, qu'il y avait juste des termes religieux n'existant pas en russe à apprendre. Pour anecdote, elle m'a avoué que lorsqu'elle abordait des thèmes religieux avec une amie vivant en Suisse ayant rejoint une secte protestante elle devait parler en anglais! Elle m'a ensuite dit que personnellement elle trouvait la Bible en slavon plus belle qu'en russe, en particulier les Psaumes. Puis elle a conclu que probablement le slavon était beaucoup plus accessible pour un russe que le latin pour quelqu'un qui parle une langue latine.

Non, mon doute concernant la rue Daru vient du fait que j'ai l'impression que les orthodoxes sont très suspicieux de tout ce qui vient de l'extérieur. Aussi je me suis demandé si je ne me trouvais pas dans une espèce de paroisse "de seconde zone" où on met en "quarantaine" les français qui se convertissent.

Concernant le fait de s'asseoir où il y a de la place: les gens qui ce sont assis avaient l'air pour la plupart jeunes et vaillants, ils auraient pu rester debout! J'ai toujours supposé que si dans les églises orthodoxes il n'y a pas de banc (ou juste quelques uns le long des murs) c'est tout simplement parce qu'il n'est pas prévu que les gens s'asseoient! D'ailleurs il me semble que c'est ce que m'avait fait remarquer mon amie russe.

Sinon, je vais vraiment finir par croire que les orthodoxes sont des arriérés qu'il faut éduquer concernant l'utilisation des bancs, le péché originel, l'Immaculée Conception et bien sûr l'infaillibilité pontificale :)
Dernière modification par nicolasp le mar. 21 févr. 2006 23:28, modifié 1 fois.
Nicolas
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

nicolasp a écrit :
Je me souviens avoir discuté de la question de la langue avec mon amie russe. Elle m'a dit simplement que pour un russe le slavon était simple à comprendre, qu'il y avait juste des termes religieux n'existant pas en russe à apprendre. Pour anecdote, elle m'a avoué que lorsqu'elle abordait des thèmes religieux avec une amie vivant en Suisse ayant rejoint une secte protestante elle devait parler en anglais! Elle m'a ensuite dit que personnellement elle trouvait la Bible en slavon plus belle qu'en russe, en particulier les Psaumes. Puis elle a conclu que probablement le slavon était beaucoup plus accessible pour un russe que le latin pour quelqu'un qui parle une langue latine.

(...)

Concernant le fait de s'asseoir où il y a de la place: les gens qui ce sont assis avaient l'air pour la plupart jeunes et vaillants, ils auraient pu rester debout! J'ai toujours supposé que si dans les églises orthodoxes il n'y a pas de banc (ou juste quelques uns le long des murs) c'est tout simplement parce qu'il n'est pas prévu que les gens s'asseoient! D'ailleurs il me semble que c'est ce que m'avait fait remarquer mon amie russe.

Sinon, je vais vraiment finir par croire que les orthodoxes sont des arriérés qu'il faut éduquer concernant l'utilisation des bancs, le péché originel, l'Immaculée Conception et bien sûr l'infaillibilité pontificale :)
C'est vrai que le slavon est plus facile à comprendre pour un Russe d'aujourd'hui que le latin pour un Français. N'oubliez pas que le slavon a été inventé au IXe siècle et qu'il a servi de langue littéraire jusqu'à Lomonossov au milieu du XVIIIe. Pensez en comparaison que le latin est arrivé en Provence dès le IIe siècle avant NSJC, dans le reste de la Gaule un siècle plus tard; que les langues d'oïl et d'oc ont commencé à être utilisées en littérature dès le IXe siècle (l'arpitan seulement à la fin du XIIIe siècle); que le déclin du latin était déjà très avancé au XVIe siècle, l'ordonnance de 1539 lui ayant retiré son statut de langue officielle en France et les Etats de Savoie ayant vite emboîté le pas. Cela fait évidemment un écart temporel du latin au français beaucoup plus important que du slavon au russe.

En ce qui concerne les bancs à l'église, si vous allez dans une église grecque, vous verrez des bancs et les fidèles assis à certains moments de la liturgie (lecture de l'Apôtre, homélie). Il ne faut pas absolutiser l'architecture sacrée ou l'agencement intérieur des églises d'un pays comme normatif pour toute l'Orthodoxie. Cela étant, si vous allez en Grèce, visitez les cathédrales modernes du Pirée et d'Egine; c'est vraiment ce que j'ai vu de plus beau dans tout ce qui a été construit ces dernières années.

Quant aux célébrations en français, on a commencé dans l'Orthodoxie en 1874, donc le principe ne devrait guère prêter à discussion.
nicolasp
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précisions

Message par nicolasp »

Bon, j'en ai à la fois trop et pas assez dit sur ce qui me fait rejeter ma paroisse, catholique «conciliaire», et me fait hésiter entre une communauté catholique mais traditionaliste ou l'Orthodoxie. Effectivement je ne suis pas encore fixé sur ma décision de me convertir mais j'en envisage clairement la possibilité.

Mon attrait pour la tradition, d'abord: la première fois que j'ai assisté à une liturgie tridentine, l'évangile du dimanche était la parabole du bon grain et de l'ivraie. L'homélie qui a suivi m'a éclairé sur une situation de péché récurrent que je vivais depuis de longues année. Sans doute ai-je reçu une grâce de notre Seigneur, aussi minime soit-elle, car objectivement, l'homélie n'avait rien de transcendant mais en sortant de cette messe je me suis senti comme libéré.

Peu après, j'ai tout de même contacté mon curé, parce que je considère qu'on ne claque pas la porte d'une paroisse comme ça. Je lui ai fait part de mon expérience chez les traditionnalistes, lui ai demandé son avis sur la poursuite de mon cheminement vers la communion (interrompu par ma dépression). Je n'ai eu aucun commentaire concernant ma participation à une messe tridentine. Concernant le second point, il m'a dit qu'il transmettait à un autre prêtre de la paroisse, qui me contacterait.

J'attends toujours.

Concernant ma référence à ceux qui se réclament de l'«esprit Vatican II», elle fait allusion à un dîner, que j'avais provoqué, avec mon ancienne accompagnatrice spirituelle (dans mon cheminement vers la communion) et le responsable actuel du catéchuménat pour adultes, tous deux laïcs. Mon intention initiale était simplement de revoir mon accompagnatrice que j'avais quittée brutalement, mais elle avait tenu à organiser une rencontre plus formelle. Quand à propos de mon expérience chez les traditionaliste on m'a dit qu'il ne fallait en aucun cas y voir une action divine mais simplement le fait d'avoir entendu les bonnes paroles au bon moment, je me suis demandé si j'étais en présence de croyants. Ah oui, ce sont eux qui m'ont appris qu'il ne fallait pas en vouloir au curé, qui venait d'être «promu» à des responsabilités auprès de l'évêque, et que le prêtre qu'il m'avait indiqué était quelqu'un de très bien.

Pour conclure mon charabia, je répondrai à cette remarque d'Anne-Geneviève:
En orthodoxie, [la liturgie] se célèbre dans la langue des fidèles et, ainsi, devient une catéchèse, un enseignement théologique en même temps que l'accomplissement du Mystère.
Si cela est réellement une caractéristique de l'Orthodoxie, alors cela me va bien. Si la liturgie est réellement ces deux choses à la fois. Car je ne crois pas qu'on puisse progresser dans la foi par une catéchèse seule, fût-elle de bonne qualité. Nous avons besoin de Jésus Christ. Je crois que c'est ce qu'oublient la plupart des prêtres catholiques qui célèbrent dans le rit actuel. La liturgie tridentine est sans doute plus difficile d'accès. Mais peut-être (et là je vais me faire jeter) qu'elle participe plus d'une relation avec Dieu Trinité.
Nicolas
Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

S’asseoir durant l’homélie est une innovation due à Césaire d’Arles et nous le savons parce qu’une de ses homélies, justement, qui nous a été conservée dit en substance : dimanche dernier, je vous ai autorisés à apporter des bottes de paille et à vous asseoir dessus parce que j’allais prêcher pendant 4 heures, mais ce n’est pas une raison, mesdames les Arlésiennes, pour vous vautrer dessus dès le début de la liturgie pour bavarder avec vos copines ! Je dois dire que de toutes les perles de nos ancêtres dans la foi, celle là est une de mes préférées. Prêcher 4 heures, au fou ! L’anecdote prouve au moins qu’il y avait quelques tensions entre lui et son peuple (à verser au dossier augustinisme).
Se tenir debout à l’église n’est pas une question de jeunesse et de force physique mais une façon de vivre dans la chair l’avant-goût de la résurrection. On en a déjà parlé sur le forum. On prie debout, en tout cas le dimanche, car c’est la posture de l’homme ressuscité et, dit l’apôtre Paul, « nous sommes tous ressuscités en Christ ». Mais lorsqu’il s’agit d’écouter un enseignement, c’est une autre question. Il est normal de s’asseoir à ce moment. La nature humaine est telle que l’on écoute mieux assis.
Ce que j’aimerais comprendre, c’est ce que vous trouvez de choquant à s’asseoir à même le tapis plutôt que d’avoir des bruits de chaise dès que l’on change de position. Apparemment, c’est lié chez vous à un sens des convenances. Je sais bien qu’on ne se remet jamais d’une bonne éducation mais en quoi le tapis est-il plus choquant qu’un banc ? Question à vous poser d’abord à vous-même.
Une des raisons pour lesquelles il y a peu de bancs dans les églises orthodoxes, c’est que le corps n’est pas considéré comme une prison mais comme un temple vivant et qu’il est donc autorisé à bouger, à se prosterner à certains moments, à s’incliner pour les métanies, à se relever… De nos jours, l’usage antique de prier mains levées encore en usage dans les monastères aux IVe et Ve siècles est tombé en désuétude mais les fresques des catacombes de Rome et d’autres fresques antiques le montrent comme la position de prière par excellence.
Les paroisses francophones ne sont pas « de seconde zone », et il n’y a ni quarantaine ni sas de décontamination. Il existe par contre en France des orthodoxes de plusieurs origines qui n’ont pas tous la même langue maternelle. A Paris et région parisienne, chaque juridiction offre donc des paroisses francophones et des paroisses dans la langue d’origine ; et les fidèles se répartissent selon ce qu’ils comprennent ! En province, il n’est pas rare de n’avoir qu’une ou deux juridictions représentées, donc tout le monde s’y presse, auquel cas il y a parfois des célébrations multilingues, avec des parties en russes, d’autres en roumain, en grec ou en bulgare et enfin du français. Ce problème est rendu plus aigu par la juxtaposition anti-canonique des diverses « diasporas » mais, même s’il y avait un synode local véritablement canonique, la question linguistique se poserait encore pendant quelques décennies. Même à la crypte de Daru. J'y ai rencontré une jeune femme d'origine roumaine, pour qui le roumain est la langue de sa prière personnelle, mais dont les parents se sont réfugiés là plutôt que dans une paroisse roumaine à l'époque de Ceaucescu, pour des raisons évidentes. Elle soupirait après une liturgie en roumain. Exemple parmi d'autres comme quoi rien n'est simpliste.
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Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Anne Geneviève a écrit :S’asseoir durant l’homélie est une innovation due à Césaire d’Arles et nous le savons parce qu’une de ses homélies, justement, qui nous a été conservée dit en substance : dimanche dernier, je vous ai autorisés à apporter des bottes de paille et à vous asseoir dessus parce que j’allais prêcher pendant 4 heures, mais ce n’est pas une raison, mesdames les Arlésiennes, pour vous vautrer dessus dès le début de la liturgie pour bavarder avec vos copines ! Je dois dire que de toutes les perles de nos ancêtres dans la foi, celle là est une de mes préférées. Prêcher 4 heures, au fou ! L’anecdote prouve au moins qu’il y avait quelques tensions entre lui et son peuple (à verser au dossier augustinisme).
Chère Anne-Geneviève,

Vu le peu d'influence qu'Augustin d'Hippone ou Césaire d'Arles ont jamais eu dans le monde hellénophone, je doute fort que ce soit de Césaire d'Arles que vienne l'usage de s'asseoir sur les bancs pendant l'homélie dans les paroisses grecques.
Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Non, les bancs en Grèce ne viennent pas de Césaire, mais du fait qu'on écoute mieux assis, sans doute. Ce sont les bancs tradis ktos qui sont les héritiers des bottes de paille. Mon post répondait à Nicolasp, bien sûr, avec comme toujours l'esprit de l'escalier étant donné que je suis toujours obligée de passer par un cybercafé, donc d'enregistrer le fil, de répondre chez moi quand ça dépasse trois lignes et de revenir avec ma disquette. Soyez indulgents pour mes retards à réagir.
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Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Chère Anne-Geneviève,

C'est plutôt à moi de vous faire des excuses, car j'avais perdu le fil de la conversation. Vous savez que vos interventions sont toujours appréciées.
augustin717
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Message par augustin717 »

Nous n'avons pas de bancs dans notre eglise paroissiale , mais tout au long de murs il ya des stalles (qu'on achetait aux enchers chaque annee, chaque acheteur faisant s'y inscrire son nom ) et, en plus de ces stalles, on a des chaises "gratuites" partout dans l'eglise. Pendant le sermon, la communion etc. tout le monde s'asseoit.
Mais s'asseoir sur le plancher, comme je vois chez les Americains, c'est completement inconnu chez nous.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

augustin717 a écrit :Nous n'avons pas de bancs dans notre eglise paroissiale , mais tout au long de murs il ya des stalles (qu'on achetait aux enchers chaque annee, chaque acheteur faisant s'y inscrire son nom ) et, en plus de ces stalles, on a des chaises "gratuites" partout dans l'eglise. Pendant le sermon, la communion etc. tout le monde s'asseoit.
Mais s'asseoir sur le plancher, comme je vois chez les Americains, c'est completement inconnu chez nous.
Le 13 août 2004, en rentrant de Roumanie vers la Suisse en voiture, je suis passé par le poste frontière de Cenad, ce qui m'a donné l'occasion de m'arrêter à Sânnicolau Mare /Nagyszentmiklós, la ville natale de Bela Bartók, dans le Banat roumain, et d'y visiter l'intéressante église de la communauté orthodoxe serbe de cette localité. J'ai été frappé par le système que vous décrivez, avec les places sur les stalles achetées et les noms des fidèles inscrits sur de petites plaques de métal vissées dans le bois des stalles. Ces ventes aux enchères de places dans les stalles sont un moyen traditionnel pour les fidèles de financer leur paroisse, un peu comme les tombolas dans les kermesses.

Il faut aussi signaler qu'au mont Athos les églises n'ont pas de bancs, mais des stalles, ce qui permet aux moines de mieux résister à la fatigue quand ils chantent de longs offices.
augustin717
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Message par augustin717 »

http://www.darnick.com/halmagiu/genealogii.html
On peut voir ici l'interieur traditionel d'une eglise orthodoxe de notre region,
a propos des stalles achetees aux enchers.
Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Pour ceux qui vivent en région parisienne, ils verront de fort belles stalles à la cathédrale Saint-Sava, rue du Simplon.
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