Histoire de la Yougoslavie et de la Croatie.

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Cadoudal
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Histoire de la Yougoslavie et de la Croatie.

Message par Cadoudal »

Passionnée par l'Histoire,voici deux sujets où informations et documents me manquent:
1-La genèse des résistants royalistes orthodoxes soutenant le roi Pierre 2 en exil et dont le chef est Draza Mihailovic.
Certain le monte au pinacle(cf.livre éditions Perrin,2001 ?),d'autres le noircissent(cf sites internet ,cf.propagande communiste de l'époque).
Qu'en est-il?

2-Lors de la Seconde guerre mondiale, les autorités catholiques auraient soutenu les extrémistes de Croatie(les Oustachis) alliés de L'Allemagne.Y-a-t'il eu massacre de Serbes?C'est ce que présente comme véridique le site:htpp//atheologie.hautefort.com.Cf archives 01.2006,article écrit le 26 Janvier 2006 mais sans référence.
Merci à tous ceux qui veulent bien me renseigner sur ces points.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Je vous recommande d'abord d'utiliser la fonction "Rechercher" que vous avez en haut des pages du forum, en rentrant comme mots de recherche "Croatie", "Oustachis", "Jasenovac", "Stepinac", "Pavelic", "Josip Frank", et de revenir nous poser des questions si ce que vous trouvez ne répond pas à vos attentes.

Il existe toute une littérature en français sur le sujet: Assassins au nom de Dieu de Hervé Laurière aux éditions L'Âge d'Homme, L'envahisseur est venu en pantoufles (traduction de l'anglais) de Hubert Butler aux éditions Anatolia, et surtout le remarquable Le génocide occulté du docteur Marco Aurelio Rivelli (traduit de l'italien) aux éditions L'Âge d'Homme. (Il s'agit en fait de sa thèse de doctorat en histoire, publiée d'abord dans la traduction française à cause des pressions du Vatican; l'original italien ne fut publié qu'après cette traduction).

Je recommande beaucoup le livre de Rivelli, en raison de l'abondance des documents d'archives et des photographies, alors même que le texte reste concis. Les photos des religieuses croates qui dirigeaient les camps d'extermination pour enfants orthodoxes y sont particulièrement édifiantes.


Si vous lisez l'allemand, vous devez absolument vous procurer, aux éditions Ahriman-Verlag, Das jugoslawische Auschwitz und der Vatikan, de Vladimir Dedijer (traduit du serbo-croate).

Il me semble malheurusement que l'on n'a jamais traduit du serbo-croate vers une langue latine ou germanique l'ouvrage du Croate Dr. Viktor Novak, Magnum Crimen. Pola vijeka klerikalizma u Hrvatskoj ( Magnum Crimen. Un demi-siècle de cléricalisme en Croatie), Zagreb 1948, très bien documenté aussi d'après ceux qui l'ont lu, ce qui n'est pas mon cas.

Je suis plus réservé quant au livre du docteur Henri Fabre, L'Eglise catholique face au fascisme et au nazisme, EPO / Espace de Libertés, Bruxelles / Anvers 1994, qui s'étend beaucoup sur le soutien apporté par le Vatican à Hitler et Mussolini avant 1939 (ce qui n'est que d'un intérêt limité) et ne consacre que 23 pages (pp. 303-325) au rôle de l'Eglise catholique romaine dans le génocide perpetré par l'"Etat indépendant de Croatie".

Je vous signale aussi que sur Internet, la version anglaise de l'encylopédie en ligne Wikipédia (plus fiable en général que la version française) consacre une page avec des photos et un plan au camp d'extermination de Jasenovac, commandé par un moine franciscain croate, où furent exterminés au moins 52'000 orthodoxes: http://en.wikipedia.org/wiki/Jasenovac_ ... ation_camp .
Dernière modification par Claude le Liseur le mar. 21 mars 2006 23:08, modifié 2 fois.
Dzma
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Message par Dzma »

Cher Cadoudal,


Je suis moi-même passionné d'histoire . L'histoire de la Yougoslavie est à la fois passionante et incompréhensible; car nous avons là un cas typique de peuples frères (éthniquement et linguistiquement,mais non religieusement) qui cherchaient l'Unité lorsqu'ils étaient divisés et rejetèrent cette même unité lorsque celle-ci exista...

Pour le cas Croate, il fut reproché notamment au Cardinal Stepinac, Archevêque de Zagreb et figure du catholicisme romain dans son pays , son silence devant les massacres de populations Orthodoxes et notamment Serbes. Pour nombre de Serbes actuels, le nom de Stepinac reste lié à celui d'Ante Pavelic comme ceux de bourreaux (rappelons - nous la polémique que suscita il y a 8 ans la béatification du Cardinal).

Je vais faire de plus amples recherches et vous donnerais d'autres renseignements lors d'un prochain message.
Alexandr
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Message par Alexandr »

lecteur Claude a écrit : et surtout le remarquable Le génocide occulté du docteur Marco Aurelio Rivelli (traduit de l'italien) aux éditions L'Âge d'Homme. (Il s'agit en fait de sa thèse de doctorat en histoire, publiée d'abord dans la traduction française à cause des pressions du Vatican; l'original italien ne fut publié qu'après cette traduction).
Je suis étonné du fait que le Vatican puisse tenter d'empêcher la publication de livre. Sources ?
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Alexandr a écrit :
lecteur Claude a écrit : et surtout le remarquable Le génocide occulté du docteur Marco Aurelio Rivelli (traduit de l'italien) aux éditions L'Âge d'Homme. (Il s'agit en fait de sa thèse de doctorat en histoire, publiée d'abord dans la traduction française à cause des pressions du Vatican; l'original italien ne fut publié qu'après cette traduction).
Je suis étonné du fait que le Vatican puisse tenter d'empêcher la publication de livre. Sources ?
Source: entretien avec Marco Aurelio Rivelli dans le cadre de la conférence donnée par lui le 15 décembre 1998 rue de la Muse à Genève.

Cela vous suffit-il? Vous voulez que je vous envoie aussi copie de la dédicace qu'il m'avait faite à cette occasion? Ou que je vous fasse défiler des témoins?

Et si cela ne vous suffit pas, vous pourrez constater par vous-même que la traduction française a été publiée en premier (L'Âge d'Homme, Lausanne 1998) sous le titre Le génocide occulté, tandis que l'original italien n'a été publié qu'en 1999 (Kaos, Milan) sous le titre L'Arcivescovo del genocidio (L'Archevêque du génocide). Et oui, la Lombardie et le Piémont font partie des rares régions non francophones où il y a encore suffisamment de gens qui peuvent lire en français pour qu'il soit difficile d'y occulter l'existence d'un livre dès lors qu'il est paru en français. Surtout à Lausanne, à quelque 300 kilomètres de Milan par la route, c'est-à-dire pas le bout du monde.

N.B.: Il n'est pas interdit d'être poli quand on pose une question.
Alexandr
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Message par Alexandr »

Lecteur Claude,
Veuillez m'excusez de mon impolitesse suite à mon étonnement. Je me demandais si c'était seulement par ouï dire. Il n'était pas dans mon intention d'être agressif.

Cela voudrait dire qu'il y a peut-être d'autre livre qui ne seraient pas édité à cause du Vatican. Comme la papauté n'arrête pas de faire la repentance, il est difficile de concevoir qu'il s'abaisse à ce genre de chose par derrière.
Claude le Liseur
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Re: Histoire de la Yougoslavie et de la Croatie.

Message par Claude le Liseur »

Cadoudal a écrit :Passionnée par l'Histoire,voici deux sujets où informations et documents me manquent:
1-La genèse des résistants royalistes orthodoxes soutenant le roi Pierre 2 en exil et dont le chef est Draza Mihailovic.
Certain le monte au pinacle(cf.livre éditions Perrin,2001 ?),d'autres le noircissent(cf sites internet ,cf.propagande communiste de l'époque).
Qu'en est-il?
Draža Mihailović était un officier de l'armée royale yougoslave qui a refusé de déposer les armes après l'armistice qui a suivi l'opération Marita Merkur. Il y a eu des cas similaires en Pologne et dans d'autres pays d'Europe centrale et orientale.

Naturellement, comme en France, il n'y avait pas de communistes dans la Résistance yougoslave avant l'assaut contre l'Union soviétique dans le cadre de l'opération Barbarossa. Donc, d'avril à juin 1941, tous les partisans qui luttaient en Yougoslavie se réclamaient de Mihailović. Les partisans communistes de Josip Broz dit Tito ne sont apparus qu'en juillet 1941.

Mihailović fut longtemps considéré comme le seul chef légitime de la Résistance yougoslave. A ce titre, il reçut une citation au titre de la France libre de la part du général de Gaulle en 1943. Mais le vent avait déjà tourné.

Vous savez que le parti communiste, dans chaque pays occupé, visait non seulement le départ des Allemands, mais aussi la chute du gouvernement légitime. A ce titre, les communistes organisaient des campagnes d'assassinats inutiles d'officiers ou de soldats allemands dans le but de déclencher des représailles massives (exécutions d'otages) qui devaient préparer la Révolution rouge. Non seulement parce que le peuple allait se soulever contre la répression (ce fut, dans les années 1970, le calcul des Brigades rouges et de la Fraction armée rouge qui espéraient créer un cycle attentats-répression propice à la révolution). Mais aussi parce que les communistes savaient très bien qui les Allemands fusilleraient en priorité, parce que c'était les otages qu'ils avaient fusillés en 1914: les prêtres, les maires des villages, les anciens combattants, les gens connus pour leurs sentiments patriotiques et nationalistes. C'est-à-dire les ennemis de classe d'un éventuel régime communiste.

Dans le cas français, la France libre avait formellement condamné les assassinats inutiles d'officiers allemands dans le métro qui entraînaient ensuite des dizaines d'exécutions d'otages sans aucun gain sur le terrain. Mihailović ne raisonnait pas autrement. Il se battait pied à pied dans la montagne, mais il évitait à tout pris les assassinats inutiles. Il se souvenait des morts de Kragujevac (21 septembre 1941).

Tito, en revanche, appliquait les consignes du Komintern et n'avait aucun souci de la vie des civils. Il avait d'ailleurs d'autant moins de considération pour les conséquences des attentats qu'il ordonnait que les Allemands se vengeaient en priorité sur les Serbes, connus comme le fer de lance de la Résistance, donc sur des gens qui n'étaient pas de l'ethnie de Tito, selon le principe cent civils fusillés pour un officier allemand abattu, cinquante civils fusillés pour un soldat allemand abattu.
Par conséquent, du point de vue de Churchill qui rêvait d'un débarquement dans les Balkans pour encore agrandir l'Empire colonial anglais (ne proposait-il pas en novembre 1944 un partage d'influence 50%/50% de la Yougoslavie entre l'Union soviétique et le Royaume-Uni?), seul Tito était efficace.

A partir de 1943, toutes les armes et les munitions britanniques furent parachutées aux communistes de Tito, et plus aux royalistes de Mihailović.

Fin 1944, l'Armée rouge entrait en Yougoslavie et il n'y avait plus aucun espoir pour les partisans royalistes.

Lors de l'établissement du pouvoir communiste, Tito a entrepris de récrire l'histoire des années de guerre. Comme il fallait absolument le présenter comme le seul chef de la Résistance, il fit tout pour salir Mihailović. Comme il fallait absolument préserver le mythe du yougoslavisme, Tito entreprit de trouver dans chacune des nations fondatrices de la Yougoslavie un symbole de la collaboration avec l'Allemagne. C'est ainsi qu'il organisa les procès du Slovène Léon Rupnik, du Croate Slavko Kvaternik et du Serbe Draža Mihailović. Deux traîtres et le chef de la Résistance mis sur pied d'égalité et salis de la même façon. Vous pourrez trouver une photographie de cet hallucinant montage de la désinformation communiste dans l'ouvrage de Dušan T. Bataković e.a., Histoire du peuple serbe, traduction du serbe par Ljubomir Mihailović, L'Âge d'Homme, Lausanne 2005, p. 336.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Cadoudal a écrit :Passionnée par l'Histoire,voici deux sujets où informations et documents me manquent:
1-La genèse des résistants royalistes orthodoxes soutenant le roi Pierre 2 en exil et dont le chef est Draza Mihailovic.
Certain le monte au pinacle(cf.livre éditions Perrin,2001 ?),d'autres le noircissent(cf sites internet ,cf.propagande communiste de l'époque).
Qu'en est-il?
Pour continuer avec le sujet de Draža Mihailović, son mouvement ne s'est jamais qualifié d'orthodoxe. L'Orthodoxie est une réalité organique vécue chez ses fidèles, pas une idéologie. Il n'y avait pas plus de mouvement de résistance orthodoxe qu'il n'y a d'équivalent orthodoxe de la Démocratie dite chrétienne de Suisse ou d'Allemagne (puisque le modèle italien a sombré corps et biens...) Il s'agissait simplement de partisans qui continuaient la lutte contre les occupants de leur pays au nom du roi Pierre et du gouvernement en exil. Draža Mihailović lui-même était orthodoxe traditionnel et pratiquant, il avait des aumôniers et il faisait célébrer les offices dans le maquis, mais il avait aussi des officiers catholiques romains (par exemple Zvonimir Vučković) et je pense qu'il devait aussi y avoir des musulmans.
Je dirais plutôt que c'était les partisans de Tito qui se distinguaient par leur athéisme et leur foi communiste et qui étaient un bloc monolithique - comme les Oustachis, d'ailleurs.

Je ne crois pas que la Résistance communiste yougoslave ait jamais joué la même comédie que la Résistance communiste grecque qui mettait en avant des figures d'ecclésisatiques comme le métropolite Joachim de Kozani (toujours la stratégie attrape-nigauds du front élargi ou du front patriotique) tout en assassinant un maximum de prêtres sur le terrain.
J'ai sous les yeux l'ouvrage grec de Constantin Vovolinis, Η Εκκλησία εις τον Αγώνα της Ελευθερίας 1453-1953 (L'Eglise dans la lutte pour la liberté 1453-1953), Editions Kerkyra, Athènes 2002 (1ère édition 1953): le livre se termine par les photos de 203 prêtres orthodoxes grecs tombés pour la foi et la patrie entre 1940 et 1949. Naturellement, beaucoup ont été tués par les occupants allemands, italiens ou bulgares; mais la liste s'arrête en 1949, et un grand nombre de ces prêtres furent assassinés par les communistes grecs qui ne se gênaient pourtant pas pour utiliser les photographies des patriarches Alexis Ier de Moscou et Maxime VI de Constantinople pour leur propagande.
Et encore cette liste est incomplète, parce qu'elle ne montre que des photographies de prêtres de l'Eglise de Grèce, alors qu'il y a aussi eu des prêtres de la dissidence paléohimérologite qui furent assassinés dans ces années-là (par exemple Joseph de Despina en 1944).

Je ne connais pas grand'chose aux affaires yougoslaves, mais il ne me semble pas, à ma connaissance, que les titistes aient joué cette même comédie. Je crois qu'ils ont persécuté la religion ouvertement dès le début.

Pour revenir au point de départ, de ce que je sais, le mouvement de Draža Mihailović était plus hétérogène sur le plan religieux que les titistes ou surtout les Oustachis.

Après son procès truqué, Draža Mihailović a été fusillé le 17 juillet 1946.

Pour finir avec son histoire, voici deux épitaphes en français (quoique l'une soit anthume) citées par Jean-Christophe Buisson dans sa belle biographie Héros trahi par les Alliés, Perrin 1999.

Citation à l'ordre des Forces françaises combattantes, signée par le général Charles de Gaulle, le 2 février 1943: "(est cité) le général de corps d'armée Dragoljub Mihailović pour les raisons suivantes: héros légendaire, symbole du patriotisme le plus pur et des vertus militaires yougoslaves les plus grandes, il n'a jamais cessé de combattre sur le sol de sa patrie occupée. Grâce à l'aide que les patriotes yougoslaves lui fournissent, il combat sans cesse contre l'armée d'occupation, travaillant ainsi à préparer le dernier assaut qui amènera la libération de sa patrie, côte à côte avec ceux qui n'ont jamais accepté qu'un grand pays puisse se soumettre à un occupant brutal."

Michel Déon, de l'Académie française, contemplant les portraits de Tito dans la Yougoslavie communiste: "Face à ce portrait d'un homme gras come les satrapes orientaux, j'essayais de me souvenir du visage émacié à la barbe de Christ de l'autre chef des partisans: le général Mihailović. Fusillé pour naïveté, fusillé pour sa foi, corps troué de balles pour que triomphe l'ordre marxiste, le paradis sur terre."

Mémoire éternelle! Mémoire éternelle! Mémoire éternelle!
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Sur ce sujet voici un extrait d'un texte de M. Bosko BOJOVIC, professeur à l'2cole des Hautes Études (Sciences religieuses) :
La corrélation entre religion et nationalisme dans l’Est, et notamment dans le Sud-Est européen, eut une importante incidence sur l’attitude antireligieuse du parti communiste yougoslave, même si un certain pragmatisme fut pratiqué avant la guerre et surtout durant le conflit, ainsi qu’au cours des premières années qui suivirent, afin d’attirer une partie des couches pauvres de la population. De nombreux clercs catholiques (surtout slovènes ) et encore plus orthodoxes avaient cependant pris part à la résistance communiste ; les prêtres portaient un signe de croix inséré sur l’étoile rouge des partisans, ainsi que sur le brassard porté au bras droit ; les clercs islamique le portaient avec le croissant ; des préposés à la religion étaient attachés aux unités de combat. Fin 1942 la résistance communiste disposait de 7 préposés orthodoxes et deux musulmans. Ces clercs et fonctionnaires avaient pour charge l’enseignement religieux, les registres d’état civil. Les Commissions des affaires religieuses furent créées à partir du février 1944 (en Slovénie). Le Comité national yougoslave de libération promulgua le 13 mai 1944 un mot d’ordre préconisant le libre choix du parent quant à l’enseignement religieux. Fin 1944 Tito critique publiquement le chef du Parti communiste croate Hebrang qui avait décrété un catéchisme obligatoire en Croatie.
Socialiste catholique slovène, représentant des catholiques au sein de la résistance communiste, Eduard Kozbek fut dépêché au Vatican en août-septembre 1944, afin d’obtenir pour le gouvernement issu de la Résistance une reconnaissance de la part du Saint Siège. À l’occasion de cette mission diplomatique Tito émit certaines réserves quant aux droits de l’Église catholique qu’il accusait d’erreurs graves à l’égard du peuple yougoslave.
Un des éléments de la stratégie religieuse de Tito fut de chercher, tout au moins dans un premier temps, l'alliance de prêtres "de base" contre la "despotocratie" épiscopale. Cette stratégie n'est pas sans rappeler celle des bolcheviks avec l'Église rénovée” en Russie. Elle eut un temps de succès.
Jean-Louis Palierne
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Cadoudal
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Message par Cadoudal »

Chapeau à ceux qui ont fait des recherches!,c'est très fouillé avec références à l'appui et clarté dans la démonstration.Là,on comprend mieux la terrible machine communiste et ses mensonges.A quand un procès posthume mais toujours d'actualité(cf.la Chine,le Laos,...Cuba)de ce régime de terreur et de subvertion?D'après ce que vous dites,Mihailovic est la victime de l'idéologie rouge,...Malheur aux vaincus!L'oubli ,le placard de l'Histoire voilà ce que réserve les vainqueurs à ces derniers... .
Quant aux religieux qui ont patircipé de quelque manière qu'il soit aux massacres des orthodoxes, quelle terrible vérité!!!Hélas ce fait n'est nullement nouveau dans l'Histoire de l'Eglise.Des pretres ont participé aux évènements révolutionnaires,d'autres durant l'occupation allemande sont restés passifs par rapport à l'ostracisme des juifs puis à leurs disparitions physiques.C'est bien le coté sombre de l'homme qui revient ici.Heureusement bien des hommes et des femmes consacrés à Dieu ont agis courageusement face au Mal. En Croatie durant cette période y-aurait-il de ces personnes justes qui auraient dénoncé ces évènements?
Le Pape s'avait-il ce qui s'y passait?
J'essayerai de consulter un des ouvrages cités.
Quelles étaient les relations orthodoxes/catholiques? En tout cas cela fait froid aux yeux de voir ce que l'on peut faire à son prochain!
Cela renvoie au syndrome du bouc-émissaire analysé avec brio par M.Baumier dans son livre "L'Antitraité d'athéologie:le système Onfray mis à nu"aux éditions Presses de la Renaissance,238p.
J'avais été interéssée par l'histoire de ce résistant serbe à travers l'ouvrage suivant: FLEUTOT.F-M.Des royalistes dans la résistance,éd.Flammarion,2000.
Merci pour vos réponses,"historiquement votre"!
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

En fait je crois que l’histoire du XXème siècle a été celle d’un génocide orthodoxe, perpétré par les Ottomans, l’Autriche-Hongrie, les Bolcheviks, les nazis, les islamistes etc, presque toujours avec la complicité au moins tacite du monde occidental. Le plus étonnant est que l’Église orthodoxe a survécu, se renouvelle et fleurit. Intéressons-nous à cette nouvelle floraison.
Jean-Louis Palierne
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Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Cadoudal a écrit :En Croatie durant cette période y-aurait-il de ces personnes justes qui auraient dénoncé ces évènements?
Le Pape s'avait-il ce qui s'y passait?
Merci de vos remerciements et heureux que nous ayons pu répondre en partie à vos questions.
Je réponds brièvement à vos deux nouvelles questions, faute d'avoir ma documentation sous la main:
1. Pie XII savait. Le seul au Vatican qui a protesté contre ce qui se passait en Croatie, c'est le cardinal Tisserant, Lorrain germanophobe.
2. Il y a eu des oppositions croates au génocide à base religieuse menée par les Oustachis. Très peu d'oppositions dans le clergé, mais des oppositions venant surtout d'opposants politiques au régime. Ces opposants se recrutaient surtout dans des secteurs anticléricaux de la société croate. Le parti majoritaire en Croatie avant 1941, le parti paysan croate, a lâchement ménagé la chèvre et le chou, apportant un silence complice aux Oustachis tout en siègeant dans le gouvernement yougoslave en exil.
En plus de la politique de génocide menée sur une base religieuse contre les orthodoxes, et sur une base ethnique contre les Juifs et les Tsiganes, le gouvernement oustachi a aussi mené une politique de répression très violente contre ses adversaires politiques. On a cité les noms de 12'000 opposants croates exterminés dans le seul camp de Jasenovac en 4 ans. Contrairement au génocide perpétré contre la population de confession orthodoxe de l'Etat indépendant de Croatie, où on a massacré sur place des villages entiers, on peut supposer que la répression strictement politique a surtout liquidé ses victimes dans les camps. Par conséquent, si Jasenovac ne représente qu'autour de 15% de l'effectif des victimes orthodoxes du régime oustachi, il doit représenter la majorité de l'effectif des opposants politiques assassinés. On pourrait donc partir d'un chiffre de 20'000 opposants politiques croates assassinés en 4 ans, ce qui est quand même très violent, même pour un régime autoritaire. (A titre de comparaison, en Italie fasciste entre 1927 et 1942, il y a eu 27 opposants exécutés.)
Malheureusement, dans la Croatie actuelle, ce n'est pas le souvenir de ces opposants, mais bien celui des Oustachis qui est exalté au-delà de toute mesure (même si, depuis la mort de Tudjman, on met un peu la sourdine pour faciliter l'adhésion programmée à l'Union européenne).
J'ai connu des exilés croates qui, ne pouvant deviner que j'étais orthodoxe (je ne suis identifiable comme tel à leurs yeux ni par mon nom, ni par mon origine ethnique), s'embarquaient dans des justifications du génocide oustachi dès que la conversation tournait un peu sur les Balkans, et cela m'a valu une fois de me mettre vraiment en colère.
Dernière modification par Claude le Liseur le sam. 25 mars 2006 10:26, modifié 2 fois.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

lecteur Claude a écrit :
Je vous signale aussi que sur Internet, la version anglaise de l'encylopédie en ligne Wikipédia (plus fiable en général que la version française) consacre une page avec des photos et un plan au camp d'extermination de Jasenovac, commandé par un moine franciscain croate, où furent exterminés au moins 52'000 orthodoxes: http://en.wikipedia.org/wiki/Jasenovac_ ... ation_camp .

Je précise que quand je parle d'un chiffre d'au moins 52'000 orthodoxes exterminés à Jasenovac, je veux dire que nous avons les noms de 52'000 orthodoxes qui furent exterminés à cause de leur religion dans ce camp. Il faudrait y ajouter tous ceux dont nous n'avons pas les noms, et les familles qui y ont été entièrement exterminées, de telle sorte qu'il n'y a eu aucun survivant pour raconter.
Il faut en effet se souvenir de la déposition de Ljubo Miloš, qui fut un des commandants du camp de Jasenovac, devant le tribunal de Zagreb le 9 juin 1948:
"Je dois, avant toutes choses, expliquer que les prisonniers envoyés à Jasenovac étaient de deux sortes.
Ceux qui étaient munis d'un arrêt du tribunal étaient enregistrés dans le fichier du camp. Ceux qui n'en avaient pas n'étaient même pas enregistrés. Ces derniers étaient largement plus nombreux et ils étaient immédiatement envoyés à la liquidation."
Cela veut dire que le nombre des orthodoxes morts pour leur foi à Jasenovac doit largement dépasser les 105'000, puisque nous avons 52'000 noms enregistrés.
Dernière modification par Claude le Liseur le sam. 25 mars 2006 10:25, modifié 1 fois.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Pour satisfaire la curiosité légitime de "Cadoudal", voici quelques étapes de la glorieuse aventure de l'"Etat indépendant de Croatie" de Pavelić, Stepinac et cie.

6 avril 1941 Invasion de la Yougoslavie par les forces armées de l'Allemagne, de l'Italie, de la Hongrie et de la Bulgarie.

8 avril 1941 Opération "Châtiment": bombardement de Belgrade par la Luftwaffe. 17'000 morts. Plus que jamais, le vieux slogan du catholicisme autrichien Serbien muß sterben est d'actualité.

12 avril 1941 Kvaternik proclame l'Etat indépendant de Croatie. Maček, chef du parti paysan croate, donne sa caution au nouveau régime, signant ainsi sa trahison à l'égard de l'Etat yougoslave dont il était le vice-président du Conseil. Stipe Mesić répétera l'opération cinquante ans plus tard, en prenant ses fonctions de président de la Fédération yougoslave, et annonçant qu'il en serait le dernier président.

15 avril 1941 Pavelić arrive à Zagreb. Le lendemain, il devient le poglavnik (c'est-à-dire le Führer) du nouvel Etat, fonction qu'il cumule avec celle de ministre des Affaires étrangères.

16 avril 1941 Le cardinal Stepinac vient apporter ses salutations au Poglavnik: "Le grand homme est arrivé pour réaliser la tâche la plus importante de son existence entière", dit le futur "bienheureux" à propos de quelqu'un qui, après tout, n'a à ce moment à son actif que l'assassinat du roi Alexandre Ier de Yougoslavie et du ministre français des Affaires étrangères Louis Barthou.

17 avril 1941 Pavelić promulgue un décret qui instaure la peine de mort pour "quiconque offense ou a offensé d'une quelconque façon l'honneur et les intérêts vitaux du peuple croate".

18 avril 1941 Capitulation de l'armée yougoslave. Le roi et le gouvernement se sont enfuis en Angleterre. Le colonel Mihailović poursuit seul la lutte avec quelques dizaines de partisans. Ils seront des dizaines de milliers dix-huit mois plus tard.
Les Allemands étendent démesurément les frontières de l'Etat indépendant de Croatie: outre la Croatie historique, celui-ci comprend la Dalmatie, la Slavonie (à laquelle on a rajouté Zemun, c'est-à-dire la banlieue de Belgrade!), la Bosnie et l'Herzégovine, soit un superbe champ d'expérimentation génocidaire.
Cet Etat de Croatie, démesurément étendu au-delà des frontières de la Croatie historique (mais Tito entérinera une grande partie de ces annexions, et la "communauté internationale" fera de même en 1991-1992) compte à ce moment-là environ 3'000'000 de catholiques romains, 2'200'000 orthodoxes, 717'000 musulmans et 180'000 autres (dont 100'000 Juifs et 70'000 protestants).

19 avril 1941 L'Etat indépendant de Croatie promulgue ses premiers décrets. Les entreprises privées appartenant à des Juifs ou à des chrétiens orthodoxes se voient imposer des commissaires nommés par l'Etat croate pour assurer leur gestion. Les véhicules privés appartenant à des Juifs ou à des chrétiens orthodoxes leur sont confisqués. Les chrétiens orthodoxes doivent porter un brassard de couleur bleue avec la lettre P pour Pravoslavni (c'est-à-dire Orthodoxe). Les Juifs doivent porter l'étoile de David sur la manche. Il est interdit aux chrétiens orthodoxes, aux Juifs et aux Tziganes de marcher sur les trottoirs. Début des massacres.

25 avril 1941 Un décret interdit l'emploi de l'alphabet cyrillique tant dans la vie privée que dans la vie publique.

28 avril 1941 Le futur "bienheureux" Stepinac ordonne des prières publiques dans les églises pour Pavelić: "J'ordonne donc que dimanche prochain, le 4 mai, dans toutes les églises, soit chanté le Te Deum et j'invite les autorités locales et la population à y assister."

30 avril 1941 Décret sur la nationalité croate: "Les Juifs et les Serbes ne sont pas citoyens de l'Etat indépendant de Croatie, mais ils appartiennent à l'Etat."

5 mai 1941 Loi relative aux conversions forcées au catholicisme romain.

6 mai 1941 A Blagaj, 520 chrétiens orthodoxes sont tués à coup de fusil et achevés au poignard et à la hache.

15 mai 1941 La Croatie devient officiellement un royaume. Désigné pour en ceindre la couronne sous le nom de Tomislav II, son Altesse Aymon d'Aoste, duc de Spolète, neveu du roi d'Italie Victor-Emmanuel III, refusera de mettre les pieds dans son nouveau royaume en raison du bain de sang qui s'y déroule.
Le jour même où Pavelić, accompagné du vicaire général de l'archevêché de Zagreb, Mgr Sewis, et de trois prêtres, est reçu par le roi d'Italie, le ministre croate de l'Instruction publique, Dr. Mile Budak, se glorifie du meurtre du roi Alexandre de Yougoslavie: "Nous, nous seuls, nous revendiquons cet honneur!" Radio-Londres commente: "Nous ne pouvons comprendre que le roi Victor-Emmanuel accueille dans sa maison un régicide." En 1990-1991, Budak sera un des héros de la nouvelle Croatie indépendante.
Ce même jour du 15 mai 1941, l'organe de l'archevêché catholique romain de Zagreb publie une circulaire du bureau du futur "bienheureux" Stepinac approuvant la procédure fixée le 5 mai pour les conversions forcées.

19 mai 1941 L' Osservatore romano rend compte de l'audience accordée par le pape Pie XII au "grand homme d'Etat" (sic) Ante Pavelić.

3 juin 1941 Tous les jardins d'enfants et toutes les écoles élémentaires appartenant à l'Eglise orthodoxe sont fermés sur le territoire de l'Etat indépendant de Croatie.

10 juin 1941 Un décret de Pavelić promulgue la peine de mort pour quiconque écoute Radio-Londres.

13 juin 1941 Sermon du curé catholique romain d'Udbina, don Mate Mugoša: "Jusqu'à aujourd'hui, nous avons oeuvré pour la foi catholique avec le missel et la croix du Christ. A présent, le moment est venu d'agir avec le fusil et le pistolet."

15 juin 1941 On peut lire dans l'hebdomadaire de l'archevêché catholique romain de Sarajevo: "Il faut admettre que des temps difficiles sont arrivés pour les Serbes qui paient le prix de notre programme et qui en supportent le poids."

22 juin 1941 L'Allemagne attaque l'Union soviétique. Menés par Tito, les communistes yougoslaves entrent à leur tour dans la Résistance. Ils compteront eux aussi, bientôt, des dizaines de milliers de combattants.
En 1943-1944, l'armée allemande devra maintenir 300'000 hommes en Yougoslavie pour faire face aux partisans de Tito et de Mihailović. L'explication de cette combattivité de la Résistance yougoslave, sans exemple ailleurs dans l'Europe occupée, réside en grande partie dans le fait que les massacres commis par l'Etat de Pavelić et Stepinac jettent dans le combat une grande partie de la population orthodoxe survivante. L'armée royaliste de Mihailović compte ainsi des unités de femmes qui se battent vêtues de noir, car elles portent le deuil de leurs familles assassinées par les Oustachis. En revanche, les troupes de l'Etat indépendant de Croatie, trop occupées à des massacres et à des rapines, seront d'une efficacité militaire à peu près nulle, contraignant l'armée allemande à supporter l'essentiel de la lutte contre une Résistance sans cesse renforcées par les exactions des Oustachis.

26 juin 1941 Le bilan de l'Etat indépendant de Croatie à ce moment-là est estimé à 180'000 assassinats, dont trois évêques et plus de cent prêtres orthodoxes. Pavelić reçoit ce jour-là une délégation de l'épiscopat croate, menée par le futur "bienheureux" Stepinac, lequel fait son éloge.
Le bilan total, pour les chrétiens orthodoxes, sera estimé à 700'000 à 1 million de morts, dont 300 prêtres et 4 évêques. Les Juifs auront environ 50'000 morts et les Tziganes 28'000. Les opposants politiques croates seront aussi assassinés par milliers (peut-être 20'000). Le nombre total des victimes doit se situer entre 800'000 et 1'100'000, représentant ainsi 13 à 18% de la population de départ de l'Etat indépendant de Croatie.
Ce chiffre ne concerne que les civils assassinés par l'Etat indépendant de Croatie et ne comprend bien sûr pas les hommes tués au combat de part ou d'autre (Oustachis, partisans royalistes, partisans communistes, unités au service de l'armée allemande) qui augmenteraient le total de plusieurs dizaines de milliers.
Martyrologe des évêques orthodoxes tombés sous les coups des disciples de Pavelić et Stepinac: Mgr Pierre, métropolite de Sarajevo, égorgé au camp d'extermination de Jasenovac; Mgr Platon, évêque de Banja Luka, ferré au pieds comme un cheval, barbe et cheveux mis à feu, yeux crevés, nez et oreilles coupés, puis achevé; Mgr Sabbas, évêque de Plaski, torturé et tué avec 3 prêtres et 2'000 fidèles sur l'île de Pag; Mgr Branko, évêque d'Otocac, barbe et cheveux arrachés, yeux crevés, achevé à la hache.
Ainsi que l'écrira plus de quarante ans plus tard l'ancien ministre socialiste français Arthur Conte (in Les Dictateurs du XXe siècle, Robert Laffont, Paris 1984, p. 211): "Pavélitch n'est pas loin d'illustrer tragiquement l'une des dictatures les plus sanguinaires et les plus féroces de tous les temps." Il semble en effet que seuls les Khmers rouges aient réussi à l'égaler dans la férocité.

28 juin 1941 Eugen Kvaternik-Dido (le fils de Slavko Kvaternik), chef de la police de Zagreb, fait dynamiter la basilique orthodoxe de la ville de Bihać. Le même jour, 2'000 Juifs et chrétiens orthodoxes sont tués dans cette ville.

7 juillet 1941 Le prêtre catholique romain Ivo Guberina, président de l'Action catholique croate, écrit: "La Croatie se purifiera de tous ses poisons par tous les moyens, même par l'épée."

14 juillet 1941 Circulaire N° 46278-B-1941, signée par Pavelić et Budak, sur la conversion forcée des orthodoxes au catholicisme. Les conversions ne seront admises qu'au rite latin, et pas dans la petite Eglise uniate. On n'acceptera pas les conversions des intellectuels (susceptibles de conversions simulées et d'organiser une résistance), voués à la mort, mais seulement celles du "peuple orthodoxe et pauvre". Il y aura au total 200'000 conversions forcées, parfois quand même suivies d'exécutions.

22 juillet 1941 L' Osservatore romano rapporte que Pie XII a donné audience à Eugen Kvaternik-Dido et à 100 policiers oustachis en uniforme.
Le même jour, lors d'un grand rassemblement oustachi à Gospić, Budak déclare: "La base du mouvement oustachi est la religion. (...) Nous exterminerons une partie des Serbes. Nous en déporterons une autre partie et nous contraindrons le reste à accepter la religion catholique romaine. Ainsi la nouvelle Croatie se débarassera de tous les Serbes qui sont en son sein, et deviendra d'ici 10 ans catholique à 100%."

24, 25 et 26 juillet 1941 1'200 chrétiens orthodoxes assassinés à Grabovac.

29 juillet 1941: Radio-Zagreb annonce: "En Croatie, il ne peut exister ni Serbes ni Orthodoxie. Les Croates s'en assureront le plus rapidement possible."

4 août 1941 A Mlavka, 270 chrétiens orthodoxes sont brûlés vifs (nostalgie de l'Inquisition?). Le même jour, 800 chrétiens orthodoxes sont tués à Slunj. Une journée ordinaire dans la vie de l'Etat de Pavelić et Stepinac. Et comme cela pendant 4 ans, comme on le verra.

Août 1941 L'armée italienne - pourtant officiellement alliée des Croates - décide d'étendre sa zone d'occupation en Dalmatie et en Krajina pour y sauver les populations juives et chrétiennes orthodoxes. L'armée italienne rouvre ainsi la basilique orthodoxe de Knin où les offices reprennent le 28 août 1941. Protestation du futur "bienheureux" Stepinac contre les actions humanitaires de l'armée italienne dans une lettre adressée à l'ambassadeur d'Italie à Zagreb Casertano:
"C'est ainsi que dans les territoires croates annexés à l'Italie, on observe une continuelle décadence de la vie religieuse, et même une certaine tendance au passage du catholicisme vers le schisme. La faute et la responsabilité devant Dieu et devant l'Histoire sera celle de l'Italie catholique si cette région la plus catholique de la Croatie doit cesser de l'être à l'avenir."
Le "bienheureux" ne vivra pas assez longtemps pour voir la réalisation de son rêve. Sauvés par l'armée italienne en août 1941, les orthodoxes de la Krajina ("région la plus catholique de la Croatie" selon Stepinac, mais quand même à majorité orthodoxe) seront entièrement liquidés en 1995 lors de l'attaque de l'armée croate menée avec la bénédiction de Jean-Paul II, qui parlera à cette occasion de "guerre juste". Le 12 septembre 1995, la conférence épiscopale croate réunie à Zagreb votera une résolution favorable à l'expulsion des Serbes de la Krajina .

Septembre 1941 Le journal de l'archevêché de Zagreb communique: "Le village entier de Budimici a été converti au catholicisme le 14 septembre 1941. Le moine fanciscain Sidonije Scholz avait procédé aux dispositions préparatoires. Plusieurs prêtres et le préfet du département de la Baranja assistaient à la cérémonie. Pendant le banquet final, des discours furent prononcés et des verres furent levés en l'honneur du Poglavnik et de la Croatie."

13 novembre 1941 Les notables de la communauté musulmane de Banja Luka, pressentant que les musulmans seront exterminés quand l'Etat indépendant de Croatie en aura terminé avec les chrétiens orthodoxes, écrivent une lettre de protestation au gouvernement de l'Etat indépendant de Croatie: "Le meutre des prêtres et des chefs sans jugement, sans aucun tribunal, l'exécution par fusillade en masse de personnes très souvent tout à fait innocentes, de femmes et d'enfants, l'éloignement de familles entières de leur domicile dans un délai d'une heure ou deux au maximum, leur déportation vers une destination inconnue, l'appropriation de leurs biens et leur passage forcé à la foi catholique, ce sont là des faits qui ont rempli de stupeur les personnes de bon sens et qui nous ont laissé à nous, les musulmans de ces régions, une très mauvaise impression.". Ils signalent en particulier que des Oustachis n'hésitent pas à se revêtir d'un fez quand ils vont massacrer des orthodoxes, de telle sorte que l'on attribue le massacre aux musulmans.
Beaucoup de musulmans rejoindront les Oustachis, le Poglavnik les ayant proclamés "fleurs de la nation croate". D'autres rejoindront la division SS Handschar levée en Bosnie par le grand mufti de Jérusalem. Mais un grand nombre de musulmans, surtout ceux qui se considéraient comme des Serbes de confession musulmane, s'engageront dans les rangs de la Résistance.

19 novembre 1941 Lettre de protestation de l'évêque de l'Eglise évangélique Filip Popp au gouvernement de l'Etat indépendant de Croatie, demandant que les orthodoxes qui se convertissent au protestantisme soient épargnés... Mgr Popp rappelle aussi, au cas où le catholicisme du Poglavnik s'étendrait jusqu'au massacre des protestants, que le protestantisme a derrière lui les pays les plus développés du monde. Et, en effet, par peur de l'Allemagne en grande partie luthérienne, l'Etat croate ne touchera pas à sa petite minorité de 70'000 protestants.

25 décembre 1941 Au camp de concentration de Jasenovac, commandé par le moine franciscain Miroslav Filipović, les oustachis fêtent Noël en tuant à coups de poignard dans le ventre 500 déportés arrivés le jour même. 39 ans plus tard, le 10 février 1981, l'archevêque de Zagreb, cardinal de Jean-Paul II, Mgr Franjo Kuharić, déclarera: "Dire que des prêtres catholiques furent à la tête de lieux d'extermination ou de bandes d'assassins est un mensonge éhonté!"

Janvier 1942 Comme son but principal est la prise du pouvoir et la soviétisation totale de la Yougoslavie après la victoire sur l'Axe - ce qui implique que l'ennemi numéro 1 à abattre est le général Mihailović, chef des partisans fidèles au gouvernement légitime en exil-, Tito décide de gonfler les effectifs des partisans communistes en acceptant tous les Oustachis qui décideront de changer de camp.

6 février 1942 Le pape Pie XII reçoit en audience 206 membres de la Jeunesse croisée de Croatie, en uniformes oustachis.

16 février 1942: Radio-Londres à propos de Mgr Stepinac: "Autour de Stepinac se commettent les plus grandes atrocités. Le sang fraternel coule à torrents, creusant un fossé encore plus profond. Les orthodoxes sont convertis par la force au catholicisme, et nous n'entendons pas la voix de l'Archevêque prêcher la rébellion. Nous lisons, au contraire, qu'il prend part à des parades nazies et fascistes."

17 février 1942 Rapport envoyé par le chef des SS allemands stationnés à Zagreb au Reichsführer der SS Himmler: "Il semble que le nombre des Orthodoxes massacrés et torturés par les Croates par des méthodes extrêmement sadiques s'élèveà 300'000.(...) A ce sujet, il faut souligner le fait que l'Eglise catholique, par ses mesures de conversion et par l'imposition de sa propre confession, a forcé la main aux oustachis, se servant d'eux pour la mise en application de ces mesures."

1er mars 1942 Un groupe de prêtres catholiques slovènes signe une lettre de protestation adressée au Vatican: "Par conséquent, pendant que la terreur règne en Croatie, le Saint-Siège devrait interdire la conversion de la foi orthodoxe à la foi catholique dans l'Etat indépendant de Croatie." On attend toujours la protestation du futur "bienheureux".

Printemps 1942 Pour répondre à la propagande anglo-saxonne qui dénonce le massacre des orthodoxes, Pavelić crée une "Eglise orthodoxe croate" aussi schismatique que fantômatique et propulse à sa tête un évêque russe en rupture de ban, Mgr Hermogène.

3 novembre 1942 Lettre de protestation adressée par le commandant de la IIe armée italienne à l'Etat-major général.

8 septembre 1943 Capitulation de l'Italie. Les Allemands remplacent les Italiens dans toute leur zone d'occupation des Balkans. Mais, dans le même temps, cette capitulation renforce encore la Résistance en Yougoslavie et en Grèce: certaines unités italiennes n'hésitent pas à rejoindre la Résistance ou à lui donner armes et munitions.

30 octobre 1943 Un décret de l'Etat indépendant de Croatie légalise la prise et l'exécution d'otages.

21 mars 1944 Stepinac est proposé pour la plus haute décoration de l'Etat indépendant de Croatie. Il a bien mérité de son Poglavnik.

Avril 1944 A ce moment-là, la Résistance communiste de Tito compte déjà 80'000 anciens Oustachis ou anciens soldats de Pavelić. Comme en bien d'autres pays, les communistes se serviront d'anciens serviteurs de l'Axe pour venir à bout de ceux qu'ils considèrent comme leur ennemi principal: les résistants non communistes. (Dans quelques mois, l'Armée rouge restera l'arme au pied sur la Vistule pour laisser l'armée allemande écraser l'insurrection de Varsovie menée par les patriotes polonais de l'Armée de l'Intérieur: les forces de l'Axe faisant ainsi le travail que les communistes auraient eu à faire après la prise du pouvoir.) Cela explique aussi que les rangs des communistes croates sous le régime de Tito seront truffés d'anciens Oustachis qui pourront, sous couvert de "yougoslavisme", faire disparaître les traces du génocide menée par l'Etat de Pavelić et Stepinac, effacer la distinction entre victimes et bourreaux, etc.

20 avril 1945 A Jasenovac, où il ne reste plus que 1'973 prisonniers survivants, les gardiens en massacrent 900. Les survivants sont enfermés dans le dernier édifice du camp que les Oustachis n'ont pas encore dynamité.

21 avril 1945 Poussés par l'énergie du désespoir, les 1'040 survivants de Jasenovac se lancent à l'assaut des mitrailleuses de leurs gardiens. 520 mourront au combat, 60 réussiront à fuir et 460 seront massacrés après avoir été capturés à nouveau. Il y aura donc 60 survivants pour témoigner de ce que fut la mort quotidienne dans la principale prison de l'Etat de Pavelić et Stepinac.

28 avril 1945 Une série d'explosions achève de détruire l'essentiel des installations de Jasenovac. L'armée yougoslave ne trouvera que des ruines.
46 ans plus tard, la nouvelle Croatie indépendante pourra se doter d'un président, Franjo Tudjman, qui déclarera que Jasenovac n'est qu'un mythe.

4 mai 1945 La guerre prendra fin dans quatre jours. A Sisak, les oustachis trouvent encore le temps de massacrer 500 chrétiens orthodoxes quelques heures avant l'arrivée des partisans.

5 mai 1945 C'est la fin pour l'Etat indépendant de Croatie. Pavelić quitte Zagreb sous la protection de l'armée allemande en déroute et en compagnie de 500 religieux et moniales romano-catholiques ses complices, dont l'archevêque de Sarajevo, Mgr Šarić, délicat poète auteur d'une Ode au Poglavnik et spoliateur de biens juifs, et l'évêque de Banja Luka, Mgr Garić, qui avait livré aux Oustachis l'évêque orthodoxe Platon. Pavelić sera caché dans le couvent franciscain de St Gilgen, près de Salzburg, dans le couvent franciscain de Bad Ischl, près de Linz, de nouveau à St Gilgen, et enfin à Rome où il bénéficiera des filières d'évasion mises en place par le Vatican pour les criminels de guerre (appelées par les Anglo-Saxons les ratlines). Le Vatican le fera passer en Argentine en 1949. Toutefois, Pavelić sera blessé en Argentine dans un attentat le 10 avril 1957, et devra quitter l'Argentine pour Saint-Domingue, puis Santiago du Chili et enfin Madrid, où il sera jusqu'à sa mort le 28 décembre 1959 l'hôte de Mgr Šarić dans un couvent franciscain. La veille de sa mort, alors que le Poglavnik recevait l'extrême-onction, le pape Jean XXIII lui fera parvenir sa bénédiction personnelle (je le signale à l'usage de ceux qui n'auraient pas encore compris).

D'autres criminels de guerre auront un destin encore plus favorable. Ivo Rojnica, chef oustachi de Dubrovnik où il fit exterminer Juifs et chrétiens orthodoxes par milliers, s'enfuit en 1945 en emportant les fonds volés aux victimes. Reconnu par une victime juive, il est arrêté à Trieste (alors occupée par les Britanniques et les Etatsuniens), puis libéré sur intervention du Vatican et exfiltré en Argentine par les ratlines. Il y devint un industriel prospère. Une demande d'extradition présentée par la Yougoslavie sera refusée par l'Argentine. En juillet 1991, Franjo Tudjman, président d'une "nouvelle" Croatie sous parrainage de l'Autriche, de l'Allemagne et du Vatican (ce qui était déjà le cas cinquante ans plus tôt!) et célébrée à longueur de journée dans la presse des pays francophones (des pays francophones devenus oublieux de leur passé et par là même privés de leur avenir), nomme Rojnica ambassadeur de Croatie en Argentine, bien que celui-ci figure toujours sur la liste des criminels de guerre recherchés dans le monde. Le gouvernement argentin (il est vrai que le président Menem est à ce moment-là le principal fournisseur d'armes de Tudjman, dans le cadre d'un ravitaillement en armes de la Croatie organisé par le Vatican) lui accorde aussitôt son accréditation, mais cette nomination est bloquée suite à une campagne énergique déclenchée par la presse argentine indignée. Vous pouvez par exemple trouver à l'adresse http://www.pavelicpapers.com/documents/ ... c0001.html du site Pavelic Papers, la traduction anglaise du décret que Rojnica avait signé le 25 juin 1941, interdisant aux Juifs et aux chrétiens orthodoxes de Dubrovnik de sortir dans la rue entre 19 heures et 7 heures du matin. On a par ailleurs établi en 1947 une liste nominative de 50 personnes torturées ou assassinées par Rojnica en personne. Né le 20 août 1915, Ivo Rojnica continue de couler des jours heureux en Argentine.

... et, le 3 octobre 1998, pour ceux qui n'auraient toujours pas compris, le pape Jean-Paul II béatifie Stepinac.
Dernière modification par Claude le Liseur le dim. 02 avr. 2006 21:08, modifié 8 fois.
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Message par Claude le Liseur »

Cadoudal a écrit :Quant aux religieux qui ont patircipé de quelque manière qu'il soit aux massacres des orthodoxes, quelle terrible vérité!!!Hélas ce fait n'est nullement nouveau dans l'Histoire de l'Eglise.Des pretres ont participé aux évènements révolutionnaires,d'autres durant l'occupation allemande sont restés passifs par rapport à l'ostracisme des juifs puis à leurs disparitions physiques.C'est bien le coté sombre de l'homme qui revient ici.Heureusement bien des hommes et des femmes consacrés à Dieu ont agis courageusement face au Mal. En Croatie durant cette période y-aurait-il de ces personnes justes qui auraient dénoncé ces évènements?
Le Pape s'avait-il ce qui s'y passait?
Et pour tenir ma promesse, voici les noms des TROIS seuls justes qui, dans le clergé catholique romain croate, se sont opposés à la politique d'extermination de Pavelić:

-Mgr Mišić, l'archevêque de Mostar, condamna les massacres dans sa lettre pastorale du 30 juin 1941. A ma connaissance, il n'est toujours pas question de le béatifier, lui...

-Le R.P. Lončar, prêtre à Zagreb, fit le 23 août 1941 un sermon sur le thème "Tu ne tueras point". En vertu des lois quelque peu étonnantes de l'Etat indépendant de Croatie, cela lui valut d'être condamné à mort, sentence commuée en prison à vie.

-Le 10 avril 1942, le R.P. Franjo Rihar, curé de Gornja Stubica, refusa de chanter le Te Deum pour l'anniversaire de la création de l'Etat indépendant de Croatie. Il fut condamné le 18 avril 1942 à trois ans de déportation à Jasenovac.

Et voici maintenant le nom du seul juste, au Vatican, qui protesta contre ce qui se passait, mais peut-être plus parce qu'il était Lorrain - avec ce que cela peut vouloir dire de sentiments par rapport à l'Allemagne (Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine / Malgré vous nous resterons français / Vous avez pu germaniser la plaine / Mais notre coeur, vous ne l'aurez jamais)- que par sentiment de réelle pitié: Eugène, cardinal Tisserant.

Extrait du rapport du Dr Rusinović, ambassadeur de l'Etat indépendant de Croatie auprès du Saint-Siège, au ministre Lurković en date du 28 mai 1942:

"Le mercredi 27, j'ai rendu visite pour la troisième fois au cardinal Tisserant, pour la troisième mais également la dernière. Par les rapports précédents, tu sais déjà qui est ce monsieur et comment il pense. Sa pensée ne m'a pas autant frappé cette fois-ci que son comportement.
Il dit que les Allemands ont reconnu l'Eglise orthodoxe croate après avoir tué, avec nous, les prêtres, et après que 350'000 Serbes aient disparu. Il dit: qu'avons-nous à reprocher aux Serbes lorsque nous-mêmes nous comportons envers eux de façon pire qu'ils ne le faisaient avec nous, bien que nous soyons, pour ainsi dire, plus civilisés et catholiques. Dans un seul camp de concentration il y a 20'000 Serbes.
Dans la lutte contre les Turcs, les Serbes ont donné à l'Occident et au catholicisme autant que nous-mêmes, peut-être plus. Les Croates ont été désignés comme "antemurale christianitatis" (rempart du christianisme) parce qu'ils étaient catholiques. Vous savez comment sont les Croates après ce qu'ils ont fait en Lorraine, etc. C'est à peine si je pouvais placer un mot. Il a continué en disant qu'il n'avait pas plus de sympathie pour les Serbes que pour les Croates. Il est convaincu que la victoire appartiendra aux Anglo-Saxons. A son avis, la situation mondiale aujourd'hui peut être comparée à celle de 1918. Il pense que la guerre finira à l'été 1943, mais il ajoute qu'il peut se tromper parce que, lors de la dernière guerre, les Alliés se préparaient pour une victoire en 1916 et cette dernière est survenue, au contraire, en 1918. Tout ce que les peuples opprimés sont supporté jusqu'ici se retombera sur les Allemands.

Aujourd'hui, ce sont les autres qui meurent; demain, ce sera le tour des Allemands. Les Croates se battront contre les Serbes, les Hongrois contre les Roumains et nous verrons qui aura le dessus. En disant cela, il a ri de façon cynique et plaisanté. Je suis resté stupéfait et surpris, comme je te l'ai déjà dit, et j'ai décidé que ce serait ma dernière visite, parce que je vois bien qu'avec lui je perds inutilement du temps."

Pour comprendre les propos du cardinal rapportés par l'ambassadeur de l'Etat indépendant de Croatie, il faut remarquer que Mgr Tisserant fait deux allusions que le lecteur contemporain a de la peine à comprendre.

"Vous savez comment sont les Croates après ce qu'ils ont fait en Lorraine": allusion aux auxiliaires croates de l'armée des Habsbourg lors des invasions de la Lorraine au XVIIIe siècle.

"Les Croates se battront contre les Serbes, les Hongrois contre les Roumains et nous verrons qui aura le dessus": allusion à la politique que l'Etat hongrois menait contre l'Eglise orthodoxe dans la partie de la Roumanie que Hitler avait donné aux Hongrois par l'arbitrage de Vienne du 30 août 1940. Cette politique, dont j'ai déjà parlé sur le forum, présentait bien des points communs avec la politique menée par l'Etat indépendant de Croatie: conversions forcées, destructions d'églises, assassinats de prêtres. Toutefois, la politique hongroise se distinguait de la politique croate par deux traits. La politique hongroise ne travaillait pas exclusivement en faveur du seul catholicisme, mais en faveur des "religions magyares" (catholicisme, calvinisme, luthéranisme et unitarisme) - n'oublions pas que l'amiral Horthy était calviniste; c'est ainsi qu'en Roumanie occupée, les conversions forcées au calvinisme et à l'unitarisme étaient tout aussi pratiquées que les conversions forcées au catholicisme. L'autre trait distinctif est que la politique hongroise en Transylvanie, malgré des massacres de villages entiers à l'occasion (comme à Ip), reposait beaucoup plus sur les expulsions de masse et la terreur sélective que sur la terreur de masse. Rien de commun avec les vastes chasses à l'homme pratiquées par les Oustachis. Toutefois, dans la bouche du cardinal Tisserant, l'allusion est très claire et revient à une prédiction: il prédit à l'ambassadeur croate que ceux qui avaient profité de la situation pour persécuter les orthodoxes risquaient de le payer en cas de victoire des Alliés.
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