des peuples oubliés

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Maksim
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Message par Maksim »

Ai-je, peut-être, utilisé le terme "patriarcat bulgare" de manière inadaptée!
Je voulais parler de l'église bulgare d'Istanbul qui a autorisé l'enterrement des deux successeurs de Papa Eftim (Turgut et Selçuk Erenerol) dans son propre cimetière, le patriarcat oecuménique leur ayant interdit le sien.

Pour ce qui est de la traduction, il faudra être très indulgent et mettre le résultat "en bon français".

Irène, j'ai suivi la voie que vous m'indiquiez.
Avec espérance et humilité...
Dzma
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Re: des peuples oubliés

Message par Dzma »

lecteur Claude a écrit :L'Orthodoxie apparaît aujourd'hui essentiellement comme la religion majoritaire des Russes, des Ukrainiens, des Ethiopiens, des Roumains, des Grecs, des Serbes, des Bulgares, des Biélorusses, des Géorgiens et des Slavo-Macédoniens. Par ailleurs, on sait qu'elle est implantée de manière durable parmi une minorité des Tchèques, Slovaques, Finlandais, Estoniens, Lettons, Albanais, Arabes, Malayalis, etc.

Mais on a complètement oublié que, dans le passé, il y a eu bien d'autres peuples, parfois fort minoritaires ou dispersés, où l'Orthodoxie était parvenue à s'implanter durablement - parfois pendant des siècles, et parfois en touchant la majorité de ces peuples.

Qui se souvient aujourd'hui du fait que l'Orthodoxie était aussi leur religion pour les Alains, les Lazes, les Abkhazes, les Albanais du Caucase, les Coumans, les Homérites ou les Nobades? Qui se souvient du franciscain Guillaume de Rubrouck rencontrant les gardes alains du Grand Khan mongol qui lui firent part de leur fierté d'avoir la "foi grecque"?

Au 15 septembre du calendrier ecclésiastique, l'Eglise fait mémoire du saint martyr Nicétas le Goth. Cela devrait nous inciter à penser un instant à ces peuples qui firent un bout de chemin au sein de l'Orthodoxie avant de disparaître ou d'apostasier. Martyr sur l'ordre du roi païen Athanaric vers 370, saint Nicétas aurait été un traducteur de l'Ecriture en langue gothique. Peut-être avait-il révisé la première traduction du célèbre évêque Ulfilas (en fait Wulfila - Petit Loup), qui introduisit malheureusement l'arianisme chez les Goths.

Il est généralement connu que la plupart des Goths qui envahirent l'Europe occidentale étaient ariens, et que le royaume des Ostrogoths fut arien jusqu'à sa fin, tandis que celui des Wisigoths le demeura jusqu'à sa conversion en 587. Mais il est généralement ignoré que, parmi les Goths demeurés en Europe centrale et orientale (ils étaient particulièrement nombreux sur le territoire de l'actuelle Roumanie), le sacrifice de saint Nicétas ne fut pas vain. Le professeur Pierre Maraval nous apprend, dans "Le christianisme de Constantin à la conquête arabe", PUF, Paris 1997, p. 96, qu' "il subsistera des communautés de Goths orthodoxes: Jean Chrysostome, au début du Vème siècle, recrute un clergé capable de les instruire, envoie sur place des prêtres et des diacres, consacre un évêque de Gothie." Je suis plus sceptique sur ce dernier point: "évêque de Gothie" ne veut pas dire "évêque des Goths". On appelait à cette époque-là "Gothie" les actuelles Munténie et Dobroudja dans le sud de la Roumanie, et cet évêque avait aussi bien des fidèles goths que roumains. Les rois goths qui régnaient sur ces territoires vivaient alors en bonne intelligence avec leurs sujets roumains, et certains avaient adopté le titre de jude, du latin judex, origine probable du mot roumain actuel judet qui veut dire "département", ce qui était un signe de latinisation.

Par la suite, les invasions des VIème et VIIème siècles (Avars, Slaves, Bulgares) ont plus ou moins fait disparaître le peuple goth en Europe centrale au cours des siècles suivants, mais les Goths ont survécu, d'abord en tant que peuple autonome et ensuite en tant que minorité de plus en plus petite au sein des khanats tatars, en Crimée jusqu'au XVIème siècle. Ces Goths de Crimée étaient orthodoxes (un de leurs évêques participa aux travaux du concile de Nicée en 325), et fidèles alliés de l'Empire byzantin qui exerça un protectorat sur eux jusqu'au XIème siècle. Ils semblent s'être étiolés au fil des invasions successives, et leur langue disparaît au XVIème siècle.

Je regrette de ne pas disposer de plus d'informations sur ce peuple germanique qui a connu onze siècles de vie orthodoxe, et je serais très reconnaissant à toute personne qui voudrait bien me communiquer plus de renseignements.

Il me semble par ailleurs que saint Nicétas le Goth pourrait être un excellent patron pour une mission orthodoxe contemporaine en Allemagne, Autriche, Alémanie, ou Scandinavie... Les Goths ne venaient-ils pas de l'île de Gotland?


C'est totalement juste. Cependant il ne faut pas oublier que les Lazes sont ethniquement Géorgiens (ou Kartveles), étant apparentés trés etroitement aux Mingréliens (autres ethnie Géorgienne).

Toutes les ethnies Géorgiennes étaient liées à l'église d'Orient (donc Orthodoxe) et aujourd'hui la grande majorité le reste. Cependant l'Empire Ottoman a converti à l'Islam certains Géorgiens comme les Meskhets et les Adjars.

Cependant depuis quelques années on assiste à un retour vers l'Orthodoxie de croyants appartenant à ces régions islamisées.
Maksim
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Message par Maksim »

En tout cas, la bibliothèque Saint-Marc de Venise conserve un manuel religieux chrétien en langue coumane, le Codex comanicus, dont le professeur Lébédynsky extrait cette phrase:

Yesus Christus bitlik tilince, tatarca qutqardaci, ol kertirir barca elni qutqadarci
Jésus-Christ, dans la langue du Livre, en couman, est le sauveur, c'est-à-dire le sauveur de tous

Cette langue évoque-t-elle quelque chose pour un turcophone d'aujourd'hui?
Je pense reconnaître "selon la langue" dans "tilince" et "kurtarici" (en turc actuel, sans les points sur les "i" (sauveur), dans "qutqardaci".

"ol kertirir" : il apporte, il amène..?

Yakup Aygil, dans son "Hristiyan Turanlilar" (les Touraniens chrétiens) parlait du Codex Comanicus mais j'ai prêté le livre et je ne l'ai pas encore récupéré.

Je crois même qu'il avait reproduit un "Notre Père" en langue coumane.
Avec espérance et humilité...
Alexandr
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Message par Alexandr »

Bonjour,

Dans quelle langue l'orthodoxie a-t-elle été prêché aux populations non-grecques au début du moyen-âge, aux Galates, aux Thraces, aux Isauriens, aux Illyriens et/ou aux Albanais? Manifestement, il ne reste plus d'eux. Du coup, j'ai l'impression qu'il y a un "bug", vu qu'à coté, on va même jusqu'à inventer des écritures afin de bien faire comprendre l'orthodoxie.?

Y a-t-il des livres ou des chercheurs sur le sujet?
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Alexandr a écrit :Bonjour,

Dans quelle langue l'orthodoxie a-t-elle été prêché aux populations non-grecques au début du moyen-âge, aux Galates, aux Thraces, aux Isauriens, aux Illyriens et/ou aux Albanais? Manifestement, il ne reste plus d'eux. Du coup, j'ai l'impression qu'il y a un "bug", vu qu'à coté, on va même jusqu'à inventer des écritures afin de bien faire comprendre l'orthodoxie.?

Y a-t-il des livres ou des chercheurs sur le sujet?
Votre question est très pertinente et je n'ai pas cessé d'y penser depuis que vous l'avez posée sur le présent forum le 24 juin 2007.
Je ne voulais pas - je ne veux pas - vous répondre avant d'être sûr de mon fait.
Dans l'état actuel de mes connaissances, je peux vous répondre d'emblée que, si nous prenons l'exemple du territoire qui correspond à l'actuelle Roumanie, en clair l'ancienne province romaine de Dacie partagée ensuite entre la Dacie pontique restée sous l'autorité de l'Empire et la "Gothie", on y a, pendant plusieurs siècles, utilisé au moins trois langues liturgiques: le latin, le grec dans les très vieilles colonies grecques comme Tomi, le gothique dans certaines paroisses. A propos de l'utilisation du gothique dans certaines églises orthodoxes de la Dobroudja au début du IXe siècle, on a le témoignage de l'historien franc Walahfrid Strabon (existence attestée vers 840). Tout ceci a été supplanté par le slavon après la conversion de l'Empire bulgare, avant que le roumain n'apparaisse comme langue liturgique au XVIIe siècle.
Je suis à peu près sûr que le latin, conjointement ou concurremment avec le grec, a été utilisé comme langue liturgique par l'Eglise orthodoxe dans différentes contrées de la Romania orientale où ne restent plus, aujourd'hui, comme traces de latinité, que quelques minorités vlaques dont j'ai abondamment parlé dans le fil sur la Macédoine. Je suis à peu près certain que l'Eglise orthodoxe autocéphale de Justiniana Prima - tiens, curieux que nos experts ès "territoires canoniques" ne parlent guère de cette Eglise-là - avait le latin comme langue liturgique.
Mais je ne voudrais pas que vous vous contentiez de la réponse que je viens de vous écrire.
Elle est incomplète.
Il manquait - il manque - une pièce essentielle du puzzle.
Cette pièce, ce sont les Albanais.
Le hasard, qui fait bien les choses, m'a permis de découvrir la pièce manquante en lisant le livre de l'historien allemand Gottfried Schramm (né en 1929), Slawisch im Gottesdienst (Munich 2007). Le docteur Schramm est l'un des plus éminents spécialistes mondiaux des débuts de l'histoire russe. Mais ce livre m'a mis sur une autre piste, et j'ai découvert que le professeur Schramm a publié en 1994 un autre livre, complètement passé inaperçu, Anfänge des albanischen Christentums, qui est le résultat de recherches très poussées et qui tend à démontrer que l'albanais (ou une forme archaïque de l'albanais) a été utilisé comme langue liturgique au moins dès le début du Ve siècle, quand saint Nicétas de Rémésiana, encore aujourd'hui populaire dans l'Eglise orthodoxe roumaine, a converti la tribu des Besses.
Le livre de Monsieur Schramm est très difficile à trouver. Je viens de le commander auprès de l'éditeur en Allemagne. Le temps que je le reçoive, que je le lise et que je me fasse une opinion, et je pourrais vous dire, si oui ou non, l'Orthodoxie a été prêchée et célébrée en albanais à la fin de l'Antiquité pour les "Thraces" et les "Illyriens".
Car j'ai pour principe, sur le présent forum, d'éviter d'affirmer quelque chose que je ne puisse argumenter.
Alors, je vous prie de faire preuve d'encore quelques mois de patience.
Alexandr
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Message par Alexandr »

lecteur Claude a écrit :
Alexandr a écrit :Bonjour,

Dans quelle langue l'orthodoxie a-t-elle été prêché aux populations non-grecques au début du moyen-âge, aux Galates, aux Thraces, aux Isauriens, aux Illyriens et/ou aux Albanais? Manifestement, il ne reste plus d'eux. Du coup, j'ai l'impression qu'il y a un "bug", vu qu'à coté, on va même jusqu'à inventer des écritures afin de bien faire comprendre l'orthodoxie.?

Y a-t-il des livres ou des chercheurs sur le sujet?
Votre question est très pertinente et je n'ai pas cessé d'y penser depuis que vous l'avez posée sur le présent forum le 24 juin 2007.
Je ne voulais pas - je ne veux pas - vous répondre avant d'être sûr de mon fait.
Dans l'état actuel de mes connaissances, je peux vous répondre d'emblée que, si nous prenons l'exemple du territoire qui correspond à l'actuelle Roumanie, en clair l'ancienne province romaine de Dacie partagée ensuite entre la Dacie pontique restée sous l'autorité de l'Empire et la "Gothie", on y a, pendant plusieurs siècles, utilisé au moins trois langues liturgiques: le latin, le grec dans les très vieilles colonies grecques comme Tomi, le gothique dans certaines paroisses. A propos de l'utilisation du gothique dans certaines églises orthodoxes de la Dobroudja au début du IXe siècle, on a le témoignage de l'historien franc Walahfrid Strabon (existence attestée vers 840). Tout ceci a été supplanté par le slavon après la conversion de l'Empire bulgare, avant que le roumain n'apparaisse comme langue liturgique au XVIIe siècle.
Je suis à peu près sûr que le latin, conjointement ou concurremment avec le grec, a été utilisé comme langue liturgique par l'Eglise orthodoxe dans différentes contrées de la Romania orientale où ne restent plus, aujourd'hui, comme traces de latinité, que quelques minorités vlaques dont j'ai abondamment parlé dans le fil sur la Macédoine. Je suis à peu près certain que l'Eglise orthodoxe autocéphale de Justiniana Prima - tiens, curieux que nos experts ès "territoires canoniques" ne parlent guère de cette Eglise-là - avait le latin comme langue liturgique.
Mais je ne voudrais pas que vous vous contentiez de la réponse que je viens de vous écrire.
Elle est incomplète.
Il manquait - il manque - une pièce essentielle du puzzle.
Cette pièce, ce sont les Albanais.
Le hasard, qui fait bien les choses, m'a permis de découvrir la pièce manquante en lisant le livre de l'historien allemand Gottfried Schramm (né en 1929), Slawisch im Gottesdienst (Munich 2007). Le docteur Schramm est l'un des plus éminents spécialistes mondiaux des débuts de l'histoire russe. Mais ce livre m'a mis sur une autre piste, et j'ai découvert que le professeur Schramm a publié en 1994 un autre livre, complètement passé inaperçu, Anfänge des albanischen Christentums, qui est le résultat de recherches très poussées et qui tend à démontrer que l'albanais (ou une forme archaïque de l'albanais) a été utilisé comme langue liturgique au moins dès le début du Ve siècle, quand saint Nicétas de Rémésiana, encore aujourd'hui populaire dans l'Eglise orthodoxe roumaine, a converti la tribu des Besses.
Le livre de Monsieur Schramm est très difficile à trouver. Je viens de le commander auprès de l'éditeur en Allemagne. Le temps que je le reçoive, que je le lise et que je me fasse une opinion, et je pourrais vous dire, si oui ou non, l'Orthodoxie a été prêchée et célébrée en albanais à la fin de l'Antiquité pour les "Thraces" et les "Illyriens".
Car j'ai pour principe, sur le présent forum, d'éviter d'affirmer quelque chose que je ne puisse argumenter.
Alors, je vous prie de faire preuve d'encore quelques mois de patience.
Je vous remercie pour ces recherches. J'ai tout mon temps.
Par contre, on ne sait rien sur les Isauriens ou sur les Galates?
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Alexandr a écrit :
lecteur Claude a écrit :
Alexandr a écrit :Bonjour,

Dans quelle langue l'orthodoxie a-t-elle été prêché aux populations non-grecques au début du moyen-âge, aux Galates, aux Thraces, aux Isauriens, aux Illyriens et/ou aux Albanais? Manifestement, il ne reste plus d'eux. Du coup, j'ai l'impression qu'il y a un "bug", vu qu'à coté, on va même jusqu'à inventer des écritures afin de bien faire comprendre l'orthodoxie.?

Y a-t-il des livres ou des chercheurs sur le sujet?
Votre question est très pertinente et je n'ai pas cessé d'y penser depuis que vous l'avez posée sur le présent forum le 24 juin 2007.
Je ne voulais pas - je ne veux pas - vous répondre avant d'être sûr de mon fait.
Dans l'état actuel de mes connaissances, je peux vous répondre d'emblée que, si nous prenons l'exemple du territoire qui correspond à l'actuelle Roumanie, en clair l'ancienne province romaine de Dacie partagée ensuite entre la Dacie pontique restée sous l'autorité de l'Empire et la "Gothie", on y a, pendant plusieurs siècles, utilisé au moins trois langues liturgiques: le latin, le grec dans les très vieilles colonies grecques comme Tomi, le gothique dans certaines paroisses. A propos de l'utilisation du gothique dans certaines églises orthodoxes de la Dobroudja au début du IXe siècle, on a le témoignage de l'historien franc Walahfrid Strabon (existence attestée vers 840). Tout ceci a été supplanté par le slavon après la conversion de l'Empire bulgare, avant que le roumain n'apparaisse comme langue liturgique au XVIIe siècle.
Je suis à peu près sûr que le latin, conjointement ou concurremment avec le grec, a été utilisé comme langue liturgique par l'Eglise orthodoxe dans différentes contrées de la Romania orientale où ne restent plus, aujourd'hui, comme traces de latinité, que quelques minorités vlaques dont j'ai abondamment parlé dans le fil sur la Macédoine. Je suis à peu près certain que l'Eglise orthodoxe autocéphale de Justiniana Prima - tiens, curieux que nos experts ès "territoires canoniques" ne parlent guère de cette Eglise-là - avait le latin comme langue liturgique.
Mais je ne voudrais pas que vous vous contentiez de la réponse que je viens de vous écrire.
Elle est incomplète.
Il manquait - il manque - une pièce essentielle du puzzle.
Cette pièce, ce sont les Albanais.
Le hasard, qui fait bien les choses, m'a permis de découvrir la pièce manquante en lisant le livre de l'historien allemand Gottfried Schramm (né en 1929), Slawisch im Gottesdienst (Munich 2007). Le docteur Schramm est l'un des plus éminents spécialistes mondiaux des débuts de l'histoire russe. Mais ce livre m'a mis sur une autre piste, et j'ai découvert que le professeur Schramm a publié en 1994 un autre livre, complètement passé inaperçu, Anfänge des albanischen Christentums, qui est le résultat de recherches très poussées et qui tend à démontrer que l'albanais (ou une forme archaïque de l'albanais) a été utilisé comme langue liturgique au moins dès le début du Ve siècle, quand saint Nicétas de Rémésiana, encore aujourd'hui populaire dans l'Eglise orthodoxe roumaine, a converti la tribu des Besses.
Le livre de Monsieur Schramm est très difficile à trouver. Je viens de le commander auprès de l'éditeur en Allemagne. Le temps que je le reçoive, que je le lise et que je me fasse une opinion, et je pourrais vous dire, si oui ou non, l'Orthodoxie a été prêchée et célébrée en albanais à la fin de l'Antiquité pour les "Thraces" et les "Illyriens".
Car j'ai pour principe, sur le présent forum, d'éviter d'affirmer quelque chose que je ne puisse argumenter.
Alors, je vous prie de faire preuve d'encore quelques mois de patience.
Je vous remercie pour ces recherches. J'ai tout mon temps.
Par contre, on ne sait rien sur les Isauriens ou sur les Galates?
Voilà, j'ai reçu le livre du professeur Schramm dans la 2e édition (1999) et j'ai commmencé à le lire hier. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il ressuscite un pan entièrement oublié de l'histoire du christianisme et rend toute son importance à la figure de saint Nicétas de Rémésiana (aujourd'hui Bela Palanka en Serbie), l'auteur du Te Deum et fondateur de la chrétienté besse. Une figure oubliée alors qu'il aurait l'importance de saints Cyrille et Méthode ou de saint Grégoire l'Illuminateur si les Albanais avaient encore le souvenir de leur passé. Souvenir occulté chez eux non seulement par l'Islam - comme c'est le cas chez les Berbères d'Afrique du Nord -, mais en plus par le catholicisme arrivé en Albanie dans les fourgons des Normands et plus encore par la récriture de l'histoire par le communisme version Hoxha. Curieusement, ce n'est que dans l'Eglise roumaine que l'on se souvient de saint Nicétas - et ce n'est pas sans signification, comme je l'expliquerai quand je développerai ici les thèses du docteur Schramm.

A noter que le livre de Monsieur Schramm contient en annexe la carte de l'Eglise autocéphale de Justiniana Prima créée par l'empereur Justinien au VIe siècle. Il est, là encore, significatif que nos oecuménistes et nos auteurs de discours interminables et de communiqués de presse intempestifs sur la notion de "territoire canonique" ou sur la place de Rome dans la pentarchie ne s'étendent guère sur l'histoire du siège autocéphale de Justiniana Prima. Peut-être redoutent-ils que de tels exemples montrent à quel point relèvent du droit ecclésiastique des notions qu'ils décrètent être de droit divin?

Je reviendrai en tout cas dans quelques mois avec un texte plus détaillé pour résumer les recherches publiées dans le brillant livre de Gottfried Schramm.

Sur ce, joyeux Noël à tous.
Pascal-Yannick
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Message par Pascal-Yannick »

... et rend toute son importance à la figure de saint Nicétas de Rémésiana (aujourd'hui Bela Palanka en Serbie), l'auteur du Te Deum et fondateur de la chrétienté besse.


Il me semblait que l'auteur du Te Deum etait saint Ambroise de Milan?
Et la Vérité vous rendra libre
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Pascal-Yannick a écrit :
... et rend toute son importance à la figure de saint Nicétas de Rémésiana (aujourd'hui Bela Palanka en Serbie), l'auteur du Te Deum et fondateur de la chrétienté besse.


Il me semblait que l'auteur du Te Deum etait saint Ambroise de Milan?
Vous avez sans doute raison. Beaucoup d'auteurs ont attribué le Te Deum à saint Nicétas de Rémésiana, et c'est encore l'information qui figure dans le livre du RP Mircea Păcurariu sur les saints daco-romains et roumains - saint Nicétas étant pour l'occasion annexé comme "daco-romain", ce qui n'est d'ailleurs pas forcément abusif si l'on suit la thèse de Monsieur Schramm. Le livre de Gottfried Schramm a en effet le double avantage de donner enfin une version plausible de l'ethnogenèse des Albanais et une explication satisfaisante de la parenté entre l'albanais et le roumain, parenté sur laquelle on a bâti depuis Robert Roessler, en 1871, l'hypothèse pour le moins douteuse selon laquelle les Roumains actuels ne seraient en fait pas les descendants des Daces. (Si les Roumains ne sont pas les descendants des Daces, alors de qui descendent-ils?) En effet, si l'on suit l'hypothèse du docteur Schramm, l'habitat d'origine des Albanais se situait au nord-est de leur habitat actuel, et il n'y aurait rien d'étonnant à ce que leurs ancêtres eussent côtoyé les Daces.

Toutefois, d'après le professeur Schramm, les dernières recherches montrent que cette hypothèse d'attribution du Te Deum à saint Nicétas est à rejeter et que la notice qui figure dans le livre du RP Păcurariu est dépassée.

Citation:

Im Falle des ehrwürdigen Prosahymnus Te Deum laudamus hat sich eine frühe Tradition, es hande sich um eine Schöpfung des Niceta, schließlich als unhaltbar erwiesen. (Schramm, op. cit., p. 56)

Ma traduction:

"Dans le cas de l'honorable hymne en prose Te Deum laudamus, une tradition ancienne, selon laquelle il s'agissait là d'une création de Nicétas, s'est finalement révélée infondée."

Donc, l'information que je vous livrais hier est erronée et je me suis trompé. Notez que je n'écris pas de livres sur le sujet. Contrairement à Păcurariu qui est censé enseigner le sujet à l'université et qui reprend sans examen critique la tradition page 71 de son livre Sfinţi daco-romani şi români, 2e édition, Trinitas, Jassy, 2000, "avec la bénédiction de S.E. Daniel, métropolite de Moldavie et de Bucovine" (mais ceci explique peut-être cela): "A mai scris şi imnul Pe Tine Dumnezeule, Te lăudăm, imn de premărire, scris cu scopul de a-intâri pe creştinii de atunci in credinţa cea adevărată" (ma traduction: "Il a en outre écrit l'hymne Te Deum Laudamus, hymne de glorification, écrit dans l'intention d'affermir les chrétiens de ce temps-là dans la vraie foi" [quelle "vraie foi"? l'œcuménisme? le phylétisme? Taizé? NdT]).

A signaler quand même - je répète que l'exercice de mon métier d'avocat ne m'a guère donné le temps de me promener à travers les bibliothèques d'Europe et qu'en outre je n'exerce pas les fonctions de professeur universitaire d'Histoire de l'Église - que le livre démontrant l'inexactitude de la tradition ancienne sur ce point a été publié en 1958, 42 ans avant l'affirmation du professeur Păcurariu reproduite et traduite ci-dessus: Ernst Kähler, Te Deum laudamus. Studien zum Te Deum und zur Geschichte des 24. Psalms in der alten Kirche, Berlin 1958.

Vous me direz, c'est écrit en allemand, langue pas plus répandue à l'est de Budapest que le basque, le romanche, le taki-taki ou le sorabe. Ou que le français, l'espagnol ou l'italien.

Certes, mais on voit une fois de plus la preuve que la connaissance, comme seule langue étrangère, de l'anglais d'aéroport n'est pas toujours suffisante pour briller quand on prétend écrire dans le domaine des sciences humaines. Toutefois, il y a longtemps que j'ai compris qu'il valait mieux ne pas faire cette remarque une fois qu'on était arrivé dans certaines aires géographiques. OTAN, suspendras-tu ton vol?
Pascal-Yannick
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Message par Pascal-Yannick »

Il est vrai qu'en sciences "exactes" et dans le domaine du commerce et la politique l'impasse sur l'anglais serait fatal,cependant en sciences "humaines" l'interet de la langue du champ d'etude est primordial.
Joyeuse Nativite a toutes et a tous.
Et la Vérité vous rendra libre
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Toutefois, le seul fait que l'on ait pu longtemps attribuer à saint Nicétas de Rémésiana la paternité du Te Deum montre bien que l'on célébrait en latin à cette époque dans une partie des Balkans. Le latin a sans doute disparu comme langue liturgique dans les Balkans après la conversion de l'Empire bulgare et l'instauration du slavon comme langue liturgique.

Après tout, l'évêque Justinien (Chiria) du Maramureş m'avait confié en 2001 qu'il pensait que les Roumains avaient reçu la langue latine de Constantinople bien plus que de Rome. C'est fort possible: le latin a eu une utilisation de plus en plus ténue comme langue administrative et judiciaire et comme langue de cour à Constantinople bien des siècles après la division de l'Empire en 395.

Toutefois, je me demande quel rit on célébrait en latin dans certaines parties de la péninsule balkanique en ces temps lointains? Certes pas le rit romain - le rit romain traditionnel, non pas le rit recréé sous Charlemagne - puisque celui-ci ne rayonnait pas au-delà de l'Italie suburbicaire. S'agissait-il du rit byzantin célébré en latin? Du rit ambrosien ou d'un rit italique apparenté? Du rit des Gaules - dont on a maintenant la certitude qu'il était aussi célébré dans l'actuelle Souabe, qui faisait encore partie de la Rhétie, donc pourquoi pas en Dacie, quand on connaît les similitudes que j'ai déjà décrites sur le présent forum entre Romanches et Roumains ? - ce qui expliquerait les similitudes que notre visiteur Augustin avait relevées entre certains noëls wallons et certains colinde transylvains? Pour l'instant, je n'en sais rien.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

J'ai profité des fêtes de fin d'année pour bien avancer dans la lecture du livre du professeur Schramm. J'espère pouvoir bientôt publier un compte-rendu de ce livre sur le présent forum - activité qui me semble à vrai dire plus utile que de vaines polémiques avec un uniate nous bombardant de slogans dans une langue qu'il ne comprend même pas.

Je peux déjà affirmer que ce livre, passé inaperçu comme presque tout ce qui est hors du commun de nos jours, est un des ouvrages les plus émouvants qu'il m'ait été donné de lire. Ce chercheur allemand a restitué au peuple albanais sa véritable histoire et celle-ci est autrement plus glorieuse que la légende écrite par le nationalisme albanais depuis un siècle. Plût à Dieu que ce livre ait un plus grand retentissement et que le peuple albanais connaisse un jour quel fut son passé, lorsqu'il était l'allié de l'Empire des Romains et défendait le thème de Dyrrachion contre tout assaut barbare et lorsque les "Arvanites" constituaient les troupes de choc du catépanat d'Italie contre le djihad islamique.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Alexandr a écrit :Bonjour,

Dans quelle langue l'orthodoxie a-t-elle été prêché aux populations non-grecques au début du moyen-âge, aux Galates, aux Thraces, aux Isauriens, aux Illyriens et/ou aux Albanais? Manifestement, il ne reste plus d'eux. Du coup, j'ai l'impression qu'il y a un "bug", vu qu'à coté, on va même jusqu'à inventer des écritures afin de bien faire comprendre l'orthodoxie.?

Y a-t-il des livres ou des chercheurs sur le sujet?
Mon cher Alexandr,

Je pense que vous trouverez un début de réponse à vos questions dans la recension que je viens de publier sur le présent forum du livre de Gottfried Schramm Anfänge des albanischen Christentums, recension que vous pourrez consulter ici: viewtopic.php?p=15016#15016 .

Je reste à votre disposition si vous avez encore des questions.
Alexandr
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Message par Alexandr »

Bonjour,

C'est un livre très intéressant que vous avez lu. Si j'ai bien compris, il ne risque pas d'être traduit en français?
Savez-vous si ce livre a été critiqué en bien ou en mal?

Alexandr a écrit :Dans quelle langue l'orthodoxie a-t-elle été prêché aux populations non-grecques au début du moyen-âge, aux Galates, aux Thraces, aux Isauriens, aux Illyriens et/ou aux Albanais? Manifestement, il ne reste plus d'eux. Du coup, j'ai l'impression qu'il y a un "bug", vu qu'à coté, on va même jusqu'à inventer des écritures afin de bien faire comprendre l'orthodoxie.?
Si j'ai bien compris, l'orthodoxie a été le garant de l'identité des Besses. Mais, pendant l'occupation turque, sachant que l'orthodoxie ne pouvait qu'être grecque, est-ce que certains ecclésisatiques s'en sont pris aux autres albanais orthodoxes, sous la bienvéillance du sultan?
Ainsi, il se peut qu'il y ait eu prédication de l'orthodoxie dans les langues locales en Asie Mineure. Ensuite, ces peuples là auraient disparus pendant l'occupation turque.


P.M : Est-ce que cela vous dérange si je fais un copier-coller de votre résumé du livre sur le forum serbe "orlovi"?
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Alexandr a écrit :Bonjour,

C'est un livre très intéressant que vous avez lu. Si j'ai bien compris, il ne risque pas d'être traduit en français?
Savez-vous si ce livre a été critiqué en bien ou en mal?

Alexandr a écrit :Dans quelle langue l'orthodoxie a-t-elle été prêché aux populations non-grecques au début du moyen-âge, aux Galates, aux Thraces, aux Isauriens, aux Illyriens et/ou aux Albanais? Manifestement, il ne reste plus d'eux. Du coup, j'ai l'impression qu'il y a un "bug", vu qu'à coté, on va même jusqu'à inventer des écritures afin de bien faire comprendre l'orthodoxie.?
Si j'ai bien compris, l'orthodoxie a été le garant de l'identité des Besses. Mais, pendant l'occupation turque, sachant que l'orthodoxie ne pouvait qu'être grecque, est-ce que certains ecclésisatiques s'en sont pris aux autres albanais orthodoxes, sous la bienvéillance du sultan?
Ainsi, il se peut qu'il y ait eu prédication de l'orthodoxie dans les langues locales en Asie Mineure. Ensuite, ces peuples là auraient disparus pendant l'occupation turque.


P.M : Est-ce que cela vous dérange si je fais un copier-coller de votre résumé du livre sur le forum serbe "orlovi"?

Je réponds à vos diverses questions point par point.

1) J'essaie de faire en sorte que le livre puisse être traduit en français, au moins par l'un des derniers éditeurs libres, à savoir Xenia ("Le livre porte la signature d'un éditeur de Vevey. Gallimard et La Table ronde, éditeurs habituels de Jean Cau, ont-ils refusé de mettre leur nom sur ce brûlot, craignant de déplaire aux académiciens, à leur protecteur naturel, M. Sarkozy, président de la République, et à sa fiancée, belle amie des belles-lettres et des écrivains ? L'ouvrage a été imprimé en Serbie. On se croirait revenu au XVIIIe siècle, quand les textes qui sentaient le soufre étaient confiés à des imprimeurs d'Anvers ou de Rotterdam. Tout nouveau postulant à un fauteuil à l'Académie, s'il a eu quelque accointance avec Jean Cau, la Suisse ou la Serbie, devra se faire oublier pendant quelque temps, sage précaution" - Bernard Pivot, in Le Journal du Dimanche du 15 janvier 2008 http://www.lejdd.fr/cmc/chroniques/2008 ... 85761.html à propos du Candidat de Jean Cau, Xenia, Vevey 2007 http://www.editions-xenia.com/livres/cau/). Le problème, c'est qu'il faut bien trouver un financement pour pouvoir assurer la traduction et la publication d'un livre qui risque fort de n'intéresser que les étiques communautés serbes et albanaises des pays francophones et une poignée de philologues acharnés et d'amateurs d'histoire ecclésiastique. (Il y a beaucoup d'Albanais ethniques en Suisse, mais ils sont surtout concentrés dans la partie germanophone, viennent presque tous du Kosovo et sont musulmans dans une écrasante majorité; les Albanais orthodoxes ne sont pratiquement pas présents chez nous.)

2) Je n'ai pas encore eu le temps de chercher quel accueil ce livre a eu dans les régions germanophones (puisque les francophones et les Italiens ne lisent plus que les Anglo-Saxons et que les Anglo-Saxons ne lisent plus qu'eux-mêmes, je n'ose espérer des réactions ailleurs).

3) D'après le professeur Schramm, la chrétienté besse s'est dissoute d'elle-même dans la chrétienté d'expression grecque, et ce entre le IXe et le XIVe siècles, encore qu'il semble qu'il y ait encore eu des traces d'un usage liturgique ou para-liturgique de l'albanais quand les Arbëresh se sont exilés dans les deux Siciles au XVe siècle. (Dans la collection Musiques du monde, je possède un CD de polyphonies arbëresh de la Basilicate - l'ancienne Lucanie, cette région la plus déshéritée d'Italie évoquée par Carlo Levi dans Cristo si è fermato a Eboli - où l'on peut entendre un chapelet en albanais au saint empereur Constantin le Grand. Mais il y a eu tellement d'influences contradictoires qui se sont abattues sur les Arbëresh, tantôt hellénisés - même en Italie -, tantôt latinisés, tantôt italianisés et tantôt ré-albanisés, que je ne suis pas sûr que l'on trouvera chez eux beaucoup de vestiges exploitables. Savez-vous au passage que Francesco Crispi, président du Conseil italien au moment du désastre d'Adoua en 1896, était un Arbëresh de Sicile?) Selon Schramm, la dissolution de la chrétienté besse, qui devait être assez fruste dans ses formes extérieures, a été un phénomène progressif qui s'est produit dès que celle-ci s'est trouvée en coexistence avec la chrétienté d'expression grecque, qui avait des églises plus majestueuses, des liturgies plus solennelles, des icônes plus soignées, et tout le prestige d'une Reichskirche.
Ceci étant, il est incontestable qu'à l'époque de la Turcocratie, en certaines régions (surtout en Bulgarie), le Phanar a favorisé l'usage liturgique du grec en nommant parfois des évêques incapables de célébrer en slavon. Dans le cas de l'albanais, on sait bien qu'il y a eu, au début du XXe siècle, un long combat des orthodoxes albanais pour obtenir l'établissement (ou plutôt, si Schramm a raison, le rétablissement) de la liturgie en albanais et qu'il y eut au moins un cas où un nationaliste albanais fut privé de funérailles religieuses à cause de ses convictions politico-linguistiques. Ce cas dont j'ai entendu parler, survenu dans l'émigration orthodoxe albanaise de la région de Boston, a d'ailleurs été à l'origine de la décision de Fan Noli (1882-1965) de se tourner vers l'évêque russe de San Francisco pour obtenir la création d'une juridiction orthodoxe albanaise autonome en Amérique. Grâce à Mgr Fan, on a célébré en albanais aux Etats-Unis d'Amérique avant même de célébrer en albanais en Europe, et c'est aussi aux Etats-Unis d'Amérique que l'on célébrait les seules liturgies en albanais pendant la période où les communistes avaient interdit toute forme de religion en Albanie (1967-1990). C'est dans les années 1920-1930 que le patriarcat oecuménique s'est finalement rallié à la liturgie en albanais, et c'est en 1937 qu'il a accordé l'autocéphalie à l'Eglise d'Albanie, autocéphalie dont il a depuis été le gardien loyal. Mais, avant 1920, les relations étaient pour le moins tendues entre les tenants de la liturgie en albanais et le clergé grec.

3) Non, justement, Schramm souligne qu'il n'y a pas eu d'usage liturgique des langues "barbares" d'Asie mineure comme l'isaurien, le galate (dont nous savons par le bienheureux Jérôme qu'il était en fait du gaulois) et le cappadocien. Schramm y voit la cause de la disparition du christianisme en Cappadoce en faisant la comparaison avec ce qui s'est passé en Afrique du Nord. Je ne le suis pas sur ce point. En effet, alors que le berbère et le punique étaient des langues vigoureuses en Afrique du Nord sous la domination romaine, les langues "barbares" de l'Asie mineure n'ont cessé de reculer devant le grec dès au moins le VIIe siècle avant Jésus-Christ. A l'époque de l'évangélisation de l'Asie mineure, certaines de ces langues, pourtant autrefois prestigieuses, comme le lydien ou le phrygien, étaient déjà sorties de l'usage. En outre, nous savons que, à peine 400 ans après la conquête musulmane, il ne restait pratiquement plus de traces du christianisme dans le Maghreb, puisque la dernière mention d'un évêque indigène est celle de l'évêque kabyle qui résidait à la Kalaa des Beni- Hammad en 1114 (cf. mon message du 14 octobre 2006 sur le présent forum orthodoxe francophone, viewtopic.php?t=2091 ). En revanche, en Cappadoce, alors que la pénétration musulmane commence dès le désastre de Mantzikert en 1071, il y avait encore une très forte minorité chrétienne en... 1923. Cette communauté ne disparut définitivement qu'avec l'échange des populations consécutif au traité de Lausanne. Le 10 novembre, l'Eglise fait mémoire de saint Arsène de Cappadoce, qui était le prêtre du village de Farassa en Cappadoce, mort quarante jours après son arrivé sur le sol de l'Hellade où il avait accompagné son troupeau chassé de la terre ancestrale suite au traité de Lausanne. Si l'arrivée de cette communauté en Grèce se situe le 2 octobre 1924, nous pouvons donc supposer que l'expulsion des derniers villages chrétiens orthodoxes de Cappadoce se situe au mois d'août ou septembre 1924. Devant une si longue résistance du christianisme cappadocien, il me semble difficile de tirer les mêmes conclusions que le professeur Schramm. Il est probable que la conscience linguistique des "barbares" d'Anatolie devait être faible dès le IVe siècle, et que le grec ne devait pas leur être une langue si étrangère que cela.

4) Vous pouvez bien évidemment faire un copier-coller de ma recension sur le forum serbe orlovi, à condition de respecter les règles habituelles du droit de citation (indication de la source et de l'auteur). Je serais enchanté de tout ce qui pourrait aider le peuple albanais à prendre conscience de sa véritable histoire, autrement plus intéressante que la version défendue par les envéristes comme par les panislamistes.
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