le Filioque confessé par les calvinistes et les méthodistes
Publié : ven. 02 juin 2006 0:41
Oh, que voilà une très particulière présentation des choses!Athanase a écrit :Le Sola scriptura ou le juxta scriptura, le principe de l'Écriture norme ultime mais non unique de la Foi a bel et bien été utilisé par les Pères (Cf. l'analyse de Marc Lods dans la Revue Réformée et bien d'autres patrologues...). De toutes façons, on ne voit pas l'utilité de la clôture du canon scripturaire par les conciles de Laodicée en 364 ni celui du Quini-sexte en 692, si ce n'est sur la base de ce principe. Donc, le sola scriptura n'est pas qu'une problématique occidentale.
D'autre part, l'interdiction de composer un autre symbole de foi que celui de Nicée-Constantinople indique qu'il est le seul caneva de la Foi accepté par l'Église. Donc, que l'Église se retrouve à l'intérieur du Credo et pas à l'extérieur. Ainsi, les byzantins, les romains et les professants(pro-testants) se retrouvent dans l'Église.
Cyrille Loukaris, patriarche de Constantinople au XVIIe sièlce, a publié une confession de Foi évangélique qui montre que les développements de la Foi de l'Église dans un sens pro-testant n'est pas impossible et ne heurte pas l'orthodoxie de la Foi du credo. Qu'en dites-vous? C'est quand même un appui de taille!
Certes, le principe lex orandi-lex credendi(Rom10/13-17)a son importance dogmatique:mais dans quel sens?
C'est pourquoi, je vous invite à l'analyse commune du Credo pour éclaircir nos points de rencontre. En voilà le texte:
Symbole de Nicée
Nous croyons en un seul Dieu, le Père tout-puissant,
créateur du ciel et de la terre,
de toutes choses visibles et invisibles.
Nous croyons en un seul Seigneur, Jésus-Christ,
le Fils unique de Dieu,
né du Père avant tous les siècles,
Dieu venu de Dieu,
engendré et non créé,
consubstantiel au Père
et par qui tout a été fait ;
qui, pour nous les hommes et pour notre salut,
est descendu des cieux
et s'est incarné par le Saint-Esprit de la vierge Marie
et a été fait homme.
Il a été crucifié sous Ponce Pilate,
il a souffert et il a été mis au tombeau.
Il est ressuscité des morts le troisième jour,
conformément aux écritures :
il est monté aux cieux où il siège à la droite du Père.
De là, il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts
et son règne n'aura pas de fin.
Nous croyons en l'Esprit-Saint,
qui règne et donne la vie,
qui procède du Père,
qui a parlé par les prophètes,
qui, avec le Père et le Fils, est adoré et glorifié.
Nous croyons l'Eglise une, sainte,
catholique et apostolique.
Nous confessons un seul baptême en rémission des péchés ;
nous attendons la résurrection des morts et la vie du monde à venir.
Amen
Pour rétablir un peu la vérité au passage, nous noterons que le Filioque, professé par Luther dans les articles de Smalkade, l'était aussi par les Eglises réformées de France dans la confession de La Rochelle (1559), dont nous citerons l'article 6:
6. Cette Ecriture Sainte nous enseigne qu'en cette seule et simple essence divine que nous avons confessée il y a trois personnes: le Père, le Fils et le Saint-Esprit (Dt 4.12; 10.17; Mt 28.19; 1 Jn 5.7). Le Père, première cause et principe et origine de toutes choses. Le Fils, sa parole et sapience éternelle. Le Saint-Esprit, sa vertu, puissance et efficace. Le Fils, éternellement engendré du Père. Le Saint-Esprit, procédant éternellement de tous deux. Les trois personnes, non confuses mais distinctes, et toutefois non divisées, mais d'une même essence, éternité, puissance et égalité (Mt 28.19; Jn 1.1; Jn 17.5; Ac 17.25; Rm 1.7; 1 Jn 5.7). Et en cela avouons ce qui a été déterminé par les conciles anciens, et détestons toutes sectes et hérésies qui ont été rejetées par les saints docteurs comme saint Hilaire, saint Athanase, saint Ambroise, saint Cyrille.
(J'ai souligné le passage où se trouve réaffirmé le Filioque.)
On le trouve aussi, côté méthodiste (l'Eglise à laquelle appartient le planétarque George Walker Bush), dans les vingt-cinq articles de religion de John Wesley (1784), dont je cite l'article 4:
Of the Holy Ghost
The Holy Ghost, proceeding from the Father and the Son, is of one substance, majesty and glory with the Father and the Son, very and eternal God.
Ma traduction:
De l'Esprit-Saint
L'Esprit Saint, qui procède du Père et du Fils, est d'une seule substance, majesté et gloire avec le Père et le Fils, Dieu véritable et éternel.
(En anglais, autrefois, very, qui dérive du français vrai, avait parfois le sens de véritable, avant de prendre celui de très; on le trouve par exemple avec ce sens chez Chaucer.)
Je ne reviendrai pas sur le caractère non scripturaire (cf. Jn 15,26) et contraire à la divine Révélation de cette doctrine, ni sur les nombreuses autres divergences qui existent entre la foi orthodoxe apostolique et les confessions calviniste et méthodiste, puisque mon intention n'est pas polémique. J'aimerais simplement rétablir un petit peu la vérité, car j'estime qu' il y a un certain mépris du lecteur à essayer de lui faire croire que le protestantisme des XVIe et XVIIe siècles n'avait pas endossé le Filioque, et ce alors que j'ai lu voici encore quelques années une apologie protestante du Filioque, que je reproduis ici:
"Dans la spiritualité orthodoxe, tant la prédication de la Parole de Dieu que la théologie elle-même étaient déconsidérées en faveur d'expériences mystiques, de la célébration des sacrements et de la liturgie. Nous avons ici une conséquence théologique au refus de l'Orthodoxie d'admettre que le Saint-Esprit procède à la fois du Père et du Fils. Cette dissociation du Fils de l'Esprit séparait l'action du Saint-Esprit de celle de la Parole de Dieu. L'Esprit dans une telle perspective agirait directement au travers des sacrements, de la liturgie, de la vie mystique sans passer par la médiation nécessaire du Verbe Incarné et écrit. Dans une telle perspective l'action du Saint-Esprit exclurait en fait le Christ lui-même."
(Jean-Marc Berthoud, "La Révolution française et les Révolutions", in Révolution et christianisme, L'Âge d'Homme, Lausanne 1992, p. 138.)
M. Berthoud est baptiste, et cette apologie du Filioque ne date pas de 1559, mais de 1992.
Mon cher M. Berthoud, homme droit s'il en est, croit au Filioque. C'est son droit, et cela vaut mieux que la bouillie pour chats relativiste ou le mensonge par omission. Je trouve son argumentation faible, ce qui est mon droit. Mais, au moins, il se situe, lui, dans la fidélité aux orientations fondamentales du protestantisme. Alors, si je veux parler protestantisme, je préfère le faire avec M. Berthoud.
Alors, venir nous dire que les Eglises protestantes professeraient le Credo comme il est reproduit dans le message cité plus haut (c'est-à-dire sans l'insertion du Filioque), et vouloir nous faire croire qu'elles l'auraient fait aux XVIe et XVIIe siècles, c'est aller un peu vite en besogne.