Eglise Autocéphale et Eglise Nationale

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Glicherie
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Eglise Autocéphale et Eglise Nationale

Message par Glicherie »

Sur le site www.orthodoxie.com est accessible une étude de l'Archimandrite Grigorios Papathomas sur "Face au concept d’“Église nationale”,
la réponse canonique orthodoxe : l’Église autocéphale
(Les carences ecclésiologiques au sein de l’Église nationale
et
les “faiblesses” dans la réception de l’Église autocéphale).

http://orthodoxe.free.fr/files/carances ... giques.pdf

Je trouve cette étude d'une grande justesse canonique, et somme toute dans le droit fil des prises de position sur ce forum par Jean-Louis Palierne, Lecteur Claude ou Antoine, pour citer les principaux intervenants.

L'actualité "russe" en Europe Occidentale, ravive, s'il était besoin, cette problématique de notre situation ecclésiale non-canonique dans cette partie du monde.

L'auteur ouvre en conclusion la perspective européenne de territoire, et la resistance des Eglises "nationales" à une prise en compte de cette réalité locale nouvelle (quid des Diasporas ? etc...)

Comment voyez vous sous cet angle, notre futur ecclésial en France, en Europe ?
Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

L'ethnophylétisme est déjà une catastrophe mais le combat des chefs entre Moscou et Constantinople, si j'étais anglaise, me donnerait plutôt envie d'aller au bistrot.
Je viens de survoler l'étude de Papathomas, elle me semble aussi d'une grande justesse. Nous sommes bien d'accord sur les principes mais comment les appliquer quand toutes les avancées locales -- par exemple en France avec les concertations de l'AEOF qui n'est pas un synode mais pourrait le préparer -- sont systématiquement piétinées par ces deux mammouths ? Avec des arrière-plans géopolitiques dont certains n'ont rien à voir avec la territorialité ecclésiale.
Ceux qui doivent se marrer, ce sont les imams !
"Viens, Lumière sans crépuscule, viens, Esprit Saint qui veut sauver tous..."
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Sur le plan théorique, je ne vois pas bien où il peut y avoir problème. L’Église tout entière est totalement présente en chaque lieu de la Terre où un évêque baptise les hommes, préside la sainte offrande, enseigne, conduit, conduit et guérit les fidèles. Tous les fidèles de ce lieu participent à l’unique Liturgie, quels que soient leur sexe, leur âge, leur langue, leur origine ethniqie etc. Chaque évêque est compétent pour la circonscription qui entoure son siège, et les évêques voisins au sein d’une province forment un synode épiscopal. C’est ce synode qui les choisisit, les ordonne et éventuellement les juges.

Il ne s'agit pas là d'un organigramme d'invention humaine, mais de la "taxis" donnée par notre Sauveur à l'Eglise, qui est son corps, et qu'il a enseignée à ses Apôtres. Ces principes sont admis dans toute l’Église orthodoxe répandue sur toute la surgace de la Terre, et cependant de nos jours ils sont constamment bafoués.

Ce phénomène est survenu en plusieurs étapes. D’abord les pays d’Europe occidentale ont absolutisé et centralisé leurs structures pour former ce que l’on a appelé des “États souverains”. La monarchie française s’est réservé le choix des évêques (et notre président de la République a toujours conservé un droit de regard sur leurs nominations), puis la Couronne d’Angleterre a obligé son Église à rompre sa propre succession épiscopale et à s’abstenir de toute communion épiscopale universelle, cependant que Luther considérait les souverains comme chefs des Églises placées sous leur autorité.

Ceci ne concernait pas les populations orthodoxes, qui vivaient alors sous le joug musulmans, sauf la Russie. Puis la Russie a assujetti son Église, faisant d’elle l’une des colonnes de l’État. Puis les nationalités chrétiennes des Balkans ont conquis leur indépendance simultanément politique et ecclésiastique, créant de la sorte des États-Nations-Églises, rompant à la fois avec la Sublime Porte (l’Empire ottoman) et avec le Phanar (le patriarcat de Constantinople).

Ces Églises considèrent que l’indépendance qu'elles ont ainsi acquise représentent pour elles un “plus” (!!!), symbolisé par l’accession à la dignité patriarcale (sauf pour l’Archevêque d’Athènes) et oublient même en général de mentionner que leur auto-céphalie n’a été reconnue que par un consensus express des auto-céphalies antérieures, et qu’après qu’elles se soient trouvées dans une situation de schisme

Parce que ces autocéphalies reposent sur un conscience très vive de la solidarité communautaire ethnique, elles considèrent que ceux de leurs “nationaux” qui ont émigré font toujours partie de la même Église-mère et elles veillent à leur assurer un encadrement à la fois communautaire, cultuel et culturel “indépendant”. En général cependant la puissance d’intégration des sociétés occidentales est telle que leurs enfants ou leurs petits-enfants préfèrent oublier leurs racines.

Avec la chute du communisme les Églises ont recouvré une liberté extérieure qu’elles avaient perdue depuis longtemps. Elles tentent de jouer un rôle public national, et d’assumer un rôle de guide de leur peuple, de montrer la voie. Elles se sont ainsi laissé prendre au jeu politique.

Il semble par contre qu’aucune n’ait jamais pris conscience de la profondeur du drame spirituel actuellement vécu par les occidentaux. L’Occident est toujours lu au premier degré  l’Occident pense que… veut que… veut nous réduire à… L’Orthodoxie n’est pas conçue comme une alternative pour les Occidentaux, meis comme l’objet du mépris et de l’inimitié de ces Occidentaux unanimes. Et lorsque l’Église russe s’efforce de s’imposer comme un interlocuteur pour l’Europe, c’est parce qu'elle croit se trouver ainsi côte à côte avec l’Église romaine considérée comme Église légitime de l’Occident.

Mais je pense que la société civile d’Occident ne pourra pas longtemps supporter cette prolifération en Europe occidentale de filiales des Églises-mères et qu’elle s’efforcera (peut-être avec une grande maladresse) d’imposer une solution locale. Les pouvoirs civils européens ont en effet à peu près tous pour principe, ou pour pratique de fait, que la loi de l’État doit toujours l’emporter sur tout, et s’imposer même à la liberté cultuelle. La position qui est faite à l’Église dans les pays de tradition orthodoxe est donc seulement tolérée à titre transitoire, comme l’Église de Grèce commence à s’en apercevoir. Le statut d’associations d’immigrés ne sera pas longtemps toléré dans les pays d’Europe occidentale, dès que se posera le moindre problème, d’autant que les immigrés affluent de ces pays.

En se posant comme seule Église orthodoxe non-ethnique, le patriarcat œcuménique ppurrait jouer une excellente carte si la réalité ne démentait ses prétentions : il ne propose un service cultuel qu’à une émigration grecque, d’ailleurs en voie d’intégration. De plus il n’a plus de base de recrutement : la colonie grecque qui subsiste à Istambul est incapable de fournir au patriarcat œcuménique les cadres dont il a besoin. En plus en prenant constamment et fermement position en faveur de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, le patriarcat ne s”est fait aucun ami, tout au contraire. Enfin le patriarcat ne propose aux communautés qui se rattachent à lui qu'un statut colonial d'administration directe, dont les évêques-administrateurs ne font pas partie du Synode constantinopolitain qui les a nommés.

La situation en France est encore compliquée par l’existence d’une Église “de tradition russe” mais dont la structure, la praxis et l’esprit sont beaucoup plus de tradition moderniste et œcuménisante. Beaucoup dans le monde orthodoxe considèrent que cette Église est fort peu canonique et héritière surtout de tendances hétérodoxes de la “philosophie religieuse” russe. C’est probablement une vue un peu caricaturale au regard de sa réalité concrète, mais l’Institut n’ayant pratiquement pas travaillé à la formation d’un clergé local missionnaire, plus de la moitié du clergé de la rue Daru vient d’en dehors de l’Orthodoxie.

En faisant une proposition de métropole d’Europe occidentale, le patriarcat de Moscou a rendu un grand service à l’Église orthodoxie tout entière, car il rappelle que la création d’une structure métropolitaine est la seule voie pour une véritable présence orthodoxe. Encore faut-il qu’elle soit purement locale, et malheureusement le patriarcat de Moscou a aussitôt gâché sa proposition en invitant à construire une métropole “de tradition russe”. Pour un orthodoxe il n’est qu’une seule tradition, c’est la Tradition orthodoxe (a fortiori dans une région qui n’est pas de tradition russe). C’est dans une vraie métropole locale retournant aux sources de la tradition purement orthodoxe que les Russes trouveront leur place. Appeler à se joindre à la Tradition russe implique que l’on croit à la vocation universelle de l’Église locale russe. Est-ce un retour à la théorie de la “Troisième Rome” ?

Si l’on s’en tient à un inventaire objectif de la situation, on peut considérer que l’Orthodoxie se refuse totalement à sa mission en France. Je ne pense cependant pas que l’on puisse dire qu’elle a raté une occasion dans les années 60 et qu’il n’y a plus d’espoir. L’Église orthodoxe ne cesse de s’accroître, et son influence ne cesse de s’étendre. Je ne sais pas quelles sont les voies du Seigneur, mais je suis persuadé qu’au jour qu’Il choisira Il n’aura aucune difficulté à rendre la vie à son Église ici et à lui fournir une organisation canonique.
Jean-Louis Palierne
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Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Cette fois, j’ai eu le temps de lire avec attention et de méditer l’article de Grigorios Papathomas. Il est effectivement remarquable en ce qu’il ancre l’ecclésiologie canonique dans la vie trinitaire et dans le souffle eschatologique comme prémisses du monde à venir. L’opposition qu’il établit entre Eglise établie localement, autocéphale, et Eglise nationale – la première, la seule juste, permettant à la fois la différence identitaire et la communion, la seconde ne laissant plus que l’identité comme ferment de division – est d’une clarté rarement atteinte.
L’injonction missionnaire du Christ à l’Ascension commande de baptiser les nations (ethnies), ce qui suppose une transformation en profondeur de chaque identité collective afin de les rendre aptes à entrer dans la communion du Royaume. Le terme εθνη utilisé par les Evangélistes n’est pas anodin puisque, en grec, il désigne les peuples dans ce qu’ils ont de spécifique, de distinctif tant par les caractères physiques que par la culture propre, par opposition à λαος, le peuple administratif, la foule, collection d’individus interchangeables, à γενος, le peuple tribal descendant d’un même ancêtre, biologiquement apparenté et à φυλη, englobant de plusieurs tribus. Pour qu’il y ait εθνη, il faut une histoire commune, une reconnaissance identitaire consciente, souvent une langue commune mais ce n’est pas obligatoire, comme le démontre l’exemple suisse ; il faut surtout qu’elle puisse se distinguer de ses voisines. Et l’histoire montre que, selon les règles de l’humanité en chute, c’est le plus souvent en s’opposant qu’elle se pose. Dans la plupart des cultures archaïques, du point de vue linguistique, il y avait « les hommes » et « les autres, les étrangers » dont le statut ontologique humain n’était pas reconnu en plénitude. Les Grecs – et les Barbares, sur le critère culturel de la langue, encore à l’époque hellénistique. Le baptême des nations permet de passer de cette identité d’opposition au mode divin, trinitaire, d’une identité de communion (union sans confusion, distinction sans séparation : G. Papathomas applique cet adage à la périchorèse trinitaire où il a autant de justesse que dans la description de l’union des natures divine et humaine en Christ). C’est immense. Un saut ontologique.
Les canons que rappelle bellement Jean Louis Palierne, l’Eglise une exprimée localement au travers de l’évêque et du synode qui les rassemble sur une province, ont pour fonction (entre autres) de permettre ce passage à l’identité de communion.
L’ethnophylétisme ramène à l’identité d’opposition. On peut se demander, si cette brisure des canons se poursuit, jusqu’où l’Eglise nationale pourra rester l’Eglise tout en adoptant un mode d’organisation qui ne permettrait plus la communion hypostatique ou la restreindrait aux seuls membres de la nation et aux quelques métèques adoptés. En ce cas, cela donnerait du poids à la vision pessimiste que développait Lecteur Claude sur un autre fil, en venant à considérer que « les conditions ne sont pas réunies pour qu’il y ait des retours dans le sein de l’Eglise dans les pays francophones, au delà des quelques milliers d’individualités qui ont déjà franchi le pas. Et les conditions ne seront probablement plus jamais réunies. » Je ne partage pas ce pessimisme qui condamnerait toute une langue, tout une grappe de peuples à l’hérésie sans espoir de métanoia. Je l’ai reçu comme une gifle. Je crois aussi que la Sainte Trinité qui est Dieu veut le salut des hommes et ne laissera pas les choses aller jusqu’au point de non-retour où disparaîtrait purement et simplement l’Eglise. Déjà n’est-ce pas miracle que l’Eglise ait survécu sous le joug ottoman ou sous le joug communiste ? Et il est fort possible que le retour à l’ecclésiologie de communion soit dû au caillou dans la chaussure que représenteraient, que représentent déjà les convertis francophones ou, ne les oublions pas, anglophones, qui viennent à l’Eglise et au Christ, pas au samovar ni aux blinis ni à toute autre production du folklore culturel des « diasporas ».
Je me souviens de ce que disaient deux femmes rencontrées l’été dernier à la crypte de Daru, l’une d’origine russe, l’autre d’origine roumaine : « C’est vous, les convertis, qui nous redonnez les trésors de notre tradition, de notre théologie. »

Le patriarcat de Moscou joue aujourd’hui la carte du phylétisme et paradoxalement, par les divisions et les procès civils que cela entraîne pour la possession de tel ou tel lieu de culte, renforce la position du patriarcat de Constantinople. Si l’on y ajoute la position fortement œcuménique vis à vis de l’Eglise romaine que jouent alternativement l’un comme l’autre, on pourrait parler d’un ballet des trois Rome ! Mais les problèmes que cela pose tant en France qu’en Angleterre, parce qu’ils tendent à détruire le peu qui a été construit jusqu’ici, disons que pour l’instant cela agace mais que ça ne tardera pas à exaspérer. Ce n’est sans doute pas un hasard si l’Archimandrite Grigorios Papathomas met en ligne aujourd’hui ce rappel aux sains principes. Est-ce que quelqu’un a pensé à le traduire en russe ? En grec ? En anglais ? En serbe ? En roumain ? Etc. Ce serait tout de même intéressant que ce rappel puisse être lu par ceux qui sont concernés au premier chef, c’est à dire par les évêques des divers saints synodes.
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christianc
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Message par christianc »

L'étude de l'Archmandrite est passionante peut être pourrais je compléter quelques points sur la question du protestantisme.

- L'Eglise Anglicane est fondamentalement l'émanation d'une ancienne église autocéphale réunie dans la communion de Rome au Synode de Whitby vers 600 et qui s'est séparée pour diverses raisons... (nous les connaissons ou pas ou mal..)

- En Grande Bretagne, le statut de l'Eglise est d'être protégée par le Gouvernement depuis le 13eme siècle, article premier de la Magna Carta de 1215, de cette manière "L'évêque de Rome n'a pas de Juridiction en Angleterre" comme il a été rappelé plus tard.

- L'Eglise Anglicane (de Grande Bretagne) n'a pas un statut de Paroisse quand elle est en dehors de la Grande Bretagne mais de "Chaplaincy" / D'Aumonerie pour les ressortissants du pays concernés. D'ailleurs les membres des Eglises Anglicanes le considèrent ainsi (majoritairement dans les conseils des paroisses).


- De même l'Eglise Lutherienne est née en France de la fondation de la "chapelle des Suédois"

- Les églises auto-céphales qui se rattachent à la communion anglicane sont toutes auto-céphales (38 Régions); il y a sur le même secteur géographique aussi bien des anglicans de Grande Bretagne que des Anglicans des Etats Unis (Episcopaliens).

- Le coté culturel, prédomine ici, malgré la qualité d'accueil qui puisse exister dans ses communautés le culte se fait dans la langue de la communauté.

- Mon interrogation est qu'en est il de la vocation missiologique? Je la poserais pour ceux que je connais bien sûr.... Il y a une vraie différence entre "être une aumonerie", la meilleure des aumoneries pour les ressortissants de la langue et de la culture et être une Paroisse, locale ancrée dans la vie du Pays...

L'accompagnement spirituel des étrangers en France doit rester une composante importante.

Quel est le risque d'ignorer cette dimension, nous nous posons honnêtement la question dans certains cercles, c'est - pour nous- de faire prévaloir 'l'exotisme' sur les contenus de la foi et de la piété...
* c'est une option qui n'est pas retenue d'ailleurs... Même si cela implique de gros effort d'acculturation.


Est ce que je fréquente : l'Eglise Roumaine, l'Eglise Anglaise, l'Eglise Américaine, l'Eglise Australienne, l'Eglise Russe, l'Eglise Ecossaise, parce que je parle et suis d'origine anglaise, américaine, russe ou roumaine....

...
Imaginez qu'en france il y ait des chapelles de l'Eglise Orthodoxe Grecque (En Grec) de l'Eglise Orthodoxe Grecque des Etats Unis.. (en Anglais)..

La notion linguistique me semble plus forte que la notion nationale, y a t'il une piste à creuser ? Faut il parler de francais ou de francophones??
De Russe ou de Russophones ? D'anglais ou d'anglophones ?
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Christianc,

Je crois que les problèmes posés par la multiplicité des filiales en Occident des Églises-mères ethniques ont déjà été abordés ici à maintes reprises et qu’au prix de quelques recherches vous trouverez bon nombre d’informations et d’analyses.

Il ne fait aucun doute que la situation qui règne dans les pays qui n’ont pas d’Église orthodoxe reconnue (comme en Europe occidentale) est totalement anti-canonique, et qu’elle a d’ailleurs été condamnée par l’Église orthodoxe. Autrement dit l’Église s’est elle-même récemment condamnée (1872).

On n’en a pas moins assisté au développement des “diasporas” rattachées aix Églises-mères.

Tout évêque devrait faire partie d’un synode provincial, et tout synode provincial devrait être autonome.
L'accompagnement spirituel des étrangers en France doit rester une composante importante.
C’est d’autant plus important que, contrairement à ce que croient les “Églises-mères” les immigrés sont déchirés entre le désir de s’intégrer dans leur nouveau pays, d’y “faire leur trou” et la tentation d’une solution de repli sur la nostalgie.

Je ne crois pas que, même si on se place du seul point de vue des immigrants, les filiales d’Églises-mères soient une solution positive et durable. Et elles ne vivent que grâce à un clergé qu’elle font venir du pays.

La seule solution positive et durable, la seule conforme aux canons de l’Église orthodoxe, serait la création d’une métropole d’Europe occidentale, c’est-à-dire pour les pays de l’Union européenne qui n’ont pas encore d’Église autonome ou autocéphale, et que cette métropole offre aux immigrants des pays orthodoxes la possibilité d’avoir des paroisses, mais aussi cherchant à créer des paroisses totalement locales, à former un clergé local, et à mélanger dans ces paroisses fidèles autochtones et immigrés “en cours d’intégration”.

J’ai eu un certain nombre d’occasions de rencontrer dans le monde civil des immigrés originaires de pays de tradition ortgodoxe et de discuter avec eux. Je peux dire que, quel que soit le pays, ceux qui vont à l’Église sont une petite minorité. Même quand ils sont croyants, ils sont complètement absorbés par leur difficile et laborieuse intégration. Et quand on leur dit qu’il y a des Français qui s’intéressent à l’Orthodoxie, ils sont stupéfaits : « Je ne savais pas qu(il y a des Français orthodoxes. Comment cela peut-il se faire ? Je croyais que les Français sont catholiques !» (ce qui prouve, soit dit en passant, une grande ignorance de la réalité spirituelle de ce pays : les Français ne sont plus catholiques. Mais quand on bosse dur pour s’intégrer, on lit les choses au premier degré)

Comme Anne-Geneviève j’ai été surpris et peiné d’avoir lu sous la signature du lecteur Cleude les lignes suivantes :
De toute façon, les conditions ne sont pas réunies pour qu'il y ait des retours dans le sein de l'Eglise dans les pays francophones, au-delà des quelques milliers d'individualités qui ont déjà franchi le pas. Et les conditions ne seront probablement plus jamais réunies. C'était possible avant la crise des années 1960 (Vatican II, Mai 68, la contre-culture, etc.) quand les gens avaient encore des bases - même fausses. Ce restera la faute des Eglises orthodoxes locales qui étaient présentes dans les pays francophones de ne rien avoir fait quand c'était possible et de s'être complues dans l'oecuménisme et le phylétisme.
L'expérience montre que, maintenant, ce n'est plus possible.
D’abord il n’est pas possible à un orthodoxe de dire que la Grâce et la Vérité ont échoué et encore plus impossible de dire qu’elles ne pourront jamais être victorieuses

Ensuite je pense que l’expérience montre que les temps sont proches, plus qu’ils ne l’ont jamais été. Le profond besoin spirituel qui travaille les gens autour de nous est de plus en plus conscient. Il rejette de plus en plus nettement les réponses traditionnelles et se tourne de plus en plus consciemment vers l’Orthodoxie.

Reste certes un petit problème canonique et institutionnel… Les verrous sauteront. Le Christ a déjà fait sauter les verrous des portes de l’Enfer, alors ces verrous-là sont peu de choses.
Jean-Louis Palierne
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christianc
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Message par christianc »

D’abord il n’est pas possible à un orthodoxe de dire que la Grâce et la Vérité ont échoué et encore plus impossible de dire qu’elles ne pourront jamais être victorieuses
C'est aussi l'avis que je rejoins, mais la question que j'évoque est aussi pratique ... Comment est ce qu'on s'en sort ? Perspnnellement j'ai tendance à chercher des solutions , pas des problèmes.. (c'est mon tempérament .... excusez une certaine vivacité du propos)


A mon avis : La thèse de structuration de l'Eglise Anglicane qui dit que "Le Pilier de l'Eglise et le garant de la communion est l'Eveque" ne saurait il être compris ?

En son temps St Ignace d'Antioche ne demandait il pas de 'rester en communion avec l'évêque'....La communion ecclésiastique n'est elle pas importante autant que la communion dans l'expression de la foi ?


Chacun peut rester en communion dans le cadre de sa compréhension du ministère épiscopal, le fait qu'il y ait un Episcope pour l'Europe occidentale ou deux ou trois (par groupe linguistique) ... me semble important , ce serait utile pour unifier les communautés.... Et les rassembler...

Dans mon groupe nous avons un Eveque pour l'Europe occidentale, et nous sommes très critiques vis à vis du communautarisme et de l'exotisme...
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Il n’y a pas pour le moment de réponse pratique. L’Église n’est pas un objet de militantisme. Nous ne pouvons qu’attendre, prier et espérer.

Bien entendu l’évêque unique de l’unique Église locale est à la base de la structure ecclésiale. Quand nous parlons de métropole cela veut dire que les différents évêques locaux des différents lieux d’une province se réunissent pour former un synode d’évêques locaux dont le président est l’évêque du chef-lieu (la “métropole”) de la province : le métropolite. Mais chaque évêque est souverain dans sa circonscription, préside la liturgie, prêche la parole de vérité, forme et ordonne un clergé, guérit les maladies corporelles et spirituelles, écarte les fautifs de la communion etc.

L’idée d’Églises linguistiques ou ethniques est une bizarrerie qui est apparue au XXème siècle, après avoir été condamnée quelques années auparavant par les orthodoxes. Il est hérétique qu’existent des filiales d’Églises-mères “ethniques”.

Mais nous l'avons déjà dit cent fois sur ce Forum. Cherchez un peu.
Jean-Louis Palierne
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christianc
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Message par christianc »

L’idée d’Églises linguistiques ou ethniques est une bizarrerie qui est apparue au XXème siècle, après avoir été condamnée quelques années auparavant par les orthodoxes. Il est hérétique qu’existent des filiales d’Églises-mères “ethniques”.

Mais nous l'avons déjà dit cent fois sur ce Forum. Cherchez un peu.
Je cherche mais tout en étant en accord profond avec vous je pense que ce phénomène est lié à deux causes :
- le déplacement des populations d'une part
- l'incompréhension des églises locales de langue nationale d'autre part

Il faut bien vivre c'est pour cela qu'en France il y a des Eglises Etrangères...

Eglises Africaines dans certaines zones
Eglises Russes ailleurs...
Eglises Roumaines;
Eglises Anglaises.......

Je vois celà comme la confusion de deux ministères, un ministère d'aumonerie auprès de populations migrantes, qui est totalement nécessaire et indispensable et un autre, qui n'est pas encore atteint... Le ministère relatif à la réponse a l'ordre missionaire de Math 28:29...

Donc un degré de maturation spirituelle qui suppose la mise de coté des malentendus...


La réponse devrait venir de la combinaison de deux réponses, la réponse au besoin pastoral de populations migrantes, la réponse à l'ancien commandement de "faire de toutes les nations des disciples".

D'un coté l'aumonerie, de l'autre la paroisse....
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Bien sûr l’anomalie que représente le monopole qu’exercent sur l’Orthodoxie en Occident les filiales créées pour leurs diasporas respectives par les Églises-mères des pays de tradition orthodoxe a des explications sociologiques et historiques évidentes : les mouvements de populations qui attirent en Occident des migrants séduits par le mirage de la prospérité de nos pays. Mais, de même que très peu d’entre eux arrivent à trouver une insertion économique satisfaisante, de même la solution imaginée par les Églises-mères pour l’encadrement et la reprise en mains idéologique et spirituelle de leurs enfants éloignés de la Mère-Patrie, est une illusion. Le fait même qu’elles les considèrent comme des “diasporas” est une profonde erreur. Les filiales des Églises-Mères n’arrivent pas à rivaliser avec la pression économique et idéologique de la société occidentale où vivent leurs diasporas, elles ne fournissent qu’une solution de repli. une nostalgie culturelle qui dure rarement plus d’une génération. Les émigrés de l’Orthodoxie ne sauvegarderont les valeurs qui leur sont propres (et qui sont réelles) que dans la mesure où ils constateront que ces valeurs, leur manière de vivre (leur bioma disent les Grecs) concernent également les Occidentaux et représentent même pour ceux-ci l’unique réponse à la profonde crise spirituelle que l’Occident connaît actuellement. Ce que vous appelez “le ministère d’aumônerie auprès des populations migrantes” ne peut pas être séparé du reste des ministères de l’Église et ne peut pas donner lieu à un morcellement communautaire. Le premier service à rendre aux migrants orthodoxes est de leur faire comprendre que ce monde où ils sont venus travailler et résider n’est pas une société prospère, satisfaite, sereine et sûre d’elle-même et que ce que cette société désire et recherche, c’est l’esprit orthodoxe dont jadis elle a été privée, cette nourriture orthodoxe dont elle a été frustrée. En favorisant une attitude de repli, un réflexe de défense, les Églises-Mères appauvrissent le vie spirituelle des migrants orthodoxeS.
D'un coté l'aumônerie, de l'autre la paroisse....
D’un côté… de l’autre…? C’est la pire des solutions. Le comble de l’absurdité c’est qu’il y a plusieurs côtés orthodoxes : des paroisses grecques, russes, roumaines serbes etc. qui s’ignorent. Les migrants orthodoxes croient qu’ils sont dans un pays catholiques. Leurs enfants tranchent leurs racines et passent à l’extrême opposés.
Jean-Louis Palierne
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Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Jean-Louis Palierne a écrit :Comme Anne-Geneviève j’ai été surpris et peiné d’avoir lu sous la signature du lecteur Cleude les lignes suivantes :

Citation:
De toute façon, les conditions ne sont pas réunies pour qu'il y ait des retours dans le sein de l'Eglise dans les pays francophones, au-delà des quelques milliers d'individualités qui ont déjà franchi le pas. Et les conditions ne seront probablement plus jamais réunies. C'était possible avant la crise des années 1960 (Vatican II, Mai 68, la contre-culture, etc.) quand les gens avaient encore des bases - même fausses. Ce restera la faute des Eglises orthodoxes locales qui étaient présentes dans les pays francophones de ne rien avoir fait quand c'était possible et de s'être complues dans l'oecuménisme et le phylétisme.
L'expérience montre que, maintenant, ce n'est plus possible.


D’abord il n’est pas possible à un orthodoxe de dire que la Grâce et la Vérité ont échoué et encore plus impossible de dire qu’elles ne pourront jamais être victorieuses
Vous m'attaquez durement, mais je ne peux répondre qu'une chose. Il n'est pas possible à un chrétien de mentir. Ma consience m'interdit d'affirmer des choses auxquelles je ne crois pas. Et, par ailleurs, ce dont je suis sûr, c'est que Dieu peut tout, sauf contraindre l'homme qu'Il a créé libre.
Chacun se forge son destin. Et, pour avoir beaucoup médité sur le mythe de Kosovopolje et le destin du saint prince Lazare, je suis convaincu que l'on finit aussi par se forger un destin collectif.
Glicherie
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Message par Glicherie »

http://www.echo-orthodoxe.net/index.php ... e-de-paris

(blog de père Julian, Echo Orthodoxe)

Je vous invite à écouter ces quelques paroles du père Higoumène Elisée de Simonopetra.
Vers la fin, il aborde cet aspect: le peu d'orthodoxes en France, la faiblesse par exemple de l'Institut, le peu de moyen, et fait le parallèle avec la Sainte Montagne qui plus d'une fois déclina et manqua de s'arreter. Et puis, renouveau: Dieu agit, avec Sa Sainte Mère.
Qui sait, en France, comme ailleurs, au déclin peut succèder le Renouveau dans la Foi.

Seigneur Jésus-Christ, aie pitié de ton monde.
Antoine
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Message par Antoine »

D’abord il n’est pas possible à un orthodoxe de dire que la Grâce et la Vérité ont échoué et encore plus impossible de dire qu’elles ne pourront jamais être victorieuses
Echec de la grâce et de la vérité , certes non, car ce serait un échec de Dieu et je n'ai pas lu cela sous la plume de qui que ce soit sur le forum.
En revanche est-il possible au Christ de s’interroger en Luc 18,8:
« Mais, quand le Fils de l'homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre? »
ou doit -on en conclure qu'il n'était pas orthodoxe...

Gn 6,6:
« L'Éternel se repentit d'avoir fait l'homme sur la terre, et il fut affligé en son coeur.»
Doit-on là encore en conclure que Dieu n'est pas orthodoxe...
christianc
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Inscription : lun. 07 juil. 2003 9:21

Message par christianc »

Peut être ne faudrait il pas confondre des problèmes de communications, qui sont réels entre communauté, la question d'une identité et d'une vision commune en France.

(Je prend un exemple que je connais, l'Eglise Méthodiste Cambodgienne est d'abord composée de Cambodgien et les services religieux sont fait en cambodgien, les enfant nés en France participent aux offices en cambodgien et aux activités en français, et depuis peu des temps des offices en français commence à apparaitre, ce qui permet de rassembler des gens qui ont comme langue le français.)

Utiliser une langue commune serait utile, aux Etats Unis, les Orthodoxes Grecs, Russes communiquent en anglais.

Ainsi ils se rendent accessibles aux américains et les églises orthodoxes aux USA croissent de 10% par an, ce qui signifie que des gens viennent et y trouvent du ressourcement , alors qu'ils n'ont aucunement la stratégie de prosélytisme agressif des dénominations américaines les plus "dures"..
(dont beaucoup de ces transfuges viennent de dénominations "dures")

En fait plus je lis de textes orthodoxes, et plus je me rend compte que de nombreux français pourraient être intéressés par les contenus spirituels.

Donc Orthodoxie en France ou "Orthodoxie de France", je pense que les églises d'origine Roumaine ou Russe HF, ou Grecques n'ont il pas aussi droit à ce titre.

Dans l'Apocalypse on montre un peuple nombreux "des myriades de myriades de toutes les nations" (Apoc 7:9-10)

La France est réputée "difficile à vivre " d'un point de vue chrétien...
Jean-Louis Palierne
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Inscription : ven. 20 juin 2003 11:02

Message par Jean-Louis Palierne »

Il ne faut pas considérer le problème de l’identité de l’Église indépendamment de celui de son unité. L’Église est unité parce qu’elle est communion. Le problème n’est pas de travailler à ce que l’unification des hommes, obtenue par l’abaissement des différences, ne fasse plus obstacle à l’unité de l’Église. C’est la communion de l’Église qui opère une unification entre eux dans les cpnditions empiriques. Il sibsistera bien sûr des différences sociologiques, culturelles, linguistiques, ethniques, historiques. L’Église sait surmonter ce genre de différences.

Il n’y a pas, il ne peut pas y avoir, des orthodoxes russes, grecs, cambofgiens, français, anglophones et autres. Quand on est dans l’Église, l’Esprit souffle et tous apprennent qu’ils ne sont pluq qu’un.

C'est notre incorporation à l'Église qui donne toute sa signification à notre existence tout entière, la purifie, l'instruit et la nourrit et qui nous apporte beaucoup plus même que tout ce que nous aurions osé désirer. La réalité de cet événement qu'est l'Église fait d'elle l'être à la fois le plus inconcevable et le plus incontournable que puisse rencontrer l'intelligence humaine, en même temps que le plus immédiat pour notre expérience. Nous pouvons bien percevoir son existence en tout point de notre vie, nous échouons à la définir, à la circonscrire, à en décrire la vie et le fonctionnement. Elle est si infinie que sa réalité embrasse la totalité de la Création, et cependant elle connaît de strictes limites, impose des normes parfois difficiles à appliquer et exige de ses pasteurs qu'ils les fassent respecter. Elle implique un renversement radical de nos valeurs et inverse le sens de nos espoirs.
Beaucoup d'hommes n'auront jamais même rencontré le visage de l'Église. D'autres l'auront bien entrevue, mais n'auront pas su ou voulu la reconnaître. Au fond de leur cœur cependant c'est bien par elle que Dieu le Verbe, leur Créateur, et Dieu le Saint Esprit, leur Inspirateur, leur donne la vie, l'intelligence, le souffle, l'élan qui les pousse à faire de tout leur être la ressem-blance de Dieu, infiniment plus qu'un roseau pensant ou un animal rationnel. C'est par elle qu'il les conduit à des actes parfois héroïques jusqu'au jour où il viendra jusqu'à eux accueillir leur âme et les incorporer définitivement à cette communauté des Élus, dont ils devront alors reconnaître qu'elle est l'Église, et que c'est elle qui constituait la meilleure part d'eux-mêmes sans qu'ils aient su la nommer.

Nous savons où est présent l'Esprit : partout. Nous savons aussi qu'il souf-fle en plénitude dans l'Église, mais nous ne savons pas (hormis le cas de Judas) lesquels parmi les hommes seront parvenus à Le rejeter dans leur horrible obstination. Aussi chantons-nous : Roi du ciel, Consolateur, Esprit de vérité, Toi qui es partout présent et qui emplis tout… Ce que nous savons, c'est qu'il souffle en plénitude dans l'Église, et lorsque l'Église, réunie en Concile œcuménique, explicite le contenu de la foi qu'elle a reçue, rejetant certaines erreurs et leur demandant de s'incliner, les opposants doivent, ou bien se soumettre, ou bien se démettre en silence.
L'événement unique, imprévisible et non-répétable, qu'est Église, n'est pas en effet une réalisation humaine. Elle est le Corps du Dieu-homme distribué par toute la terre. Elle récapitule en elle-même tout le mystère de la Création et de la Vie, elle accomplit le salut du genre humain, même celui des hommes qui n'auront pas eu la grâce de savoir que c'était par elle qu'ils vivaient. Elle est le Corps du Christ, répandu dans le temps et dans l'espace, en tout lieu et en tout instant de l'Histoire humaine. Elle est tout entière présente en chacune des Égli-ses locales, et vit en chaque instant de toute son histoire, passée, présente et fu-ture. Elle est communion, c'est-à-dire qu'elle vit d'une vie unique, partagée par une multitude de personnes. Cette communion participe à la consubstantialité des trois Personnes de la très-sainte Trinité, à la Divinité tri-unique du Père, du Fils et du Saint Esprit, à leur étreinte mutuelle (ce que les Pères grecs appellent la “périchorèse”).
C'est à ce Foyer unique et sans crépuscule, c'est à cette coupe constam-ment débordante que l'Église puise la vie qui déborde sur toute l'Histoire du genre humain. Et devenu en elle le Premier-Né d'entre tous les hommes, le Fils de l'homme, « le Verbe et Fils unique de Dieu », comme nous le disons à la Liturgie, réalise sa présence par le Mystère de l'Offrande eucharistique - où il est à la fois Celui qui offre et Celui qui est offert et aussi Celui qui se communi-que aux fidèles -, par le Mystère aussi du Bain de la régénération (le Bap-tême) qui nous lave de la faute qu'Adam avait communiquée à tous les hommes par la voie de la génération et du sceau du don du Saint Esprit (la Chrismation), qui fait de nous un peuple de prêtres, de rois et de prophètes, et par le Mystère enfin du ministère de l'évêque (le Sacerdoce), fondement de la communauté ecclésiale, serviteur de sa Présence, source de tous les ministères, enseignant la Parole de Dieu, jugeant, orientant et guérissant le comportement de tous les fi-dèles.
Au jour de la Pentecôte, l'Esprit Saint est descendu sur tous les fidèles sous la forme d'une flamme unique qui s'est répartie comme de multiples langues de feu sur chacun des fidèles personnellement. C'est alors que nous a été révélé ce subtil mystère de l'Un et du Multiple qui tisse toute la trame de l'Église.

Nous voyons ainsi que sous l'inspiration de l'Esprit l'homme peut conce-voir en son cœur le désir d'une communion qui passe à travers la foi. Mais dans les détresses de ce monde, devenu un peuple, et un peuple errant conduit par Moïse, il lui faut une Église, qui garde la Loi, qui présente devant Dieu la prière et qui bénit le peuple, et cette Église de l'Ancien Testament était représentée par un Grand Prêtre, assisté par les serviteurs du sanctuaire. Les chefs qui condui-sent le peuple et le dirigent dans son itinéraire et dans ses combats sont une chose ; l'Église, son Grand Prêtre et les serviteurs du sanctuaire en sont une autre. Plus tard la Tente du Témoignage cédera la place au Temple unique, le Temple de Jérusalem. C'est là l'apparition du culte.

Enfin l'impensable est survenu : le Verbe et Fils unique de Dieu s'est ma-nifesté parmi les hommes. Acquiesçant à la demande présentée par l'Archange Gabriel la Vierge a conçu de l'Esprit Saint le Verbe pré-éternel. Peu de temps après, voyant le Christ dans une grotte, les Anges chantent : Gloire à Dieu au plus haut des cieux, Paix sur la terre, et Bienveillance parmi les hommes (nous verrons plus loin que l'Occident a altéré la traduction et la signification de l'hymne angélique). Cette part du Dieu tri-unique, qu'il s'est ménagée dans la vie des hommes, leur reste toujours présente, toujours accessible et même of-ferte par l'effet de la bienveillance divine. Dieu y vit et y agit en permanence, c'est la Nouvelle Alliance (le Nouveau Testament). L'Esprit est partout présent et emplit tout, mais il veut poser sa marque sur une partie de la Création, qui devient sa part, son klèros.

Par l'Église, l'homme acquiert une dimension dont il n'avait jamais jusque-là même conçu le désir : il entre en communion avec la divine Trinité, il peut présenter une prière agréable à Dieu, qui a montré sa bienveillance en venant vivre et résider parmi les hommes. Certains actes de l'homme, certains gestes, certaines paroles sont porteurs de la Grâce divine. Les cieux ne sont plus fermés. Dans le klèros, qu'il s'agisse d'un lieu, d'un rite, d'une institution ou d'une per-sonne, la Grâce divine se fait présente et accessible, offerte et distribuée.

Dans l'Ancienne Alliance, le Grand Prêtre entrait une fois par an dans le Saint des saints pour y invoquer le nom de YHWH. Dans la Nouvelle Alliance, le Seigneur démultiplie en quelque sorte cette fonction du Grand Prêtre en la personne des évêques : chaque évêque, en chaque lieu de la terre, chaque jour de l'année, peut en permanence entrer dans le sanctuaire, car il occupe, en tant qu'évêque, la place du Christ. C'est pourquoi on peut lui appliquer le titre de Grand Prêtre (en grec l'Archiereus). De là vient que l'on puisse appeler “hiérarchie” le synode épiscopal - malheureusement ce mot a été pris à l'époque moderne en une acception sociologique pour désigner une structure pyramidale et bureaucratique !). Par son ministère, chaque Église local est la totalité de l'Église et entre en communion avec toutes les autres Églises locales.
C'est à l'autel, dans le sanctuaire, qu'il a été lui-même consacré et institué, là même où il va offrir le sacrifice eucharistique, c'est là aussi qu'il consacre le saint Chrême qui conférera le don de l'Esprit au nouveau baptisé, et qu'à son tour il institue les prêtres pour le service de l'autel. Par son ministère la Grâce se communique aux fidèles. L'Assemblée des Saints de l'Église orthodoxe vit des saints Mystères qui sont célébrés en son sein, et sous la présidence de l'unique évêque du lieu. On ne peut pas réduire les saints Mystères à un pouvoir qui se-rait automatiquement transmis par la “succession apostolique”, pas plus qu'on ne peut les ramener au “sacrement du frère”.

L'Église célèbre le sacrifice non-sanglant sur l'unique autel sous la prési-dence de son unique évêque, au cœur même du klèros. En remontant à ses toutes premières origines, tout sanctuaire de l'Église, et donc tout acte de l'Église, doit son existence à la sainteté immaculée de la Vierge acceptant de tisser en son sein la chair du Verbe incarné.

Voilà pourquoi on ne peut pas accepter une conception de pluralisme de l'Église
Jean-Louis Palierne
paliernejl@wanadoo.fr
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