de l'usage perpétuel des bobards...

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Claude le Liseur
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de l'usage perpétuel des bobards...

Message par Claude le Liseur »

Ainsi, Axel nous a appris que, sur le forum catho, on n'hésitait pas à faire usage de l'imposture éventée depuis longtemps de la pseudo-abesse uniate Macrine Métchislavskaïa. Bobard que les kto utilisent depuis 157 ans...

Ne parlons pas des Fausses Décrétales, bobard utilisé depuis onze siècles et sur lequel est tout de même basée la prétention du pape de Rome à gouverner toute l'Eglise.

Il y a deux mois, la maison de diffusion de livres catholique romaine DPF a eu la courtoisie de m'envoyer la liste des ses 300 meilleures ventes au cours du premier semestre 2003. Quelle ne fut pas ma surprise d'y trouver, en 91ème position, l'incroyable ouvrage qui suit:

"LUTHER (Martin): La conférence entre Luther et le diable au sujet de la messe (99 p., 2001) 12,66 E
Réimpression en fac-similé de l'édition de 1875.
Extraordinaire document très peu connu bien qu'écrit de la main même de Luther, prouvant que les "lumières" qui lui font rejeter le Saint Sacrifice de la Messe catholique lui viennent directement de l'ange des ténèbres (Catalogue Saint Rémi)."

Incroyable! me disais-je; dans notre belle francophonie de 2003, il se trouve encore des milliers de lecteurs catholiques pour acheter un livre qui se présente tout bonnement comme le compte-rendu d'une discussion entre le docteur Martin Luther et Satan?

Mais, ce matin, en terminant le remarquable livre de Janine Driancourt-Girod Ainsi priaient les luthériens (Cerf, Paris 1992), consacré à l'histoire des chapelles luthériennes des ambassades de Suède et de Danemark à Paris qui furent les deux seules paroisses protestantes autorisées dans le royaume de France (en dehors de l'Alsace où les lois religieuses ne s'appliquaient pas) après la révocation de l'Edit de Nantes en 1685, je me suis rendu compte que le bobard de la destruction de la messe dictée par le diable à Luther remontait à bien avant 1875.
En effet, Madame Driancourt-Girod reproduit à la fin du livre Les Instructions familières touchant la confession d'Augsbourg et la personne de Martin Luther, publiée en français par le pasteur Ritter de l'Eglise luthérienne française de Francfort en annexe à ses Heures chrétiennes (5ème édition, 1702) pour fournir une apologétique aux luthériens isolés dans le Paris catholique.
On y lit déjà une mention du bobard qui sert de base au livre réédité en 2001:
"D: Mais ceux de Rome disent que Luther a eu pour maître le Demon, et que c'est ce Pere de mensonge qui lui a appris d'abolir la Messe privée, comme il rapporte lui-même au VII. Tome de ses oeuvres imprimées à Witt. fol. 228.
R: Luther qui par tout s'est fait fort de puiser de la parole de Dieu ce qu'il enseignoit, n'a jamais rien voulu apprendre du Demon, comme il proteste au II. Tom. imprimé à Jene en Allemagne f. 182 au lieu qu'il ne seroit pas malaisé de faire voir, que non seulement le Père Jésuite Cotton, mais même son Patriarche Loyola, ont demandé au demon les instructions qu'il leur falloit pour prouver leurs dogmes. Luther n'a jamais écouté le demon, quoi que lui aussi bien que d'autres Chretiens et Jesus-Chrîst méme, n'ait été exemt de ces tentations. Il y avoit long tems qu'il avoit reconnu des Ecritures saintes les abominations des Messes privées."

Bref, le bobard sur Luther est utilisé depuis au moins 300 ans.

Deux bobard qui ont la vie dure.

Mais, depuis l'oeuvre salutaire du trop oublié Laurent Valla, on ne trouve plus guère de catholiques qui justifient leurs prétentions par la fameuse Donation de Constantin.

On peut donc en tirer l'espérance que les bobards du type "Macrine, l'abesse basilienne" et "La conférence entre le diable et Luther au sujet de la messe" finiront bien par passer un jour de mode.
christianc
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Message par christianc »

comme quoi faute d'un travail sérieux ..

Il faut fuire les fausses querelles et les "contes de bonne femme" aurait dit l'Apotre Paul..

Ce sont là des querelles qui ne grandissent pas la foi ,

Chacun fait le choix de ses croyances et chacun sera jugé pour ce qu'il aura propagé..
Emmanuel
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Re: de l'usage perpétuel des bobards...

Message par Emmanuel »

Un petit post pour signaler la parution dans le dernier numéro de la Nouvelle Revue d'Histoire (n°76 Janvier-Février 2015) d'un interessant article de Gilles Afenor de 4 pages sur la fausse Donation de Constantin et le rôle qu'elle joua dans l'évolution de la Papauté.
J-Gabriel
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Re: de l'usage perpétuel des bobards...

Message par J-Gabriel »

Emmanuel a écrit :Un petit post pour signaler la parution dans le dernier numéro de la Nouvelle Revue d'Histoire (n°76 Janvier-Février 2015) d'un interessant article de Gilles Afenor de 4 pages sur la fausse Donation de Constantin et le rôle qu'elle joua dans l'évolution de la Papauté.

Merci du tuyau Emmanuel. Numéro que j’ai pu obtenir dont voici un passage qui m’a interpellé :
[…] la dénonciation de la Donation de Constantin va constituer un enjeu politique de premier plan. La remise en cause de la domination du pape sur l’Italie rejoint alors l’esprit d’une époque qui redécouvre l’Antiquité et dénonce les certitudes établies du Moyen-Age.
Dès 1433, l’Allemand Nicolas de Cues dénonce, dans sa Catholica Concordia, les incohérences du texte. Mais la contestation n’est pas dénuée d’arrière-pensée : elle s’inscrit dans le conflit politique et théologique qui anime alors le concile de Bâle ouvert depuis 1431. Celui-ci entend proclamer la supériorité du concile sur le pontife. Or, Nicolas de Cues se trouve à cette époque dans le camp des adversaires du pape Eugène IV. La critique la plus célèbre est formulée par l’humaniste Lorenzo Valla, protégé du roi de Naples, Alphonse d’Aragon. Dans un pamphlet intitulé De falso credita et ementita Constantini donatione libri duo (Sur la donation de Constantin, à lui faussement attribuée et mensongère), publié en 1447, il formule une critique systématique et argumentée du texte, en mettant en évidence les anachronismes et les erreurs qu’il contient. Mais des remises en cause apparaissent aussi du côté de l’Eglise elle-même. L’objectif politique ne fait aucun doute : proclamer la légitimé du trône de Saint-Pierre en en faisant non l’expression du souhait d’un homme, mais la volonté du Christ en personne. Pour cela, les théologiens de la cour vaticane vont s’efforcer de trouver des traces de la fondation du trône de Pierre dans les propos du Christ, dont le célèbre : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ».

Gilles Afenor. La fausse Donation de Constantin (p.23-26) dans La Nouvelle Revue d'Histoire n°76 Janvier-Février 2015, p.26.

Moi qui croyais jusqu’à lors que le verset Mt. 16:18 était le fondement de leur ecclésiologie dès le début au 9ème siècle depuis "l’invention de la Papauté" (dixit RP Guettée)…
J-Gabriel
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Re: de l'usage perpétuel des bobards...

Message par J-Gabriel »

Voici ce qu’en dit l’historien Daniel-Rops, vu qu’il est cité en page 25 de l’article. Je commence assez haut pour bien situer l’action.

Notez que quand il écrit "byzantin", "Byzance", il faut alors comprendre "romain", "Empire romain" ou "Nouvelle Rome". Vu que le fameux Empire byzantin n'ayant jamais existé, désigner les Romains à l'orient de l'Italie comme Byzantins, c'est encore un autre de ces bobards...
Déjà, dans les dernières années de sa vie, Charles Martel s’était comporté comme un roi, à tel point que le trône, à côté de lui, était demeuré vide. Son fils, auprès de qui le dernier Mérovingien Childéric III n’était qu’un vain fantôme, datait ses actes de « son palais », parlait de « ses grands qui entouraient son siège » et affirmait exercer le pouvoir « par la confiance de Dieu ». Situation équivoque qui ne devait pas se prolonger. En 751, Pépin risqua le coup d’Etat : Childéric III fut enfermé dans un couvent et Pépin prit le titre de roi. L’opération que Grimoald, environ cent ans plus tôt, avait imaginée, mais manquée, Pépin la réussit. Coup d’Etat qui était, assurément, dans la logique des choses, mais qui n’en allait pas moins à contresens de la tradition germanique selon laquelle seule une race issue des dieux pouvait exercer le pouvoir royal, en vertu du Geblütsrecht, du privilège du sang. Pour légitimer l’événement, un seul moyen existait : faire appel à une autorité supérieure à celle de la tradition païenne, c’est-à-dire au christianisme, à l’Eglise. Des envoyés du maire avaient été expédiés à Rome pour tâter le terrain, et, d’après les chroniqueurs du temps, saint Boniface lui-même accepta de poser au pape la question : « Convient-il d’appeler roi celui qui a le titre du pouvoir ou celui qui en possède la réalité ? ». Le pape était Zacharie, Grec subtil : sa réponse fut conforme aux vœux de Pépin. La papauté abandonnait les Mérovingiens, non point parce qu’elle avait des griefs contre eux, mais parce qu’elle n’avait rien à en attendre pour la grande œuvre qu’elle poursuivait. Au cours de l’été 751, saint Boniface, à Soissons, procédait au sacre de Pépin : déjà utilisé en Espagne wisigothique depuis l’avènement de Wamba, le sacre était bien plus qu’un signe de rapprochement entre les deux puissances ; l’onction royale (distincte absolument désormais de l’onction du baptême) était la marque de l’Eglise mise sur la royauté. L’institution royale se trouvait désormais incorporée à l’organisation chrétienne du monde. Le pape donnait aux Carolingiens une investiture qu’aucun Mérovingien n’avait eue ; mais ne tirait-il pas, du même coup, une traite sur eux ?
Cette traite, Zacharie mourut sans l’avoir présentée. Son successeur Etienne II (752-757) s’y résolut. Le péril lombard grandissait. Aistulf, le nouveau roi de Pavie, venait de prendre Ravenne et menaçait Rome. A ces empiétements Byzance n’avait riposté que par une note diplomatique ! Le pape se tourna vers Pépin. Des messagers pontificaux vinrent en Austrasie, des envoyés francs allèrent à Rome. A l’automne 753, Etienne II quitte le Latran, traverse les Alpes au Grand-Saint-Bernard, se dirigeant vers Ponthion où séjournait le roi. Averti, Pépin envoie Fulrad, abbé de Saint-Denis, saluer le pontife quand il arrive à Saint-Maurice-en-Valais, puis son propre fils Charles (le futur Charlemagne) l’accueillir à Langres. Enfin, quand le cortège pontifical n’est plus qu’à une ou deux lieues, le souverain lui-même va à sa rencontre, descend de cheval à la vue du Saint-Père, se prosterne humblement devant lui et prenant la bride de la monture, comme un simple écuyer, mène jusqu’au palais son hôte vénéré. Admirable et touchant accueil, mais qui ne manquait pas non plus d’habilité politique ! Le pape et le roi carolingien sont désormais alliés : le 28 juillet 754, à Saint-Denis, Etienne II confère lui-même l’onction sainte à Pépin et à ses deux fils, déclarant « anathème quiconque ne se soumettrait pas à eux et à leur descendance ». Le renversement de la politique franque en Italie et l’intervention des troupes de Pépin contre les Lombards étaient certains. Si l’on en avait pu douter, un titre que le pape décerna à son ami eût éclairé les esprits, Patrice des Romains ; cette dignité, qui avait été celle des exarques de Ravenne, ne comportait-elle pas obligation de défendre la Ville sainte ?

L’affaire fut vite menée. Sans combat sérieux, Aistulf accepta les conditions de Pépin, dont les troupes bloquaient Pavie ; il abandonnait Ravenne et l’exarchat à son vainqueur qui en fit immédiatement restitution à la « république romaine ». Mais dès que les soldats francs eurent repassé les Alpes, Aistulf, se sentant plus léger, oublia ses engagements ; non seulement il ne livra point Ravenne au pape, mais encore, le 1er janvier 756, il vint assiéger Rome. Nouvelles plaintes d’Etienne II. Nouveau raid franc. Nouvelle reddition rapide des Lombards. Cette fois, on prit des précautions. Pour que le pape fût à l’abri des entreprises hostiles, ne convenait-il pas lui donner des moyens matériels d’agir en le constituant véritablement chef d’Etat ? Ainsi va naître sous la pression lombarde, l’Etat pontificale.

C’est ici qu’il faut rapporter une histoire singulière, dont le rôle historique n’est pas niable, celle de la fausse donation de Constantin. Il est probable que, depuis déjà longtemps, circulait à Rome une légende qui, greffée sur le fait authentique de la donation du palais de Latran par Constantin au pape Sylvestre Ier, assurait que le premier empereur chrétien avait cédé au successeur de saint Pierre des territoires immenses, la primauté sur tous les sièges patriarcaux et même… la puissance et la dignité impériales, voire la chlamyde de pourpre et le sceptre ! Comme par hasard, un acte avait été découvert, au moment où, en 753, Etienne II était parti supplier le roi franc de sauver Rome, un bel acte de dix pages, rapportant la fameuse donation, et tout plein de détails comme les contemporains les aimaient, par exemple que Constantin était un lépreux miraculeusement guéri le jour de sa conversion. Pépin croyait-il à l’authenticité du document, comme y croiront les hommes du Moyen Age, comme y croira Dante ? En tout cas il était de sa politique, pour briser la puissance lombarde en Italie et pour s’assurer à jamais l’alliance du pape, d’y croire, c’est-à-dire de tenir les promesses de « Constantin » en donnant des terres à la papauté.
Rome, Pérouse, Ravenne, auxquelles fut ajoutée Commachio, furent donc assignées à Etienne II non plus comme simple domaine mais comme constituant un Etat. Fulrad, abbé de Saint-Denis, déposa solennellement sur le tombeau de saint Pierre les documents de la donation et les clefs des villes cédées. Constantin V, l’empereur byzantin, essaya vainement de faire des objections : l’Etat pontifical était né, qui devait demeurer onze siècles (756-1870) ; le pape était désormais indépendant du basileus (*)… s’il ne l’était pas tout à fait du roi des Francs.

*Jusqu’alors les papes dataient selon les règnes des empereurs byzantins leurs actes officiels. A partir de 757 les dates impériales furent négligées, et en 775 le pape Hadrien datera un acte à la fois par les années de l’empereur d’Orient et par celle du « Patriciat »de Charlemagne. Géographiquement, avec sa forme curieuse, en haltère –deux masses territoriales, Ravenne et Rome, reliées par le pédoncule de Pérouse– l’Etat pontifical paraissait encore fragile et la tentation était grande pour les Lombards de le remettre en question quand faire se pourrait. Mais telle quelle, son institution avait une portée considérable ; elle engageait la papauté dans des destinées nouvelle ; elle scellait son alliance avec la dynastie carolingienne ; elle fixait d’une façon définitive la politique franque envers les Lombards. Et pour le fils de celui qui venait de prendre sur l’avenir cette option fructueuse, elle allait bientôt comporter une contrepartie d’une valeur exceptionnelle.

Daniel-Rops Histoire de l’Eglise, Tome III L’Eglise des temps barbares, p.327-330
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