La Transfiguration de la nature
Le dernier jour de l'humanité sera simultanément le dernier jour pour toute la natur ; l'achèvement du temps sera au même instant l'achèvement de l'espace, tout au moins dans la catégorie où il nous apparaît maintenant. Puisque depuis le début de son existence, le destin de la nature visible se trouve placé sous l'influence de l'homme, elle trouve son achèvement dans l'achèvement même de l'histoire humaine en ce monde. En raison des liens mystérieusement organiques que la nature entretient avec l'homme en tant que créature que Dieu a faite à son image, elle est par la substance de sa vie dépendante de l'homme, et se tient toujours dans un juste rapport avec l'homme. Lorsque l'homme a choisi dans l'histoire le chemin du péché et de la mort, c'est toute la nature qui y a été engagée, en raison de l'incontournable dépendance intérieure qui la lie à l'homme. La chute de l'homme a été en même temps la chute de la nature : la malédiction qui pèse sur l'homme est devenue une malédiction pour la nature. Et depuis lors l'homme et la nature sont comme deux jumeaux inséparables, aveuglés par la même obscurité, condamnés à la même mort, chargés de la même malédiction, allant main dans la main à travers l'histoire, dans les gouffres sans issue du mal et du péché ; ensemble ils se heurtent, ils tombent, se redressent, se hâtant toujours vers le terme lointain de leur triste histoire.
Puisque la mort et le péché doivent disparaître au dernier jour avec l'avènement du Seigneur Christ, c'est toute la nature qui sera libérée de l'esclavage du péché et de la mort, pour se transfigurer et briller de toute sa beauté primitive, celle d'avant la chute, sans le péché et sans la mort. La résurrection des morts sera la fin de la mort, non seulement pour les hommes, mais aussi pour la nature visible, qui n'est soumise à la mort et à la décomposition que par la volonté et l'amour du péché de son tyran, c'est-à-dire de l'homme. Le péché et le mal, la maladie et la mort, ne sont que des alluvions fétides laissés par l'homme qui en a recouvert et sali le visage sans péché de la nature. Mais le Seigneur Jésus viendra tout laver par la Lumière de son avènement sur le beau visage de la nature bâtie et tissée par Dieu, et elle pourra alors retrouver son éclat, car elle est bonne et sans péché, et indiciblement belle. Lorsqu'il restaurera l'homme dans son état primitif, le Seigneur restaurera aussi la nature dans son état antique, sans péché. Alors ce ne seront pas seulement les hommes nostalgiques du Christ qui “retrouveront leur antique beauté”, mais aussi toute la nature, puisque par l'action de la grâce de Dieu elle rejettera d'elle-même et se débarrassera de tous les péchés, de tout mal, comme de toutes les conséquences du mal et du péché, et avec eux de la mort même. Alors se lèveront un nouveau ciel et une nouvelle terre, où doit habiter la justice.
Saint Cyrille de Jérusalem nous enseigne que notre Seigneur Jésus Christ viendra du ciel lors de l'accomplissement du monde au saint et dernier jour.
Car l'accomplissement de ce monde se produira et ce monde créé sera renouvelé. Puisque ce monde est plein de péché, ce sera afin qu'il ne reste pas à jamais empli de transgression, et il apparaîtra plus beau. N'allons pas regretter de mourir : les étoiles aussi ne cesseront pas d'exister, elles apparaîtront à nouveau. Le Seigneur enroulera les cieux, mais ce ne sera pas pour les supprimer, ce sera pour qu'ils apparaissent à nouveau avec un meilleur aspect. De même que nous attendons la résurrection des hommes morts, nous attendons aussi une sorte de résurrection du ciel.
Saint Ambroise écrit que le monde ressuscitera en Christ ;
le ciel aussi ressuscitera en Lui ; la terre aussi ressuscitera en Lui. Et le bienheureux Augustin : ce monde passera, non point au sens d'un complet anéantissement, mais dans le sens d'un changement de la créatio ; c'est pourquoi l'Apôtre écrit : La figure de ce monde passe. L'aspect de ce monde sera anéanti, non la nature.
[…]
La fin du monde sera accompagnée de terribles chocs, de tremblements de terre, de convulsions de la nature, car le mal s'acharnera à lutter afin de demeu-rer sur elle et en elle. Venus de tous côtés, les malheurs s'amoncelleront ; la mort lancera de furieux assauts contre tout ce qui vit ; le mal tentera de rejouer sa farce dérisoire au cœur de la nature, mais toute la nature s'agitera et se soulèvera : le soleil s'obscurcira, la lune perdra de son éclat, les étoiles tomberont du ciel, les puissances célestes se mettront en mouvement, la mer s'agitera, le ciel se retirera comme un livre qu'on enroule et les hommes mourront de crainte dans l'attente de Celui qui vient sur la terre. Mais tout cela ne sera que le signe que le mal et la mort sont sur le point d'expirer, que le blé de la terre a mûri et que le temps de la moisson est venu. et que survient la transfiguration de la nature par son affranchissement du mal, du péché et de la mort, grâce à la venue du Seigneur qui ignore la mort et le péché et par l'instauration du Royaume de Dieu dans toute la nature :
Voyez le figuier et tous les arbres. Dès qu'ils bourgeonnent, en les regardant, vous comprenez de vous-mêmes que désormais l'été est proche. Ainsi de vous : lorsque vous verrez cela arriver, comprenez que le Royaume de Dieu est proche.
Scrutant le mystère de la transfiguration de la nature tout entière, tel que l'opérera l'avènement du Seigneur Christ, le saint apôtre Pierre délivre l'enseignement que voici :
Les cieux et la terre de maintenant sont gardés pour le jour du Jugement et la perte des impies […] Le jour du Seigneur arrivera comme un voleur dans la nuit, ce jour où les cieux passeront en un sifflement, les éléments embrasés se dissoudront, et où la terre se consumera avec les œuvres qui sont sur elle […] les cieux enflammés se consumeront et les éléments embrasés se dissoudront. — De cet embrasement cosmique dans lequel tous les maux se consumeront, procéderont un ciel nouveau et une nouvelle terre où la justice demeurera , ce qui veut dire qu'il n'y aura plus d'injustice dans ce ciel nouveau et sur cette terre nouvelle, ni mal, ni péché, ni maladie, ni mort, car tout cela aura été consumé par le feu, et que l'être de la nature, telle qu'elle a été créée par Dieu, retrempé par le feu de la divinité, resplendira d'une beauté nouvelle et indicible. Que cette catastrophe cosmique doive bien s'achever par une transfiguration et non par un anéantissement du monde, c'est ce que montre aussi la comparaison que fait le saint Apôtre entre la fin du monde et le Déluge. Le Déluge en effet n'avait pas anéanti le monde, il l'avait seulement lavé de la pourriture du péché et du mal, afin de le renouveler.
[…]
Cette vérité divino-humaine sur la transfiguration de la nature vit en permanence dans le corps divino-humain de l'Église orthodoxe du Christ, et il y vivra toujours. Elle est toujours nouvelle, car elle est éternelle, et l'éternité ne vieillit pas. C'est ce que nous enseigne saint Irénée : puisque les hommes sont réellement des hommes, le lieu de leur résidence doit être également réel, ne pas être annihilé, mais progresser dans son existence, car l'être et la substance de la Création ne sont pas anéantis, puisque Celui qui les avait faits est bien réel et véritable ; mais la figure de ce monde passe, c'est-à-dire ce en quoi la transgression a été commise, car c'est en lui que l'homme a vieilli. Cependant lorsque la figure de ce monde aura passé, l'homme sera renouvelé et il se relèvera pour l'incorruptibilité pour ne plus jamais vieillir, et c'est alors qu'apparaîtront un ciel nouveau et une nouvelle terre, sur lesquels un homme nouveau viendra demeurer.
Pour commenter l'enseignement du saint apôtre Paul sur la dépendance dans laquelle la nature se trouve à l'égard de l'homme, saint Jean Chrysostome cite les paroles suivantes de l'Apôtre :
la Création, elle aussi, sera délivrée de l'esclavage de la corruption et poursuit en posant cette question : que signifient les mots 'elle aussi' ? Ils signifient que non seulement ces hommes-ci, mais aussi tout ce qui est bien au-dessous de toi, ce qui est dépourvu de raison et de perception, tout cela prendra part avec toi à la béatitude. La Création sera affranchie de l'esclavage de la décomposition, elle cessera d'être corruptible, pour se faire conforme à la beauté du corps humain. De même en effet que la Création est devenue corruptible lorsque le corps humain est devenu corruptible, de même, lorsque celui-ci sera devenu incorruptible, la Création le deviendra elle aussi et deviendra conforme au corps.
Saint Épiphane enseigne que dès avant la fin du monde, toute la Création sera assujettie à une sorte de mort aggravée. Mais ce sera seulement afin qu'elle puisse être renouvelée, ce sera seulement pour pouvoir servir à jamais, en commun avec les fils de Dieu, non plus la corruption et le péché, mais la justice. Lors de cet embrasement ultime, le ciel et la terre ne retourneront pas au chaos primitif, pas plus qu'ils ne seront complètement anéantis, ils se renouvelleront seulement, et par conséquent la terre continuera d'être habitable, mais elle offrira un habitat beaucoup plus parfait — le plus parfait qui soit pour tous ceux qui l'habitent.
C'est cet enseignement divinement révélé sur la transfiguration de la nature que l'Église a scellé dans le décret 11 du Vème Concile œcuménique. Ce décret déclare que si quelqu'un professe que le Jugement dernier signifie l'anéantissement complet de toute chair et que la fin du monde sera une nature immatérielle, — et que dans le siècle futur il n'y aura plus rien de matériel, mais seulement l'esprit nu, — qu'il soit voué à l'anathème.
En ce qui concerne ces hommes que le Second Avènement du Seigneur Christ surprendra vivants sur la terre, leurs corps se transformeront en un clin d'œil en des corps spirituels et immortels. Voici ce que le saint apôtre Paul nous enseigne à ce sujet :
Oui, je vais vous dire un mystère : nous ne nous endormirons pas tous, mais nous serons tous changés. D'un seul coup, en un clin d'œil, au dernier coup de trompette ; car elle sonnera, la trompette, et les morts seront relevés incorruptibles, et nous, nous serons changés. C'est tout le mystère de l'être humain qui nous est ainsi révélé : chaque être humain chemine à travers la mort vers la résurrection des morts. Or depuis le Seigneur Christ, la mort n'est plus qu'une dormition de la chair, un endormissement de la chair, et la résurrection commune des morts éveillera nos corps morts de la mort comme d'un sommeil.
Nous ne nous endormirons pas tous, c'est-à-dire que nous ne mourrons pas tous, car la résurrection commune des morts surprendra de nombreux hommes vivants sur la terre. Qu'en arrivera-t-il donc d'eux ?
Tous seront changés, c'est-à-dire que leurs corps aussi acquerront les propriétés des corps spirituels, les mêmes que posséderont aussi les corps de ceux qui ressusciteront des morts. C'est ainsi que tous les hommes seront placés sur un pied d'égalité : Tous recevront bien un corps spirituel, puisque les corps charnels se transformeront en corps spirituels. Et cette transfiguration, cette transformation de la chair s'accomplira d'un seul coup, en un clin d'œil, au dernier coup de trompette. Comment ? Par la puissance du Seigneur Christ ressuscité, car c'est Lui qui fera sortir d'entre les morts, par sa toute-puissante force divine, les corps de tous les défunts et
les morts se relèveront incorruptibles : ce qui est mort — c'est la chair, — se relèvera incorruptible. C'est-à-dire que ce qui constitue la substance de la chair se relèvera incorruptible, ce qui fait que mon corps est à moi, que ton corps est à toi, que son corps est à lui et que ce qui est à tous est à tous. Ce seront certes
des corps spirituels, mais ce seront les mêmes corps que ceux qui auront été morts, et qui maintenant viennent de ressusciter. De même chez ceux qui lors de la résurrection commune des morts seront surpris en vie sur la terre, leurs corps resteront les mêmes, mais ils se transformeront seulement de charnels en spirituels. Tout cela se déroulera de telle manière que Pierre restera Pierre dans son propre corps, et que de même Paul restera Paul dans son propre corps, cependant que Marco restera Marco dans son propre corps.
Les morts se relèveront incorruptibles : leurs corps deviendront incorruptibles ; en eux plus rien ne sera soumis à la mort, et c'est pourquoi l'incorruptibilité devient la caractéristique immortelle du corps humain. Les puissances de résurrection du Dieu-homme ressuscité jailliront à travers tout le corps humain comme une puissance d'immortalisation. La résurrection commune consiste en ceci que ce qui est mortel, non seulement revivra, mais deviendra même immortel, c'est-à-dire ne pourra plus jamais mourir. Ce sera l'événement le plus significatif pour le corps de l'homme, qui en ce monde terrestre s'est fait à la mort, à cause du péché, comme à quelque chose de naturel et de logique. Lors du Jugement Dernier, le corps humain entrera dans une vie à laquelle il n'est pas de terme. Bien qu'il soit corruptible en ce monde, il deviendra incorruptible sans cependant cesser d'être corps, car il conservera toutes les particularités substantielles qui font de lui un corps. Lors de la résurrection commune, Dieu conservera dans le corps ce qui fait que le corps est substantiellement un corps, tout en le revêtant d'immortalité.
Il faut en effet que cet être corruptible revête l'incorruptibilité, que cet être mortel revête l'immortalité.
Cet enseignement divino-humain nous montre que lors de la résurrection commune nous verrons les corps ressuscités de ceux qui sont morts, devenus mortels à cause du péché. Ce ne seront pas des corps totalement nouveaux, ce seront bien nos corps terrestres, ils auront simplement été transfigurés par la toute-vivifiante puissance du Dieu-homme ressuscité en des corps spirituels :
le corruptible aura revêtu l'incorruptible, le corps soumis à décomposition sera devenu exempt de toute décomposition. C'est ainsi qu'interviendra une transformation inouïe, quelque chose que nous qui sommes sur la terre nous ne faisons qu'entrevoir dans les saintes reliques des Saints. Dès ici-bas sur terre les Saints revêtent ce qui est
corruptible, c'est-à-dire ce corps-ci,
d'incorruptibilité. C'est ainsi que dès maintenant, ici-bas sur la terre, ils nous portent témoignage de cette Bonne Nouvelle fondamentale que le Dieu-homme nous apporte au sujet du corps : qu'il est lui aussi destiné à l'incorruptibilité, à l'immortalité, au Seigneur. Voici en quoi se trouve se trouve tout le mystère du corps, et avec lui tout le mystère de la matière en général :
ce qui est mortel doit revêtir l'immortalité. Voici ce que le Seigneur ressuscité offre à la nature humaine, dont il est le Premier-né d'entre les morts, en tant que le premier homme qui ait ressuscité pour ne plus jamais mourir.
Lors donc que cet être corruptible aura revêtu l'incorruptibilité et que cet être mortel aura revêtu l'immortalité, alors adviendra la parole qui se trouve écrite : La mort a été engloutie dans la victoire. Où est, ô mort, ta victoire ? Où est, ô mort, ton aiguillon ? La prophétie du saint prophète Osée s'est accomplie :
la victoire a englouti la mort. Quelle victoire ? La résurrection du Christ. C'est là l'unique victoire qui ait pu vaincre cet invincible vainqueur qu'est la mort. Certes, jusqu'à la résurrection du Christ, rien d'humain n'avait pu dépouiller la mort, tout être humain se trouvait sous son implacable loi. Tout homme, eût-il été vainqueur sur tous les champs de bataille, ceux de la guerre, de la science, de la philosophie, de la religion, de l'art, de la culture, tout homme est finalement vaincu par cet invincible vainqueur qu'est la mort. En réalité, la résurrection du Christ est la seule victoire réelle qui ait jamais pu être remportée sur notre planète. Toutes les autres victoires humaines, au sens strict, ne méritent pas cette qualification. La mort qui tout dévore a vécu sa propre mort, sa déroute, sa chute : elle a été engloutie par la puissance de la résurrection du Christ. Evidemment, toute l'histoire de la race humaine peut en témoigner : aucune victoire ne peut soutenir la comparaison avec celle qui a été remportée sur la mort, et il n'y a pas de vainqueur comparable à Celui qui a remporté la victoire sur la mort — le Dieu-homme, le Christ, en vérité l'unique Sauveur de la race humaine tout entière.
Où est, ô mort, ton aiguillon ? — Un aiguillon qui va piquer tout être humain pour lui inoculer un venin auquel il n'est nul remède. Quel homme a jamais pu se défendre contre cet animal venimeux qui vient sans hésitation inoculer le poison de la mort par toute sa nature humaine ? Aucun. Mais qu'est donc cet aiguillon de la mort ? C'est le péché. Dès que le venin du péché eut contaminé l'âme d'Adam et d'Eve, aussitôt le poison de la mort découla dans toute la nature humaine - et il n'existe pas d'antidote à ce poison, ni pour l'homme, ni pour la nature humaine. Et il en a bien été ainsi continuellement depuis Adam jusqu'au Dieu-homme, le Christ. À partir du Dieu-homme, le Christ, se produit un renversement total ; par sa résurrection divino-humaine
il a émoussé l'aiguillon de la mort. — c'est le péché. La mort a elle aussi été mise à mort. Voici donc quel sera le cadeau que le Christ offrira à toute la race humaine lors de la résurrection commune : ce qui est mortel revêtira l'immortalité. Ce qui n'était pour le saint prophète qu'une prophétie devient une réalité pour nous — et c'est une réalité fondamentale. Oui, cette réalité se trouve bien à la base de toute la réalité du christianisme ; oui, et c'est également le fondement de l'être humain : dépourvu de toute victoire sur la mort avant la résurrection du Christ, l'être humain ne se trouvait-il pas privé de ses bases mêmes ? Car à quoi la mort pourrait-elle servir de fondement ? Comme telle elle est moins sûre que le sable de la vie, moins sûre même que la cendre. Par la résurrection du Christ, le Paradis est renouvelé sur la terre, l'immortalité rendue à la race humaine, puisque dans la Personne du Dieu-homme ressuscité, dans son corps tout-vivifiant qu'est l'Église, c'est Dieu Lui-même qui s'offre intégralement et éternellement à l'être humain, car l'Église est là pour le christifier, pour le divino-humaniser au moyen de tous les saints Mystères et des saintes vertus. Aussi l'Apôtre pose-t-il la question :
Où est, enfer, ta victoire ? Qu'est donc en effet cette victoire de l'enfer ? Ce sont la mort et le péché : c'est par le péché que l'enfer se rend vainqueur de l'homme, qu'il le revêt de la mort, qu'il le soumet à l'esclavage de la mort, car là où est la mort, là où est le péché, là est aussi l'enfer. N'en doutons pas : c'est l'enfer qui est le royaume de la mort éternelle et du péché éternel, du mal éternel — ce qui signifie le royaume du Diable. L'enfer dévore par la mort et il en-gloutit l'homme. Or c'est le péché qui précipite l'homme dans ces mâchoires, dans cette gueule. Puisque par sa résurrection notre merveilleux Seigneur, le Christ, a vaincu la mort et le péché, il a désarmé l'enfer et il l'a vaincu. Vainqueurs de toutes les victoires dans notre monde humain, la mort et le péché ont subi en le Dieu-homme ressuscité un désastre définitif, un désastre dont ils ne pourront plus jamais se remettre. Oui, ni la mort ni le péché ne pourront plus jamais se relever d'entre les morts. Leur défaite est bien en vérité une défaite éternelle et leur mort une défaite éternelle.
Le voici cet enseignement divino-humain qui fait toute notre joie :
Louange à Dieu qui nous accorde la victoire par notre Seigneur Jésus Christ. Il nous accorde la victoire sur l'enfer, et nous pouvons oser poser cette question sur le ton du vainqueur :
Où est, ô mort, ta victoire ? Il nous donne la victoire sur la mort, et nous pouvons intrépidement lui poser la question :
Où est, ô mort, ton aiguillon ? Il nous accorde la victoire sur le péché, et nous sommes mis en mesure de maîtriser, de vaincre et de mettre à mort tout péché, le plus grand comme le plus petit. Mais seulement — on l'aura bien compris, —
par notre Seigneur Jésus Christ. Si nous sommes avec le Seigneur Christ dans le corps divino-humain de son Église, avec l'aide des saints Mystères et des saintes vertus nous pouvons remporter la victoire sur le péché, sur la mort et sur l'enfer. Et lorsque le Seigneur Christ nous accorde de remporter la victoire sur l'enfer, sur la mort et sur le péché, qui sont les plus furieux et les plus puissants de nos ennemis, c'est pour nous accorder la victoire sur tout ce qui est au service du péché, de la mort et de l'enfer, et sur tout ce qui conduit au péché, à la mort et à l'enfer. Dans tous nos malheurs comme dans toutes nos douleurs, dans les persécutions comme dans la faim, dans la misère comme dans le danger :
en tout cela nous sommes plus que vainqueurs par Celui qui nous a tant aimés, c'est-à-dire par le Seigneur Christ. En vérité, Lui seul nous a créés et aimés car c'est Lui qui pour nous et à notre place a vaincu nos invincibles ennemis que sont le péché, la mort et l'enfer. Et il nous donne à jamais les puissances et les forces divines qui nous sont nécessaires pour les vaincre nous aussi.
Le Jugement Dernier et universel
Lors de son Second Avènement, et lorsqu'il aura ressuscité tous les morts, le Seigneur Christ procédera au Jugement Dernier et universel. Ce jugement embrassera tous les hommes de tous les temps : aucun homme ne pourra y échapper. Le saint apôtre Paul le di :
Il faut que tous nous nous présentions devant le tribunal du Christ, pour que chacun de nous retrouve ce qu'il a fait en son corps, soit en bien, soit en mal. Qu'ils l'aient voulu ou non, lorsqu'ils passent par la porte de la mort, tous les hommes se dirigent vers le Jugement universel et vers le Juge éternel — le Christ. Pourquoi est-il le Juge éternel ? Parce que c'est Lui l'Unique sans-péché dans toute la race humaine et dans tous les mondes humains, et donc aussi l'Unique infaillible. À son Tribunal il ne pourra pas se tromper, et personne ne pourra ni l'accuser ni Lui imputer d'injustice. Il sait tout en effet et voit tout. Capital ou négligeable, tout dans notre vie hu-maine, dans notre âme humaine ou dans notre monde humain, tout est connu de Lui, jusqu'au mystère le plus caché. Or son exceptionnelle toute-justice et sa toute-miséricorde se portent garantes de ce que le jugement qu'il prononcera sur chacun d'entre nous sera totalement juste et totalement miséricordieux, infaillible et irréprochable. C'est le bonheur de la race humaine, et c'est sa chance extraordinaire, que ce soit justement au Seigneur Christ, au Dieu-homme, qu'il incombera de prononcer le jugement sur nous, et non à quelque être subalterne, qui n'étant pas le Dieu-homme devrait être faillible, et en tout cas ne pourrait ni tout savoir ni tout voir, dans ses jugements sur un être aussi indiciblement complexe et énigmatique que l'est l'être humain.
Parce qu'il est tout-puissant, le Seigneur Christ tient tous les mondes sous sa puissance, et jusqu'au monde du mal : l'enfer et les diables. Le mal ne peut transgresser les frontières qu'il lui a assignées. En deçà de ces frontières, le mal agit librement, et tous les êtres raisonnables se déterminent librement, par un libre choix, entre le bien et le mal. Il en est ainsi des hommes : dans la chair, durant leur vie initiale et probatoire, sur la terre, ils se déterminent par leur propre choix pour le bien ou pour le mal, et Dieu ne prétend contraindre personne, ni au bien ni au mal. Aucun diable d'ailleurs ne saurait contraindre qui que ce soit au mal : le bien comme le mal sont proposés à l'homme, c'est lui qui opte de suivre l'un ou l'autre durant sa vie dans la chair. C'est pourquoi un jugement devra être prononcé sur tous sans exception
pour que chacun de nous retrouve ce qu'il a fait en son corps, soit en bien, soit en mal. Notre vie humaine, est une vie dans le monde de Dieu, sur le domaine de Dieu. Nous-mêmes nous sommes l'œuvre des mains de Dieu, les créatures de Dieu, car c'est de Lui que nous recevons notre âme comme notre corps. C'est pourquoi il est bien naturel qu'à la fin des fins il regarde et qu'il scrute, qu'il évalue et qu'il pèse, pour juger la manière dont nous aurons vécu sur son domaine en usant de ses créatures que sont notre âme et notre corps. C'est ainsi qu'il nous attribue le destin qui sera le nôtre pour toute l'éternité, en toute justice et en toute miséricorde. Car ce jugement aussi il le prononcera sans aucune erreur et au-dessus de toute contestation : chacun recevra selon la manière dont il aura servi et selon ce qu'il aura préféré. Celui qui se sera déterminé pour sa vie sur la terre en faveur du mal et qui l'aura fait en son âme et en son corps, il lui sera assigné d'aller en son corps et en son âme avec son mal. Il ne fait pas de doute que lors du Jugement de ce Juge infaillible et omniscient, personne ne pourra plus ni augmenter ni diminuer ni son mal ni son bien, mais que
chacun retrouvera ce qu'il a fait en son corps, soit en bien soit en mal. Ce sera d'ailleurs une évidence pour chacun : chacun pourra constater, en totalité comme en détail, tout son bien et tout son mal, sans rien pouvoir ni dissimuler ni modifier. Et chacun placera sa confiance dans la certitude que le Seigneur Christ est toute justice et toute miséricorde, totalement infaillible et totalement irréprochable. De là vient que chacun pourra contempler tout le mystère, tant du bien que du mal, et il éclatera aux yeux de chacun tout ce qu'il y a en lui-même, tant de bien que de mal. Chacun pourra constater que chacun a bien été jugé selon
ce qu'il a fait dans son corps, soit en bien, soit en mal. Ce sera la plus évidente des réalités : tout ce qu'il a accompli et toutes ses œuvres — psycho-somatiques aussi bien que somato-psychiques, — car il est écrit dans le Livre de Dieu :
Alors il rendra à chacun selon ses œuvres.
C'est parce qu'il existe bien un tel Jugement et un tel Juge que tous les êtres humains réunis, de même que chacun d'entre eux en particulier, obtiendront une justice totale. Personne ne pourrait échapper à un tel Jugement, personne ne saurait s'y faire excuser :
Tous en effet nous comparaîtrons devant le Christ. Tous les peuples, les plus nombreux comme les moins nombreux, devront alors rendre compte de leur histoire, car il est dit aussi :
Devant Lui seront rassemblées toutes les nations et il séparera les uns d'avec les autres, comme le pasteur sépare les brebis d'avec les autres. C'est pourquoi nous nous efforçons, déclare le saint Apôtre au nom de tous les chrétiens,
que nous soyons dans la chair ou bien hors de la chair, de Lui être agréables. Toute notre éternité dépend de Lui, ou plus exactement elle dépend de nous, de nos propres œuvres. Il lui suffit de les évaluer par une estimation infaillible pour rendre sur nous un verdict irréformable.
[…]
L'horreur et la terreur que ressentiront les pécheurs lors du Jugement Dernier viendront précisément de ceci que tous pourront en un clin d'œil clairement savoir et voir à l'évidence que le Seigneur Jésus s'est vraiment incarné pour le salut de tous, qu'il a souffert pour tous, qu'il a offert à tous dans son Église les instruments du salut, qui sont les saints Mystères et les saintes vertus, et que c'est Lui qui est véritablement bien l'unique Sauveur des hommes, que son saint Évangile est réellement l'unique vraie signification et l'unique but de toute la vie humaine sur la terre, que son saint Nom est vraiment l'unique nom par lequel les hommes puissent être sauvés de l'horrible absurdité du péché et de la mort pour échapper aux tourments éternels dans cet éternel royaume du péché et du mal qu'est l'enfer. Alors chacun de ceux qui au cours de leur vie sur la terre n'auront pas cru au Christ en tant que Dieu et Sauveur ressentira irrésistiblement de tout son être qu'il s'est lui-même condamné par ce fait même aux tourments éternels, alors qu'il était encore sur la terre.
Lors du Jugement terrible, après avoir séparé les justes des injustes, le Seigneur assignera aux justes la béatitude éternelle dans le Royaume de Dieu, et aux injustes les tourments éternels au royaume de Satan. Il dira aux justes :
Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume qui a été préparé pour vous depuis la fondation du monde. Aux injustes il déclarera :
Retirez-vous de moi, maudits, vers le feu éternel qui a été préparé pour le Diable et pour ses serviteurs. Et ils s'en iront, ceux-ci au châtiment éternel, ceux-là à la vie éternelle.
Avec ce Jugement Dernier et universel, l'enseignement de l'Évangile du Sauveur s'avérera complet. Lors de la résurrection universelle des morts, après qu'aura été prononcé le Jugement Dernier, cette vieille terre cessera d'être, avec tout ce qui a été fait dessus et tout ce qui y a eu force et puissance. Tous les drames de la terre seront terminés. Et pas seulement sur la terre, mais aussi au ciel : toute force et toute puissance de la mort, du péché et du Diable sera abolie complètement et définitivement. Tout ce qui veut s'opposer à Dieu et tout ce qui se veut sans Dieu, tout ce qui s'oppose au Christ et qui se veut sans Christ, tout sera repoussé dans son royaume éternel, c'est-à-dire dans l'enfer. C'est là que se trouveront toute leur puissance et toute leur force. Partout ailleurs, dans toutes les immensités et dans toutes les infinités des mondes de Dieu, ce sera le règne éternel de la puissance et de la force de notre Seigneur et Dieu tri-solaire, le Seigneur Christ qui, en tant que Dieu-homme et depuis son incarnation, exerce toute puissance et tout pouvoir en notre monde, et remettra tout son règne, après le terrible Jugement, à son Dieu et Père. Il le Lui remettra en tant qu'homme, car en tant que Dieu Lui reviennent toute puissance, toute force, toute gloire, comme à Dieu le Père et à Dieu le saint Esprit. Dans son humilité, le Dieu-homme se remettra à Dieu le Père volontairement et non par contrainte : il abolira Lui-même
toute principauté, et tout pouvoir et toute puissance qui, avec la permission de Dieu, ont travaillé dans ce monde. Mais tant que dure ce monde et jusqu'au Jugement terrible, c'est le Dieu-homme, le Christ, qui règne sur tout, et c'est à Lui en tant qu'homme qu'a été remis tout le jugement sur le monde.
Car il faut qu'il règne jusqu'à ce qu'il ait mis tous les ennemis sous ses pieds. Or c'est ce qu'il fera complètement et définitivement au jour du Jugement terrible : il repoussera tous ses ennemis, il les placera sous ses pieds. Mais qui sont-ils donc ces ennemis de Dieu ? Ce sont le péché, la mort et le Diable. Et tous ceux qui aiment le péché, tous ceux qui aiment la mort, délibérément et sans repentir. Ainsi seront anéantis tous ceux qui dans notre monde font la guerre au Dieu-homme, le Christ. Mais l'ennemi suprême de l'homme en ce monde, et l'ennemi du Christ puisqu'il est le Dieu-homme et notre Sauveur, c'est la mort. Car la mort est la puissance principale qui lutte contre le Christ Dieu et tout ce qui est de Dieu. Au jour du Jugement,
un dernier ennemi est aboli, c'est la mort. Avant elle auront été anéantis tous les ennemis de moindre importance, ses collaborateurs. Certes la mort a bien été anéantie dans le Dieu-homme ressuscité ; elle est aussi anéantie dans les âmes des saints, mais au jour du Jugement, elle sera totalement anéantie dans le monde des êtres divins et de la Création transfigurée, pour être confinée dans son maigre royaume — le royaume de la mort : c'est là qu'elle existe éternellement en se dévorant elle-même, c'est là qu'elle meurt éternellement sans pouvoir mourir. Seul le Dieu-homme a pu anéantir la mort sur la terre, et non un homme, ni les hommes, et il achèvera cet anéantissement d'une manière totale au jour du Jugement terrible.
[…]
Et quand il aura soumis toutes choses, alors le Fils Lui-même se soumettra à Celui qui Lui a soumis toutes choses, afin que Dieu soit tout en tout. C'est en tant que Fils de l'homme que le Fils de Dieu, le Seigneur Christ se soumettra volontairement à Dieu le Père, et c'est en tant que Fils de Dieu, dans son immense amour filial, qu'il s'humilie devant Dieu le Père, qui est Lui aussi égal au Fils et à l'Esprit saint pour son infini amour paternel. Car tout ce qu'a le Père appartient au Fils, et tout ce qu'a le Fils appartient au Père. En ce qui concerne la Divinité, tout leur est égal et commun : là, rien ne saurait être ni plus grand ni plus petit, ni premier ni second, c'est en tout une égalité complète de puissance et de pouvoir. Et c'est en tant que substance tri-unique, en tant que très-sainte Trinité, que Dieu sera tout en tout, tout dans tous les mondes créés, tout dans tous les êtres créés à l'image de Dieu et nostal-giques de Dieu. Alors seront publiés définitivement tous les mystères de tous les êtres, alors on pourra constater qu'il n'existe qu'une unique réalité qui embrasse tout, une réalité sans limite et sans frontière, éternelle et totalement bienheu-reuse : Dieu — tout en tout.
C'est clair : au-delà de toutes nos ombres terrestres, au-delà de l'obscurité des drames et des tragédies, au-delà de l'amour du péché et de la déchéance qu'il entraîne, se trouve l'accomplissement de tout :
Dieu — tout en tout. Ce qui sera évident aux yeux de tous les êtres, au jour du Jugement terrible, est évident dès maintenant pour tous les Saints, dans notre monde terrestre et dans notre vie terrestre. Plus un homme est saint et plus fortement, plus incontestablement il perçoit la totale réalité de cet enseignement :
Dieu est tout en tout. Ce sont les hommes dont la sainteté est la moins grande, ceux dont la foi est la moins grande, qui le perçoivent le moins. Quant aux hommes pervers, ceux qui sont les amis du péché, ceux qui n'ont pas la foi, ils ne le perçoivent pas du tout. Ils vont jusqu'à le contester, à le nier : non seulement Dieu n'est pas tout en tout, mais il n'y a pas de Dieu. — Mais alors, qui peut bien être tout en tout dans le monde ? Bien sûr ce ne peut être que son ennemi, le Diable. Et en vérité, pour le péché le Diable est bien tout en tout, de même que pour l'amour obstiné du péché. L'ami obstiné du péché n'aime pas que Dieu existe, parce que Dieu n'aime pas le péché, ne veut pas le péché, condamne le péché. Bien souvent le péché rétrécit et amoindrit tant la vision de l'intellect de l'homme qu'il ne peut plus apercevoir ni Dieu ni le Diable dans le monde ; il ne peut plus que se voir lui-même — l'homme. C'est là la nouvelle espèce de démonisme, de diabolisme inventée par l'homme. En réalité, ce n'est qu'une nouvelle sorte d'idolâtri ; et c'est la plus impudente des idolâtries — c'est l'humanolâtrie. Là l'homme pousse l'outrecuidance jusqu'à remplacer Dieu et le Diable par lui-même, reje-tant l'un comme l'autre. Jusqu'à ce qu'au jour du Jugement terrible il puisse enfin tout comprendre et voir la terrible réalité qui s'impose à lui : c'est en réalité le Diable qui est devenu tout et toutes choses pour lui, alors que pour les hommes du Christ et pour tous ceux qui aiment le Christ, Dieu est tout et toutes choses pour toutes leurs vies et pour tous les mondes.
Dieu — tout en tout : tout dans nos pensées, tout dans nos âmes comme dans nos perceptions, tout dans nos consciences comme dans nos corps ressuscités ; Dieu - tout et toutes choses dans tous les êtres et dans tous les mondes qui se trouvent autour de nous. Qu'est donc cela ? C'est le paradis, c'est la béatitude, c'est le Royaume de Dieu, c'est le corps divino-humain de l'Église du Christ, c'est une joie indicible, éternelle et infinie. En un mot :
c'est ce que l'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, et ce qui n'est pas monté au cœur de l'homme, et c'est cela que Dieu prépare pour ceux qui l'aiment.
La vie éternelle
Tant pour les pécheurs que pour les justes, après le Jugement universel, c'est la vie éternelle qui commence. Pour les justes, cette vie consistera en une béatitude éternelle, pour les pécheurs elle comportera des tourments éternels.
Nous ne pouvons ni imaginer approximativement ni ressentir ce que sera la vie éternelle des justes. Le saint Apôtre nous l'enseigne :
Ce que l'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce qui n'est pas monté au cœur de l'homme, Dieu l'a préparé pour ceux qui l'aiment. Qu'est-ce donc ? C'est tout ce qui est divin, du plus infime à ce qu'il y a de plus grand, de ce qu'il peut y avoir de plus visible à ce qui l'est le moins - et c'est notre Seigneur et notre Sauveur Jésus Christ, en qui
vit toute la plénitude de la Divinité corporellement. Oui, c'est le Dieu-homme, le Christ, avec tout ce qu'il a apporté à notre monde humain, et c'est
ce que l'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu et qui n'est pas monté au cœur de l'homme. Jusqu'au Christ, l'œil de l'homme n'avait pas pu voir la vie de Dieu dans la chair, ni les œuvres de Dieu dans la chair. Il ne peut voir ni l'éternelle Vérité divine dans un corps humain, ni l'éternelle Justice divine, ni l'éternel Amour divin, ni les autres éternelles Perfections divines. Il ne peut pas voir toute cette
sagesse de Dieu tenue cachée dans le mystère. Voilà pourquoi notre divin Sauveur a pu dire aussi à ses saints disciples :
Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! Car je vous dis que beaucoup de prophètes et de justes auraient voulu voir ce que vous voyez, et ils ne l'ont pas v ; et entendre ce que vous entendez, et ils ne l'ont pas entendu.
Or ce si merveilleux mystère du Dieu-homme, le Christ, si salutaire pour nous les hommes,
c'est à nous que Dieu l'a révélé par son Espri ; car l'Esprit scrute tout, et jusqu'aux profondeurs de Dieu. En échange de notre foi en Christ, pour prix de notre amour du Christ, Dieu nous donne son Esprit saint, l'Esprit de Vérité, et c'est Lui qui initie l'âme amie du Christ à toute la vérité au sujet du Dieu-homme, le Christ, pour lui révéler toutes
les profondeurs de Dieu qui sont en Lui. L'Esprit saint
ouvre les yeux de l'homme afin qu'il voie ce que l'œil n'a pas vu, et ses oreilles afin qu'elles entendent ce que l'oreille n'a pas entendu, et son cœur — et il peut alors percevoir et savoir ce qui n'était pas monté au cœur de l'homme. Au jour de la sainte Pentecôte, l'Esprit saint a révélé aux saints Apôtres tout le mystère du Christ, et dès lors, comme des êtres qui ont surmonté la mort, ils ont suivi le Christ en toute mort, en tout danger, en tout tourment. Demeurant à jamais dans l'Église, c'est l'Esprit saint qui désormais révèle le mystère du Christ à toute âme amie du Christ. C'est Lui le principal apôtre du Christ, le tout-apôtre. C'est Lui qui accorde à toute âme amie de Dieu la connaissance la plus parfaite au sujet du Seigneur Christ dont soit seulement capable l'être humain. C'est pourquoi l'Evangéliste pneumatophore peut écrire aux chrétiens :
Vous avez une onction qui vient du Saint et vous savez tout : vous savez tout ce que l'homme peut savoir de Dieu, du monde, de l'homme, de la vie, de l'éternité. Seuls les pneumatophores peuvent connaître le mystère de Dieu. Ce sont tout d'abord les Saints. Il ne fait pas de doute que par les saints Mystères et les saintes vertus, tout chrétien peut devenir un hôte de l'Esprit, un porteur de l'Esprit. Seulement, les Saints retiennent en eux l'Esprit saint par les saintes vertus évangéliques, par leur sainte vie évangélique, cependant que nous, nous l'irritons par nos péchés, nous l'éloignons de nous-mêmes. C'est pour cela que les saints Pères ont en eux l'Esprit saint qui leur révèle
ces profondeurs de Dieu qui sont dans le Seigneur Jésus, et que ce sont les seuls vrais témoins, dignes de foi et divinement sages, de la sainte Ecriture et de la Personne du Dieu-homme, le Christ.
Pour autant que la sainte Révélation nous le dise, la béatitude qui sera celle des justes dans la vie éternelle dépend de la proximité qu'ils ont eue avec Dieu. de leur communion avec Lui, de leur vie dans le corps divino-humain de l'Église du Christ, de leur participation à l'éclat et à la gloire de l'unique Vainqueur de la mort, du péché et du Diable, c'est-à-dire le Seigneur Christ. Car c'est Lui qui est la source intarissable de la béatitude parfaite et éternelle. Le Seigneur nous l'a enseigné :
Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le Royaume de leur Père. Notre vie éternelle consiste en ceci que nous serons toujours avec le Seigneur. que nous vivrons en Lui et pour Lui, et c'est ainsi que nous nous ferons christs, que nous nous assimilerons au Christ, que nous deviendrons semblables à Lui et que nous serons comme il est. Si nous demeurons dans les saints Mystères et dans les saintes vertus, c'est dans le Seigneur Christ Lui-même que nous demeurerons,
car Dieu est amour, et celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui. Dans notre vie éternelle se réalisera la demande qui est formulée dans la prière du Seigneur ami des hommes :
Que tous soient un, comme toi, Père tu es en moi et moi en toi ; qu'eux aussi soient un en nous ; moi en eux et toi en moi, pour qu'ils soient complètement en un.
[…]
Par sa merveilleuse résurrection, le Dieu-homme, le Christ, nous a procuré, non seulement la Vie éternelle, et avec elle et en elle la Vérité éternelle, la Jus-tice éternelle, l'Amour éternel, la Bonté éternelle et la Joie éternelle, mais aussi tous les biens de Dieu, innombrables dans leur multitude divine. Vivre et assi-miler tous ces biens dans l'éternité par la grâce divine, c'est cela qui constitue la grande miséricorde de Dieu envers nous les hommes, miséricorde qui nous est accordée, tant en ce monde et en l'autre, par l'unique Ami de l'homme : le Sei-gneur Christ, le Dieu-homme, notre Sauveur. Voilà pourquoi l'Église du Christ enseigne cette vérité qui lui appartient, cette toute-vérité :
Ressuscité du tombeau comme il l'avait prédit, Jésus nous accorde la vie éternelle et sa grande miséricorde. Pour l'hymnographe inspiré de l'Église, il ne suffisait pas de dire :
il nous accorde la vie éternelle […], il fallait ajouter qu'il nous accorde aussi
sa grande miséricorde. Par ces mots il annonce aussi toutes les autres surabondantes infinités inattendues et inespérées de la vie éternelle et de toutes les saintes béatitudes. C'est ce que le Sauveur nous avait annoncé par ces paroles divino-humaines :
Je suis venu pour qu'ils aient la vie [ = la vie éternelle],
et qu'ils l'aient en surabondance. Innombrables sont les stichères et les prières dans lesquels nous prions Dieu qu'il nous accorde cette “grande miséricorde”, pour que nous puissions vivre et assimiler infiniment et éternellement, sous la conduite de la grâce de Dieu, à travers les infinités incalculables de Dieu, en regard desquelles nos infinités humaines paraissent bien mesquines et médiocres.
Les justes prendront part avec toute leur personnalité à cette béatitude éter-nelle divino-humaine, c'est-à-dire avec leur corps et avec leur âme. Car leur corps transfiguré sera lui aussi glorifié et capable de prendre part à la divine gloire éternelle.
La béatitude éternelle des justes ne sera pas uniforme. Leur degré de béatitude dépendra du degré de perfection morale de chaque juste. Chacun prendra part à cette béatitude à la mesure de sa perfection morale, à la mesure de sa sanctification, à la mesure de sa divino-humanisation, à la mesure de sa trinitarisation, à la mesure de son ecclésialisation. Le degré, la force, la plénitude de cette participation à la béatitude éternelle dépendra du degré, de la force, de la plénitude de la perfection morale de chaque juste. C'est à ce propos que l'apôtre Paul écrit que
autre est l'éclat du soleil, autre l'éclat de la lune, autre l'éclat des étoiles, car une étoile diffère en gloire d'une autre étoile. Ainsi en sera-t-il de la résurrection des morts.
La vie éternelle du juste ne sera en réalité qu'un service éternel rendu à Dieu, un éternel service divin, une éternelle Liturgie céleste, une communion éternelle au Seigneur Christ qui est aussi la vie éternelle. Selon son saint enseignement,
celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle ; ce-lui qui mange ma chair et qui boit mon sang demeure en moi et moi en lui. Il en sera de même pour toute l'éternité : le service eucharistique adressé au Seigneur Christ, la vie eucharistique par le Seigneur Christ, l'action de grâce eucharisti-que dans le Seigneur Christ. C'est pourquoi nous prions dès ici-bas à la sainte Liturgie, après la sainte Communion, le Seigneur Christ :
Donne-nous de communier à Toi plus intimement dans le jour sans crépuscule de ton Royaume.
Cette christification très-sainte et toute-bénie des justes commence dès ici-bas sur la terre par les saints Mystères et les saintes vertus dans le corps divino-humain de l'Église du Christ, pour se prolonger éternellement en une vie éternelle qui tout entière est et existe du Père, par le Fils, dans le saint Esprit.
Le destin éternel des pécheurs sera en tout à l'opposé du destin éternel des justes. Chacun d'eux sera condamné en fonction de son état moral à d'éternels tourments. Leur tourment éternel provient de ce qu'ils vivront éternellement au royaume du mal et dans la compagnie du créateur du mal, le Diable. Les paroles du Sauveur nous en portent le témoignage, celles qu'il adressera au jour du Jugement aux pécheurs :
Éloignez-vous de moi, maudits, dans le feu éternel qui est préparé pour le Diable et pour ses serviteurs. Alors ils partiront vers le tourment éternel. Épris du mal, ils entreront comme tels dans la vie éternelle, selon le très-juste jugement de Dieu, et vivront de cet amour pour le mal à travers toute l'éternité, de même qu'ils en avaient déjà vécu sur la terre. Car Dieu cesserait d'être Dieu s'il les détournait par la contrainte du mal et du péché.
Le tourment éternel des pécheurs ne sera pas uniforme : il dépendra de ce qu'auront été la qualité et le degré des péchés qu'auront commis ces pécheurs. Le degré des tourments éternels destinés à chaque pécheur sera proportionnel au degré qu'ils ont atteint dans la corruption morale.