En effet la période est "longue" et elle dure encore car le big- bang ne résoud pas ce problème. Déjà Aristote soutenait l'éternité de la matière; la concentration d'énergie libérée par le Big bang peut tout aussi bien être considérée comme co-éternelle à Dieu. Remplacer "matière" par "énergie" ne résoud aucunement le problème de la co-éternité.Jean-Louis Palierne a écrit :Il fut une longue période où l’on croyqait que le monde physique ne pouvait pas ne pas exister puisqu’on était parvenu à déchiffrer la nécessité de ces lois physiques.
La toute puissance créatrice de Dieu est un problème de foi et non un problème physique. La création ex-nihilo n'est pas une donnée scientifique et n'est pas assimilable au concept d'émergence employé dans notre science moderne.
Voici comment Grégoire de Nysse, dans "la création de l'homme" (fin du Cpapitre XXIII et Chapitre XXIV éd les Pères dans la foi, DDB) réfute cette objection d'une matière qui serait co-éternelle à Dieu:
...on ne doit pas se laisser ébranler par certaines objections...
Bien des choses, pourtant, pourraient nous mettre dans l'embarras, et nous fournir des occasions non négligeables de douter du contenu de notre foi. Sur le point qui nous occupe, des gens épris de controverse pourraient bouleverser notre foi par de beaux discours logiques, et nous inciter à nier la vérité de la doctrine de la création matérielle, doctrine professée par la Sainte Ecriture, qui affirme avec force que Dieu est à l'origine de tout.
...suivant lesquels la matière, coéternelle à Dieu, ne saurait connaître de fin
Les tenants de la doctrine adverse veulent établir que la matière est coéternelle à Dieu , et voici les arguments dont ils tentent d'appuyer cette idée.
Si la nature de Dieu est simple, immatérielle, si elle échappe aux notions de qualité et de grandeur, si elle est incomposée, et étrangère à toute délimitation de forme ; et si d'un autre côté la matière se comprend dans une extension spatiale, et n'échappe pas à la perception des sens, puisqu'elle se fait connaître à notre observation par la couleur, la forme, la masse, la quantité, la résistance, et toutes ses autres caractéristiques, qu'il est impossible de concevoir dans la nature divine ; quel artifice permettrait d'affirmer que la matière soit produite par l'immatériel? la nature en extension, par ce qui est sans extension spatiale? Si l'on croit que la matière tire son existence de Dieu, c'est évidemment que, d'une façon inconnue, elle est en Dieu, d'où elle vient ainsi à l'existence. Mais si la matière est en Dieu, comment celui qui contient la matière peut-il être immatériel? De même pour toutes les autres caractéristiques de la nature matérielle: si la quantité est en Dieu, comment Dieu échappe-t-il à la quantité? Si le composé est en Dieu, comment Dieu est-il simple, sans parties, incomposé? Il s'ensuit que, ou bien Dieu est nécessaire-ment matériel, puisque la matière tire de lui son existence : c'est ce que le raisonnement force à admettre; ou bien il faut supposer que Dieu reçoit de l'extérieur la matière nécessaire à la création de l'univers. Si donc la matière était à l'extérieur de Dieu, on devrait absolument concevoir un autre principe, à côté de Dieu, qui lui soit coéternel et n'ait pas d'origine. On devrait alors poser la coexistence de deux principes sans commencement ni origine : celui de l'activité créatrice, et celui sur lequel s'exerce cette activité. On est alors nécessairement conduit à l'hypothèse de la coexistence éternelle de la matière avec le Démiurge ; quel appui les Manichéens y trouveront-ils pour leur propre doctrine, eux qui mettent face à face la cause materielle, comme étant sans origine, et la nature du bien ...
La réponse à cette objection se fonde sur la toute-puissance divine capable aussi bien de créer toutes choses que de les renouveler par la Résurrection
En réalité, tout vient de Dieu: c'est ce que nous entendons dire à l'Ecriture, et c'est notre foi. Maintenant, comment tout était en Dieu, cela dépasse notre entendement, et nous pensons qu'il ne vaut pas la peine de nous y arrêter; tout est possible à la puissance divine, voilà notre foi: aussi bien de donner l'existence à ce qui n'existe pas, que de donner à l'être des qualités convenables.
Il s'ensuit que, si nous pensons qu'il suffit de la puissance de la volonté divine pour que les choses sortent du néant et viennent à l'existence, de même, en rapportant à la même puissance le renouvellement 5 de tout ce qui existe, nous ne croirons rien qui s'écarte de la vraisemblance.
Cependant, il serait peut-être possible de persuader, par quelques arguments bien trouvés, ceux qui nous cherchent des difficultés à propos de la matière; ainsi, nous ne paraîtrons pas vouloir fuir une discussion où les arguments nous manqueraient.
CHAPITRE XXIV
Réfutation de ceux qui disent
que la matière est coéternelle à Dieu
Le chapitre précédent a fait appel au sens du mystère ; il faut maintenant disputer logiquement
On ne peut évidemment pas considérer comme étrangère aux découvertes de la logique notre conception de la matière, suivant laquelle celle-ci tire son existence de l'Intelligible et Immatériel. Nous allons en effet découvrir que la totalité de la matière est composée de certaines qualités dont il est impossible de la dépouiller sans la rendre absolument incompréhensible à la raison. D'autre part, la raison peut isoler du sujet chaque espèce de qualité. Or, la raison est un mode d'observation qui appartient à l'intelligence, non au corps. Soit par exemple à observer un être animé, ou du bois, ou quelque autre objet de consistance matérielle: notre pensée distingue de ce sujet un certain nombre de ses qualités, et l'idée que nous avons de chacune ne se confond pas avec une autre considérée en même temps. Autre chose est l'idée de la couleur, et autre chose celle du poids; autre chose encore celle de la quantité, et autre chose celle du toucher. La malléabilité et la double épaisseur, ainsi que les autres qualités, ne se confondent ni entre elles ni avec le corps lui-même. Pour chacune de ces qualités, on conçoit une définition particulière qui traduit ce qu'elle est, et qui évite la confusion avec telle ou telle des autres qualités qui s'observent dans le sujet.
La substance corporelle est produite par la réunion de qualités...
Si c'est une chose intelligible que la couleur, ou la résistance, ou la quantité, ainsi que toutes les propriétés semblables, et si la suppression de chacune de ces qualités entraîne la dissolution de l'idée que l'on se fait du corps considéré, il serait logique de supposer que ce dont la disparition se révèle la cause de la dissolution du corps est précisément ce dont la réunion donne naissance à la nature matérielle. Etant donné qu'il n'y a pas de corps s'il n'y a pas de couleur, de forme, de résistance, d'extension spatiale, de poids, etc., et que chacune de ces propriétés n'est pas un corps, mais quelque chose de différent du corps, comme on le découvre dans chaque cas, on peut dire qu'inversement, la réunion de ces qualités produit la substance corporelle.
...qui tirent leur origine de la nature incorporelle...
Mais si c'est l'intelligence qui appréhende ces propriétés, et si d'autre part Dieu est par nature un intelligible, il est bien vraisemblable que ces qualités qui sont à l'origine de la génération des corps tirent leur existence de la nature incorporelle; c'est la nature intelligible qui donne l'existence aux forces de l'intelligence, et la réunion de celles-ci amène à l'existence la nature matérielle.
...c'est-à-dire que la matière est créée par Dieu
Mais il suffit, car ces considérations sont à côté de notre sujet. Il nous faut revenir à la foi, qui nous fait admettre que tout ce qui existe est tiré du néant, et qui nous interdit de mettre en doute cette transformation qui fera tout passer à un autre état, comme nous l'enseigne l'Ecriture.