Par un seul homme le péché est entré dans le monde

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Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Je ne comprends pas qu’on puisse livrer, s’agissant de l’Écriture sainte, à un humour digne des bandes dessinées pour enfants. Le récit de la Genèse est une histoire vraie, qui nous est racontée pour notre profit spirituel, qui a été commenté comme tel par les Pères, et qui ne comprend d’ailleurs pas que le récit de la création du monde, mais bien d’autres épisodes, comme le meurtre d’Abel par Caïn, le Déluge et la famille de Noé, la visite trinitaire à Abraham etc. Il ne sert à rien de railler les chrétiens hétérodoxes et de condamner les faiblesses œcuméniques, si c’est pour adopter ce type d’attitudes. La veillée pascale commence par la lecture du début de la Genèse, et se termine par l’annonce de la Résurrection et la promesse du retour du Seigneur. Ma prière : restons orthodoxes. Chez les hétérodoxes la Révélation se ramène à une représentation.
Jean-Louis Palierne
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Antoine
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Message par Antoine »

J'ai pris un style "B D" pour montrer que vous faisiez une lecture caricaturale de la Genèse. Et dans ce que j'ai écrit de "B D" tout le contenu est conforme au récit biblique.
Non la Genèse n'est pas un récit historique au sens où vous le défendez. Adam a une histoire et un historique , Monsieur Adam lui n'a pas d'histoire. Il n'est qu'un support mythique pour nous faire comprendre l'Adam. L'Adam est historique, Monsieur Adam ne l'est pas.

Vous seriez bien en peine de nous expliquer avec qui Caïn a-t- il engendré Enoch. D'où vient sa femme historiquement. Et avec qui Caïn a-t-il bâtit une ville? Tout seul? etc....
Cela montre que le narratif biblique n’a pas pour finalité de nous relater un historique ouvert sur le réel mais un historique ouvert sur le théologique.

Le fait de lire la Genèse à la veillée pascale comme vous le mentionnez témoigne d'une unité théologique et non pas d'un fil historique tel que nous concevons l'Histoire aujourd'hui.

Quand la science vous arrange vous tombez dans le concordisme et quand elle vous dérange vous tombez dans l’obscurantisme. Etre Orthodoxe ne mène pas nécessairement à la négation de l’humain dans ce qu’il a d’activité scientifique. Crucifier la raison n’est pas crucifier la science. Par exemple vous faites sur le forum des parallèles entre le «que la lumière soit » et le Big-bang . C’est un contre sens et j'ai donné les commentaires qu’Origène et St Basile avaient écrits et leurs distinctions entre ciel et firmament ou entre homme intérieur et homme extérieur.
C'est pourquoi le premier ciel, que nous avons qualifié de spirituel, est notre esprit qui est essentiellement spirituel, c'est-à-dire notre homme spirituel qui voit et contemple Dieu. Mais l'autre, le ciel corporel, appelé firmament, c'est notre homme extérieur, celui qui voit avec les yeux du corps.
J’ai donné également un extrait de Paul Nothomb
La conception traditionnelle en effet – et pour Rachi encore, bien sûr, au XIème siècle de notre ère – est de lire ce récit, dit des six jours de la Création, comme un essai – de nos jours tout à fait dépassé – de cosmogonie « objective ». Mais je pense au contraire qu'il faut le lire comme un essai – et celui-là pas du tout dépassé – de cosmogonie subjective. Qui a lieu donc non pas en dehors de l'Homme mais dans sa tête et cela dès le « premier jour ».
J'ai rattaché le "dans sa tête" de Paul Nothomb à l’homme intérieur de Basile dans sa dialectique de homme intérieur/ homme extérieur. (faisant en cela une torsion à la pensée de Nothomb pour rester dans la Tradition des Pères.)
« mais, à vrai dire, nous sommes l'être intérieur. Le moi se dit de l'homme intérieur »
« le premier récit est fait dans le cadre du « commencement », et le second nous est transmis sous l'angle de l'événement. »
Et j’ai commenté cette citation de St Basile:
Antoine a écrit : « Notons qu'il s'agit d'angle! Le récit n'est pas fait pour renvoyer à une réalité physique extérieure mais il est entièrement tourné vers l'homme intérieur. Le cadre c'est l'homme intérieur. Les événements sont des outils du récits. La réalité c'est l'homme intérieur. »
Cette réalité Geneviève et moi nous l’appelons Adam et l’homme extérieur Monsieur Adam. La finalité de la Genèse n’est pas de nous conter l' histoire de Monsieur Adam. Le récit évènementiel n’a pas de valeur historique, il n’est que le vecteur d’un récit théologique qui seul possède une historicité.

Mais vous ne répondez à rien et ne tenez aucun compte des analyses qui vont sont présentées. Il est difficile de dialoguer avec quelqu’un qui ignore volontairement les réponses qui lui sont faites.
Vous confondez le littéral biblique avec de l'historique . Laissons donc tomber pour l'instant. j'y reviendrai encore plus tard avec d'autres analyses des Pères à l'appui.

Quant aux hétérodoxes et les faiblesses oecuméniques je ne vois pas ce qu'elles viennent faire dans ce débat sauf à tout mélanger. Je ne raille pas le texte de la Genèse lui même, je raille la lecture infantilisante que l'on peut en faire.

Que vous refusiez toute exégèse biblique axée sur les racines triadiques au nom de la traduction grecque je peux l’admettre. Mais je crains que bous balayiez du même un univers christique interne au texte. En revanche que vous refusiez systématiquement tout environnement linguistique hébraïque cela me paraît un non sens et j’ai donné l’exemple de Nathanaël et de son figuier.

Dîtes nous en quoi la Septante est une traduction inspirée et donnez nous un exemple de cette inspiration, un seul exemple très significatif.
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Pour ma part je m'en tiendrai à la Tradition de l'Église orthodoxe et je me refuse de relèguer le livre de la Genèse au rang des mythologies païennes. Dieu a créé le monde, et y a placé monsieur Adam et madame Ève. Ils ont cédé au Diable et suivi leur volonté propre La nature humaine en est altérée car nous sommes leurs héritiers Le monde entier en a été altéré. La mort est entrée dans le monde. Le Créateur a alors aménagé un monde transitoire où nous pouvons affirmer notre obéissance à la volonté divine et recevoir les soins de l'Église. Tous nous mourons et devons poursuivre notre guérison mais notre âme est séparée de notre chair. Un Jour viendra où le Seigneur se manifestera en gloire, car il est l'Adam total, le Fils de l'homme. Nous ressusciterons, corps et âme, monsieur Adam et madame Ève en premier, et le monde retrouvera sa dignité primitive, que nous avons oubliée. je ne veux pas réduire la foi à une attitude ni l'Église à une école philosophique.
Jean-Louis Palierne
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Antoine
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Message par Antoine »

Dîtes nous en quoi la Septante est une traduction inspirée et donnez nous un exemple de cette inspiration, un seul exemple très significatif.
Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

La tradition de l’Eglise orthodoxe ?
Pardonnez moi, mais j’ai plutôt le sentiment de me retrouver dans mon adolescence catho, avec la pesanteur de l’Index et la schizophrénie exigée de tous les scientifiques et intellectuels « tala » forcés de confesser une vision du monde infantile à l’Eglise et suspects dès qu’ils publiaient leurs travaux universitaires. Cette obligation de schizophrénie m’avait éloignée de tout ce qui pouvait ressembler à une Eglise et seule la découverte de l’orthodoxie et des Pères a pu m’en libérer.
Jean Louis Palierne a écrit :Dieu a créé le monde, et y a placé monsieur Adam et madame Ève. Ils ont cédé au Diable et suivi leur volonté propre La nature humaine en est altérée car nous sommes leurs héritiers Le monde entier en a été altéré. La mort est entrée dans le monde. Le Créateur a alors aménagé un monde transitoire où nous pouvons affirmer notre obéissance à la volonté divine et recevoir les soins de l'Église.
En d’autres termes, les fils sont punis pour la faute des pères, ce qui est déjà dur à entendre de la part d’un Dieu d’amour mais en plus tout l’univers tombe dans le même panier, au point que ce même Dieu d’amour l’efface d’un trait de plume pour en créer (pardon, aménager) un autre où les êtres vivants s’entredévorent et souffrent pour que nous, les sales gosses de sales parents puissions apprendre l’obéissance… Je frissonne d’horreur. Ce n’est pas Dieu le Père tel que je l’ai appris en orthodoxie, c’est le paterfamilias romain auquel une culture de juristes donne le droit de vie et de mort sur sa famille, ses biens, ses chiens et ses esclaves. Ou si l’on y voit un dieu, c’est Anu, c’est la conception sumérienne selon laquelle les hommes ont été créés pour faire les travaux qui ennuyaient les dieux, bref en tant qu’esclaves – et leur population réduite par le déluge parce qu’ils faisaient trop de bruit et empêchaient Anu de dormir. Mais quelle image du père est-ce là ? Sans faire de psychologisme outrancier, j’ai quand même l’impression d’une expérience d’enfance projetée plus tard dans la théologie.
Mais ce qui me tarabuste le plus, c’est la parenté entre cette conception et l’augustinisme dans cette notion d’héritage. Augustin présente la transmission du péché et de la mort comme un héritage génétique de Monsieur Adam – pire que ça, un héritage génétique venu du désir conjugal de Monsieur Adam et Madame Eve. Jean Louis Palierne ne nous dit pas par quel mécanisme nous sommes héritiers mais il est évident que ce ne peut être que par transmission génétique si Adam n’est pas ha adam, icône et englobant de l’humanité. Le point crucial, c’est la conception du temps, linéaire et simpliste, laquelle est encore une rationalisation augustinienne. J’y reviendrai mais je voudrais en deux mots rappeler que la théologie eucharistique implique un temps ni linéaire ni cyclique mais déplié/replié à partir de l’éternité. Or c’est exactement la conception du temps impliquée par la mort en ha adam.
"Viens, Lumière sans crépuscule, viens, Esprit Saint qui veut sauver tous..."
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Le texte de la Septante est le texte inspiré auquel l’Église du Christ a reconnu la valeur prophétique. Le qualifier de traduction revient même à minorer sa portée. S’il s’avérait que les Septante diffèrent de l’hébreu, c’est parce que l’Esprit leur a inspiré cette différence. Si les Septante disent “dans le principe” et non “dans la tête”, c’est parce qu’ils écartent les spéculations que l’on pourrait faire en s’appuyant sur l’hébreu. Le Créateur de l’humanité a ainsi disposé de l’histoire des peuples et de leurs langues, qu’il a préparé une langue pour recevoir l’inspiration divine, et c’est la langue grecque. Ce qu’a été la préhistoire de ce texte peut intéresser certains, ce qui est important pour le salut des hommes c’est ce texte inspiré que nous devons aux Septante. Lorsque les Septante écrivent que le prophète Isaïe dit qu’une vierge concevra, peu me chaut que la Massorète écrive autre chose. Les Pères pensaient d’ailleurs que la Massorète avait été falsifiée sciemment.

Il est important de se souvenir de la portée historique et cosmique du livre de la Genèse car la personne humaine est un tout complexe, corps et âme, et la foi ne doit pas être vécue comme une attitude purement intérieure’/i]. Lorsqu’on enseigne à un homme à faire le signe de croix « Au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit », même si ce n’est qu’un tout premier pas vers le Baptême, même s’il n’a encore reçu aucun enseignement, c’est un pas décisif. Jadis on enseignait aux catéchumènes tout juste à réciter le Symbole avant de recevoir le Baptême et la Chrismation, puis de participer à la Liturgie. C’est seulement après qu’on leur expliquait la signification des saints Mystères auxquels ils avaient auparavant participé. Alors on pouvait leur enseigner une attitude intérieure.

Par la faute d’un seul homme, la mort est entrée dans le monde, nous dit saint Paul. Elle n’y existait donc pas auparavant. Elle ne frappe pas seulement les hommes, elle frappe le cosmos dans son intégralité. Par une disposition de la condescendance divine Dieu le Verbe a maintenu son dessein initial de venir parmi nous pour assumer l’humanité intégrale, et comme toutes premières arrhes de cette condescendance il a fait que la mort née de la faute d’Adam ne fût point une catastrophe irréversible, en instituant un temps intermédiaire d’épreuve où nous pouvons obéir à la volonté divine, mais pour un temps fixé à chacun par la Providence divine. Ce Cosmos où nous nous trouvons n’est donc ni le Cosmos glorieux de la Création, ni le Cosmos tel qu’il avait été dévasté par le péché des Ancêtres, ni le Cosmos glorieux tel qu’il apparaîtra au jour du Second Avènement.

Et pour marquer ce caractère transitoire, Dieu le Verbe s’est incarné du sang de la toute Pure. Il s’est déguisé en réprouvé, en Bon Samaritain, en Bon Pasteur. Les Anges se sont émerveillés de ce qu’ils voyaient, et qui échappait à leur compréhension : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, [et ils énoncent alors les deux miracles qui provoquent leur émerveillement :] Paix sur la Terre, Bienveillance parmi les hommes !» Pour eux comme pour nous c’était véritablement chose étonnante que cette bienveillance de Dieu pour les hommes. Ainsi apparaît l’économie de la condescendance divine qui institue pour les hommes une session de rattrapage. Plus même il vient Lui-même parmi nous pour prendre la mort à l’hameçon de sa propre mort. Il nous confie aux bons soins de l’Église et nous incorpore à son propre Corps. Voici comment ce mystère est évoqué au début du Carême, aux Matines du Samedi des Défunts (je suis à peu près l’excellente traduction du père Denis Guillaume) :

De ta main tu as formé Adam, le plaçant à la frontière de l’éternel et du mortel et le créant plein de grâce et de vie ; puis l’ayant délivré de la mort, Sauveur, tu lui as rendu sa première vie ; c’est pourquoi, ô Maître, nous te supplions : à tes serviteurs que tu as pris avec toi [c'est-à-dire les défunts], donne le repos avec les Justes, dans le chœur des élus ; inscris leurs noms dans le livre de vie ; lorsque l’Archange par sa voix, au son de la trompette les éveillera, juge-les dignes du Royaume des cieux.

Le Christ est ressuscité, il a brisé les liens d’Adam et de tous les hommes après lui, il a détruit la puissance de l’Enfer. Prenez courage, tous les morts, la mort est mise à mort…etc

Adam fut saisi de douleur lorsqu’il goûta au fruit défendu autrefois dans l’Eden, car le serpent lui injecta son venin ; par lui la mort entra dans le monde, engloutissant le genre humain ; mais le Seigneur est venu, il a tué le Dragon et nous a donné le repos. Aussi crions-Lui : Dieu Sauveur, épargne ceux que tu as pris avec toi, et donne-leur le repos avec tes élus.


C’est le dimanche de la Tyrophagie que l’hymnographie nous livre le commentaire le plus précis de la faute d’Adam :

Adam s’assit devant le Paradis et gémissait, pleurant sa nudité : Héla ! Par une ruse je fus séduit et dépouillé et je me suis éloigné de ma gloire ; Hélas ! Moi qui étais nu en toute simplicité, je ne sais plus que faire maintenant. ô Paradis, jamais plus je ne goûterai la joie, jamais plus je ne verrai le Seigneur mon Dieu, mon Créateur ; car je dois retourner à la terre dont je fus créé. Dieu de tendresse je te prie : Après ma faute, aie pitié de moi.

Adam fut rejeté du Paradis à cause du fruit défendu ; assis devant la porte il gémissait à grands cris d’une voix plaintive et disait : hélas ! que m’est-il arrivé ? Malheureux que je suis ! J’ai transgressé le seul commandement du Seigneur et me voici privé de toutes sortes de biens. Paradis si délectable qui fus planté pour moi et qu’Ève fit fermer, supplie ton Crtéateur qui est aussi le mien de me combler de tes fleurs. Et le Sauveur lui répondit : « Je ne veux pas détruire ma Création, mais je veux qu’elle soit sauvée et marche vers la connaissance de la vérité, car je ne rejette pas celui qui vient vers moi. »


L’économie du salut rend dérisoires tous les balbutiements mythologiques, toutes les cosmogonies païennes. Elle a émerveillé même les Anges, et l’Archange Gabriel, envoyé à Nazareth pour recueillir de la Toute pure sortant de l’enfance (les icônes de l’Annonciation nous la représentent fuselant le fil rouge de la destinée féminine) alors qu’elle lisait précisément le livre d’Isaïe, tout interdit à la vue de ce joyau de pureté, s’écrie :

Réjouis-toi, ô Vierge inépousée, ne crains pas l’étrangeté de mon aspect car je suis un archange et, tandis que le serpent jadis fut pour Ève une source de deuil, c’est la joie que je t’annonce à présent ; tu resteras vierge pour mettre au monde le Seigneur.

Réjouis-toi, Pleine de Grâce, le Seigneur est avec toi, réjouis-toi, porteuse de la Nature infinie, car ton sein renferme celui que les cieux-mêmes ne sauraient contenir. réjouis-toi, Vierge bénie, par qui Adam est rappelé au Paradis, Ève délivrée de ses liens, le monde comblé de joie et le genre humain transporté d’allégresse.


Je n’ai cité là que quelques extraits de l’hymnographie de la fête de l’Annonciation (dans le désordre). On y découvre aussi ce merveilleux dialogue (c’est une mise en scène prophétique, pas une fable mythologique) de Gabriel et de Marie :

Gabriel : Vierge, tu veux savoir de moi le mode de ta conception, mais il m’est impossible de te l’expliquer : dans sa puissance créatrice, l’Esprit saint, te couvrant de ton ombre, en sera l’ouvrier.

Marie : Pour avoir suivi le conseil du serpent, ma première aïeule [c'est-à-dire Ève] fut exclue des délices divines ; c’est pourquoi je crains ton étrange salutation, prenant bien garde de faillir.

Gabriel : Moi qui me tiens auprès de Dieu, je suis envoyé pour te révéler ta volonté ; pourquoi me craindrais-tu ou te garderais-tu de moi ? Vierge toute-pure, c’est plutôt moi qui te crains et te révère saintement

Marie : Du prophète qui jadis avait prédit l’Emmanuel, j’ai appris qu’une Vierge sacrée devrait enfanter, mais je souhaite savoir comment la nature des mortels pourra se mêler à la Divinité.

Gabriel : Le buisson qui brûlait sans être consumé nous a déjà révélé l’ineffable mystère te concernant, Pleine de Grâce, Inépousée, car après l’enfantement tu resteras toujours vierge.
etc, etc. Et un peu plus loin dans les Ikos du Kontakion :
Du ciel fut envoyé un Archange éminent pour dire à la Mère de Dieu : Réjouis-toi, et te voyant, Seigneur, prendre corps à sa voix, il clame sa surprise et son ravissement :

Réjouis-toi, qui fais resplendir notre salut, réjouis-toi par qui le mal a disparu, réjouis-toi, car tu relèves Adam déchu, réjouis-toi, car Ève aussi ne pleure plus.

Réjouis-toi, montagne inaccessible aux humaines pensées, réjouis-toi, insondable océan même aux Anges soustrait, réjouis-toi, car du Roi tu deviens le trône et le palais, réjouis-toi, puisque ton Créateur par toi se fait porter.

Réjouis-toi, étoile annonciatrice du soleil levant, réjouis-toi, fertile sein où Dieu va s’incarnant, réjouis-toi par qui la créature se va recréant, réjouis-toi, par qui le Créateur devient petit enfant.

Réjouis-toi, Épouse inépousée.
Et dans le dialogue précédent qui reprend après le Kontakion, je trouve encore cet échange :
L’Ange : Souveraine, réjouis-toi, Vierge tout-immaculée, réjouis-toi, porteuse de Dieu, chandelier de la Clarté, rédemption d’Ève, retour d’Adam au Paradis, montagne sainte, éminente sanctification, chambre nuptiale de l’immortalité.

La Mère de Dieu : par la vertu du saint Esprit mon âme est purifiée et mon corps est sanctifié, mon être devient le temple de Dieu, le tabernacle divinement paré, le sanctuaire vivant et la pure Mère de la Vie.
Plus loin, dans la neuvième Ode, je vois :
En esprit Daniel t’appelas Montagne, Isaïe, Génitrice de Dieu, [c'est donc la Septante]Gédéon te vit comme toison, Davis te nomma sanctuaire, un autre la porte du Seigneur, et devant toi l’archange Gabriel s’est écrié : Réjouis-toi, Épouse immaculée.
Et l’exapostilaire :
Le chef des armées angéliques fut envoyé par le Dieu tout-puissant vers la Vierge pure pour lui annoncer l’étrange et ineffable merveille : l’incarnation de Dieu et son enfantement virginal, afin de recréer l’ensemble du genre humain. Peuples répandez-en la Bonne Nouvelle.

Réjouis-toi, divine Mère délivrant le premier Père de l’antique malédiction… [je passe une longue suite] réjouis-toi, qui délivres la Mère des vivants.[Ève]
Et le Doxa final des Laudes :
En ce jour est révélé le Mystère éternel et le Fils de Dieu devient Fils de l’homme afin de prendre en Lui ce qu’il y a de moins bon pour me donner ce qu’il a de meilleur ; jadis Adam fut trompé : voulant devenir semblable à Dieu, il n’y parvint pas ; mais Dieu à présent devient homme afin qu’Adam devienne Dieu. Que se réjouisse la Création, que la nature danse de joie, puisque l’Archange, plein de respect, vient dire à la Vierge : Réjouis-toi ! changeant en allégresse le deuil de nos premiers parents. Toi qui t’es incarné par amour des hommes, Seigneur notre Dieu, gloire à toi.
On pourrait citer des pages entières de ce genre. Je n'ai fait ici que feuilleter les traductions du père Denys Guillaume. Le souvenir de la chute des Ancêtres est toujours présent dans l'hymnographie orthodoxe en tant qu'événement personnel. Maintenant je vais citer quelques passages de l’un des textes les plus sacrés de notre Tradition orthodoxe, l’anaphore de saint Basile le Grand, dont on sait tout le soin qu’il a mis a recueillir et à publier dans toute son authenticité la Tradition des Apôtres. Voici un passage que j’emprunte à l’excellente traduction publiée par le monastère de Cantauque :
Nous aussi, pécheurs, avec ces bienheureuses puissances [angéliques], ô Maître Ami des hommes, nous proclamons et nous disons : tu es saint en vérité, tu es parfaitement saint, et il n’est pas de mesure à la magnificence de ta sainteté. Tu es sanctifié en toutes tes œuvres, car en toute chose tu as agis envers nous avec justice et selon un jugement véritable.

Ayant façonné l’homme en prenant de la poussière de la terrre, tu l’honoras de ta propre image, ô Dieu, et tu l’installas dans le paradis de délices, lui promettant, s’il gardait tes commandements, la vie immortelle et la jouissance des biens éternels. Mais à Toi, le Dieu véritable qui l’avais créé, il refusa d’obéir et, trompé par la ruse du serpent, fut mis à mort par ses propres transgressions.

Alors, ô Dieu, dans ton juste jugement tu l’as banni du Paradis pour l’exiler en ce monde : tu l’as fait retourner à la terre d’où tu l’avais tiré, tout en disposant pour lui une nouvelle naissance en ton Christ Lui-même. Car tu n’as pas délaissé pour toujours l’ouvrage que tu avais fait et façonné dans ta bonté, ni oublié l’œuvre de tes mains, mais selon tes entrailles de miséricorde tu l’as visité de nombreuses manières ; tu as envoyé les prophètes, tu as opéré des miracles par les saints qui, à chaque génération, te furent agréables, tu nous as parlé par la bouche de tes serviteurs, les prophètes, qui nous ont annoncé le salut à venir, tu nous as donné le secours de la Loi, tu as préposé tes Anges à notre garde.

[…]

Puisque le péché était entré dans le monde par un homme, et par le péché la mort, il a plu à ton Fils seul engendré, Lui qui est en ton sein, Dieu et Père, de condamner le péché dans sa propre chair, en naissant d’une femme, la sainte Mère de Dieu et toujours vierge Marie, en naissant sous la Loi afin que tous ceux qui étaient morts en Adam fussent vivifiés en Lui, ton Christ.

Ayant vécu en citoyen de ce monde, il nous a donné ses préceptes de salut, il nous a détourné de l’égarement des idoles etc.etc.
Et voici la perle de la poésie liturgique, le tropaire de Cassienne. Il nous montre comment une moniale byzantine conformais son attitude et sa représentation au Mystère du salut, en respectant le réalisme de la Révélation (je reprends la traduction du père Denys Guillaume) :
Seigneur, la femme tombée dans une multitude de péchés reconnut ta divinité, prenant le rang de myrophore ; dès avant ta sépulture elle t’offre la myrrhe en pleurant : Hélas, dit-elle, la nuit me retient, et l’aiguillon du plaisir, l’amour du péché ténébreux, sans clarté ; reçois le flot de mes pleurs et l’effusion de mes larmes, Toi qui fais descendre l’eau des nuages dans la mer ; incline ton oreille vers le cri de mon cœur, Toi qui inclinas les cieux en ton ineffable abaissement ; laisse-moi baiser tes pieds immaculés, les essuyants avec les boucles de mes cheveux ; ces pieds dont Ève au Paradis perçut le bruit et, frémissante, elle se cacha à leur approche. Seigneur, qui scrutera la multitude de mes péchés ? qui sondera l’abîme de tes jugements, Dieu notre rédempteur et le Sauveur de nos âmes ? Ne méprise pas ta servante dans ton amour infini.
La vision prophétique de la moniale Cassienne télescope Ève, la pécheresse et les myrophores dans une perspective unique autour des pieds du Seigneurs.

Et sur l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal, voici comment l’évoque le tropaire des Béatitudes à l’office du Vendredi saint :
À cause de l’arbre défendu, Adam fut exiilé du Paradis, mais par l’arbre de la Croix le Larron y entra ; car l’un, goûtant de son fruit, méprisa le commandement de son Créateur, l’autre, partageant sa crucifixion, confessa sa Divinité ; Seigneur, souviens-toi de nous dans ton Royaume.
Et aux Heures royales, à None :
En ce jour est suspendu à la Croix celui qui suspendit la Terre sur les eaux ; le Roi des Anges est couronné d’une couronne d’épines et celui qui revêt le ciel de nuées est revêtu d’une pourpre déridoire ; Celui qui dans le Jourdain a libéré Adam accepte coups et soufflets ; l’Époux de l’Église est percé de clous, le Fils de la Vierge est transpercé d’une lance. Ô Christ, nous adorons ta Passion ; Ô Christ, nous adorons ta Passion ; Ô Christ, nous adorons ta Passion, montre-nous ta sainte Résurrection.
Et au cours des thrènes on chante :
Toi qui pour créer la femme as ouvert la chair d’Adam sur son côté, de la plaie de ton côté blessé par le soldat tu as fait jaillir la source qui nous purifie.
Une telle instance sur la personne de nos premiers Ancêtres relève-t-elle de la mythologie ? Prétendre cela est pour moi un blasphème. Il est de mode de nos jours de prendre l’Orthodoxie pour une religion de bons sentiments, sans sanction ni obligation. On le voit aussi au refus de l’enseignement sur le cheminement de l’âme après la mort. On le voit encore à l’oubli de la Tradition sur la signification de la parabole du Bon Samaritain. Tout cela est corollaire enfin d’un affaiblissement du sens de l’Église locale. Il faut mettre en garde contre de telles tentations, qui s’écartent de la Voie royale de l’Orthodoxie.
Jean-Louis Palierne
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Antoine
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Message par Antoine »

Jean-Louis Palierne a écrit :Si les Septante disent “dans le principe” et non “dans la tête”, c’est parce qu’ils écartent les spéculations que l’on pourrait faire en s’appuyant sur l’hébreu.
Non,votre argumentation est dangereusement spécieuse, sauf à vouloir transformer la septante en texte anti-sémitique. Vous oubliez allègrement que les Traducteurs étaient juifs eux-mêmes , intéressés à ouvrir la pensée sémitique à ceux qui ne lisaient pas l’hébreux. Ils n’avaient donc certainement pas pour objectif de supprimer ce que vous réduisez dédaigneusement à des « spéculations ». et les Pères eux-mêmes dans leurs commentaires ne sont pas privés de « spéculer » ou plus exactement de développer une théologie importante à partir des significations inépuisables du texte. Mais le grec n'est pas une langue sémitique et il ne peut rendre compte de tout. La septante rest une traduction même si l'Eglise en a fait son texte normatif. Elle n'est pas le texte source d'après lequel on pourrait relever les transformations éventuelles que les massorètes lui ont fait subir.

« En arkhe » qui signifie à la fois au commencement , dans son principe, peut-être pris soit dans un sens temporel soit dans un sens instrumental. La mutilation consisterait à réduire la polysémie du grec à une seule de ces orientations.
La Tradition Chrétienne qui met « En Arkhe » en relation avec le «Logos» du prologue de Jean est pour moi la plus complète. Elle est détient sans aucun doute la Révélation totale et contient également la polysémie de l’hébreux « BR’(sh) YT». Je dirais même en suivant Jacques de Saroug qu’elle annonce le prologue de Jean, qui soulève «le voile de Moïse.»
Jamais il n’a été question de traduire par « dans la tête » Mais dans le domaine du signifié, "dans la tête" est une des significations incluse dans la polysémie et qui a conduit les Pères à des développements théologiques intéressants comme l’exploitation de la dialectique de l’homme intérieur/ extérieur chez St Basile et chez St Grégoire de Nysse.
Pour ma part je préfère la traduction en Français de « au commencement » plutôt que « dans son principe », « principe » étant inclus dans «au commencement» et l’usage temporel incluant l’affirmation de foi du «ex-nihilo» qui supprime toute interprétation instrumentale visant à faire de Dieu un simple démiurge organisant un monde qui lui serait co-éternel. Mais je reconnais que dans le terme «principe» nous retrouvons bien la polysémie du syntagme hébreux «BR’(SH) = dans la tête» comme je l’ai déjà expliqué en commentant le mot principe.

Le Créateur de l’humanité a ainsi disposé de l’histoire des peuples et de leurs langues, qu’il a préparé une langue pour recevoir l’inspiration divine, et c’est la langue grecque. Ce qu’a été la préhistoire de ce texte peut intéresser certains, ce qui est important pour le salut des hommes c’est ce texte inspiré que nous devons aux Septante.
Il n’est pas sérieux de passer outre ce que vous nommez la «préhistoire». personne ne peut vous suivre dans un tel obscurantisme exégétique et un tel refus de l’établissement du texte. Le pari de l’ignorance n’est pas celui de la foi. Si le créateur a «préparé une langue» on peut au moins avoir la décence de mener quelqu’intérêt à cette «préparation.» La septante n’est pas un remplacement de l’hébreux mais une traduction. Le fait qu’aujourd’hui nous n’ayons plus le texte source pour comparer celui de la septante à celui des massorètes ne doit pas pour autant nous conduire aux conclusions hâtives et erronées que vous tirez. La théologie du «n’y a qu’à» n’a pour seul résultat que la suppression de toute interrogation et réflexion qui engendre nécessairement l’athéisme et la floraison des sectes.

Lorsque les Septante écrivent que le prophète Isaïe dit qu’une vierge concevra, peu me chaut que la Massorète écrive autre chose. Les Pères pensaient d’ailleurs que la Massorète avait été falsifiée sciemment.
Justement votre exemple ne me semble pas être un bon exemple de texte inspiré mais au contraire le rétablissement exact de ce que le texte source contenait et donc une traduction fidèle à l’original hébreux qui, lui était inspiré et plus conforme. La polémique sur le sens de cette prophétisation est très ancienne.

Isaïe 7, 14 prophétise : « C'est pourquoi le Seigneur vous donnera lui même un signe. Voici que la vierge concevra et mettra au monde un fils et tu lui donneras le nom d'Emmanuel. »

Le grec des Septante « parthenos= vierge», n’est pas une inspiration qui serait à prendre comme une reformulation interprétative de l’hébreux et inspirée par l’Esprit Saint.

Les juifs ont certaines versions grecques récentes qui emploient le terme « neanis = Jeune femme »
Saint Jérôme reprend l'argument développé par Justin et Irénée qui se demandaient en quoi le verset d’Isaïe serait une prophétie s'il annonçait une naissance ordinaire ? Mais en plus il se livre à un examen sémantique du mot hébreux apportant ainsi aux juifs, dans cette polémique, la contradiction sur leur propre terrain, ce qui me semble plus solide que le simple recours à cette notion vague d’inspiration.
St Jérôme a écrit : Quand le texte dit: le Seigneur vous donnera lui même un signe, ce doit être quelque chose d'inouï et d'étonnant. Or si c'est une jeune fille ou une jeune femme qui enfante, comme le veulent les juifs, et non une vierge, de quel signe pourra-t-on parler, puisque ce nom concerne l'âge, non l'intégrité physique ? Et à la vérité, pour nous mesurer pied à pied avec les juifs et ne pas leur fournir, en tirant sur la corde de la dispute, occasion de rire de notre incompétence, une "vierge" en hébreu se dit bethula, qui n'est pas écrit dans le présent passage, mais au lieu de ce mot il y a alma, que toutes les versions, hormis les Septante, ont traduit par "jeune adolescente". Au surplus alma chez eux est un terme ambivalent: il veut dire en effet "jeune adolescente" et "cachée". D'où dans le titre du psaume 9 où il y a en hébreu alamoth, toutes les versions ont traduit par "l'adoslescence", ce que les Septante ont interprété "pour ceux qui sont cachés". Nous lisons aussi dans la Genèse, là ou Rébécca est dite alma, qu' Aquila a traduit non par "jeune adolescente" ou "jeune femme" mais "cachée".
Donc on appelle alma non seulement une jeune femme ou une vierge, mais avec extension de sens une vierge cachée et retirée qui n'a jamais été exposée aux regards des hommes mais a été l'objet d'une garde attentive de ses parents [...]. Et autant que je puisse faire l'effort de mémoire, je crois n'avoir jamais lu le mot alma pour une femme mariée mais pour une vierge, et qui est non seulement une vierge mais une jeune vierge dans ses années d'adolescence. Il peut en effet arriver qu'une vierge ait un certain âge, mais cette vierge-ci était dans les années de sa jeunesse, non pas une fillette qui ne pourrait encore connaître un homme, mais une vierge déjà nubile."

Vous apportez ensuite dans votre message de fort belles citations extraites de notre liturgie. Elles ne sont en rien contestables et j’aime particulièrement à les méditer.. Elles citent en effet le texte de la Genèse ou le paraphrasent . Il convient donc de les lire comme nous lisons le texte de la Genèse en suivant les commentaires qu’en donnent les Pères. Soit nous prenons le texte au premier degré et nous cueillons un bouquet de pâquerettes soit nous l’ornons des approfondissements théologiques légués par nos Pères dans la foi.
Par exemple Vous citez :
Adam s’assit devant le Paradis et gémissait, pleurant sa nudité : Héla ! Par une ruse je fus séduit et dépouillé et je me suis éloigné de ma gloire ; Hélas ! Moi qui étais nu en toute simplicité, je ne sais plus que faire maintenant. ô Paradis, jamais plus je ne goûterai la joie, jamais plus je ne verrai le Seigneur mon Dieu, mon Créateur ; car je dois retourner à la terre dont je fus créé. Dieu de tendresse je te prie : Après ma faute, aie pitié de moi.
Outre que je ne vois pas de différence d'avec le texte de la Genèse mais une simple reprise de sa littéralité, il me semble évident que la nudité d’Adam n’a rien à voir avec le fait de se retrouver le zizi à l’air dans le froid en pleurant les délices d’une contrée paradisiaque perdue.
Ce n’est pas parce que nos textes liturgiques ont gardé cette même littéralité que celui de la Genèse qu’il faut pour autant les interpréter littéralement. Une telle lecture est à l’origine de courants désastreux dans le Christianisme qui ont enseigné la dépréciation du corps, la honte de la nudité, le dégoût de la sexualité etc…
Et si on lit ce texte liturgique littéralement , on n'est pas plus avancé. La répétition n'est pas un système explicatif. En musique on appellerait cela une simple reprise. Mais la variation de l'éloignement de la gloire est intéressante et montre que les textes nous renseignent sur notre humanité non pas au sens historico scientifique mais au sens théologique de notre humanité. De même que l’arbre de la connaissance du bien et du mal n’est pas un arbre mais , toujours en suivant Jacques de Saroug l’annonce du Bois de la croix cachée sous le voile de Moïse. (Préfiguration largement partagée par beaucoup de Pères.)
St Jean Chrysostome pour expliquer cette «connaissance du bien et du mal »avait déjà montré que Adam et Eve n’étaient pas dépourvus de connaissance et que la liberté ne résidait pas dans le choix entre le bien et le mal. St Maxime reprend également cette notion de liberté faussement attribuée à un choix entre le bien et le mal.
Grégoire de Nysse fait une distinction très importante entre «connaissance» et «science».
Laissons lui la parole au chapitre XX de "La création de l’homme" dans lequel il nous explique ce qu’est le sens biblique du mot connaissance :
G de Nysse a écrit :Quel est cet arbre où se mêlent la connaissance du bien et celle du mal, et où fleurissent les plaisirs des sens? Je ne serai pas loin de la vérité, si je pars, dans l'examen de cette question, d'une chose connue. A mon avis, dans ce passage, «connaissance» ne doit pas être compris comme «science»: j'y trouve la distinction, habituelle dans l'Ecriture, entre connaissance et discernement. Savoir discerner sagement le bien du mal, cela appartient, dit l'Apôtre (He 5, 14), à l'habitude de la perfection, à un sens moral exercé; aussi donne t il le conseil de «juger de tout», en disant que le discernement appartient en propre à l'homme spirituel (1 Co 2, 15). Quant au mot «connaissance», il ne désigne pas partout la science, le savoir, mais une disposition qui nous porte vers ce qui nous est agréable, comme quand on lit: «Le Seigneur connaît les siens» (2 Tm 2, 19), ou quand Dieu dit à Moïse: «Je te connais entre tous» (cf. Ex 33, 17); ou dans la parole de Celui qui sait tout aux damnés : «Jamais je ne vous ai connus» (Mt 7, 23).

Donc, l'arbre dont le fruit est la connaissance mêlée du bien et du mal fait partie des choses défendues. C'est bien un mélange des contraires que ce fruit, qui trouve comme avocat le serpent. Peut-être la raison en est-elle que le mal ne nous apparaît jamais dans sa nudité, dans sa vraie nature. Le vice n'aurait aucune efficacité, s'il ne se colorait de quelque beauté capable d'en susciter le désir chez l'homme qu'il veut tromper. En réalité, il y a un mélange dans la nature du mal: ses profondeurs recèlent la perdition, comme une ruse cachée, mais la surface est trompeuse, car elle offre en quelque sorte les apparences du bien. L'amour de l'argent fait prendre pour un bien sa belle couleur; mais l'amour de l'argent est la racine de tous les maux. Quel homme glisserait dans le bourbier infect de la licence, s'il ne voyait dans le plaisir une beauté choisie, appât qui l'attire vers sa passion? De la même manière tous les autres vices maintiennent cachée leur force de corruption, ils paraissent d'abord désirables, car leur aspect trompeur les fait rechercher, à la place du bien, par ceux qui n'examinent pas suffisamment les choses.
Ainsi, comme la plupart placent le bien dans les jouissances des sens, et comme il n'y a qu'un seul mot pour désigner le vrai bien et le bien apparent, le désir qui pousse l'homme vers le mal comme si c'était un bien se trouve désigné, dans l'Ecriture, par le terme de «connaissance du bien et du mal», «connaissance» étant à comprendre comme un ensemble de dispositions intérieures mêlées.

Ni le mal absolu, puisque le bien fleurit à l'entour, ni la pureté du bien, puisque le mal se cache en lui, mais un mélange des deux, voilà ce qu'est, dit l'Ecriture, le fruit de l'arbre défendu, qui conduira à la mort ceux qui y toucheront pour en goûter.
[Je note au passage que Grégoire dit bien « ceux qui y gouteront » et que le pronom ceux n’est pas exclusif d’Adam et Eve mais concerne l’humanité entière]
La doctrine qu'elle proclame, bien évidemment, c'est que le vrai bien est par nature incomposé et d'une forme unique, étranger à toute duplicité et à toute union avec son contraire ; le mal, au contraire, est varié, et ainsi fait qu'on le tient pour une chose, et qu'à l'expérience il se révèle tout autre; et la connaissance du mal, que l'on acquiert par l'expérience que l'on en fait, est le principe et le fondement de la corruption et de la mort.[…] Voilà en quoi consiste le mélange des fruits que porte l'arbre, et le texte sacré montre bien en quel sens il dit que cet arbre est celui de la connaissance du bien et du mal. […]Ainsi donc, l'image ne réside plus qu'en. ce qu'il y a de plus élevé en nous; mais tout ce qui dans notre vie est tristesse et misère, tout cela est bien éloigné de la ressemblance divine.
Quant à Adam Grégoire de Nysse opère également une distinction très nette entre l’Adam théologique et Monsieur Adam. Vous excuserez aussi Grégoire de Nysse pour sa référence à l’hébreu et en particulier à celui de St Paul...
G de Nysse a écrit :«Faisons l'homme à notre image, comme notre ressemblance. Et Dieu créa l'homme; à l'image de Dieu il le créa.» Ainsi donc, l'image de Dieu, celle que l'on contemple en toute humaine nature, était en sa perfection. Adam n'existait pas encore ; en effet, c'est la «créature modelée dans la glaise» que désigne étymologiquement le nom «Adam» comme le disent ceux qui connaissent l'hébreu. C'est pour-quoi l'Apôtre, qui connaît particulièrement bien la langue de ses pères, celle d'Israël, appelle « terreux » (1 Co 15, 47) l'homme issu du sol, comme s'il voulait traduire en grec le nom d'Adam. L'homme, donc, est fait à l'image de Dieu — l'homme, c'est-à-dire l'ensemble de la nature humaine, cette chose divine. Ce que crée la toute-puissance de Dieu, ce n'est pas une partie du tout, mais, en bloc, la plénitude entière de la nature humaine.

Une autre citation de nos textes liturgiques doit attirer notre attention.
la liturgie a écrit :Adam fut rejeté du Paradis à cause du fruit défendu ; assis devant la porte il gémissait à grands cris d’une voix plaintive et disait : hélas ! que m’est-il arrivé ? Malheureux que je suis ! J’ai transgressé le seul commandement du Seigneur et me voici privé de toutes sortes de biens. Paradis si délectable qui fus planté pour moi et qu’Ève fit fermer, supplie ton Créateur qui est aussi le mien de me combler de tes fleurs. Et le Sauveur lui répondit : « Je ne veux pas détruire ma Création, mais je veux qu’elle soit sauvée et marche vers la connaissance de la vérité, car je ne rejette pas celui qui vient vers moi. »
Eve n’est pas plus responsable qu’Adam dans la fermeture du Paradis. Cette interprétation aura encore accentué la dépréciation de la femme dans l'histoire du christianisme. C’est le rejet de la faute par Adam sur Eve en lieu et place du repentir qui entraîne la fermeture du "Jardin" à l’humanité. Et ça continue aujourd’hui. Je ne pense pas qu'il faille continuer a marteler que c'est à cause d'Eve que nous avons perdu la paradis, sous prétexte de fidélité au texte liturgique ou sous prétexte qu'Eve n'aurait pas été encore créée au moment où la loi a été donnée à Adam ou encore qu'elle tiendrait sa faiblesse du fait qu'elle serait sortie de la côte d'Adam. Il y a d'énormes conneries comme ça qui perdurent et il conviendrait de corriger certains passages de notre cycle liturgique.

Je ne vais pas commenter chaque point du message de Jean-Louis Palierne. Nos textes liturgiques emploient le récit de la Genèse comme on emploie un théorème c’est à dire sans le démontrer à chaque utilisation. Les textes liturgiques éclairent le texte biblique quand ils donnent l’interprétation du prophétisme ou quand ils en donnent le sens théologique. Quand ils paraphrasent le texte, une littéralité ne fait qu’en remplacer une autre sans pour autant l’éclairer sur le plan de l’historicité.
Jean-LouisPalierne a écrit :Une telle instance sur la personne de nos premiers Ancêtres relève-t-elle de la mythologie ? Prétendre cela est pour moi un blasphème.
Je n'ai pas relégué le texte au rang d'une simple mythologie mais tenté de discerner, avec les Pères, quels sont les élements qui sont d'ordre mythologiques et ceux qui ne le sont pas, discerner l'Adam théologique qui a une histoire biblique et Monsieur Adam qui lui n'en a pas au sens moderne de l'Histoire. Inutile d'étiqueter de blasphème ce que vous ne comprenez pas.S'il y a blasphème il faut le chercher dans la petite histoire que vous inventez pour cadrer avec un concordisme de bas étage au lieu de rechercher avec les Pères le sens théologique du texte. Anne Geneviève vous a fait aussi quelques remarques sur cette invention qui donne une image assez inquiétante de Dieu et qui ne correspond en rien au "Dieu bon ami des hommes" de l'Orthodoxie..Je vous avais déjà cité et répondu dans mon message du Ven 03 Nov 2006 2:48 .
Antoine a écrit :
Jean-Louis Palierne a écrit :Dieu ait pu remodeler le cosmos qu’il avait créé en nous faisant à posteriori hériter d’un passé. Chose pour nous inconcevable, mais pour Dieu c’est un jeu d’enfant.
Quels Pères ont soutenu cette hypothèse? Et comment voudriez vous enseigner cela face aux données de la science?Vous nous enfermez dans une linéarité historique du temps et vous empêchez alors le texte de fonctionner

En réduisant le texte à une cosmogonie objective vous en faites un simple récit mythologique

Le concordisme fait entre création et big bang montre les limites de ce type d’approche et ces recours en trahissent l’insuffisance. Cette façon d’aborder le texte n’est pas la démarche des Pères qui ont plusieurs niveaux de lecture.

Les Pères avec Origène en tête, ont toujours dans le cadre de l'herméneutique orthodoxe, chercher à la fois le "sens littéral" ou "historique" du texte et le "sens spirituel" ou "plénier", qui représente la Parole que Dieu prononce dans l'aujourd'hui de notre existence personnelle comme dans l'ensemble de la vie ecclésiale ? (Cf Le Père Jean Breck) Le texte de la Genèse ferait-il exception et à quel titre?
J'ai déjà montré dans mon message du Mer 01 Nov 2006 22:41 que la citationn de St Paul (Le péché a entraîné la mort etc...) qui intitule cette rubrique n'était pas à absolutiser et dans quel contexte il fallait la situer. Je ne prétends pas avoir épuisé le sujet bien évidemment mais je ne me satisfais pas d'un commentaire infantilisant qui mutile la Raison dans sa perception du monde et je reste convaincu que Saint Paul ne nous livre pas là un système explicatif d'une cosmogonie extérieure.

J’ai bien conscience de suivre les Pères dans leur pénétration du texte. Il y a texte et contexte. Nul n’est tenu de se faire charbonnier. La foi dépasse la Raison mais elle n'est pas une ablation des facultés mentales de l'homme qui a pour devoir d'exercer au mieux toutes les facultés dont Dieu l' a pourvu.
Il nous est donné à nous aussi de suivre les Pères sur les sentiers de la foi et de poursuivre leur travail avec les connaissances et l'environnement qui sont les nôtres. La Tradition de l'Eglise est une Tradition vivante et non pas un cadenas posé une fois pour toutes sur les textes dont elle a fait sa normativité.
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

L’Église est le Corps unique de l’unique Christ. Il n’y a qu’une Église : c’est l’Église catholique (universelle) qui confesse la foi orthodoxe. Elle est définie par une unique Révélation, celle du Dieu tri-unique et du salut offert aux hommes par le Dieu-homme. Cette Révélation nous est transmise par une Transmission écrite (l’Écriture sainte : l’Ancienne Alliance dans la Septante) et la Nouvelle Alliance de la Bonne Nouvelle. Ces livres s’adressent à tous les hommes même extérieurs à l’Église. De plus l’Église se transmet en interne une Révélation non-écrite (comprenez non intégrée dans l'Écriture sainte, et au début transmise par voie orale) qui a été remise aux Apôtres puis aux évêques des Églises locales, et qui comprend un ensemble de textes conciliaires, patristiques, liturgiques et canoniques.

Certes il y eut une préparation évangélique, celle de la Loi mosaîque, qui a été scellée par les derniers prophètes, les Septante, dans le recueil qu’ils nous ont laissé. Il y eu aussi la préparation évangélique par les Sages de l’Antiquité païenne, dont on a rappelé sur ce Forum qu’ils sont parfois représentés sur les murs extérieurs des Églises; C’est à eux que l’Esprit a confié le soin d’élaborer une langue dont plus tard l’Église saura se servir (en créant un idiome particulier).

Les Septante n'en étaient pas moins de bons juifs, comme l’étaient les ancêtres du Christ et tous ses premiers Apôtres. L’Église a néanmoins su s’adresser à tous les peuples de l’Univers en leur parlant leurs langues. Tous les groupes religieux qui constituaient le peuple juif sont entrés dans l’Église, Pharisiens et Sadducéens et bien d’autres encore. Mais ils faisaient l’expérience que l’Église était autre chose que le culte du Temple unique du Dieu unique. Ce culte était dès lors périmé et d’ailleurs a rapidement disparu. Les synagogues actuelles ne sont les héritières que d’une partie des Pharisiens. L’Église nous a transmis la Septante comme témoignage de l’Ancienne Alliance (mais il y avait d’autres traductions juives en grec, que l'Église n'a pas retenues), et il n’y a aucune raison d’écarter, comme l'a fait la Réforme, les livres “deutérocanoniques” que les Massorètes n'ont pas retenus (l’Église utilise tous les jours, comme huitième ode de l’office des Matines le texte du cantique des Trois Enfants dans la fournaise, qui est une partie deutérocanonique du livre de Daniel).

Si on étudie le texte hébreu des Écritures, on s’expose à y rencontrer des significations que sous le souffle de l’Esprit les Septante n’ont pas retenues dans le texte que nous transmet l’Église. Ne perdons pas notre temps, hâtons-nous vers la vérité sans nous retourner en arrière comme l'avait fait la femme de Lot qui fut changée en statue de sel.

Rejetons-donc toutes les tentations bien modernes de syncrétisme, de confusionnisme, de relativisme, d’archéologisme, d’étymologisme ou d’œcuménisme et ne fixons nos regards que sur la Tradition authentique de l’Église, celle que nous ont transmises nos Pères dans la foi. Reléguons Gilgamesh au magasin des accessoires.

Le texte de l’Écriture n’est pas un recueil d’apologues et de fables édifiantes. C’est une histoire vraie, et l’Église ne rougit pas de nous en rappeler certains épisodes au cours de sa Liturgie.

C'est d'autant plus nécessaire que la vie du chrétien n'est pas une philosophie d'attitude équilibrée ou de représentations éclairées. La vie du chrétien n’est qu’une lutte continuelle qui se déroule dans une vallée de larmes, un univers altéré. Cette lutte a été ouverte dès l’instant où au Paradis Adam et Ève succombèrent à la sollicitation de l’Adversaire. Constamment aussi autour de nous de faux prophètes tentent de renouveler leurs mythes, inventant des sagesses de pacotille, proposant un développement personnel équilibré, tentant de proposer un ersatz de l’équilibre perdu et niant la réalité du drame initial.

C’est à juste titre que l’Église voit dans la Croix, non pas seulement un instrument de torture, non pas seulement même un signe de victoire, mais un rappel du choix initial décisif et eschatologique qui est ouvert à tout être humain dès sa naissance.
L’escorte des Anges entoure maintenant en toute piété le bois de la Croix, invitant les fidèles à se prosterner devant lui. Venez donc, et par le jeûne illuminés, prosternons-nous avec crainte, lui criant dans la foi : Salut, précieuse Croix du Seigneur, qui donnes au monde l’assurance du salut.

Pour faire cesser l’antique malédiction, tu prends, sans le péché, notre chair ; tu te laisses crucifier, mettre à mort, Jésus de toute bonté, et c’est pourquoi nous vénérons fidèlement, avec ta Croix, la lance et les clous, l’éponge et le roseau, et demandons de contempler ta divine Résurrection
.
C’est par la Croix que le serpent ferma jadis le Paradis, mais le bois de la Croix l’entrouvre de nouveau à tous ceux qui veulent se purifier par le jeûne et par les pleurs. Venez donc et, le voyant exposé, prosternons-nous avec crainte devant lui et crios-lui fidèlement : Ouvre-les Portes du Ciel aux amants de ta Croix !
Et ce Cathisme de la Croix su 3ème dimanche de Carême :
Jadis au Paradis l’Ennemi me dépouilla, me faisant goûter au fruit de l’arbre il introsuisit la mort ; mais sur terre fut planté l’arbre de la Croix ; il apporte aux hommes le vêtement de la vie et le monde entier déborde de joie ; voyant la Croix exaltée, disons-donc tous au Seigneur d’une seule voix Ton temple est rempli de ta gloire !
Ce qui est caractéristique des enseignements de tous ceux qui sw’efforcent de s’écarter de la voie royale de la Tradition orthodoxe et du réalisme de la lecture de l’Écriture sainte, c’est que leurs doctrines ne finissent jamais qu’à déboucher que sur le moralisme le plus plat de l'épanouissement naturel, de l'amélioration relationnelle, de l'épanouissement et de l’équilibre inné, des bons sentiments entre “tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil”.

Et les fidèles n’en sont jamais satisfaits et tentent toujours d’aller au-delà et de retrouver les pratiques du culte réel et les dures tâches de l’ascèse.
Toi dont le Verbe a créé le ciel et la terre, sur un trône tu viendras siéger et tous nous comparaîtrons pour te confesser nos péchés ; avant ce terrible jour reçois ma confession ; avant ma perte définitive, Seigneur, sauve-moi.

Par jalousie le Prince du mal chassa le premier homme du Paradis ; le Larron s’y introduisit en disant sur la Croix : Seigneur, souviens-toi de moi ; animé de crainte et de foi je te crie moi aussi : So!uviens-toi, avant ma perte définitive, Seigneur, sauve-moi.
Puis commence le Grand Canon de saint André de Crète dont voici le début :
En marchant loin de ta loi, j’ai imité nos premiers parents, et comme Adam je fus dépouillé de ta divine Grâce et du Royaume éternel à cause de mon péché.

Hélas, ma pauvre âme, pourquoi cette imitation de la première Ève ? mauvais fut ton regard et, séduite amèrement, tu as touché à l’arbre, tu as goûté le fruit et l’amertume du péché.

À la place du Dieu de jadis, une Ève spirituelle surgit en moi ; et c’est une pensée de charnelle inclination retraçant les voluptés et sans cesse savourant l’amertume du péché.

Ce fut justice, ô mun Sauveur, lorsqu’Adam pour une seule transgression fut chassé du Paradis; mais pour ma part, quel sera mon châtiment, moi qui ai sans cesse rejeté ton Verbe vivifiant ?

Sur les traces de Caïn j’ai marché, j’ai choisi de devenir un meurtrier, car ma pauvre âme, je l’ai conduite à la mort, en vivant selon la chair, dans la perversité de mes actions.


ésus, qie n’ai-je pu suivre à mon tour le chemin du juste Abel ? Que n’ai-je offert des offrandes immaculées de saintes actions, des sacrifices d’oblations, par la pureté de mavie Au Créateur de l’Univers, comme Caïn nous avons offert nos viles actions, nos grossières oblations, notre inutile vie, et nous serons condamnés.

De la glaise, ô Créateur, tu m’as formé, et tu as mis en moi de la chair et des os, et le souffle de lavie; Seigneur qui m’as créé, ô mon Juge et mon Sauveur, ramène-moi vers Toi.
Voilà comment l’Église lit le livre de la Genèse. C’est l’histoire d’une immense chute qui ouvrit un immense désastre et nécessita un immense repentir pour aboutie à une immense économie du salut. Mais l’Église ne se demande pas comment Caïn a pu faire des enfants.

Le Grand Canon de saint André de Crète zigzague sans cesse entre diverses inspirations. Voivi au hasard quelques autres perles :
Les plaisirs ont appesanti la grâce de mon âme, et par eux tout mon esprit est retourné à la glaise.

J’ai déchiré le bel habit, celui qu’à l’origine le Créateur m’avait tissé, et me voici couvert de haillons.

J’ai revêtu les oripeaux dont le Serpent m’enveloppa; jai suivi son conseil et me voici devenu tout honteux.

À voir la beauté de l’arbre, mon esprit s’est égaré : désormais je suis nu et la honte me fait rougir.

[…] À qui te comparer, ma pauvre âme ? À CaÏn le premier meurtier, ou bien à Lamech ? car tu as lapidé ton corps et tué ton esprit, par tes méfaits et ton ardeur pour le péché.

Ô mon äme, si tu as égalé tous cdeux d’avant la Loi, tu n’as certes pas imité ceux qui changèrent de vie tels que Seth, Énos, Énoch et Noé ; non, tu n’as pas suivi l’ardeur de leur vie.

Tu as ouvert seulement les cataractes de la colère de Dieu, comme au temps du déluge, tu as laissé submerger toute chair et les œuvres de ta vie, et tu n’es pas entrée dans l’arche du salut.
Et à ceux qui ne voient là qu’une religion du Père fouettard je dédie les mystérieux couplets que voici :
N’abandonne pas l’œuvre de tes mains, ne méprise pas ta vréature, ô juste Juge, bien que seul j’aie péché plus que tout autre homme, ô Dieu clément ; mais il t’appartient, comme au Seigneur de l’Univers, de remettre les péchés.

La fin s’approche, ô mon âme, elle s’approche et tu négliges de te préparer ; le temps presse, lève-toi, car le Juge est sur le seuil : tel un songe ou une fleur notre vie s’évanouit et nous nous agitons en vain.

Réveille-toi, ô mon âme, etr songe aux actes de ta vie, laisse couler tes larmes en méditant sur ton passé, confesse au Christ tes acctions, tes secrètes pensées, et tu seras justifiée.

Ô Sauveur, il n’est en cette vie nul péché, nul acte mauvais, que je n’aie commis en parole, en intention, de propos délibéré, en pensées ou en actions, plus que tout autre en aucun temps.

De là vient ma condamnation, de là aussi le jugement : de ma propre conscience, que rien n’égale ici-bas ; toi qui me sondes et me connais, Rédempteur épargne-moi et sauve aussi ton serviteur.

L’échelle qu’autrefois le Patriarche contempla, c’est l’ascétique montée, la mystique ascension. Ô mon âme, si tu veuxw les connaître toutes deux, renouvelle ta vie.

Pour acquérir ses deux épouses, le Patriarche supporta la cha leur du jour, la froidure de la vie, dans le service et les combats, augmentant de jour en jour son troupeau par la ruse.

Les deux épouses, ce sera l’action et la contemplation ; Lia c’est l’action, car elle a beaucoup d’enfants ; Rachel, la connaissance, qui s’acquiert péniblement, et toutes deux sont les fruits du lqabeur.
J’en passe, et des meilleures. Je ne peux que vous inviter à lire ou relire ce Grand Canon, si vous voulez comprendre ce que représxente l’Ancienne Alliance pour les chrétiens.


Et comme il se peut que la notion même de faute originelle paraisse rétrograde et infantils à tous ceux qui sont partisans d’une théologie optimiste, je voudrais citer les lignes suivantes, qui sont des décisions du Concile d’Afrique :
Quiconque dit qu'Adam, le premier homme créé, a été créé mortel en ce sens que pécheur ou non il serait mort en son corps, c'est-à-dire qu'il aurait été soumis à la nécessité de quitter son corps, non pas comme châtiment de son péché mais par une nécessité de sa nature, qu'il soit anathème.

De même il a été décidé que quiconque nie qu'il soit nécessaire de baptiser les nouveaux-nés sitôt qu'ils sont sortis du ventre de leur mère, ou bien affirme qu'ils seraient baptisés pour la rémission de leurs péchés, sans avoir été contaminés par la faute originelle d'Adam en quoi que ce soit qui doive être purifié par le bain de la nouvelle naissance, d'où découlerait que pour les enfants la formule pour la rémission des péchés ne devrait pas être entendue au sens propre, mais en un sens analogique, qu'il soit anathème. Car il ne faut pas comprendre les mots de l'Apôtre : Par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et ainsi la mort est passée à tous les hommes, parce que tous ont péché autrement que dans le sens où les a toujours compris l'Église catholique répandue dans le monde. Par suite de cette règle de foi, même les tout-petits, qui ne sont pas encore capables de commettre de péché par eux-mêmes, sont véritablement baptisés pour la rémission de leurs péchés, afin que ce qui les a contaminés par leur engendrement soit purifié par leur régénération.
Jean-Louis Palierne
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Antoine
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Message par Antoine »

Jean-Louis Palierne a écrit :Mais l’Église ne se demande pas comment Caïn a pu faire des enfants.
On est bien d'accord. Et c'est bien parce la Genèse est un récit théologique échappant à tout concordisme.

En revanche, si vous voulez dire par là qu'Antoine est le seul tordu à s'être posé cette question, alors vous vous trompez de façon inexplicable car les Pères n'ont pas manqué de s'interroger sur ce problème épineux et nous ont livré les significations qu'ils y voyaient. Caïn est le prototype de la rupture généalogique.
Les généalogies dans la Bible ne sont pas sans signification , et elles sont reprises également dans nos Evangiles. L'Evangile de Matthieu s'ouvre sur une généalogie descendante (symboliquement 3 fois 14 générations) qui part d'Abraham jusqu'au Christ . Point important qui montre que l'historicité de l'humanité commence à Abraham et prend son sens dans l'alliance faite entre Dieu et le peuple juif. (Matthieu étant le plus "hébraïque" de nos évangiles.) Peut-être faut-il y voir aussi que le texte biblique quitte le domaine de la parabole pour entrer alors à partir d'Abraham dans le monde de l'histoire.
Matt.1.17
Il y a donc en tout quatorze générations depuis Abraham jusqu'à David, quatorze générations depuis David jusqu'à la déportation à Babylone, et quatorze générations depuis la déportation à Babylone jusqu'au Christ.


Luc, lui, attend le chapitre 3 et présente une généalogie ascendante qui remonte jusqu'à Seth, fils d'Adam. Point important car pour certains Pères la génalogie de Caïn s'est vite éteinte et a disparu dans le déluge.
Alors vous pensez bien qu'une telle absence de renseignement sur la femme de Caïn ne pouvait certainement pas passer inaperçue. La littéralité événementielle n' étant pas la finalité du texte, ils nous livrent bien sûr des interprétations allégoriques.
Luc 3.38
fils d'Énos, fils de Seth, fils d'Adam, fils de Dieu.

Sauter deFils d'Adam à Fils de Dieu il faut un bel élan!
Faire le passage d'une généalogie humaine à une génalogie divine , voilà un point qui nous renseigne sur le type d'historicité auquel le texte nous renvoie et sur le discernement nécessaire entre sa littéralité et sa théologie. A l'inverse de Matthieu le mouvement chez luc va de l'historique vers le Théologique alors que chez Matthieu il va du Théologique vers l'historique, le point de transistion se réalisant dans l'Alliance.

Merci pour tous ces textes inépuisables que vous avez cités et que nous pouvons méditer à l'aide des Pères dans la Tradition et non pas en nous contentant simplement de remplacer une littéralité par une autre.
Antoine
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Message par Antoine »

Quant à la généalogie de Seth, le début du chapitre 5 de la Genèse (ainsi d’ailleurs que le chapitre 6 sur le déluge) nous montrent que le terme Adam concerne non pas un simple individu mais l’humanité:
Gen 5, 1 et 5, 2
Voici le livre de la postérité d'Adam. Lorsque Dieu créa adam, il le fit à la ressemblance de Dieu. Mâle et femelle il les créa, il les bénit, et il les appela du nom d'adam , au jour où ils furent créés.


L ’auteur de la Genèse utilise indifféremment Adam pour désigner à la fois l’homme et l’humanité. Et le mot Adam au verset 5,2 est employé à la fois pour désigner le mâle et la femelle.
Adam est un collectif.
Le récit théologique orné par les généalogies nous signifie l’élection de Dieu dans le processus de l’incarnation. On part de l’humanité, puis on rétrécit au peuple juif, pour aboutir ensuite à l'élection de Marie. Le mouvement de l'élection va du général vers le particulier et avec le Christ le mouvement se redessine du particulier vers l'universel. En Christ est rétablit l’Adam total et par l’union des deux natures, le créé est uni à l’incréé.
La genèse est réellement un texte prophétique. Ceci est voilé dès le récit de la création comme nous l'indique Jacques de Saroug et le mystère se dévoile et se comprend à la lecture du nouveau testament: «Commençant par Moïse et parcourant tous les prophètes, il leur dévoila dans toutes les écritures ce qui le concernait. »Luc 24,25.
Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Le mouvement qui, en Christ, va du particulier à l’universel est attesté de manière évidente par le concile des apôtres et la réponse donnée à la question de la circoncision. Je rappelle brièvement la référence : Actes 15, 1-21 ; et la question débattue. En 49, un groupe venu de Judée tarabuste les fidèles d’Antioche venus du paganisme en leur disant que, s’ils ne se font pas circoncire, ils ne seront pas sauvés. Le conflit s’envenimant, il est porté devant les apôtres et les anciens de Jérusalem qui tranchent en disant qu’il n’y avait pas lieu d’imposer la circoncision aux convertis venus du paganisme.
Derrière ce conflit qui oppose les judéo-chrétiens aux « Grecs », ce sont deux conceptions de l’Eglise qui se heurtent, l’une qui insiste sur la continuité avec la vocation d’Israël, l’autre qui met l’accent sur le caractère universel de la Nouvelle Alliance. Dans la perspective pro-circoncision, le salut ne s’adresse qu’au peuple élu et à ses prosélytes : Dieu a coupé Israël des nations et si certains prophètes comme Joël insistent sur l’universalité du salut, les hommes, dans cette vision, viennent au judaïsme (et à Jérusalem) comme à la porte obligée vers Dieu. Pour l’apôtre Paul, la vocation séparée d’Israël n’était qu’une étape temporaire de l’histoire des Alliances successives.
Il était évident pour tous les premiers chrétiens que l’incarnation du Verbe divin ouvrait une nouvelle Alliance dont le caractère universel s’était affirmé à la Pentecôte. Mais il pouvait s’interpréter comme une judaïsation des nations, les païens rattrapant leur « retard » – ou comme un noachisme supérieur, la séparation des Juifs n’ayant eu d’autre fonction que de préparer l’incarnation divine. Il s’agissait d’une question eschatologique difficile et non d’une querelle de préséance ou d’attachement à des coutumes ancestrales.
Le double mouvement que souligne Antoine, du général au particulier pour préparer l’incarnation du Verbe puis du particulier à l’universel est donc affirmé par le tout premier concile de l’Eglise. C’est ainsi reconnaître ce que Paul exprime dans la première épître aux Corinthiens, que le Christ est le nouvel Adam – mais j’aimerais sur ce thème ôter la majuscule de respect afin que le nom collectif ne soit pas confondu avec un prénom. Le Christ est le nouvel adam, homme total, en qui notre nature est renouvelée.
Aucun de nous n’est héritier ou descendant du Christ par la chair mais nous sommes tous renouvelés dans notre nature par la communion eucharistique, rameaux greffés au Cep, et, par le lien intime de notre nature avec tout l’univers, c’est la création entière qui reçoit ce renouvellement.
Et l’apôtre Paul dit clairement que nous sommes tous morts en adam, dans la nature déchue dont nous participons, et non pas en tant que fils et descendants d’un monsieur Adam. C’est bien EN adam. Et de même nous ressusciterons EN Christ, selon la mystérieuse interpénétration que décrit Jean l’Evangéliste aux chapitres 16 et 17.
"Viens, Lumière sans crépuscule, viens, Esprit Saint qui veut sauver tous..."
Antoine
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Message par Antoine »

La remarque d’Anne-Geneviève est pertinente. D’ailleurs c’est bien pour cette raison que Luc construit sa généalogie au chapitre III de son Evangile, juste après la narration du baptême de Jésus, et immédiatement derrière la voix du Père, alors que la construction narrative de Matthieu opte pour le choix de commencer son Evangile par la généalogie.
Le baptême effectivement est bien le mystère donné à toute l’humanité et destiné a remplacer dans la nouvelle alliance la circoncision élective pratiquée par le peuple juif. Le baptême est universel, la circoncision non.

Luc III, 21-22:
Or quand tout le peuple eut été baptisé, et au moment où Jésus, baptisé lui aussi, se trouvait en prière, le ciel s’ouvrit et l’Esprit Saint descendit sur lui sous forme corporelle, tel une colombe, et une voix partit du ciel: «Tu es mon Fils bien aimé; tu as toute ma faveur.» (Luc 3
On notera la construction très précise de Luc donc chaque mot est important.


- Quand Tout le peuple eût été baptisé nous montre le caractère universel du baptême
-La traduction d’Osty met la voix du Père sous forme d’un dialogue à la deuxième personne : « Tu es mon Fils »
-L’Esprit Saint s’incarne sous une forme corporelle
- La voix vient du ciel de la Genèse qui n'est pas le firmament.

Cette construction littéraire spécifique à Luc n'aura pas échappé à St Ambroise qui commente ainsi l'emplacement stylistique de la généalogie:

Aussi n’est-ce pas dès le début qu’il a entrepris d’établir sa généalogie ; mais, après avoir raconté son baptême, désirant montrer que Dieu est le Père de tous par le baptême, il a attesté que le Christ aussi vient de Dieu, par ordre de descendance, enchaînant toute chose de manière à le montrer Fils de Dieu et par nature et par grâce et dans la chair. Et quel témoignage plus évident de sa descendance divine que d’avoir fait précéder sa généalogie de la parole du Père : «Voici mon Fils bien-aimé, en qui je me complais »(Matth., III,17) ? Ambroise de Milan, traité sur l’Evangile de Luc, Ed du Cerf 1971, Collection Sources chrétiennes, p125-126.
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

L’Orthodoxie est théologique parce qu’elle est tout d’abord historique. Elle nous invite à nous construire une sagesse, une idéologie, mais sur la base d’événements réels. On ne saurait la réduire à un corpus limité d’élements notionnels. Même la sagesse des Anges resta émerveillée devant le Mystère du salut, qu’elle n’avait pas prénu. Nous pouvons toujours commenter les événements, tenter de transmettre ce qu’ils nous ont enseigné, nous ne pouvons pas en faire un système.

Le réalisme de la Révélation commence pour l’Orthodoxie avec le mystère de la Création du monde. Jamais l’Orthodoxie n’a osé imaginé qu’il falleit la réduire à un apologue pour enseigner aux enfants la Toute-puissance divine. Ce serait faire injure à Dieu, ce serait faire injure à sa créature. Adam est d’abord monsieur Adam. Dieu lui dit “tu”. Dieu dialogue avec lui. Adam répond, faute, est puni, une possibilité de repentir lui est réservée. Il était lfils de Dieu. Dès sa Résurrection, le Dieu-homme s’est rendu dans les profondeurs de la terre pour y briser les portes de l’Enfer est retirer Adam du tombeau. les icônes nous montrent saint Jean Baptiste présentant son jeune cousin (Jésus) aux Ancêtres. David et Salomon sont aussi présents. Le Fils de Dieu s’est fait le Fils de l’homme pour que l’homme devienne Dieu, à commencer par Adam. L’Adam total est Jésus, car il nous fait membres de son corps. Il nous incorpore.

Il est toujours tentant pour les fidèles du Christ de verser dans l’idéologie incontrôlée, dans la philosophie autonome. Il est toujours tentant de proposer des “relectures”, des “interprétations”. Il importe donc de rester fidèles à l’esprit des Pères. Les textes liturgiques nous y invitent quotidiennement et nous dispensent la lecture orthodoxe des saints Mystères de l’Église. Gardons-nous de nous en éloigner.

Nous avons tous péché en Adam, parce qu’il est notre ancêtre particulier. Tous sommes rachetés en Christ, parce qu’ill est le second Adam, l’Adam nouveau, l’Adam total. L’Alliance a été un épisode stérile. Le Temple a été rasé. Maintenant c’est en chaque lieu de la terre que l’Église est totalement présente et offre un sacrifice non-sanglant. Mais le Christ a accompli l’Alliance parce qu’il était fils de David. Tous les justes de l’Ancienne Alliance, non seulement ont été réveillés par le Christ, mais vinrent se promener dans les rues de Jérusalem. N’en doutons pas, Adam était parmi eux

Le concordisme consiste à rechercher ce qui reste dans l’ombre et qui ne nous concerne pas. Ce que nous révèle le récit de la Genèse nous suffit. On recherche une concordances entre les ères géologiques et les jours de la Genèse. Il y a aussi le créationnisme qui voudrait que toutes les espèces vivantes aient été crées directement par Dieu.

Curieusement les créationnistes n’insistent pas sur le seuil ontologique entre matière et vie. Cela me semble cependant beaucoup plus fondamental que l’origine des espèces.Ces enfantillages ont engendré des enfantillages inverse, qui voulaient que l’Univers soit nécessaire et auto-suffisant et que toute idée de Création soit bonne pour les esprits faibles. Et on veut toujours que la vie naisse spontanémebt de la matière et que l’homme descende du songe. Les romans de SF ont largement su tirer parti de ces spéculations. Nous ignorons beaucoup de choses, mais lorsque ce bon abbé Lemaître suggéra que l’Univers est en expansion, il provoque pour le scientisme une nouvelle révolution copernicienne : on ne pouvait plus ridiculiser l’idée de Création. Et maintenant on parle même de Big Bang. Je constate que ceux qui croient à la Création du monde ne sont plus culpabilisé. Je m’en réjouis.

Nous ne pouvons rester indifférents à cette actualité. Les certitudes des éléphants du scientisme s’effritent.

Je ne me lancerai pas dans la discussion des questions de l’origine de la vie, de l’évolutionnisme et de l’exception humaine, bien que j’en grille d’envie, mais j’avoue que je ne serais pas caoable de soutenir la discussion, mais j’affirme ma conviction personnelle que la vie est une exception aux lois de la matière, et que les espèces ont été créées en vue de l’exception humaine. Et je pense que des chrétiens ne peuvent se désintéresser de ce genre de questions.

Les récits de la Genèse nous présentent aussi un bon nombre d’obscurités. Si un couple donne naissance à une nombreuse génération, comment éviter l’abomination de l’inceste ? Il y a aussi les premiers versets du chapitre 6 de la Genèse qui présentent les fils de Dieu à côté des fils des hommes, et il y a aussi des géants. J’avoue que cela ne me préoccupe pas beaucoup. Mais c’est tout de même dans la Genèse. Il n’y a là ni concordisme ni scientisme, il s’agit de prendre au sérieux l’énseignement de la Révélation. Mais je me refuse absolument à rejeter tout intérêt pour ce type de question en la qualifiant de “concordisme”. Non, Le récit de la Genèse étant une histoire réelle, qui pose des quantités de questions, nous devons nous interroger.

L’événement-Salut est une chose que même la sagesse des Anges n’avait pas su prévoir — et cependant c’est à eux qu’est confiée la garde des lois fondamentales et des éléments de ce monde. Ils ont vaincu la rébellion de l’Ange Lucifer et de ses légions, ils ont vu Adam céder à son insinuante sollicitation. Ils lui ont interdit l’entrée du Paradis perdu. Voyant la Vierge acquiscer à la prière divine (Oui !) Gabriel s’est écrié : Tout interdit j’exulte… Réjouis-toi Épouse inépousée… Ton sein est devenu le Sanctuaire de la condescendance divine..

Le récit des événements qui constituent l’histoire de notre salut nous est rapporté sous l’inspiration de l’Esprit par des auteurs qui utilisent les termes qu’ils pouvaient saisir et que leurs auditeurs pouvaient entendre. Il n’était pas question, et d’ailleurs ç’aurait été parfaitement inutile, de parler aux Hébreux d’espaces inter-sidéraux ou de mécanique quantique. Il était déjà beau — mais nécessaire — qu’ils puissent voir le Soleil tourner autour de la terre et rythmer les saisons qui règlent la vie des plantes et des animaux. La Loi leur imposa d’établir un calendrier pour apprendre à maîtriser et à domestiquer les éléments naturels.

La Révélation demande à l’homme de se construire une sagesse, une philosophie, mais les événements que nous rapporte la Révélation sont antérieurs et supérieurs à la philosophie, puisque même la sagesse des Anges resta émerveillée devant ces événements.

La Révélation fut d’abord la Loi adamique, qu’Adam transgressa en préférant sa volonté propre pour discerner entre le Bien et le Mal. La catastrophe qui en résulta amena le Créateur à nous aménager un monde transistoire, mais les hommes ne voulurent pas se plier à la Loi divine. D’où le Déluge et Noé fut sauvé des eaux. Il reçut la Loi noachique. Il avait le droit de se nourrir de la chair des animaux. (Au fait comment les enfants de Noé, sauvés avec lui, purent-ils se multiplier en respectant la prohibition de la consanguinité ? J’avoue que je ne sais : tous ces récits comportent de nombreuses obscurités)

Cela ne suffisait pas, mais Abraham prit conscience de l’existence d’un Dieu unique créateur du cosmods. Dieu fit de lui un nomade. Alors eut lieu cette visite extraordinaire des Personnes divines à Abraham. C’est la conclusion de cette Alliance abrahamique, qu’aucune philosophie, aucune idéologie n’avait prévu, puis Dieu demanda Abraham de sacrifier la chair de sa chair mais refusa au dernier moment. Puis il y eut la captivité en Égypte, la captivité imposée par la philosophie humaine; Puis l’Exode et Moïse vit Dieu au Sinaï, mais de dos, et on eut la loi mosaïque et le culte unique de l’Arche d’Alliance. Et ce fut aussi le début de la Révélation écrite, de l’Écriture sainte.

Et nous voici avec la Loi des Béatitudes qui n’est plus une loi, mais une invitation à la sainteté, et une promesse du Royaume (avec la restauration dans sa splendeur initiale).

C’est aussi la proclamation par les Anges de bienveillance envers les hommes et du pardon d’Adam (“Paix pour les hommes. C’est l’aboutissement de la kénose : l’Incarnation du Dieu-homme parmi nous. C’est cette folie divine qui avait bouleversé Érasme de Rotterdam lorsqu’il lisait les commentaires de Théophylacte d’Ohrid sur l’Évangile. Formé à la dogmatique des scolastiques il aperçut un tout autre enseignement : La kénôse du Fils unique et Verbe de Dieu acceptant la Croix pour y prendre au piège la Mort comme à un hameçon. Inlassablement Dieut se tient à la porte et frappe discrètement pour voir si l’homme ouvre son cœur et il soigne les blessures qu’avait subies Adam jadis pour avoir choisi sa volonté propre.

Le rationalisme occidental a choisi une tout autre voie, il avait inventé une “théologie genérale” : 1; de Dieu, son existence et ses attributs. 2. la Révélation; 3. La Création du monde et de l’homme. L’immortalité de l’âme. 4. La chute et ses conséquences. 5. la Rédemption et 6. L’Église et les sept sqacrements qui justifient l’homme et apaisent le courroux divin. Les paraboles étaient des histoires édifiantes qui amenaient l’homme à l’observance des commandements de Dieu.”S’il y a une chose à retenir de l’Évangile, c’est la parabole du Bon Samaritain, qui nous montre que nous devons porter secours à notre prochain.”

Un petit complément parlait aussi du Saint Esprit et des mystiques.

Mais non, dans toute l’Écriture sainte, c’est le Verbe Lui-même qui nous parle de Lui-même et qui nous révèle ce qui nous arrive réellement. C’est cela l’historicité qui nous est enseignée par l’Orthodoxie, c’est-à-dire la véritable théologie.

Au lieu de cela on voudrait ne nous enseigner que ce que la critique textuelle permet d’établir “scientifiquement”, et refondre l’hymnographie pour tenir compte des résultats de l’exégèse moderne !

les paraboles ne sont pas des fables. Lorsque le Christ nous dit qu’un semeur sortit pour semer, il est vraiment ce Semeur. Lorsqu’il dit qu’un maître confia la gestion de ses biens à un intendant, il est vraiment ce Maître. Lorsqu’il nous dit que le fils prodigue quitta son père, eut beaucoup de malheurs, puis revint vers son père, il est vraiment le Père, et l’homme est vraiment le fils prodigue, etc. Les paraboles nous donnent un enseignement sur la vérité vraie qui dépasse les possibilités du langage humain.

D’autre part il faut bien distinguer ce qu’a voulu et dit le Créateur à l’origine, et qui finalement se réalisera, et le drame initié par la faute d’Adam, que le Créateur pré-savait bien sûr, mais dont il n’est pas l’auteur. Ce drame a altéré la Création initiale. Et il y a l’Économie du salut, par laquelle le Verbe s’incarne et permet à l’homme de faire son salut. Si Adam avait obéi à la volonté divine, cet “accroc” n’aurait pas eu lieu, et le Dieu-homme n’aurait pas eu “besoin” de venir le réparer. Mais il serait bien présent parmi nous pour nous incorporer à la vie trinitaire.
Jean-Louis Palierne
paliernejl@wanadoo.fr
Antoine
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Message par Antoine »

XB!
Je reporte ci-dessous l'homélie de St Macaire publiée en guise de salutation pascale à la rubrique Pâques 2007 ainsi que la question d'Elisabeth.


Mais ce prodige est un scandale pour les Juifs, et une folie pour les Grecs. Que dit l'Apôtre ? «Nous, nous prêchons Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié, scandale pour les Juifs, et folie pour les Grecs, mais pour nous qui sommes sauvés, c'est le Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu» (1 Cor., 1, 23). Car dans le corps mort, il y a la vie ; là est la rédemption, là est la lumière ; c'est là que le Seigneur vient trouver la mort, discute avec elle et lui ordonne de faire sortir les âmes des enfers et de la mort et de les lui rendre. Mais voici que la mort, toute troublée par cet ordre, va trouver ses serviteurs et rassemble toutes ses forces ; alors, le Prince du mal produit la cédule de notre dette et dit : «Voici que ceux-là ont obéi à ma parole ; voici comment les hommes nous ont adorés.» Mais Dieu, le Juge équitable, démontre ici son bon droit et lui dit : «Adam t'a écouté, et tu as pris possession de tous les cœur. L'humanité t'a écouté. Mais pourquoi mon corps est-il ici ? Lui, il est sans péché. Le corps du premier Adam t'appartient, et c'est à bon droit que tu détiens la cédule de sa dette. Mais moi, tous attestent que je n'ai pas péché. Je ne te dois absolument rien. Et de ce que je suis le Fils de Dieu, tous me rendent témoignage. Du haut du ciel, une voix descendue sur la terre a témoigné : «Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le» (Mt., 17, 5). Jean atteste : «Voici l'Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde» (Jn 1, 29). Et l'Écriture dit encore : «Celui-ci n'a pas commis de péché ; il n'y a pas de fausseté en lui» (1 Pierre, 2, 22). Et ceci «Le Prince du monde vient, et il ne trouvera rien en moi» (Jn, 14, 30). Et toi-même, Satan, tu témoignes en ma faveur : «Je sais qui tu es, le Fils de Dieu» (Mc, 1, 24). Et une autre fois : «Qu'avons-nous à faire avec toi, Jésus de Nazareth ? Tu es venu avant le temps pour nous tourmenter» (Mt., 8, 29). Il en est donc trois qui me rendent témoignage : Celui qui parle du haut du ciel, ceux qui sont sur la terre, et toi-même. Je rachète donc le corps qui t'a été vendu par le premier Adam et je détruis ta cédule. J'ai payé la dette d'Adam par ma crucifixion et ma descente aux enfers. Et maintenant, Enfer, Ténèbre et Mort, je vous le commande Rendez les âmes d'Adam qui sont prisonnières !» Alors les puissances mauvaises, frappées de terreur, libèrent Adam captif.
Mais quand tu entends qu'en ce temps-là le Seigneur a délivré les âmes des enfers et des ténèbres, qu'il est descendu aux enfers et a accompli une oeuvre glorieuse, ne crois pas que toutes ces choses sont éloignées de ton âme. En effet, l'homme peut laisser entrer le Malin et le recevoir ; en effet, la mort tient les âmes d'Adam captives; et les pensées de l'âme sont enfermées dans les ténèbres. Quand tu entends parler de sépulcres, ne pense pas seulement à ceux qui se voient : ton cœur en effet est un sépulcre et un tombeau. De fait, quand le Prince du mal et ses anges s'y nichent, quand il y établit des sentiers et des passages, par lesquels les puissances de Satan circulent dans ton intellect et dans tes pensées, n'es-tu pas en enfer, un tombeau et un sépulcre ? N'es-tu pas alors un mort pour Dieu ? Car Satan y a frappé un argent sans valeur, il a jeté dans ton âme une semence amère, il y a introduit un vieux levain (cf. 1 Cor., 5, 7). Une source boueuse y jaillit. Mais voici que le Seigneur vient dans les âmes qui le cherchent, pénètre au fond des enfers des cœurs et y ordonne à la Mort «Rends-moi les âmes prisonnières qui me cherchent et que tu retiens de force !» Il brise donc les lourdes pierres qui pèsent sur l'âme, il ouvre les sépulcres, ressuscite celui qui était vraiment mort, et conduit hors de la prison ténébreuse l'âme qui y était enfermée.

Saint Macaire onzième homélie, 10-11
Traduction Père Placide Deseille
Abbaye de Bellefontaine
Spiritualité orientale n°40

Saintes Pâques à tous!


Elisabeth a écrit :Christ est ressuscité!

Merci Antoine pour ce texte de Saint Macaire. Il m'interpelle à plusieurs niveaux. Il me semble qu'il y a ici clairement une équivalence entre "Adam" et "l'humanité":
Adam t'a écouté, et tu as pris possession de tous les cœurs. L'humanité t'a écouté.
De même St Macaire parle des âmes d'Adam:
Rendez les âmes d'Adam qui sont prisonnières !
Ceci fait écho à ce que disait Antoine à propos du récit de la Genèse (Rubrique "Par un seul homme le péché est entré dans le monde" viewtopic.php?t=2100): ce n'est pas un texte à lire littéralement, ni l'histoire de "Mr Adam et Mme Eve" (bien qu'un certains nombre de pères de l'Eglise l'interprètent de cette manière).
Dans ce cas, si Adam n'est pas historiquement le premier des hommes, qu'est-ce que la chute et y'a t'il une chute autre que notre chute personnelle, individuelle? Y'a t'il un évènement historique de la chute? Si l'on considère que non, n'y a t'il que le libre arbitre pour expliquer le péché et le mal? Dans ce cas pourquoi procède t'on à des exorcismes lors du baptême des bébés? Et enfin, si la chute ne l'explique pas, qu'est-ce qui explique la mort?
Antoine a écrit :J'ai pris connaissance de votre question et j'essaierai de vous répondre dimanche soir.
Anne Geneviève a écrit :Je mettrai aussi mon grain de sel à partir de ce qu'aura dit Antoine, mais tout de suite un point : nul homme n'est une île.
Adam est un nom générique dans le texte biblique : ha adam, l'homme.
L'apôtre Paul insiste sur le fait que "nous sommes tous morts en Adam".
Ce qui est unique, irréductible, c'est chaque personne humaine mais toutes ces personnes partagent une réalité qu'on peut appeler nature humaine. C'est cela qui est à méditer, avec l'extension et la profondeur du concept de communion. je n'ai pas le temps de développer ce matin mais j'y reviendrai.
Il va de soi que je n'ai pas le monopole de la réponse et que tous sont invités à cette tâche. Jean-Louis Palierne a répondu ci-dessus mais sa réponse ferme toute approfondissement théologique et interdit à St Macaire les développements qu'il nous livre dans son homélie ainsi que ceux des Pères que j'ai déjà cités.
Nous essaierons donc d'aborder comment se profile la notion de chute dans la perspective d'une Genèse lue autrement que comme le récit naïf de l'épopée historique du premier couple.
Antoine
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Message par Antoine »

XB!

Les différents chapitres de la Genèse n’ont pas été écrits dans l’ordre dans lequel ils nous sont présentés . Ils ont été composés en deux périodes : au Xème et au VI ème siècle avant JC. Donc plus de 8 siècles après la mort d’Abraham pour la première rédaction et après la mort de la plupart des prophètes pour la seconde période.
Il s’agit d’abord d’une rédaction de son histoire par le peuple d’Israël puis d’une extension à l’histoire de l’humanité et au questionnement sur son origine. Soulignons que la notion même de création est postérieure à l’expérience vécue que le peuple d’Israel a de sa propre libération. Cela est particulièrement frappant dans le deuxième livre d’Isaïe et cela reste capital dans le Christianisme pour lequel le Christ est le sauveur. C’est à travers la figure du sauveur que nous percevons le créateur. Aujourd’hui nous avons tendance à oublier cet ordonnancement parce que la science ne s’intéresse qu’à l’origine, ignorant cette notion de salut qui ne fait pas partie du champs de ses investigations.

Rachi remarque que la première lettre de la bible n’est pas la première lettre de l'alphabet "aleph" mais la seconde " beth". (Cette lettre hébraïque ressemble à un "c" rectangulaire ouvert sur la gauche.)Cela signifie que ce qui précède le commencement n'est pas accessible à l'homme. De plus Rachi tire de la forme même de la lettre fermée à droite (l'hébreux s'écrivant de droite à gauche) que ce qui précède la création est fermée à l'homme tandis que le déroulement de l'histoire biblique s'ouvre (vers la gauche) comme espace temps dans lequel Dieu dévoile sa présence et son action.

Le récit de la Genèse est d’abord l’expression de l’histoire du salut et non pas le récit historico-scientifique de l’histoire de l’humanité. Ce récit du salut ne se comprend que dans la foi (et je dirais même dans la foi au Christ qui donne sens à toutes ces pages.) Ce relationnel de la foi en Dieu y est plus important que le textuel lui-même qui pris dans son absolu se heurtera inévitablement aux données de la science. C’est dans ce relationnel que nous devons chercher la révélation. L’amour de Dieu est libération; dans cette expérience de libération nous vivons l’amour comme création.

La littéralité du texte biblique devient inintelligible lorsqu’elle cherche un concordisme quelconque en guise de grille de lecture. (L'abbé Lemaître lui- même mettait en garde contre tout concordisme) Faire d’Adam et Eve des personnages historiques est un contre sens radical. Dans le mythe biblique de la création il nous faudra chercher ce qui est de l’ordre de la théophanie pour entrevoir la Révélation, ce qui en est l’expression, la traduction humaine par le récit et le genre littéraire auquel il appartient. L’historicité des textes de la Genèse ne réside pas dans l’événement primordial de la naissance de l’humanité en tant que tel , mais dans le type de narration qui exprime une expérience historique fondamentale d'Israël dont le Christ nous ouvrira le sens..

Ecartons tout de suite une confusion entre mythologie et mythe. La mythologie nous représente l’univers dans un rapport à une transcendance éparpillée en une multiplication de dieux qui ont eux-même une histoire interne temporelle à laquelle nous ne participons pas . Le langage mythique, lui, manie des symboles pour traduire l’indicible que l’expérience humaine fait de la réalité divine. Il est absurde de vouloir réduire l’image symbolique à une réalité historique: cela conduit inévitablement à transformer l’outil du langage mythique en une simple mythologie. Paul Ricoeur écrit «Il doit être bien entendu que la question : "où et quand Adam et Ève ont-ils mangé le fruit défendu?" n'a pas de sens pour nous. Tout effort pour sauver la lettre du récit comme une histoire véritable est vaine et désespérée : ce que nous savons en homme de science des débuts de l'humanité ne laisse pas de place pour un tel événement primordial. Je suis convaincu que cette pleine acceptation du caractère non historique – au sens de l'histoire selon la méthode critique – est l'envers d'une grande conquête : la conquête de la fonction symbolique du mythe. Mais alors il ne faut pas dire : l'histoire de la chute n'est qu'un mythe, c'est-à-dire moins qu'une histoire, mais : l'histoire de la chute a la grandeur du mythe, c'est-à-dire a plus de sens qu'une histoire vraie. »( P. Ricoeur, Finitude et culpabilité II Aubier-Montaigne, Paris, 1960, p. 221-222.)

Lorsque le rédacteur sacerdotal s’attèle au 1er récit de la Genèse il a déjà une connaissance parfaite du second récit qui lui est antérieur Cette rédaction une réaction contre tous les mythes mésopotamiens de création du monde et donc une épuration du récit qui se démarque de tout syncrétisme ambiant qui risque de polluer le peuple d’Israel alors en exil à Babylone.. Le deuxième chapitre n’est pas une reprise du premier et une extension explicative. C’est exactement l’inverse. Le premier chapitre écrit postérieurement au deuxième est un récit liturgique destiné à préservé le peuple d’Israël de toute contamination étrangère à sa foi.. L’univers est présenté comme une sorte de temple érigé par Dieu dans lequel l’homme créé à son image et à sa ressemblance doit tenir le rang sacerdotal.

A partir de Gn 4,25 Adam devient un prénom comme l’a déjà souligné Anne Geneviève dans nos échanges ci-dessus.. L’utilisation de l’éponyme est un procédé conventionnel de personnification de l’origine d’un groupe social. ( La déesse Athéna et Athènes par exemple.) Vouloir reconnaître en Adam un personnage historique est une absurdité.
Elisabeth a parfaitement souligné cette extension d'Adam à toute l'humanité dans l'homélie de St Macaire:
"Enfer, Ténèbre et Mort, je vous le commande Rendez les âmes d'Adam qui sont prisonnières !» Alors les puissances mauvaises, frappées de terreur, libèrent Adam captif."Curieux ce pluriel : "les âmes d’Adam". Adam signifiant l’homme en général il s’agit des âmes des hommes. Cette ’extension que le texte donne à Adam alimente bien le sens d’un adam universel ! . Si nous sommes tous des "adams" c’est qu’Adam est nous tous.
[…] "en effet, la mort tient les âmes d'Adam captives; et les pensées de l'âme sont enfermées dans les ténèbres.
Et St Macaire poursuit l'extension:
Quand tu entends parler de sépulcres, ne pense pas seulement à ceux qui se voient: ton cœur en effet est un sépulcre et un tombeau. De fait, quand le Prince du mal et ses anges s'y nichent, quand il y établit des sentiers et des passages, par lesquels les puissances de Satan circulent dans ton intellect et dans tes pensées, n'es-tu pas en enfer, un tombeau et un sépulcre ? N'es-tu pas alors un mort pour Dieu ?"Nous avons là plus qu'un simple parallélisme, plus qu'une simple comparaison en vue d'une édification spirituelle: Chacun de nous est appelé à devenir temple de Dieu.

Savoureux également dans l'homélie le dialogue aux enfers entre le Christ et Satan dans lequel le Christ cite l'Evangile comme témoignage de sa divinité.
(A suivre….)
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