saints oubliés du Patriarcat d'Antioche

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tanios
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saints oubliés du Patriarcat d'Antioche

Message par tanios »

Ci- après une première tentative de traduction d'un saint du Patriarcat d'Antioche. J'ai traduit par "orthodoxe" le mot "Roum".
Il y a certainement des erreurs et des insuffisances dans cette traduction mais elle reprend l'essentiel du texte dans le livre d'origine publié en 1995...
Il y a certainement des précisions à ajouter et des recherches complémentaires à faire. Ce qui surprend tout de même c'est cette présence d'orthodoxes à Chache qui dépendraient d'Antioche...Chache est à 2000km au moins d'Antioche et à 1000km de Bagdad...A vérifier!
T.
tanios
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Message par tanios »

SAINT CHRISTOPHORE PATRIARCHE D’ANTIOCHE (967)(1)


Ses débuts
Il s’appelait au début Issa. Il est né à Bagdad ; on ne sait pas grand-chose de sa prime jeunesse sauf qu’il a reçu son instruction à Bagdad où il apprit l’art de bien parler et de bien écrire ; il avait notamment une belle écriture.
Jeune homme, il se rendit à Alep où il travailla chez Abou Alhassan Ali Ben Hamdane surnommé « Sayf al Daoula » [915-967](2) ; ce dernier l’envoya chez un grand chef bédouin qui s’appelle Khalifa Ben Jundy, dans le nord de la Syrie , près du fleuve de l’Oronte au nord ouest de la ville de Hama.

Il se montre d’un grand zèle pour les siens
A cette époque, un grave différend survint entre les orthodoxes de la ville perse de Chache et les orthodoxes de Bagdad [La ville de Chache se trouve dans le Turkmenistan dans la région de Tachkent à 170miles environ au nord de Samarcande. A noter que de nos jours il y a 4 paroisses orthodoxes à Tachkent].
Ces orthodoxes de la ville de Chache étaient originaires de Taysfoune [ville sur le Tigre à 35km au Sud - Sud Est de Bagdad détruite en 762 après la fondation de la ville de Bagdad] ; ils avaient été contraints de quitter leur ville en 762. Depuis cette époque de nombreux orthodoxes s’étaient établis à Bagdad dont de nombreux anciens captifs. Les orthodoxes de Bagdad ont demandé que le siège de leur pasteur, le Catholicos, soit à Bagdad qui est la capitale alors que depuis 762 le Catholicos résidait à Chache(3) [le Catholicos est un membre du clergé qui est à un niveau intermédiaire entre le Patriarche et le métropolite et il a en charge plusieurs diocèses]. Le conflit verbal était à son comble lorsque le Catholicos s’endormit dans le Seigneur dans la ville de Chache. Une délégation de Chache se rendit alors chez le Patriarche d’Antioche pour nommer un nouveau Catholicos ; et en même temps les orthodoxes de Bagdad présentèrent leur requête auprès du Patriarche d’Antioche. Comme Christophore aimait beaucoup les orthodoxes de Bagdad, il prit congé auprès de son maître et se rendit à Antioche pour défendre le point de vue des orthodoxes de Bagdad. Les responsables du Patriarcat à Antioche apprécièrent alors les grandes qualités de Christophore.
Or peu de temps après son arrivée à Antioche, le Patriarche mourait [ ce Patriarche qui était Agape Ibn Alkaabaroune a occupé cette fonction probablement entre 953 et 960 ; à cette époque le Calife Abasside s’appelait Almouti Lillah(946-974)].
Ayant donc remarqué les grandes qualités de Christophore les Antiochiens ont souhaité le faire Patriarche. Il semble qu’à cette époque et depuis la domination musulmane les orthodoxes d’Antioche laïcs et prêtres choisissaient eux-mêmes leur Patriarche. Alors ils se rendirent chez « Sayf al daoula » (Antioche faisait partie de la région dominée par « Sayf al daoula ») qui accepta leur demande. Alors Issa fut intronisé Patriarche par le peuple, prêtres et autres évêques et prit le nom de Christophore « celui qui porte le Christ ».

Ses qualités
Bien qu’il n’ait pas été moine, le nouveau Patriarche n’en avait pas moins l’esprit et la pratique. Ainsi depuis son intronisation il ne mangea plus jamais de la viande et il jeûnait tous les jours ne mangeant que le soir se contentant de peu. Et très souvent il ne mangeait ni œufs ni poisson, cependant il buvait un peu d’eau mélange avec le vin.
Il se levait tôt les jours de la semaine, avant l’aube, pour la prière ; et il priait toute la nuit dès samedi soir jusqu’à dimanche matin. Durant la prière il s’oubliait et restait debout immobile au point que ceux qui le regardaient pensaient qu’il allait tomber par terre !
Sa sagesse et son souci du maintien de l’unité de son troupeau se manifestèrent à plusieurs reprise comme lors du conflit entre les orthodoxes de Bagdad et ceux de Chache. Dès qu’il devint Patriarche il a établi deux catholicos, l’un pour Bagdad où il nomma une personne originaire d’Alep qui s’appelait Majed et l’autre pour Chache où il nomma une personne originaire d’Antioche qui s’appelait Eftichios.
Et par ailleurs il a nommé des évêques sur les diocèses vacants qu’il choisit parmi des hommes ayant une conscience saine, ne s’occupant pas de leurs propres intérêts et pouvant tenir tête à l’influence des puissants. Mais il n’imposa jamais un évêque contre la volonté du peuple, il les nomma en accord avec tout le monde.

Sa fermeté
Ce qu’on raconte de sa fermeté vis-à-vis des puissants de ce monde est qu’un prêtre médecin commit une fois une faute mineure pour laquelle le Patriarche le sanctionna. Alors un des émirs de la famille des Bani Hamdane connu pour sa brutalité et sa puissance intervint auprès du Patriarche pour intercéder en faveur du prêtre-médecin car il était l’un de ses amis : il lui dit « accorde moi ô Patriarche la faute de ce prêtre et pardonne-le lui » .
Alors le Patriarche lui répondit : « Je ne peux t’accorder cela ô mon émir ».
L’émir dit : « Tu ne me respectes pas ? Qu’est-ce que tu ne peux pas faire si je t’en donne l’ordre ? »
Le Patriarche répondit : « Ce qui est en rapport avec ma religion et ma loi. Car nous vous obéissons en toute chose mais pas en ce qui concerne ce qui n’est pas autorisé par notre religion, dans ce cas nous sommes disposés à aller en prison et passer au tranchant de l’épée ».
L’émir dit : « Dis-moi au moins quelle est cette transgression qui touche ta religion ».
Le Patriarche : « Avant que tu ne viennes ô Emir, la faute était légère, à présent elle est devenue grande et il ne convient plus de la pardonner car il n’est pas permis à toi qui es musulman et qui n’adhère pas à notre foi qu’un prêtre demande ton soutien pour une question qui ne concerne que l’Eglise ».
L’Emir se mit en colère et dit : « A partir de maintenant porte beaucoup d’armes sur toi et sois certain que tu mourras car je prendrai ta tête même si tu te trouves sur les genoux du grand Emir [çàd Sayf al daoula] ».
Le Patriarche n’a pas eu peur et ne recula pas maintenant ferme sa position et mettant sa confiance en Dieu.

Le soin accordé aux faibles
Le Patriarche accordait beaucoup d’attention aux faibles et démunis. Il s’occupait d’eux personnellement, s’enquérant de leurs besoins et veillant à leur procurer à l’un de l’argent, à l’autre des vêtements ou de la nourriture. Il ne s’accordait pas de repos avant d’avoir répondu aux demandes qui lui sont faites.
Une fois arriva avec sa famille un prêtre d’une région lointaine et il était dans le dénuement. Alors le Patriarche donna l’ordre de fournir à cette famille du blé, de l’huile et du vin pour une année entière et il ne le laissa partir qu’après lui avoir donné une somme d’argent suffisante pour subvenir aux besoins de base en nourriture et habillement.
Une autre fois une famine survint alors le Patriarche rassembla les personnes âgées, les malades, les jeunes et les orphelins avec les prêtres et diacres et leur commandait de la nourriture leur donnant lui-même parfois à manger.
Par ailleurs il s’occupait également des prisonniers et de ceux qui avaient des dettes n’hésitant pas à aller chez les prêteurs le cas échéant.
Il cherchait aussi à aider ceux qui pouvaient difficilement s’acquitter de la « Jizya personnelle » qui est un impôt spécial sur les chrétiens en contrepartie de quoi on les laissait tranquille, et ceux qui ne pouvaient s’en acquitter devaient se convertir à l’islam. Et comme il y avait de nombreux pauvres c’était le Patriarche qui payait pour les plus pauvres. Et lorsqu’il se trouva dans l’incapacité de payer davantage, il se rendit chez « Sayf el daoula » à Alep ; ce dernier le tenait en estime alors il lui accorde une remise annuelle de 10000dirhams.
Ainsi personne parmi les chrétiens ne se trouva contraint de passer à l’islam.

Son intérêt pour l’instruction
Il rassembla les enfants et leur donna des maîtres. Et parmi les enfants il chosissait les plus doués afin qu’ils approfondissent leurs connaissances sur l’Eglise. Il a réuni environ 150 enfants dont il suivait les progrès leur assurant de la nourriture et un peu d’argent.

Un mouvement de rébellion
Le grand Emir « Sayf al daoula » ayant été frappé de paralysie partielle en 963 , et les Byzantins ayant accru leur pression militaire en Syrie du nord , ces évènements ont entraîné des troubles à Antioche ou un mouvement de rébellion par rapport à l’autorité de « Sayf el daoula » surgit . Il en résultat des conflits entre les partisans de « Sayf el daoula » et les rebelles qui dura quelque temps. Durant ce conflit le Patriarche Christophore a préféré quitter Antioche pour le monastère de Saint Syméon d’Alep parce qu’il ne voulait pas qu’il soit compté du côté des rebelles montrant ainsi sa fidélité à « Sayf el daoula ». Les rebelles ont alors considéré le Patriarche comme leur ennemi et arrêtèrent les personnes qui travaillaient dans le siège Patriarcal et menacèrent le Patriarche de tous les maux s’il ne revenait. Une personne du monastère appelé Théodule dit alors au Patriarche : « Comment peux-tu dire après cela à tes fidèles je suis le bon pasteur ? Tu as laissé tes brebis à la merci des loups ». Le Patriarche le fit taire en lui disant qu’il ne sait pas de quoi il parle.
Peu après, « Sayf el daoula » a écrasé militairement la rébellion et tua ses chefs.
Le Patriarche rencontra peu après « Sayf el daoula » qui lui fit le meilleur accueil. Le Patriarche en profita pour demander le pardon de nombreux notables musulmans ce qui lui fut accordé. Cependant parmi ceux-là certains étaient jaloux du Patriarche et lui voulaient du mal et le bien qui leur a été fait les rendait encore plus méchants.

Il donne sa vie pour ses fidèles
Lorsque « Sayf el daoula » mourut en 967 alors ceux qui étaient jaloux du patriarche ont commencé à agir : ils étaient trois, ils s’appelaient Ibn Malek, Ibn Mahmoud et Ibn Doughama. Ils s’arrangèrent pour obtenir une fatwa d’un religieux musulman rendant licite le versement du sang du Patriarche pour cause de « complot contre une forteresse musulmane ». Et ils demandèrent de l’aide de gens originaires de Khourassane [province perse].
Cependant un musulman vertueux qui s’appelait Ibn Abi Amrou a fait savoir au Patriarche du complot qui se tramait et lui conseilla de partir au plus vite à Alep. Mais le Patriarche refusa car il craignait pour ses fidèles. Il fit appeler Théodule celui-là même qui lui avait dit lors de son séjour au monastère de Saint Syméon d’Alep qu’il ne lui convenait plus de dire de lui-même qu’il est un bon pasteur. Lorsque Théodule se présenta à lui il l’informa du complot qui se tramait et lui demanda ce qu’il en pensait. Théodule lui répondit : appuie-toi sur Dieu et quitte la ville ; c’est la décision la plus sage. Alors le Patriarche lui dit : si je fais comme tu me le conseilles, par la suite tu vas me railler…ceux qui veulent me tuer sont des assassins jaloux…et s’ils n’arrivent pas à me tuer ils ne laisseront pas un chrétien vivant et détruiront les églises…l’heure est venue où je dois dire que non seulement que je suis le bon pasteur mais que le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis. Et tu verras bientôt cette barbe que j’ai entachée de mon sang.
Puis le Patriarche envoya dire à Ibn Malek qu’il voulait lui rendre visite. Alors ce dernier l’accueillit un soir après s’être préparé à l’assassinat. Dès que le Patriarche arriva Ibn Malek l’accusa de comploter, il appela ses complices qui l’ont poignardé , puis ayant coupé sa tête jetèrent son corps dans le fleuve.
Le lendemain les comploteurs se rendirent au siège du Patriarcat et prirent avec eux des objets d’église mais ils ne s’attaquèrent pas aux chrétiens « car il fallait que s’accomplisse la parole de leur Patriarche qui avait prédit que s’ils le tuaient à lui ils ne feraient du mal qu’à lui seul ».
Quelque temps après les Byzantins ont repris Antioche un jeudi 28 octobre 969. Ibn Malek fut arrêté et conduit au lieu où le corps de Christophore avait été jeté et il fut tué. Ibn Mahmoud périt en prison et Ibn Doughama fut jeté dans la mer enchainé avec de lourdes pierres.
Quand au saint Patriarche son martyr avait eu lieu le 23 mai 967 ; et 8 jours après son martyr son corps fut retrouvé dans une sorte d’îlot dans le fleuve. Des chrétiens le prirent en secret et lui firent une sépulture dans un monastère appelé « Archaya ». Et lorsque le moine Théodore devint Patriarche (de 970 à 976) ; il le transporta à la grande église de la ville au cours d’une célébration imposante. Plus tard, lorsque le Patriarche d’Antioche était Nicolas le second (1025-1030) sa relique fut placé dans la maison de l’apôtre Pierre.
Que ses prières et son intercession nous sauvent et nous gardent. Amen.

D’après le livre « Les Saints oubliés de l’Eglise d’Antioche » Edité en 1995 par Imprimerie Annour, et écrit par le moine-archimandrite Thomas (Bitar).


(1) Le récit de la vie du Saint Martyr le Patriarche Christophore se trouve dans des synaxaires syriens melkites dont le synaxaire (en arabe) du Sinaï daté de 1237. Le récit présenté ici est inspiré de publications faites par le diacre Paul fils du Patriarche Macaire Alzaiim elles-mêmes reprises par Habib Elzayyat dans la revue Le Proche Orient Chrétien tome 2 , année 1952 p. 11-38 et 333-366.
(2) « Sayf el daoula » était un grand Emir de la famille des Hamadani qui a dominé la région d’Alep et le nord de la Syrie. Un célèbre poète arabe « Al Moutannabi » a écrit des poèmes glorifiant les qualités de « Sayf al daoula ». Un autre grand poète arabe de la même époque est un membre de cette famille : Abou Firas Alhamadani.
(3) D’après le Patriarche Macaire Alzaiim dans son livre « Histoire des Patriarches d’Antioche » précise que depuis le concile des « 318 » à Nicée il était d’usage que le Patriarche d’Antioche nomme un Catholicos pour les provinces de « Babylone, Mossoul ,de Khorassane et autres provinces d’Orient » ; et lorsque le Calife Abasside Almansour a fondé la ville de Bagdad , il fit venir à Bagdad les chrétiens des diverses zones de ces provinces d’Orient. Cette présence d’orthodoxes à l’est de l’Euphrate est obscure ; les articles suivants en parlent : J.M. Fiey « Rum à l’est de l’Euphrate 1977, pp365-420 dans Le Muséon » ; N. Edelby « Note sur le catholicosat de Romagyris » dans Proche-Orient chrétien 1952 p. 39-46. ; Mgr. J. Nasrallah « L’Eglise Melchite en Iraq, en Perse et dans l’Asie centrale » dans Proche-Orient Chrétien 1975 p.173 et 1976 p.16-34 et 319-353 ; M. Canard Compte-rendu sur « Une vie du Patriarche Melkite d’Antioche , Christophore (+967), dans Byzantion 1953 , p.561-569.
Silouane
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Message par Silouane »

Merci Tanios d'avoir traduit ce récit passionnant! Quel évêque, ce patriarche Christophore...
Silouane
tanios
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Message par tanios »

SAINT JEAN ALDAILAMI [1]

Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit .
« Récit de la vie de notre saint père qui a reçu la grâce divine, Mari Jean Aldailami apôtre du pays des dailamites [2] (ainsi que d’autres contrées), de ce qu’il a été possible de rassembler comme informations et de tout ce que Dieu a fait à travers son serviteur comme signes et exploits remarquables. Que sa prière nous garde. Amen. Bénis Père ».

Et voici son histoire.

Des parents stériles
Son père Ibrahim et sa mère Sarah étaient pieux, vertueux, et matériellement aisés. Ils habitaient la ville de Alhaditha près de Mossoul. Dieu ne leur avait pas accordé une descendance, aussi ils suppliaient Dieu (de leur accorder un enfant); ils visitaient les pauvres, les églises et monastères, ils ont également réservé (au sein de leur habitation) une pièce pour accueillir les étrangers. Ils demandaient aux prêtres et moines de prier pour eux afin qu’ils aient un enfant.
Il arriva qu’un jour des moines étaient de passage, ils venaient d’un monastère appelé « Baghaoui » de la région de Mossoul. Et parmi les moines il y en avait un particulièrement pieux appelé Syméon le Koufi. Ibrahim les reçut et les honora mais il avait le cœur serré parce que sans enfant. Syméon lui dit : « ne t’attriste pas et aie confiance en la miséricorde de Dieu envers toi pour ta bienveillance envers les moines, j’espère que nous repasserons chez toi dans un an et qu’alors tu seras père d’un enfant mâle béni et Dieu réalisera ton désir ».
Et comme annoncé par le moine Syméon, le Seigneur accorda à Ibrahim et Sarah un petit garçon. L’année suivante lorsque le moine Syméon revint il le porta, le bénit et l’appela Jean en disant : « Il sera très grand dans ce monde et dans l’autre, et Dieu à travers lui ramènera beaucoup de ses créatures de l’adoration du diable ».
La période de sa prime jeunesse
A 8ans Jean fréquentait une sorte d’école appelée « office de la science syriaque » :il pouvait apprendre en une journée ce que d’autres apprenaient en plusieurs jours. Ainsi 12 ans il avait terminé la lecture des livres anciens et récents. Il était assidu au jeûne et à la prière jour et nuit. Il lisait les livres et les récits des saints pères.
Un jour des moines du monastère « Baghaoui » sont passés comme d’habitude chez Ibrahim, et Jean ne les quittait pas. Lorsqu’ils ont voulu partir, Jean leur demanda de partir lui aussi avec eux mais ils refusèrent à cause de son jeune âge. Jean s’attrista mais il les suivit après leur départ sans que ses parents ne la sachent, cependant il ne put les rejoindre.
Au monastère
Jean a continué à marcher jusqu’à ce qu’il ait atteint le fleuve « zab », il ne trouva pas ce qu’il cherchait alors il pleura, puis levant les yeux vers le ciel il pria : « Seigneur, c’est Toi qui a incliné mon cœur à préférer Ton obéissance, qui m’a rempli de Ta crainte et m’a fait désirer ce que Tu as préparé comme merveilles à ceux qui Te révèrent selon Ta miséricorde. Ne m’abandonne pas, guide moi vers Toi et prends pitié de ma jeunesse et de mon inexpérience car c’est sur Toi que je m’appuie ».
Or peu de temps après un groupe de nomades passait par là, ils eurent pitié de lui et l’ayant installé sur l’un de leurs dromadaires, ils le conduisirent près du monastère ; alors se tournant vers l’Orient il se prosterna et dit : « Tu m’as accueilli Seigneur, alors j’ai haï le monde et ce qu’il y a dans le monde, ne m’abandonne pas à moi-même, mais envoie moi un ange de miséricorde et donne-moi un père spirituel parmi les moines se trouvant dans ce monastère pour qu’il m’apprenne le bien, la piété, qu’il accomplisse la prédiction faite par les moines que mon père a reçu à son domicile, et ne me laisse pas sans ta miséricorde ». Puis il s’introduit au monastère, les moines l’observèrent étonnés par sa beauté physique et sa façon de bien parler, mais ils ne lui ont pas adressé la parole et détournèrent leurs yeux. En ce temps Jean était parmi les meilleurs de son époque : il avait une bonne prestance, était clair de peau et avait les cheveux noirs.
Lorsqu’il parvint à la cellule de Syméon l’ancien, il frappa à la porte. Lorsque Syméon l’ancien lui ouvrit et le vit il referma aussitôt la porte et ne dit rien. Il se mit alors à prier demandant à Dieu de l’éclairer au sujet de Jean. Il eut alors une vision dans son sommeil : un ange lui disant « accepte le jeune homme, c’est lui que tu avais demandé au Seigneur d’accorder à Ibrahim ». Syméon l’ancien se réveilla alors joyeux et ouvrit la porte de sa cellule ; il aperçut Jean debout comme lorsqu’il avait fermé la porte, il le fit entrer, demanda une autorisation à l’higoumène au sujet de Jean et l’installa dans une sorte de petite dépendance du monastère.
Jean est resté 10 ans dans cette situation ne sortant de son lieu que le dimanche pour participer à la liturgie. Il jeûnait le jour et veillait la nuit.
Ensuite l’higoumène lui procura une cellule où Jean s’enferma ne sortant qu’un jour sur cinquante. Il vécut ainsi 10 autres années pratiquant une ascèse très sévère car il ne désirait plus rien de ce monde. Ensuite durant 10 autres années il ne sortit plus que 3 fois l’année : le grand jeudi, le samedi lumineux et le dimanche de Pâques.
Son départ du monastère
Syméon l’ancien (qui était devenu entre-temps higoumène) apprit par l’Esprit Saint qui l’habitait qu’une famine surviendrait dans le pays, il appela Jean et deux autres moines et leur dit : « Le Seigneur va envoyer une famine sur le pays. Quittons ce monastère et allons là où le Seigneur nous dirigera …nous ne verrons pas ainsi les frères mourir de faim alors que nous serons dans l’incapacité de les secourir ».
Ils partirent alors jusqu’à ce qu’ils aient atteint la montagne de « Silotisfon » ; ils y restèrent et construisirent un autel pour l’Eucharistie. Après la célébration ils se séparaient dans la montagne sans que l’un ne sache où se trouvaient les autres et cela jusqu’au dimanche d’après pour la liturgie. Ils vécurent ainsi quelques années, leurs visages étaient lumineux, en particulier celui de l’Ancien car il les dépassait en vertu et prière.
La prédiction de l’Ancien
L’Ancien sachant que l’heure de son départ était imminente appela ses disciples et leur dit : « Sachez mes enfants que l’heure de mon départ est proche, alors écoutez ce que j’ai à vous dire ». Il appela le plus âgé de ses disciples qui s’appelait « Siricha » et lui dit : « Après mon départ tu seras très heureux, tu reviendras vers ton pays où tu vivras jusqu’à la fin de ta vie ». Puis il appela le plus jeune qui s’appelait « Nouha » et lui dit : « Sache mon enfant que je m’en vais de ce monde triste pour toi car tu quitteras ce lieu pour te rendre vers ta ville natale, et en route le loup te rencontrera et il te dévorera ». Enfin il appela Jean et lui dit : « Sache mon enfant que tu retourneras à ton pays mais que tu seras pris en captivité par les dailamites et tu seras au service de sept d’entre eux qui seront des maîtres durs , ils te causeront beaucoup de peines et ils te feront souffrir plus que les martyrs mais Dieu te sauvera et tu seras une autorité en matière de foi…tu ramèneras un grand nombre de l’adoration du diable vers l’adoration de Dieu et Il fera à travers toi de grands miracles, plus que ceux que le Seigneur a réalisé à travers mes mains ou à travers ses saints….de nombreux peuples seront bénis par ton intermédiaire et Dieu élèvera ton nom de ton vivant et après ton départ ». Puis l’Ancien dit à Jean et aux deux autres disciples : « Lorsque le Seigneur me prendra, priez pour moi et placez mon corps dans ce lieu où nous nous retrouvions pour la prière. Fermez la porte et que personne ne reste alors dans la montagne ». Ayant donné ses instructions l’Ancien étendit s’étendit sur le sol et s’endormit dans le Seigneur.
Le plus âgé des disciples retourna dans son pays puis s’établit dans le monastère de Deir Tora où il réalisa de grands signes.
Le plus jeune se rendit vers une ville où il fit la connaissance d’une femme qu’il demanda en mariage ; elle accepta alors il retira son habit de moine et l’épousa.
Captif des dailamites
Il ne plut pas à Jean de quitter rapidement le corps de son maître, il resta quelque temps dans la montagne. Puis étant triste de ce qu’il est advenu à son compagnon qui délaissa l’habit monastique il décida de le ramener vers la vie des moines.. Mais sur sa route il rencontra des dailamites armés qui l’ont pris en captivité et lui ont attaché les mains autour du cou. Les dailamites en ce temps combattaient la domination arabe dans la région de Mossoul ; et c’était la dynastie des Omeyyades qui régnait.
Il arriva que les arabes ont pu assiéger l’armée des dailamites leur coupant l’accès à l’eau, beaucoup moururent de soif et d’autres étaient agonisants. Voyant cela Jean proposa au chef des dailamites que lui Jean prie Dieu afin d’obtenir son secours en retour de quoi le chef dailamite lui rendrait sa liberté ce que le chef dailamite accepta. Jean se retira dans un coin du campement des militaires et se prosterna priant Dieu avec ferveur afin qu’Il envoie aux soldats de l’eau. Puis s’avançant vers une pierre dans le champ , il fit sur la pierre le signe de croix et dit : « Moi Jean j’ordonne à cette pierre au Nom du Seigneur Jésus Christ qui donna au bâton de Moïse son serviteur la solidité pour frapper la pierre de silex dans le désert et en faire jaillir 12 sources d’eau pour les 12 tribus d’Israël , j’ordonne donc à cette pierre qu’il en sorte de l’eau douce pour désaltérer ces soldats qui sont sur le point de mourir de soif ». Dès que Jean termina sa prière il sortit de l’eau de la pierre et cette eau devint comme un fleuve. Tout le monde but jusqu’à satiété mais le chef dailamite refusa de libérer Jean.
Les soldats purent ensuite rentrer dans leur pays, ils se partagèrent le butin et les captifs et Jean a fait partie de celui qui l’avait attrapé au début qui devint son maître et le mit à son service et à neuf de ses fils. Ceux-ci ont été très durs à son égard et Jean supportait tout, gardant la prière et les jeûnes, louant Dieu en tout temps. Alors le maître lui proposa d’aller au temple adorer les idoles en contrepartie de quoi il le considérerait comme un des ses enfants et lui donnerait sa liberté. Jean lui fit cette réponse: « Je te remercie pour ta proposition mais je ne considère qu’il me convient –comme à quiconque- d’adorer des statues faites de main d’homme, l’adoration doit être uniquement au Seigneur qui a crée toute chose ». Son maître se mit en colère et ordonna qu’il devienne conducteur de ses bêtes. Jean assura cette fonction longtemps sans se plaindre mais bien au contraire il louait et glorifiait Dieu lui demandant de lui donner la patience, trouvant dans la lecture d’un livre des évangiles qu’il avait pu garder sa consolation.
Et son maître entendait la nuit Jean chanter les psaumes et cela lui plaisait car Jean avait une belle voix et son maître pensait qu’il s’agissait de chants profanes.
Un jour son maître organisa une fête ; il demanda à Jean de chanter un des chants qu’il entendait la nuit…alors Jean psalmodia en syriaque les plaintes de Jérémie et de ses yeux coulaient des larmes abondantes. Son maître voyant cela se leva et frappa Jean ; alors Jean lui dit : « si tu m’as frappé injustement alors Dieu te retirera ta vie et tu ne vivras pas après ce jour ». Le lendemain une épidémie survint et son maître était une des premières victimes.
Quelque temps après, et avec d’autres tribulations, Jean put quitter (ayant été affranchi) la famille de ce dailamite, il parcourut les villages appelant les habitants à la conversion et faisant de grands signes ; alors beaucoup crurent par son témoignage.
Il se tint à la place principale d’une ville et annonça : « O gens, retournez à vous-même et cessez d’adorer les statues, les idoles, le feu et les astres qui ne font rien mais qui ont été crées par Dieu et adorez Dieu qui nous a crée et qui a crée toute chose , la vie et la mort étant entre ses mains, si vous croyez Il vous accorderas la joie éternelle et vous serez semblables aux anges ». Ils lui dirent : « Montre nous ce Dieu que tu annonces ». Il dit : « Le Dieu que je vous annonce ne peut être décrit ou être vu ». Ils dirent : « Nous n’avons pas besoin d’adorer un dieu que nous ne voyons pas mais nous voulons adorer un dieu qui peut nous répondre et accorder ce que nous lui demandons ». Puis ils se lancèrent vers lui et le rouèrent de coups ; levant les yeux vers le ciel il pria et leur dit : « Attendez que je demande à vos dieux de me donner de leurs nouvelles, si elles me répondent je les adorerai ». Satisfaits de sa proposition ils l’amenèrent à leur temple. Voyant les statues faite de bois et de bronze son cœur en fut peiné, il pria puis se tournant vers les statues il dit : « Je vous dis vous à vous qui êtes des demeures de satan que la parole de Dieu est créatrice de toute chose, tombez de vos supports et que ceux qui demeurent en vous s’en aillent ». Les statues tombèrent et se brisèrent. Les habitants de la ville en furent étonnés puis prenant peur ils se jetèrent entre les mains du saint et lui dirent : « Certainement que ton Dieu est créateur de toute chose, et dorénavant nous croyons en lui, alors intercède auprès de ton Dieu afin qu’Il pardonne nos pêchés et notre absence de foi en lui ». Il les réconforta et leur apprit que par le baptême ils peuvent se purifier de leurs pêchés et que leur foi en Christ efface leur idolâtrie antérieure.
Le saint écrivit aux autorités de l’Eglise qui lui envoyèrent un évêque et des prêtres qui baptisèrent des milliers de personnes, formèrent des prêtres et établirent des évêques. Et quand la grâce de Dieu s’accomplit en eux il les quitta et leur enjoignit de tenir ferme à leur foi.
Il amène à la foi des adorateurs des arbres
Puis le saint partit vers une autre ville où les habitants adoraient les arbres. Un jour où les habitants de cette ville devaient faire des offrandes pour les arbres le saint leur dit : « Ayez la crainte de Dieu et ne sombrez pas dans l’égarement, adorez Dieu votre Créateur et créateur de toutes choses et sachez que les arbres ont été crées par Dieu pour votre nourriture et votre bien-être, mais il ne les pas fait pour être adorés à sa placé ».
Ils se moquèrent de lui se lancèrent sur lui pour le frapper et ils le jetèrent hors de la ville. Il resta quelques jours à l’extérieur puis s’étant déguisé, il entra dans la ville, acheta une hache et vint la nuit dans le jardin où se faisait d’ordinaire le culte des arbres (et pendant ce temps tout le monde dormait en ville). Il pria ainsi : « Mon Seigneur et mon Dieu, mon Sauveur Jésus-Christ, Tu m’a choisi depuis mon enfance et m’a accordé la patience dans les épreuves, c’est Toi qui m’a envoyé au pays des dailamites à cause de Ta miséricorde et de Ton amour envers eux, afin qu’ils croient en Toi, qu’ils obtiennent le Royaume et soient comptés parmi Tes amis . Aide-moi dans ce que Tu m’as chargé de faire, donne de la force à mes bras faibles afin que je puisse cette nuit abattre ces grands arbres et ne laisse pas le mauvais esprit qui se trouve dans ce lieu avoir quelconque pouvoir sur moi sème dans le cœur des habitants de cette ville à la vue de la destruction de leurs idoles la connaissance de Ta divinité, qu’ils viennent à Toi et accorde moi d’en faire des disciples ». Et s’approchant des arbres il frappait chaque arbre d’un seul coup au Nom de Jésus Christ et ils tombaient tous or il y en avait quatre mille. Même le grand arbre a été abattu (c’était l’arbre le plus grand du jardin, il était particulièrement vénéré par les habitants de la ville qui l’appelaient « le dieu puissant » et il était la résidence du diable). Jean en chassa le diable au nom du Seigneur et abattit ce grand arbre. Puis il se jeta à l’endroit de ce grand arbre, mit de côté la hache et s’endormit.
Au matin, les notables de la ville se rendirent au jardin pour adorer les arbres, voyant les arbres à terre ils furent perplexes se disant que peut-être les dieux voulaient dormir, mais voyant que les arbres ne se redressaient pas ils se dirent qu’une grande catastrophe s’est abattue sur eux. Puis lorsqu’ils se rendirent à l’endroit du grand arbre, ils l’ont vu abattu lui aussi et le saint à côté avec la hache. Ils le réveillèrent et lui demandèrent s’il savait qui avait tué leurs dieux. Il dit : « Les arbres ne sont pas tués mais abattus et c’est moi qui ai abattu les arbres avec la force que mon Dieu m’a donnée et je vous demande de L’adorer ». Pleins de colère ils le torturèrent jusqu’à penser qu’il était mort, et l’attachant par ses pieds à une corde ils le traînèrent dans les rues de la ville puis le jetèrent en dehors et l’enterrèrent sous des galets. A la troisième heure de la nuit, un ange du seigneur vint , sortit son corps sous le tas de pierres, le tint par la main et le ramena à la vie. L’ange lui dit : « Retourne et appelle les à la foi et prends patience, d’ici peu ils seront tes disciples et croiront par ton intermédiaire. Le saint se leva et rendit gloire à Dieu. A ce moment le Seigneur Jésus lui apparut et lui dit : « Ne t’attriste pas Jean, j’ai écrit ton nom avec les saints et martyrs et tout ce que tu me demanderas tu le recevras en abondance, toute personne qui me prie par ton intercession je lui donnerai ce qu’elle demande. »
Le saint entra alors dans la ville se tint au milieu du jardin pria à voix haute de sorte que les gens se réunirent autour de lui, ils virent son visage tout lumineux, étonnés ils se demandaient si c’était bien lui qu’ils avaient tué la veille. Jean dit : « C’est bien moi que vous avez tué à cause de la dureté de votre cœur et de votre ignorance de Celui vers qui je vous appelle. Mon Seigneur m’a redonné la vie afin que je vous appelle à L’adorer et reconnaître Sa divinité par miséricorde envers vous car il ne faut pas que celui qui est dans l’injustice meure dans l’injustice et que celui qui est dans les pêchés meure avec ses pêchés ». Ils se jetèrent devant lui et lui dirent : « A partir de ce jour nous croyons à ton seigneur Jésus-Christ ». Jean baptisa toute la population de la ville au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Il établit un évêque, des prêtres et des diacres. Il leur fit connaître les commandements de Dieu. Puis après leur avoir enjoint de rester ferme dans la foi, il leur demanda de s’aimer les uns les autres ; de garder la prière, le jeûne et la miséricorde envers les pauvres. Jean les quitta et partit dans les montagnes du pays des Dailamites errant sur les sentiers jusqu’à ce que le Seigneur inclina son cœur à se rendre à la plus grande ville du pays des Dailam, la ville d’Ilma.
Il conduit à la vraie foi les adorateurs du feu
Ilma était une très grande ville et ses habitants parlaient un des dialectes du peuple Dailamite que le saint ignorait. Il a voulu quitter la ville mais l’ange du Seigneur lui apparut et lui dit : « n’aie pas peur, appelle ces gens à la foi et supporte ce qu’il t’adviendra de leur part, et sache que dès que tu t’adresseras à eux c’est le Saint Esprit qui s’exprimera par ta bouche ». Alors le saint répondit : « que la volonté du Seigneur soit faite en moi et en eux ». Il resta alors dans la ville l’examinant.
Les habitants d’Ilma avaient une fête annuelle importante, ils se réunissaient alors durant 7 jours dans « la maison du feu ». Près de cette maison se trouvaient de nombreuses sources et un fleuve, et il y avait tout près, des bassins dallés de marbre contenant de gros poissons que les gens de la ville adoraient avec le feu et les idoles. Cette fête annuelle intervenait juste en ces moments durant lesquels le saint observait la ville. Les voyant célébrer leur fête il pria Dieu de l’aider dans à les sauver de l’emprise de satan, puis s’approchant d’eux il dit d’une voix haute : « Craignez Dieu O gens, car c’est Lui qui vous a crée et comblé de biens, détournez-vous du service du diable qui vous domine jusqu’au point où vous adorez le poisson que Dieu a crée pour votre nourriture ». Ils se moquèrent de lui le croyant fou, ils lancèrent des galets vers lui et jetèrent sur lui de l’eau. Puis ils lui ont demandé qui est ce Dieu qu’il faut craindre ? Il répondit : « Dieu est le Dieu de ceux qui sont venus en premier et de ceux qui viendront en dernier, Il réside dans les cieux , Il remplit tout et Il voit tout bien qu’Il soit invisible et notre Créateur à nous ; Il a fait les poissons, le feu, l’eau , les pierres et toutes les choses que vous adorez à cause du diable qui vous domine ». Ils répondirent : « qu’avons-nous besoin d’un dieu invisible ? » Il répondit : « Il n’est pas caché à l’intérieur de sa divinité parce qu’Il ne nous aimerait pas mais par miséricorde car personne ne peut voir Sa lumière, cepandant les croyants Le verront le jour du jugement ; et bien qu’Il cache Sa personne dans ce monde, Il ne rejette pas ce que nous Lui demandons avec sincérité. » Ils dirent : « parmi nos dieux il y a un dieu dont personne ne peut se tenir entre ses mains ». Il demanda : « qui est-ce ». Ils répondirent : « le feu ». Le saint répondit : « un dieu qui détruit tout n’est pas un dieu ; et voici que je vais entrer dans le feu et pas un seul de mes cheveux ne sera perdu ». Ils dirent : « Si tu en es capable nous croirons en ton Dieu ». Sur ce ils allument un feu très fort avec des flammes très hautes. Le saint s’approche du feu et fait le signe de croix sur les flammes puis dit : « Mon Seigneur Jésus-Christ ne donne pas à ce feu pouvoir sur moi afin que le diable reconnaisse Ta puissance ». Puis il s’est jeté dans le feu et les flammes tournaient autour de lui sans le toucher. Il commença ensuite à éteindre le feu avec ses mains et ses pieds. Les idolâtres se dirent alors que peut-être leur feu n’était pas assez fort, alors ils lui ont donné rendez-vous pour le lendemain pour une autre tentative.
Ils rassemblèrent une grande quantité de bois et firent un feu dont on entendait le grondement jusqu’aux extrémités de la ville. Le saint fit le signe de croix et entra dans la fournaise et resta à son centre. Les gens de la ville lui dirent : « n’essaie pas de l’éteindre comme tu l’as fait hier. » Alors il resta immobile jusqu’à ce que le feu s’éteigne tout seul et pas un fil du vêtement du saint n’a brûlé. Les gens étaient très étonnés et se regardaient les uns les autres. Alors le saint leur dit : « Il est écrit de ne pas tenter le Seigneur et vous vous l’avez tenté deux fois, alors croyez en Lui car c’est Lui qui m’a sauvé du feu ». Alors ils dirent : « Le bois que nous avons utilisé aujourd’hui devait être humide ; nous allons ramasser du bois sec et nous ferons un autre feu et si tu ne brûles toujours pas alors nous reconnaîtrons la puissance de ton Dieu et la faiblesse de nos dieux et nous croirons ». Le saint donna son accord. Alors grands et petits, les habitants de la ville ont ramassé du bois de chêne et l’ont placé dans la place centrale, puis ils ont versé dessus du naphte et du soufre et mirent le feu. Le feu était tellement fort qu’il était impossible de se tenir à moins de 100 coudées. Seul le saint put s’en approcher ; il priait en disant « Mon Seigneur et mon Dieu, Créateur de toute lumière et de tout feu, Toi qui as établi les cieux et qui fait couler les eaux et le feu, qui fait lever le soleil et fait tomber la pluie sur les croyants et les incroyants, Toi qui fait miséricorde aux publicains et aux prostitués, qui a donné au larron sur la croix les clés du royaume par lesquelles il a obtenu le paradis avant Adam notre ancêtre, Toi mon Dieu ne donne à ce feu aucun pouvoir sur moi et sauve-moi comme Tu m’as déjà sauvé les deux fois précédentes afin que ceux dont le cœur est endurci sachent quelle est Ta puissance, ouvre leurs yeux pour qu’ils voient Ta grandeur et qu’ils reviennent à Toi. » Après cette prière le saint se lança dans le feu, et le feu ne s’approcha pas de lui. Et il y avait comme une rosée au milieu du feu.
Ayant épuisé leurs demandes les gens se détournèrent de leur idolâtrie et crurent en Jésus-Christ. Jean les baptisa alors.
Des gens de toutes parts vinrent vers Jean ayant entendu parler des signes qu’il a réalisés ; et lui les baptisait. Il établit des prêtres, et ceux qui servaient les idoles et les poissons devinrent des diacres. Il construisit une grande église dédiée aux saints Serge et Bakhos.
Après cela le saint retourna vers les autres villes où il avait annoncé l’Evangile, puis il se retira quelque temps dans la montagne. Et pendant qu’il était dans la montagne il eut une vision, il se vit entre deux montagnes entre lesquelles il y avait un fleuve ; puis une voix du ciel lui dit : Jean, il faut que tu ailles vers ces deux montagnes et que Dieu réalise par ton intermédiaire de nombreux signes.
Discours d’adieu
Jean se rendit à la ville d’Ilma , il pria durant trois jours et avant de disperser les gens il leur fit ce discours :
« Mes frères, le Seigneur m’a ordonné de quitter la terre des Dailam pour m’en aller vers un autre pays afin d’y affermir la foi. Je vous demande de rester ferme dans votre foi , de ne plus laisser le diable vous décevoir , de préserver vos corps de toute souillure ainsi que vos pensées de tout ce qui peut vous mener à votre perte , aimez-vous les uns les autres car la foi sans amour n’est pas acceptée par Dieu ainsi que l’a dit le saint apôtre Paul, faîtes l’aumône, donnez de ce que vous possédez, partagez avec les pauvres , honorez les prêtres, ne les laissez pas dans la nécessité d’exercer un métier pour subvenir à leurs besoins, aimez les moines et accueillez-les car ils sont semblables à Saint Jean-Baptiste, ne jugez personne car vous n’êtes pas responsables des pêchés des autres mais au contraire voyez vos propres pêchés et souhaitez aux autres ce que vous souhaitez pour vous-mêmes. Priez sans cesse et ne négligez pas les jeûnes, car par la prière et le jeûne vous obtenez miséricorde et bénédiction. Souvenez-vous des saints et des martyrs, faites des agrypnies en leur faveur, et lorsque vous avancez pour recevoir la sainte communion, qu’il n’ y ait dans vos cœurs ni haine ni autre sorte de maux car celui qui reçoit la communion sans être pur de cœur reçoit un feu. Supportez les épreuves et les difficultés qui surviennent et remerciez le Seigneur pour elles car la récompense est à la mesure de la patience lors de l’épreuve. Ne vous attristez pas excessivement pour vos défunts car toute créature est mortelle, la mort concerne également toutes les créatures. Consolez-vous avec ce que Jésus-Christ notre Dieu dit dans son Evangile que celui qui croit en Lui ne mourra pas et que s’il meurt il vivra, au contraire il faut s’attrister pour la mort de ceux qui sont sans espérance et qui ne croient pas en la résurrection, mais celui qui croit en la résurrection, qui l’espère et l’attends doit être heureux même pour la mort car notre Seigneur a dit que le grain s’il ne meurt et est mis sous terre ne peut germer et donner de nombreux grains pour un seul. Souvenez de vos morts en faisant des offrandes et des veilles pour eux, car les offrandes effacent les pêchés des morts et des vivants. Demandez aux prêtres de prier pour vous, supportez-les s’ils commettent des fautes car ce sont eux qui intercèdent pour vous. Ayez de la compassion pour les veuves et les orphelins car le Seigneur est leur protecteur ; le vertueux David dit que Dieu est le juge des veuves et le père des orphelins ; et en disant qu’Il est le juge des veuves il ne veut pas dire que Dieu va les juger mais qu’il va juger ceux qui sont injustes envers elles. Ne pratiquez pas l’usure car cela est abject au Seigneur et l’usurier subira un jugement sévère, prêtez à celui qui est dans le besoin peut-être vous le rendra-t-il mais même s’il ne le peut pas cela sera comme un prêt à Celui qui donne 30 pour 1 ou soixante ou cent pour un, c’est Lui qui vous récompensera pour les bienfaits que vous faites envers les pauvres , il vous récompensera dans ce monde et dans l’autre selon ce que dit David dans le psaume 40 « bienheureux celui qui visite le pauvre et le malheureux car le Seigneur le délivrera le jour du malheur ». N’acceptez pas les pots de vin pour les jugements ou les témoignages. Ne faites pas acception des personnes. Que le puissant ou le faible soient pareils à vos yeux. Visitez les prisonniers et les malades, participez aux offices pour les défunts croyants, ne méprisez pas un malheureux mais aidez-le et honorez-le car Dieu appelle les pauvres et les malheureux ses frères. Apprenez les psaumes et les évangiles à vos enfants et joignez à eux les orphelins et les enfants des pauvres. Celui qui néglige d’enseigner à son enfant ne sera pas ferme dans sa foi, et le Seigneur le jugera sévèrement. Prenez grand soin de vos enfants baptisés. Construisez des églises et des monastères car c’est une grande vertu que de bâtir une église ou un monastère. Qu’ils soient éclairés jour et nuit, parfumez-les avec de l’encens et visitez les étrangers qui s’y trouvent. Pratiquez le « commerce » du Seigneur tout le long de votre vie car après la mort tout commerce est interrompu et chacun devra rendre des comptes. Celui qui a donné quelque chose la retrouvera et celui qui n’a rien donné n’obtiendra rien. Et que mon maître et Seigneur qui m’a rendu digne de vous amener à son obéissance vous bénisse dans l’accomplissement de mes recommandations, qu’Il exauce mes prières pour vous, qu’Il vous garde sous sa protection et vous accorde sa miséricorde, qu’Il ne me retire pas ce qu’il m’a daigné accorder par votre intermédiaire, qu’Il accorde sa grâce à tous les enfants du baptême, qu’il les couvre de sa tendresse par les prières de Marie la Toute Pure et de tous les saints. Amen.
Sur ce Jean prit congé des habitants d’Ilma qui l’accompagnèrent sur plusieurs kilomètres pleurant. Un jeune homme qui devint son disciple resta avec lui.
Le calife Abdel Malak Ben Marouane
Jean ne savait pas où partir mais il se remettait à la volonté de Dieu. Il voulut se rendre à Jérusalem où il arriva rapidement avec l’aide de Dieu. Après avoir prié il partit sous une inspiration à Damas où régnait le calife omeyyade Abdel Malak Ben Marouane. Il avait une fille possédée, et son père l’avait montré à de nombreux médecins mais sans aucun résultat. Un jour le calife demanda à l’un de ses scribes chrétiens au sujet de sa fille ; il lui dit qu’il y avait dans la ville un moine étranger qui a guéri des gens de leurs maladies, alors il donna aussitôt l’ordre qu’on le lui amène. Lorsque Jean arriva et que la fille du calife le vit, le diable hurla à travers la fille et lui dit : que t’ai-je fait Jean de Dailam ? Cela ne te suffit pas de m’avoir chassé avec mes serviteurs du pays des Dailam ? Et tu es venu à Damas pour m’en chasser ? Jean lui dit : « Au nom de Dieu qui t’a défait au pays des Dailam sors rapidement de cette servante et ne touche plus à son corps à jamais ! ». Le diable quitta la jeune fille avec des gémissements, et Jean la remit à son père qui s’en étonna énormément, il demanda au saint : « qui es-tu toi qui hausse de ta voix sur les jinn et qui t’obéissent aussitôt ? » Le saint répondit : « je suis un serviteur du Christ et c’est par Sa puissance que j’ai fait ce que tu as pu voir ». Le calife ordonna de lui donner 10000 dinars que le saint a refusé mais sous une inspiration il lui a demande d’écrire à son gouverneur en Irak , Al Hajjaj Ben Youssef afin qu’il lui donne une parcelle de terrain d’un kilomètre carré environ qui soit exempté de tout impôt . Ce que le calife accorda mais il insista pour qu’il prenne aussi les 10000 dirhams qu’il accepta.
De retour dans le pays des Dailam pour une visite
Le saint quitta Damas après avoir acheté de Damas et d’ailleurs des objets de culte, des vêtements liturgiques, de l’encens et autres objets liturgiques. Il retourna au pays des Dailam , il répartit entre les églises ce qu’il avait acheté , et ce qui lui est resté comme argent il le distribua aux prêtres et aux pauvres. Puis quelque temps après un ange lui apparut et l’enjoignit de partir vers la Perse au lieu dit des deux montagnes pour qu’il construise sur chaque montagne un grand monastère. Puis l’ange ajouta : « Des deux monastères il sortira de nombreux saints, qui seront des bénédictions pour le monde, et sache que ton départ (de ce monde) aura lieu là-bas ».
Le saint s’apprêta à faire ses adieux aux chrétiens de Dailam, triste à l’idée de ne plus les revoir. Ainsi il remit à Dieu les villes qui acceptèrent la Foi par son intermédiaire ; il fit sur elles le signe de la croix, et dit : « Paix sur toi ô pays qui a reçu les grâces du Seigneur. Paix à toi bonne terre qui a accepté mon appel à l’obéissance à Dieu. Paix à toi ô sanctuaire de Dieu rempli de l’Esprit Saint ». Et levant la tête il continua : « Mon Seigneur et mon Dieu Jésus Christ veille sur ce pays qui a écouté mon appel, sois pour ce pays un tendre berger veillant sur lui et le couvrant de ta miséricorde, accorde ta paix et déjoue les pièges que leur tend satan ». Puis il s’en alla.
Al Hajjaj Ben Youssef
Il partit en premier lieu chez Al Hajjaj Ben Youssef et lui remit le décret du calife ; Al Hajjaj le reçut avec honneurs. Il avait une tumeur au bras dont Jean l’a guéri. Puis Al Hajjaj écrivit à son représentant en Perse pour accorder le terrain qui convient à Jean. Puis il insista pour qu’il prenne un don en argent ; Jean accepta 10000 dirhams. En partant Jean entendit des cris en provenance d’un bâtiment voisin où se trouvaient des policiers et des militaires, il y entra et vit qu’on infligeait des tortures à un groupe de personnes ; et après s’être renseigné sur le pourquoi de ces tortues on lui dit que ces gens doivent à Al Hajjaj de l’argent et ils n’ont pas de quoi lui rendre. Alors Jean dit à son disciple : « vraiment il ne nous est pas accordé de garder l’argent de cet homme injuste ». Puis il distribua l’argent qu’il avait reçu pour remettre la dette des personnes subissant la torture.
Vers les deux montagnes
Ensuite Jean traversa l’Euphrate jusqu’à la ville de Ibla où il rencontra la communauté chrétienne de la ville, guérissant les malades. Il y resta quelques temps jusqu’à ce que l’ange du Seigneur lui ordonne de se rendre en Perse, au lieu dit Mam. Il ne savait où se situait cet endroit mais il se mit en route. Il prit une embarcation, mais avant que l’embarcation ne parvienne à la ville de Rahane le bateau s’est arrêté et a cessé d’avancer, Jean vit alors deux montagnes élevées au loin. Il demanda aux marins de quelles montagnes il s’agissait et ils lui dirent ce sont les montagnes de Mam et elles font partie de la région où se trouve la ville de Rahane. Il demanda s’il y avait des constructions dans ces montagnes ; ils lui dirent que dans une de ces deux montagnes se trouve un vieux temple où se dirigent parfois des mages et des idolâtres. Alors Jean leur dit, si vous voulez en finir avec l’immobilité du bateau donnez-moi une petite barque pour que j’aille avec mon compagnon sur la côte vers ces deux montagnes(…).
Dans la région des deux montagnes
Le vieux temple qui contenait des idoles s’appelait « Baye » ; et dans la ville de Rahane qui se trouvait à côté se trouvait quelques chrétiens, quelques juifs, des musulmans, et de nombreux mages et idolâtres.
Arrivés sur l’une des deux montagnes, Jean et son disciple dormirent dans une grotte. Durant la nuit, il se rendit au temple et brisa les statues. Le lendemain les gens étaient étonnés de voir les statues brisées et voulaient savoir qui avait fait cela, puis ayant découvert Jean et son disciple ils se dirent que ce sont eux les coupables. Jean leur dit : « J’ai agi ainsi par la force de mon Seigneur Jésus-Christ et d’après ses commandements ». Ils le frappèrent et l’attachèrent lui et son disciple et les conduisirent chez le représentant de Al Hajjaj (le wali) dans la ville de Rahane. Lorsque le wali leur demanda ce qu’ils ont fait, Jean répondit : « J’ai brisé leurs statues car il n’ y a de Dieu que Dieu l’Unique et qui n’a pas d’associés ». Puis il a montré le décret qu’il avait avec lui ; alors le wali lui dit : « demande ce que tu veux ! » Alors Jean lui dit : Je souhaite comme parcelle de terrain le temple où se trouvent les idoles qui appartient à ces incroyants afin d’en chasser les esprits mauvais qui s’y trouvent et de construire un lieu de culte pour y adorer Dieu ». Le wali ordonna alors de donner les statues à Jean ce qui mit en colère les idolâtres qui essayèrent de faire changer d’avis le wali en lui proposant une grosse somme d’argent mais il refusa et confirma sa décision.
Ensuite Jean chassa un mauvais esprit d’une personne connue dans cette contrée pour sa méchanceté et son agressivité, puis il réalisa des miracles et accomplit de nombreux signes, sa réputation s’étendit et les malades venaient à lui et il leur disait : « si vous voulez guérir allez au temple des idoles et démolissez-le ». Et comme les malades étaient nombreux ils ont détruit complètement le temple et brisèrent toutes les idoles. Et ceux qui avaient une infirmité étaient guéris.
Construction d’un monastère
Jean construisit ensuite le monastère selon les instructions de l’ange du Seigneur. Les malades qui venaient à lui il les guérissait puis les envoyait au chantier, chacun pour un seul jour, et ils étaient en moyenne soixante dix par jour.
Lorsque les travaux furent achevés il y eut des personnes qui optèrent pour le monachisme et s’installèrent dans le monastère. Un riche chrétien perse vint chez lui car il était possédé, le saint le guérit au Nom du Seigneur, le riche apporta tout son argent le donna au monastère et devint lui-même moine.
En ce qui concerne les idolâtres, en constatant leur impuissance et en voyant tous les signes accomplis par Jean ils crurent au Christ et reçurent le baptême. Pour eux, le saint construisit une église dédiée aux saints Serge et Bacchus car le saint les vénérait en particulier et demandait souvent leur intercession. Et ces deux saints faisaient des miracles dans cette église « depuis cette époque jusqu’à nos jours » selon le narrateur du récit de la vie de Jean.
Un deuxième monastère
De nombreux perses de la région de Mam devinrent moines, alors le saint leur construisit un grand monastère sur la deuxième montagne qui fait face à la première et qui s’appelle « kashkar » et il y plaça les perses car ils priaient dans leur langue (en persan) alors que dans le premier monastère situé sur la montagne « Mam » on priait en syriaque.
Eau et tremblement de terre
Les moines de « kashkar » n’avaient pas d’eau, ils devaient descendre au fleuve puis remonter ce qui était très pénible. Ils exposèrent leur problème à Jean. Voyant la justesse de leur demande, le saint s’isola et pria ainsi : « Dieu des premiers (hommes) et des derniers, qui donne vie aux corps puis reprend leur souffle, qui secours celui qui demande Ton aide avec une intention sincère, à qui rien ne peut être caché, Tu as entendu les plaintes de tes moines qui sont Tes pauvres serviteurs, qui ont quitté le monde et ses richesses pour se consacrer à Toi et qui font Ta volonté. Montre-leur ta bonté et approche l’eau de leur monastère, et ne me renvoie pas déçu et permets d’accorder cette demande selon Ton habitude ». Et Dieu accepta la prière de son pieux serviteur.
Le saint dit alors aux moines : « Vous avez trois jours et trois nuits, n’entrez pas durant ce temps dans vos cellules et priez Dieu qui vous visitera ».
Ils l’écoutèrent sauf un seul qui eut des doutes car il se disait comment Dieu pourrait-il déplacer le bâtiment près du fleuve ? »
La nuit du quatrième jour, au chant du coq, Jean se dirigea vers les moines et il les a trouvé épuisés de fatigue et de sommeil tandis que l’un d’entre eux lisait à voix haute les écrits des Pères. Jean se retira un peu par rapport à eux leva les yeux vers le ciel et dit : « Mon Seigneur et mon Dieu Jésus-Christ que Ta volonté soit faite ». Et dès qu’il a fini de dire ces paroles la terre trembla et le monastère a été transporté du haut de la montagne au bord du fleuve sans qu’il ne lui arrive un quelconque dommage. C’est comme s’il avait été construit près du fleuve ;seule la cellule du moine qui avait douté est restée comme suspendue entre terre et ciel comme exemple à ceux qui sont capables de réfléchir.
Le lion et l’âne
Jean fit de nombreux miracles dans cette région des deux montagnes qu’il est difficile de raconter entièrement. Mais en voici un : il y avait dans un monastère un âne qui servait à fabriquer la farine et un jour qu’il avait été relâché dans la prairie des lions l’ont dévoré. On raconta cela au saint qui dit à l’un de ceux qui lui ont raconté l’histoire : « va à tel endroit dans la montagne et tu trouveras là-bas le lion qui a mangé l’âne, approche-toi de lui sans crainte et dis-lui que Jean de Dailam le serviteur du Seigneur t’appelle, alors il te suivra jusqu’à moi. Le moine suivit ces instructions, il apporta le lion chez Jean lequel le regardant lui dit : « les animaux de la prairie ne te suffisaient pas et il te fallait manger l’âne de ces pauvres moines ? Je te le dis , par la parole créatrice du Dieu Créateur tu vas faire la farine à la place de l’âne jusqu’à ce que Dieu nous fournisse une autre bête ». Puis il demanda aux moines d’attacher le lion à la meule ; et ils le nourrissaient avec du pain. Cela dura longtemps jusqu’à ce que des frères un jour offrent une mule ; alors Jean ordonna de libérer le lion et de le lui amener et de mettre la mule à sa place. Il dit au lion : je te laisse partir à présent en paix ; et tu es privé de la parole de Dieu si tu t’approches du monastère. Le lion baissa sa tête partit vers les champs et ne s’approcha plus jamais du monastère.
Il retarde sa propre mort
Un jour qu’il était assis dans la cour du monastère des syriaques un ange du Seigneur lui apparut et se tint près d’une pierre saillante, et cette pierre se trouve toujours là de nos jours selon le narrateur du récit.
Le saint lui demanda ce qu’il voulait ; l’ange répondit en l’informant qu’il a reçu l’ordre de le prendre au royaume céleste. Le juste lui dit : je ne le souhaite pas car j’ai encore un travail à terminer dans ce monde et personne ne le fera après moi. Alors l’ange lui dit : donne moi à ta place un moine. Alors le juste appela la communauté des moines et les informa de ce que l’ange lui a dit et ensuite il demanda : « lequel peut donner son âme en échange et s’en aller avec l’ange ? ». Ils répondirent : « Aucun d’entre nous ne souhaite mourir » et ils retournèrent dans leurs cellules. Un servant de l’église s’approcha alors du saint et lui dit : « O saint de Dieu, si j’offre ma vie en échange de la tienne, que me feras-tu le jour du jugement ? » Alors le saint répondit : « Je te mettrai à ma droite dans l’endroit que le Seigneur Jésus-Christ m’assignera ». Alors le servant dit : « Dis à l’ange de prendre mon âme car j’accepte le rang que tu me donnes pour le jour du jugement ». Alors le saint lui demanda de se laver et de s’étendre puis il dit à l’ange : « Tu peux le prendre » et l’ange emporta l’âme du servant. La communauté de moines pria pour ce servant et on l’enterra dans l’endroit où Jean avait demandé à être enterré et qui se trouvait dans le domaine du monastère des syriaques.
Sa mort
Et quand le saint termina ce qu’il avait encore à faire, il gravit la montagne et erra de nombreux jours durant. Pendant qu’il se trouva dans la montagne appelée « montagne de Perse » et qui était proche des deux montagnes, le Christ lui apparut une nuit et lui dit : « Heureux es-tu Jean et heureuses est ton âme, je te le dis en vérité dans trois jours je te prendrai au lieu de repos où se trouvent les prophètes et les martyrs. Retourne à ton monastère pour que ton départ ait lieu dans le monastère et que les moines reçoivent une bénédiction de ta part ».
Le saint retourna au monastère et appela les moines. Dès qu’ils se sont tous réunis il célébra la liturgie, et il donna la communion à tous les frères puis leur dit : « Sachez que je suis sur le départ de ce monde que je vais quitter demain, et je vous recommande de vous aimer les uns les autres, pas de querelles entre vous mais ayez de la compassion les uns envers les autres et soyez miséricordieux envers les étrangers et les pauvres qui vous rendent visite et ne les décevez pas, préservez vos corps de toute souillure, évitez de sortir du monastère car rien n’est plus utile au moine que le monastère et sa cellule. Et si quelqu’un s’égare de la foi ramenez-le avec douceur. Que personne ne reçoive la communion s’il en veut à son frère sinon c’est comme s’il recevait du feu. Faites en permanence des veilles, des prières et des jeûnes car par elles les péchés sont pardonnés et on s’attire la miséricorde. Prenez soin de ces deux monastères car la construction de demeures pour le Seigneur vaut mieux pour le Seigneur que toute autre bonne action. Sachez qu’il ne vous manquera rien et que vous n’aurez besoin de rien tant que vous resterez dans ces deux monastères, j’ai demandé au Seigneur à ce sujet et Il m’a accordé ma demande.
Prenez de la terre de la grotte où j’ai vécu,il vous faudra mettre cette terre sur l’autel la nuit où l’on commémore mon départ puis distribuez-la aux gens en bénédiction et envoyez-la aux quatre coins du monde , celui qui en prend avec foi sera guéri de toute maladie et de toute douleur, et s’il rencontre un animal sauvage et qu’il lui en lance un peu, l’animal fuira et ne lui fera aucun mal. On l’appellera de la montagne , il sera préparé pour ce but, et ses effets seront connus de tous jusqu’à la fin des temps selon l’expression du narrateur.
Puis le saint se reposa dans une cellule, il convoqua les frères et leur dit : « Je vous demande mes frères de veiller avec moi cette nuit, c’est la nuit de mon départ, et bien que sois confiant en la miséricorde de mon Seigneur Jésus-Christ, mon âme est triste de devoir quitter ce corps auquel elle s’est habituée ».
Les moines ont veillé avec lui, et au matin il étendit ses bras et ses jambes et dit : « Mon Seigneur et mon Dieu Jésus-Christ, aie pitié de moi et sauve-moi bien que je sois indigne de tes saints, je t’ai confié mon âme ».
Puis le saint rendit son âme, c’était un vendredi 10 octobre.
Les frères ont célébré des offices durant trois jours et trois nuits, puis ils ont placé son corps dans un cercueil de bois et l’on enterré à côté du servant de l’église qui avait donné sa vie à la place du saint.
Situation du monastère après son départ
Lorsque le saint s’endormit dans le Seigneur, le nombre de moines était 233, dont 183 dans le monastère syriaque et 50 dans le monastère perse. Le saint leur laissa une grâce de sorte que les deux monastères étaient devenus un lieu de pélérinage pour les chrétiens et les musulmans. Les revenus des monastères étaient répartis en trois parts égales, une pour les pauvres , une pour l’entretien et les travaux, et la troisième pour les moines.





[1] Le plus ancien manuscrit portant sur Saint Jean Aldailami (ou Saint Jean de Dailam) remonte au XIIIème siècle (Le manuscrit arabe du Sinaï). Le récit qui suit est extrait d’un manuscrit arabe du Sinaï numéroté 530 et remontant à 1233.
Notre saint a grandi dans un milieu nestorien et il a été reconnu par les orthodoxes, les jacobites, les maronites et les coptes.
D’après le dominicain Jean Maurice Vié (orthographe incertaine) dans une communication à l’auteur du livre « les saints oubliés du Patriarcat d’Antioche » a fourni des informations intéressantes : saint Jean serait né vers 660 dans la région de « Haditha » qui serait aujourd’hui « Jayyara » là où le Tigre rencontre le fleuve Zab (le grand Zab). Il aurait rejoint à 12 ans le monastère « Beit Ghaoui » et il a été formé par le moine Syméon. Une famine a poussé les moines à quitter leur monastère vers la région de Salah. Là-bas peu après la mort de Syméon les Dailamites ont capturé Jean et l’ont pris à leur pays. Il resta dans le pays des Dailamites entre 20 et 30 ans ; et après qu’il ait été affranchi il convertit des milliers de païens au Christ grâce à de nombreux miracles. Puis le saint se rendit à Jérusalem, d’où il partit pour Damas où il guérit le fils ou la fille du calife Abdel Malak Ben marouane ; et sur le chemin du retour vers le pays des Dailamites il rencontra Al Hajjaj le gouverneur de l’Irak qu’il guérit d’un cancer . Le saint partit ensuite dans la région de Bassorah à Arrajane (appelée Rahane dans le texte) à la frontière entre l’Iran et le Khouzistan. Dans cette région où après avoir détruit les idoles le saint construisit un monastère au nom de saint Serge en l’honneur de l’évêque de Bishabour qui a accepté de consacrer le monastère alors qu’un autre évêque perse appelé Syméon avait refusé. Puis après un conflit entre les moines d’origine perse et ceux d’origine syriaque il construisit un autre monastère sur l’autre rive du fleuve Tab et où il a dédié une église pour la Mère de Dieu. Saint Jean mourut après avoir terminé toutes ces constructions le dimanche 26 janvier 738.
D’après l’auteur du livre « Les saints oubliés du Patriarcat d’Antioche » le récit du manuscrit arabe du Sinaï numéro 530 présente les caractéristiques suivantes :
- le style du récit est en arabe d’excellente qualité littéraire.
- Celui qui a composé ce récit est sans doute un moine qui connaît les régions décrites.
- Bien qu’il y ait une part de merveilleux dans ce récit il ne s’agit pas d’une légende.
- Noter la densité du message d’Adieu aux habitants de la ville d’Ilma.
- Il y a une influence islamique dans certaines formes littéraire particulièrement lorsque le saint s’adresse au wali de Rahane et qu’il dit « Il n’ y a de Dieu que Dieu l’Unique et qui n’a point d’associés » ou encore dans le discours d’adieu aux habitants d’Ilma lorsqu’il parle du problème du prêt avec usure.
[2] La région de Dailam se situe au sud ouest de la mer Caspienne dans le nord de l’Iran dans la province actuelle de Gilan.
tanios
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Message par tanios »

Après presque 3 mois d'arrêt j'ai repris le fil des traductions. Le texte sur Saint jean de Dailam est un peu long et il faudrait le revoir...(plus tard!)
C'est encore un saint plus que surprenant car vraiment inconnu ... et puis qu'est-ce qui est resté de son travail chez ces Dailam (ou dailamites) qui habitaient près de la mer Caspienne?
Même question pour les monastères dans la région "des deux montagnes"...
Il y a eu des études universitaires effectuées là-dessus...
Quoiqu'il en soit les saints des temps passés sont bien plus nombreux que ceux qui ont été retenus par l'histoire.

J'essaierai de faire passer une autre traduction pour le mois d'avril.
T.
Irène
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Message par Irène »

Merci beaucoup Tanios de votre participation, malgré vos occupations.
tanios
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Message par tanios »

SAINT THEODORE DE TARSE (602-690)
EVEQUE DE CANTERBURY

Saint Théodore est né à Tarse en Cilicie en 602 dans la même ville qui a vu naître Saint Paul.
Il fit ses études à Athènes où il excella.
Par la suite Théodore se rendit à Rome comme moine où il devint disciple d’un ancien (moine) qui s’appellait Adrien.
Théodore se distingua dans les études orientales et attira l’attention du pape Vitali.
Et comme celui qui devait être désigné évêque de Canterbury mourut lors de son déplacement vers Rome où il devait recevoir officiellement sa nomination, le pape choisit Théodore en remplacement qui accepta la proposition à condition d’être accompagné de son maître Adrien.
Il en fut ainsi et à noël de l’an 668 il fut désigné évêque.
Il convient de signaler qu’au moment de sa désignation Théodore avait plus de 60 ans et qu’il n’était même pas prêtre.
Sa nomination suscita quelques remous ce qui retarda son départ, mais il put partir en mai 669.
Dès son arrivée il visita tout l’évêché et constata son mauvais état (corruption, anarchie, vie monastique désordonnée, problème pour la date de la fête de Pâques…). Il commença par faire les réformes nécessaires.
Les historiens témoignent que Théodore a été le premier évêque qui a pu réunir toute l’église d’Angleterre sous sa direction bien qu’il était le septième évêque de Canterbury.
En 673 il organisa une assemblée générale de l’église locale (un concile local) à Harvard ; au cours de cette assemblée les règlements relatifs à l’organisation de l’église d’Angleterre ont été définis. De nouveaux diocèses ont également été crées.
Théodore est considéré comme un père fondateur de l’église d’Angleterre.
Les historiens s’accordent à dire que lorsque Théodore arriva en Angleterre l’église locale était en pleine anarchie, et 22 ans plus tard , lorsqu’il repartit vers le Seigneur il laissait derrière lui une église en bon fonctionnement.
Les règlements établis par Théodore sont en grande partie en usage jusqu’à nos jours.
L’évêque historien Staps a écrit à son sujet : « Il nous est difficile, sinon impossible, de rendre justice à Théodore pour ce qu’il a fait pour l’Angleterre, l’Europe et la civilisation chrétienne ».
Ce récit est extrait du synaxaire latin et d’autres sources (notamment « Dictionary of Saints » de Donald Attwater- Editions Penguin- 1983).

D’après W. Walker dans « A History of the Christian Church » 3ème édition p.182, les précisions suivantes sont données :
« Dès les premiers missionnaires venus de Rome il y avait des discussions entre eux et les anciens chrétiens d’Irlande et d’Angleterre…par exemple Pâques était fêté à une autre date qu’à Rome, la tonsure ne s’effectuait pas de la même façon, il y avait aussi des divergences dans la façon de procéder au baptême…l’ancienne communauté chrétienne d’Angleterre était de type monastique et clanique…elle accordait au pape comme ayant préeminence sur tous les autres responsables chrétiens mais sans lui reconnaître une autorité juridique comme les romains. Cependant l’Irlande accepta l’autorité du pape en 630 et l’Angleterre en 663… Les liens avec Rome se renforcèrent sous le pape Vitali grâce à Théodore qui réussit à mettre de l’ordre… »
Anne Geneviève
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Message par Anne Geneviève »

Attention tout de même à l'hagiographie romaine. Cette époque de l'histoire d'Angleterre est de celles qui sont le plus déformées par les versions "politiquement correctes" ultérieures. Sans rejeter la sainteté personnelle d'un Théodore de Canterbury, plusieurs questions se posent et la première est de savoir pourquoi le patriarche romain, dont le territoire juridictionnel ne dépassait pas un gros tiers de l'Italie, a cru bon d'envoyer des missionnaires convertir les Angles, Jutes et Saxons en train de s'installer dans l'île de Bretagne en envahisseurs alors qu'existait déjà sur place une Eglise florissante avec des liens étroits avec les Eglises des Gaules (en particulier avec Auxerre). Le conflit quant au comput de Pâques est un grand classique dans l'Eglise et, ici, c'est l'arbre qui cache la forêt. Il s'agit d'un épisode important de la politique ecclésiastique romaine cherchant à étendre sa juridiction à l'ensemble de l'occident, d'un reste d'idéologie impériale parasite alors que la situation réelle est celle de la formation des royaumes "barbares". Mais ce faisant, Rome sème (inconsciemment ?) les graines du couple phylétisme/faux universalisme déterritorialisé qui aujourd'hui empoisonne l'Eglise orthodoxe après avoir favorisé le basculement de Rome vers les hérésies que l'on sait.
Entre l'augustinisme de Prosper d'Aquitaine qui entraînera les Francs vers le filioquisme, l'iconoclasme et, du point de vue ecclésiologique, les fausses décrétales et la réforme grégorienne brisant toute autonomie et donc le principe de localité de l'Eglise, la mission d'Angleterre faite pour "mettre de l'ordre dans le chaos" représente une étape non négligeable.
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tanios
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Message par tanios »

Effectivement ce texte n'explique pas grand'chose. Son intérêt principal est que saint théodore est issu du territoire du Patriarcat d'Antioche cependant Théodore a dû quitter sa Tarse natale avant ses vingt ans et il n' y a jamais remis les pieds. Ses liens avec le Patriracat d'Antioche semblent inexistants par la suite d'après ce récit mais comme le livre s'appelle les saints oubliés du Patriarcat d'Antioche cela explique le choix de ce saint. La prochaine fois (très bientôt si Dieu veut) je chosirai un saint qui est resté au Proche-Orient...
tanios
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Message par tanios »

Ci-dessous un récit étonnant d'un saint originaire d'Edesse mais qu'il faut associer à son neveu ce que je ferai bientôt.


SAINT THEODORE EVEQUE D’EDESSE (VERS 800)


Il est le fils de deux parents très pieux, Syméon et Marie. Après leur mariage ils ont eu une fille puis le Seigneur ne leur a pas accordé une autre progéniture. Ils désiraient ardemment avoir un garçon mais leur vœu n’était pas exaucé, en conséquence ils ne quittaient plus l’église, passant de longues années à jeûner et à prier le Seigneur pour qu’Il leur donne un fils. Lorsque vint le temps d’exaucer leurs prières, et c’était le premier samedi du grand carême fête du saint martyr Théodore, les deux parents eurent une vision venant de Dieu ; ils voyaient l’apôtre Paul avec le saint martyr Théodore et saint Paul disait à Théodore « le Seigneur va leur accorder un enfant et toi tu lui donneras ton nom ». Quelques temps après Marie devint enceinte…et à la naissance c’était un fils. Le quarantième jour ils l’amenèrent à l’église où il fut baptisé et reçut le nom de Théodore. Et à l’âge de 5 ans ses parents le confièrent à des maîtres afin qu’il apprenne les livres saints.

Mais par une prescience du Seigneur, l’enfant était lent d’esprit, peu apte aux études, il était parfois l’objet de railleries et on le frappait pour qu’il apprenne mieux ses leçons. A 7 ans il a eu l’idée de se cacher sous l’autel ; et au moment de la liturgie il s’endormit. Et voilà qu’il voit un beau garçon brillant comme le soleil qui lui met du miel dans la bouche, en lui expliquant en quoi consiste la vie monastique, il lui confiait également le bois de la croix et faisait de lui un prêtre. Le cœur de Théodore s’enflamma et il comprit que c’était le Fils de Dieu qui lui apparaissait ; il se prosterna et reçut une bénédiction…puis aussitôt il se réveilla. Mais comme il voulait sortir du dessous de la table de l’autel, il attendit la fin de la liturgie mais l’évêque le remarqua et s’étonna de sa présence. Et après s’être renseigné à son égard l’évêque rendit grâce à Dieu et le prit comme un très jeune diacre. Dès lors la grâce se versa sur Théodore, son cœur s’illumina et son intelligence s’ouvrit et il put apprendre avec facilité.

Théodore perdit ses deux parents à 9 ans ce qui l’affecta beaucoup ; cela le poussa à se détacher de la vie de ce monde et de désirer la vie angélique.
Il partit à Jérusalem à 20 ans et de là il se rendit au skite (monastère) de Saint Saba où il demanda à l’higoumène Jean de le recevoir comme moine. L’higoumène l’éprouva alors 6 mois durant, et lorsqu’il constata qu’il était bon pour la vie monastique , il pria pour lui , lui coupa les cheveux (il a été tonsuré) et le revêtit de l’habit monastique.
Théodore demeura au service de l’higoumène, obéissant en tout, maîtrisant les passions du corps, plein d’entrain pour les prières du jour ou de la nuit, lisant avec assiduité les livres saints, désirant les livres saints comme la biche les sources d’eau. Il surpassa les autres moines dans l’ascèse, il acquit la chasteté, les larmes abondantes et une conduite humble et était apte pour tout service.
Cinq années plus tard l’higoumène lui confia la gestion du skite ce qu’il fit durant 12 ans avec fidélité. Lorsque vint l’heure du départ de ce monde arriva pour l’higoumène, ce dernier pria pour Théodore et l’autorisa à se retirer dans la solitude lui fixant une cellule pour qu’il puisse y rester en solitaire puis il prédit (selon une inspiration de l’Esprit) qu’il serait cause de salut pour de nombreuses personnes.

Après le départ de l’higoumène vers le Seigneur Théodore resta dans le silence durant 20 ans, il erra dans la région du Jourdain devenant semblable aux anges. Il jeûnait durant des jours se contentant d’un peu d’eau et de pain. Il priait debout des nuits entières luttant contre les esprits mauvais. Dieu lui accorda le don d’enseigner et de prêcher, il eut alors beaucoup de disciples qui venaient de toutes parts qui profitaient de l’Esprit du Seigneur dont Théodore était rempli.

En ce temps là il était d’usage dans la skite que le jour de l’Annonciation les pères sortent en portant la croix à la recherche de ceux qui se sont consacrés à une vie de silence.
Arrivés chez Théodore ils lui demandèrent qu’il leur dise des paroles profitables.
(…)
Il accepta et leur dit :
Celui qui désire être sauvé doit en tout premier lieu avoir une foi droite et une vie qui soit agréable à Dieu.
Tout vie sans foi est inutile.
Une foi sans confession pure devant Dieu ne tient pas.
La foi droite est celle qui peut nous sauver selon la parole de l’Apôtre avec le lien de l’amour ; car l’amour est la première des vertus.
Conduisons-nous selon les commandements du Seigneur et qui sont l’amour, l’humilité et la prière permanente sans tiédeur, la maîtrise de la gourmandise, l’obéissance jusqu’à la fin de notre vie avec la confession de nos pêchés.
Veillons à acquérir les larmes, le souvenir de la mort ainsi que du châtiment éternel.
Méprisons les possessions terrestres, persévérons dans le pardon, la miséricorde envers les pauvres, l’accueil des étrangers, la pureté de l’esprit et du corps.
Sans ces qualités personne ne peut voir Dieu.
Que nos vêtements soient simples.
Soyons patients dans les épreuves infligées par les ennemis, faisant tout pour Dieu sans haine ni hypocrisie, prions pour ceux qui nous détestent.
Ayons en tout la crainte de Dieu.
Notre voie est d’acquérir toutes ces vertus et de s’éloigner de ce qui s’oppose à elles.
Il faut s’écarter de l’ambition qui nous empêche de plaire à Dieu et qui fait que nous nous considérons importants.
Ne blasphémons pas, ne cherchons pas querelle, ne rendons pas le mal pour le mal.
Ne nous mettons pas en colère, ne jugeons personne.
Il ne faut pas se moquer et évitons les moqueurs.
Ne nous empressons pas à dire des vaines paroles.
(…)
Soyons des exemples et veillons à être utiles pour nos frères, efforçons-nous de plaire à Dieu et à nos frères dans la foi, ne rien faire par jalousie ou pour condamner.
Ne jalousons pas notre frère s’il réussit et ne nous réjouissons pas s’il trébuche.
Ne demandons pas ce qui est au-dessus de nos possibilités et ne soyons pas paresseux dans le chemin du salut.
Marchons tous les jours avec fidélité car on ne sait pas si on va vivre jusqu’au lendemain.
Si nous nous éloignons de ce qui est mauvais et si nous veillons à suivre le chemin de la sainteté alors nous serons sauvés par la grâce du Dieu ami de l’homme, car c’est de Lui que nous tenons notre appui et sans lui nous sommes impuissants.
Nous devons donc éviter le chemin large qui mène vers les profondeurs de la perdition et demander le chemin étroit et pénible qui mène vers la vie afin de recevoir le royaume en héritage.
Ayant terminé son enseignement, les pères demandèrent à Théodore de mettre par écrit son enseignement afin qu’il s’en souviennent ce qu’il fit.



Or il advint que le Patriarche d’Antioche rencontra le Patriarche de Jérusalem dans la ville sainte ; un groupe de personnes originaires d’Edesse rencontrèrent alors le Patriarche d’Antioche et lui demandèrent un évêque pour leur diocèse vacant suite au décès du titulaire. Ils dirent au Patriarche : « les hérétiques deviennent très nombreux, en particulier les partisans d’Eutyches, ils ont entraîné avec eux beaucoup de gens parmi le troupeau du Christ, il faut que l’on nous aide et que nous versions beaucoup de larmes ».
Après consultation, il a été décidé de nommer comme évêque Théodore. Lorsque ce dernier l’apprit il essaya de fuir mais ne put le faire. Puis après quelques discussions il accepta la proposition.
Il quitta la skite de saint Saba pour Edesse attristé et en pleurs disant à lui-même : « malheur à moi qui n’ai jamais envisagé de m’éloigner un seul jour du désert…quel repos je laisse et quelle peine je vais avoir ». Il y avait avec lui son disciple et biographe, ainsi que deux personnes originaires d’Edesse. En route il essaya encore de s’enfuir mais une voix du ciel lui dit : « Théodore, ne sois pas semblable au serviteur paresseux qui a enterré son talent sous la terre, mais sois comme celui qui avait reçu les cinq talents et a reçu en compensation dix villes. Toi de même, tu as été jugé digne de porter le joug du Christ alors ne retourne pas en arrière ». Alors le saint retourna à lui-même et dit : « Que la volonté de Dieu soit faite ».



A Edesse, Théodore a constaté le grand nombre d’hérétiques, il enseigna alors le peuple des croyants les encourageant à garder la foi droite, et il joignait le zèle à la science et à l’art oratoire. En conséquence, les croyants orthodoxes se sont sentis revigorés et les brebis s’assemblèrent autour de leur pasteur ; quand aux hérétiques ils se concertaient pour assassiner Théodore.

Un jour il eut le désir de rencontrer des ascètes pareils à ceux qu’il avait connus au skite de Saint Saba ; il se renseigna afin de savoir s’il y avait des ascètes dans les environs d’Edesse. On lui dit qu’il y avait un certain Théodose, très âgé incapable de se déplacer. Alors, tout joyeux, Théodore vint à lui et lui dit : « je te prie d’être proche de moi afin de m’instruire sur ce qui est utile à l’âme et que tu chasses le trouble de mon cœur car je suis triste ». Le vieil ascète accepta sa demande et lui parla. Il dit entre autres:« Je vais te faire découvrir ton chemin, garde-le pour toi-même et ne le fais savoir qu’à la fin de ma vie ». Ce que Théodore promit de faire. Alors l’ancien lui dit:« Mon frère, ne désespère pas et que le joug du Christ ne te pèse pas trop, tes affaires seront toutes facilitées devant Dieu. Et même si en ce moment beaucoup complotent contre toi, ils ne pourront rien faire. Dieu te donnera la grâce et le roi de Perse [il s’agit du calife abasside] deviendra un disciple du Christ par ton intermédiaire… ».


Entre-temps, les hérétiques ayant réussi à convaincre les autorités de la ville d’Edesse d’exiger un impôt très élevé des orthodoxes après avoir échoué dans leur tentative de détruire l’église orthodoxe locale, l’évêque Théodore et son troupeau ont été très attristés , alors Théodore décida d’aller à Bagdad (puisque Edesse dépendait de Bagdad) défendre sa communauté devant le roi [le calife]. Quelques diacres et prêtres l’accompagnèrent ainsi que son disciple (qui devint son biographe). En ce temps le roi était Al Mamoun [né en 786, calife de 813 à 833].
Une fois arrivé à Bagdad il se rendit à l’église et salua le Catholicos puis il séjourna dans l’église n’ayant pas d’autre endroit où aller.



Pendant qu’il s’entretenait avec le catholicos se trouvait un groupe de médecins et de scribes chrétiens. Et comme il cherchait à s’entretenir avec le roi, on lui répondit que le moment n’était pas convenable car le roi est très malade, il ne voit plus et il est mourant, seul le chef des médecins peut le voir. Sur quoi le saint répondit : qui sait ? Peut-être Dieu lui accordera la guérison par mon intermédiaire. Le chef des médecins qui était présent au cours de cette entrevue accepta la proposition, il en fit part au roi qui donna son accord.
Le saint arriva au palais alors en récitant le psaume 90 :
« Celui qui demeure sous l’abri du Très-Haut
Repose à l’ombre du Tout Puissant… »
Et lorsqu’il entra dans la chambre où se trouvait le roi, il fit sortir tout le monde et il resta seul avec le roi qui était à demi inconscient.
Il prit un peu de la terre du Saint-Sépulcre qu’il avait gardée sur lui et mélangea cette terre avec de l’eau. Puis après avoir longuement prié, il enduit avec ce mélange le roi. Quelques heures après le roi se réveilla, se leva et demanda à manger. Le saint pria pour lui à nouveau, l’enduit à nouveau puis le laissa dormir jusqu’au lendemain.
En une journée le roi avait retrouvé toute sa santé.

Le roi accorda au saint toutes ses requêtes, il rendit à l’église d’Edesse tous ses biens mais il garda avec lui le saint. Un jour il lui dit : « Dieu sait que je ne souhaite pas me séparer de toi car mon âme t’est très attachée ». Alors le saint fit sur le roi le signa de croix et lui annonça le Seigneur Jésus-Christ. Et le saint était très convaincant dans ses propos, il parlait avec aisance le grec, le persan et l’arabe. Le roi était comme une terre assoiffée de paroles spirituelles et bonne pour la semence divine. Et après s’être isolé plusieurs jours avec le saint prétextant que le saint le soignait il accepta la foi. Le saint lui écrivit le Credo en arabe avec des prières extraites des psaumes.
Finalement le roi sortit de sa retraite avec 3 de ses serviteurs eunuques qui acceptèrent également la foi et se dirigèrent vers le fleuve du Tigre. Et là ils reçurent le baptême et le roi prit comme nom de baptême Jean. Peu après le saint célébra la divine liturgie dans une des pièces du palais et le roi reçut la communion. Ce même jour le roi donna au saint une grande somme d’argent afin qu’elle soit distribuée aux pauvres et aux églises.
Puis le roi souhaita avoir un petit morceau du bois de la croix vivifiante, le saint fit pour cela le voyage à Constantinople et lui ramena un petit morceau du bois de la croix. A cette époque Michel [sans doute Michel II le Bègue empereur de 820 à 829] et Théodora régnaient à Constantinople.


Puis un jour le roi dit à Théodore : « Mon âme s’attriste à la pensée de la mort et je ne suis pas prêt pour ma fin, je crains d’être semblable à l’arbre sans fruit et qui n’est bon qu’à être brûlé. Il ne faut pas que je sois négligent à sauver mon âme ». Ayant dit cela il confia des sommes importantes à Théodore lui enjoignant d’aller en Terre Sainte pour les distribuer aux nécessiteux, églises et monastères. Puis il lui dit : « Quand tu auras terminé cette mission que je te confie et que tu seras de retour à Edesse, alors si tu apprends que je suis en vie, viens me voir…sinon et que je suis mort ne reviens pas et dans tous les cas souviens-toi de moi dans tes prières ». L’ayant écouté Théodore pleura mais bénit son intention car le roi était décidé par amour du Christ de proclamer ouvertement sa foi quelles qu’en soient les conséquences pour que le nom du Seigneur soit toujours béni. Puis le roi redonna au saint le morceau de bois de la croix et de la conserver dans son église, puis il lui donna congé en paix.
Le roi convoquant les responsables de son gouvernement, de la ville de Bagdad puis il leur dit : « Je veux vous confier quelque chose qui m’a été révélé alors que je dormais…l’heure de ma mort s’approche…je veux que vous soyez assemblés demain dans le grand stade afin que vous écoutiez mes recommandations ». Puis le roi a ordonné de faire cette proclamation dans les rues de Bagdad afin que tous soient présents au grand stade le lendemain.
Et cette nuit là le roi a prié tout le temps demandant l’aide du Seigneur. Et à l’aube il envoya l’un des 3 eunuques croyants chercher un prêtre (de la ville de Bagdad) qui a célébré pour tous les 4 la divine liturgie, ils reçurent les saints mystères et rendirent grâce au Dieu Très Haut.
Puis le roi mit ses plus beaux habits et se rendit au grand stade. Le stade était rempli de toutes sortes de gens et on avait construit une tribune afin que le roi s’y installe et soit vu par tous. Il descendit de son cheval et s’installa, il s’accorda un temps bref de pause puis se levant et faisant un geste de sa main il s’écria de sa voix la plus forte : « Ecoutez gens de Bagdad et tous ceux ici présents et sachez que je suis chrétien et baptisé au nom du père, du fils et du Saint-Esprit. J’ai reçu le nom de Jean et je crois en la Sainte Trinité, en un seul Dieu en 3 hypostases, et je ne crois en aucun autre dieu et je n’ai pas d’autre foi car mon Maître Jésus-Christ a dit dans son saint Evangile « quiconque me reconnaît devant les hommes je le reconnaîtrai devant mon Père qui est aux Cieux. Et maintenant je Le confesse devant les Cieux et devant la Terre, devant les hommes et les anges ». Puis après ces paroles il sortit une croix en or, se tourna vers l’Est, leva la croix au-dessus de sa tête puis se prosterna et embrassa la croix disant « devant Ta croix je me prosterne O Seigneur Jésus et en Toi je confesse O mon Dieu et mon Sauveur »…Et ses 3 serviteurs eunuques firent de même.
L’assemblée était stupéfaite, les gens ne savaient pas quoi faire jusqu’à ce que des cris s’élevèrent : « Que cet imposteur soit mis à mort car il a apostasié… » Puis se précipitèrent sur lui avec leurs épées mais avant qu’ils ne le tuent il dit à voix haute : « Entre Tes mains je remets mon esprit O mon Seigneur ». Puis ils lui tranchèrent la tête ainsi qu’aux 3 eunuques.
Le témoignage (martyr) du roi Jean et des ses 3 serviteurs a eu lieu un 13 mai et en place d’un royaume terrestre il fut digne de recevoir un royaume céleste.
Le corps du roi martyr resta à terre jusqu’à la tombée de la nuit, alors saint Théodore apparut en songe aux responsables de la ville de Bagdad leur enjoignant de ne pas interdire aux chrétiens d’enterrer son corps sinon de grands malheurs s’abattraient sur Bagdad.
On autorisa alors les chrétiens de donner une sépulture au roi et à ses serviteurs.
Par l’intermédiaire du roi et des serviteurs de nombreux miracles ont eu lieu ; le roi apparut également à saint Théodore en songe habillé tout en blanc dans une lumière éclatante avec une couronne lumineuse sur sa tête, il fit savoir à Théodore que le Seigneur l’a revêtu de Sa
Gloire et l’a fait participant avec l’assemblée des martyrs et de ses saints car en confessant son nom et en subissant le martyr de la main des perses il s échappé à la prison de ce monde et à ses ténèbres…
Peu après un messager de Bagdad arriva à Edesse portant la nouvelle de ce qui s’était passé.

Trois ans après le martyr du roi Jean, ce dernier apparut en songe à Théodore lui disant : « O mon père spirituel le Seigneur Jésus Christ t’appelle pour te reposer de tes nombreux labeurs, prépare-toi au départ ».
A son réveil Théodore comprit que l’heure de quitter ce monde était toute proche, alors il se rendit à l’église, convoqua le peuple des croyants, prêtres et laïcs, et il leur dit : « Frères, ayez de l’amour entre vous tous. Gardez vos corps purs. Ne négligez pas votre salut. Que votre principal souci soit l’accomplissement des commandements. Fuyez les conflits nuisibles. Ne désespérez pas à cause des épreuves car c’est par elles que vous recevrez votre couronne. Gardez votre foi pure sans défaut car sans elle nul ne peut voir le Seigneur. Choisissez un autre évêque que moi car je me rends à Jérusalem pour recevoir la bénédiction des lieux saints. Et c’est là-bas que je quitterai ce monde. Ne m’attristez pas en me refusant ma requête car je dois poursuivre ma route ».
Puis il les embrassa, posa ses mains sur chacun, les bénit et quitta la ville de façon discrète.

Arrivé à Jérusalem il se rendit à la skite de Saint Saba où les pères furent très heureux de le recevoir : ils lui donnèrent son ancienne cellule.
Vingt jours après il tomba malade et sut que son départ était proche, les pères s’assemblèrent autour de lui et demandèrent sa bénédiction. Il pria pour eux, les bénit puis il leur demanda de prier également pour lui et de le bénir. Il demanda à recevoir le corps et le sang du Christ.
Et après la communion il dit : « Et maintenant laisse O Seigneur ton serviteur partir en paix car mes yeux ont vu Ton salut. Gloire à Toi Trinité Sainte. Je remets mon âme entre Tes mains ». Puis il rendit son âme pure et c’était un 19 juillet.

Puis celui qui a écrit le récit de la vie de Saint Théodore a ajouté ce qui suit :
« Moi, son humble disciple, ayant constaté sa vie très bonne et ses très nombreuses vertus , je n’ai rapporté que ce que j’ai vu pour l’utilité de ceux qui vont écouter ce récit afin qu’il leur soit utile et qu’ils soient encouragés à imiter ses vertus, et demandons au Seigneur Jésus Christ de nous garder (de tout mal) et de nous rendre digne de son royaume, par l’intercession de la Toute Sainte (Marie) et du grand saint Théodore , Michel son proche parent et de tous les saints. Amen. Pardonne Seigneur à celui qui a écrit ce récit profitable et à ceux qui vont le raconter, l’entendre et agir selon son contenu. Amen. Amen. Amen »


COMPLEMENTS :
Ce récit doit être complété par celui du proche parent de Théodore et qui s’appelle Michel.
Ces deux saints sont associés dans les vieux synaxaires antiochiens [manucrit arabe du Sinai numéro 418 daté de 1238 et écrit à Damas].
Le récit précédent est pris d’un manuscrit se trouvant à Balamand : manuscrit numéro 155(669) daté de 1818.
Le biographe de Théodore est le fils de sa sœur, Basile, évêque d’Alep d’après de vieux manuscrits. Il est certainement moine, sans doute du monastère de Saint Saba ; or l’higoumène du monastère de saint Saba en 796 s’appelait Basile.
Un très ancien témoignage est celui du moine Daniel qui russe et daté de 1106 : d’après ce moine les reliques de Théodore et de Michel le fils de sa sœur se trouvent au monastère de Saint Saba.
Le typicon du monastère de saint Saba du 12ème siècle fait mention de Théodore et de son neveu Michel comme étant moines du monastère.
Le récit de Théodore est le seul qui raconte que le calife abasside Al Mamoun est devenu chrétien et qu’il est mort en martyr. Beaucoup contestent cette version.
Des contradictions entre certaines versions font que certains font remonter ce récit au dixième siècle lorsque les byzantins ont pu reprendre pied dans certaines régions de l’empire musulman et comme Edesse était majoritairement monophysite il a fallu « trafiquer » la vie de Théodore d’Edesse pour qu’Edesse redevienne orthodoxe.
tanios
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Message par tanios »

Précision concernant les compléments à la fin du récit de Théodore d'Edesse: Michel et le biographe (Basile) seraient tous les deux ses neveux...
La suite çàd le récit de la vie de Michel le proche parent de Théodore permettra (peut-être) d'en savoir plus.
Le plus surprenant est le récit de la conversion d'Al Mamoun qui n'est pas conforme à ce que l'histoire nous dit de la vie d'Al Mamoun puisqu'il serait mort en Cilicie lors d'une campagne militaire contre les byzantins. Sous son règne la vie culturelle à Bagdad connut son apogée; à noter que Al Mamoun ne croyait pas en la nature incrée du Coran (selon l'enseignement islamique).
T.
tanios
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Message par tanios »

SAINT JOSEPH DE DAMAS (10 juillet 1860)

Il s’agit de Joseph fils de Gergess [Georges] Moussa fils de Mehanna Al Haddad plus connu comme le prêtre Joseph Mehanna Al Haddad.
Originaire de Beyrouth, résident à Damas, de confession orthodoxe : c’est ainsi qu’il aimait se présenter1.
Son père a quitté Beyrouth le dernier quart du XVIIIème siècle pour s’installer à Damas où il a travaillé dans le textile ; il s’est marié à Damas et a eu 3 fils qui sont Moussa, Ibrahim et Joseph (Youssef).
D’ascendance arabe de la tribu des Ghassassina de la région de Hourane, ses ancêtres s’établirent dans la localité de Ferzoul dans la plaine de la Békaa au XVIème siècle puis ils partirent pour la région de Baskinta dans le Metn (Mont-Liban) puis à Beyrouth.
Le Père Joseph était trapu, de corpulence moyenne, blanc de teint, ayant de la prestance, le front saillant, le regard vif, une barbe dense de dimension moyenne partiellement blanche.

Son enfance
Le Père Joseph naquit à Damas en mai 1793 dans une famille pieuse et pauvre. Il a commencé par recevoir une certaine instruction, il connaissait bien l’arabe et un peu de grec. Il a dû arrêter assez tôt son instruction car son père ne pouvait subvenir aux frais. Il s’est mis à travailler dans le tissage de la soie. Mais les besoins matériels et le travail manuel n’ont pu éteindre sa soif d’apprendre. Il lui fallait trouver une solution et celle trouvée consistait à travailler le jour et à étudier la nuit.
Son penchant vers les études lui provient sans doute de son frère aîné Moussa qui était un lettré fin connaisseur de la langue arabe, il possédait une petite bibliothèque mais il décéda à 25 ans (à cause du surmenage a-t-on dit). Cet évènement refroidit les parents de Joseph concernant son engouement pour les études.
Lorsque Joseph eut 14 ans il a commencé à lire les livres que possédait son frère. Mais il était déçu car il ne les comprenait qu’en partie mais cela l’incita à apprendre davantage. Il se disait : « l’auteur de ces livres n’est-il pas un humain comme moi ? Alors je dois comprendre aussi »2.
Il a pu étudier sous l’égide d’un uléma3 connu à Damas, le cheikh Mohammed Attar. Il a pu ainsi améliorer sa connaissance de la langue arabe. Mais il a dû arrêter après une certaine période à cause des frais qui constituaient une lourde charge pour ses parents. Il reprit son ancienne méthode : travail de jour et étude la nuit.
Il faut savoir qu’à cette époque les études étaient liées à la piété et à la recherche de la connaissance religieuse. Le livre d’étude par excellence était la Sainte Bible.
Ainsi Joseph passa ses nuits à étudier l’Ancien Testament, les psaumes, les évangiles et à comparer les versions arabes et grecques jusqu’à ce qu’il pût traduire du grec et inversement de l’arabe au grec. Il connaissait par cœur des extraits complets de la Bible.
Il apprit également l’histoire avec Gerges Chéhadé Al Sabbagh .
Puis à son tour il a commencé à accueillir des élèves à son domicile et c’est ainsi qu’il apprit aussi l’Hébreu auprès d’un de ses élèves de confession juive.
Toutes ces activités inquiétèrent ses parents qui voulurent le détourner des études afin qu’il ne lui arrive pas la même chose qu’à son frère mais comme ils ne parvinrent pas à le faire changer d’avis ils décidèrent de le marier. Il épousa ainsi une jeune Damascène appelée Marie (Al Kirché) à l’âge de 19 ans (en 1812). Mais il continua ses études, la nuit même de ses noces il s’est consacré à ses études (selon sa biographie) !

Le prêtre
Les fidèles de Damas appréciaient Joseph car il était connu parmi les orthodoxes de la ville, ils demandèrent au Patriarche Séraphim (1813-1823) d’en faire un pasteur. Le Patriarche appréciait également Joseph. Il le consacra diacre puis prêtre durant la même semaine alors que Joseph avait 24 ans ; c’était en 1817. Puis le Patriarche Méthode (1824-1850) l’établit comme méga-économe car il avait remarqué son zèle, sa piété, son érudition et son courage.
Le Père Joseph servait à l’église appelée Mariamite4 et il prêchait de façon éloquente ; certains l’on décrit comme un autre Jean Chrysostome. Même longtemps après sa mort, en 1899, soit 39 ans après, Amine Zaher rappelait que même les cheikhs de Damas aimaient citer des extraits de ses sermons, et le grec-catholique Habib Effendi Alzayyat le décrivait comme étant célèbre parmi les orthodoxes arabes en son temps à cause de son savoir et de son éloquence.
Dans ses sermons il présentait les bons arguments et donnaient les réponses convaincantes. Sa voix était douce mais on pouvait l’entendre même assez loin et les gens l’écoutaient avec plaisir, ses paroles touchaient les cœurs, ils suivaient ses conseils et gardaient ses recommandations.
Il s’occupait également des pauvres des malheureux et des malades. Lors de l’épidémie de Choléra en 1848 il montra un grand zèle dans le service des malades, ne se souciant pas de sa propre santé et mettant toute sa confiance en Dieu. Il enterrait les défunts et consolaient les familles éprouvées. Il effectua ce service sans faiblir même lorsque l’un des ses enfants, Mehana contracta la maladie et en mourut. Cette épreuve renforça sa foi, sa détermination et le rendit encore plus compatissant ce qui augmenta énormément le respect des Damascènes à son égard, ils constatèrent en lui l’application des ces paroles de l’apôtre Paul dans 2 Corinthiens 4 :8-10. « Pressés de toute part, nous ne sommes pas écrasés ; dans des impasses mais nous arrivons à passer ; pourchassés, mais non rejoints ; terrassés, mais non achevés ; sans cesse nous portons dans notre corps l’agonie de Jésus afin que la vie de Jésus soit elle aussi manifestée dans notre corps ».

Il essayait d’éloigner le peuple des croyants des mauvaises habitudes trop nombreuses et qui étaient en opposition avec la foi orthodoxe. Il y réussit en grande partie.
Il construisit également une église dédiée à Saint Nicolas en 1845 (mais elle fut brûlée au cours des évènements de 1860).

L’école patriarcale
Cette école avait été fondée avant l’arrivée du Père Joseph mais avec lui elle devint reconnue comme une très bonne école.
Il a rejoint cette école en 1836 en y incluant les élèves à qui il enseignait dans sa maison. Il la géra de façon efficace en l’agrandissant et en employant des maîtres avec des salaires bien définis. Très rapidement cette école devait accueillir des élèves de toute la Syrie et du Liban.
Son objectif était que ces élèves deviennent des pasteurs pour les communautés orthodoxes. Les frais de scolarité étaient couverts par de pieux donateurs.
Cette école évolua jusqu’à ce qu’il y ait un enseignement en théologie : cette section s’ouvrit en 1852 à l’époque du Patriarche Hiérothéos (1850-1885).
Son souhait était que cette section devienne un jour semblable aux grandes académies de théologie du monde orthodoxe à cette époque.
De cette section de théologie douze devaient devenir des hiérarques du Patriarcat d’Antioche.
Le martyr en 1860 du P. Joseph devait cependant mettre un arrêt à l’objectif d’en faire une grande académie de théologie.

Qualités de l’homme de Dieu
Une des premières qualités du P. Joseph était sa pauvreté ; certains disaient qu’il effectuait son service de pasteur sans recevoir de compensation matérielle.
L’argent ne l’intéressait pas.
Lorsqu’il devint plus connu grâce à l’école patriarcale, le Patriarche Cyrille de Jérusalem (1845-1872) lui proposa un poste d’enseignant à Jérusalem avec un salaire mensuel alléchant de 25 livres {en comparaison, un professeur à Damas gagnait 1livre par semaine} plus un logement de fonction et diverses primes ; il refusa en faisant allusion à ses fidèles de Damas en disant « J’ai été appelé pour ce troupeau et nul autre, et Celui qui m’a appelé me suffit ».
Sa foi était fervente, il était doué d’une grande patience, il était calme doux humble compatissant, n’aimait pas parler de lui-même et était confus lorsqu’on le flattait.
Il parlait simplement avec les simples et avec éloquence avec les gens instruits.
On raconte qu’une fois des gens de simple condition ont quitté l’Eglise à cause d’une affaire futile, le Patriarche Méthode lui demanda alors de les ramener au bercail. Il partit alors leur rendre visite leur parla avec douceur sans leur faire des reproches et leur offrit quelques icônes. Il toucha ainsi leurs cœurs et ils retournèrent au sein de l’Eglise avec repentance.
Il était considéré comme étant l’un des plus érudits en son temps et personne dans la communauté orthodoxe pouvait lui être comparé à l’exception de Gergi Eliane.
En tant qu’homme d’église, il était vu comme un grand théologien et la fierté de l’orthodoxie.


Ses ouvrages
Il avait une bibliothèque où se trouvaient plus de 2000 ouvrages en 1840 mais on ne sait rien de son contenu car elle a brûlé lors des évènements de 1860.
Il a écrit en abondance. Il a repris les textes liturgiques et des Pères et les a corrigés en s’inspirant des originaux grecs.
Une fois terminé la correction il notait sur le manuscrit « traduit d’un ancien manuscrit avec lequel il est en conformité » ce qui signifiait qu’il était bon à imprimer. A l’époque les imprimeries orthodoxes en arabe étaient en nombre réduit : une à Beyrouth, une à Jérusalem et puis en Russie. Et ces imprimeries comptaient sur le travail du P. Joseph pour les corrections.
Pour la transcription du grec à l’arabe il travaillait avec Yanni Papadopulous.
Il a également amélioré la version arabe de la Bible publiée à Londres : c’était Farès Chidiac qui travaillait à cette Bible publiée à Londres en collaboration avec un orientaliste britannique.
On ne sait pas si le P. Joseph a écrit des ouvrages ; sans doute qu’il ne s’est pas jugé digne en comparaison avec les Pères, il s’est donc contenté de ce qu’ils ont écrit en faisant un travail de traduction la plus fidèle afin de les faire connaître aux orthodoxes arabophones.

Relations avec les uniates grecs-catholiques :
La relation avec les grecs catholiques était une question très délicate. On essayait depuis le début de les ramener à l’Orthodoxie ; mais certains voulaient utiliser la manière forte en faisant appel aux tribunaux et aux autorités politiques, d’autres préféraient la persuasion.
Le P. Joseph préférait cette dernière méthode.
Il désapprouvait la manière forte ou le recours aux autorités Ottomanes.
En 1857, le Patriarche uniate Clément imposa le calendrier occidental ce qui n’a pas plus à un certain nombre de ses fidèles les incitant ainsi à retourner au sein de l’Eglise Orthodoxe. Ces uniates ont formé un groupe autour de Chebli Ayoub, Gerges Anhouri, Youhana Freige, Moussa Bahry, Sarkis Débbané et Boutros Jahel. Ils ont contacté le P. Joseph qui les a accueilli favorablement et les a instruits pendant trois ans sur la foi orthodoxe. Il a également préfacé un livre écrit par Chebli Ayoub intitué « Purification de l’enseignement chrétien des opinions astronomiques » ; ce livre a été imprimé à Jérusalem en 1858. Et d’autres (anciens) grecs catholiques se sont joints à ce groupe qui augmentait en nombre et si le P. Joseph n’avait subi le martyr en 1860 tous les grecs catholiques de Damas auraient retrouvé la foi orthodoxe !

Relations avec les protestants :
Le P. Joseph eut plusieurs controverses avec les protestants ; parmi les plus remarquables celle qui a eu lieu à Hasbaya.
Dans la localité de Hasbayé (sud-ouest de la plaine de la Békaa à la frontière entre le Liban et la Syrie) les missionnaires protestants américains enregistraient quelques succès grâce à l’école qu’ils ont ouverte. Cent cinquante personnes s’étaient jointes à eux et ces personnes entrèrent en conflit avec les autres orthodoxes de la localité. Le patriarche Méthode envoya alors le P. Joseph pour régler le problème. Il resta sur place plusieurs mois et il réussit à ramener une partie de ceux qui s’étaient égarés, il put démonter également l’argumentation des missionnaires américains et arrêta leur progression.
A Damas même il essayait d’éveiller la conscience des fidèles pour les mettre à l’abri des hérésies.
On raconte qu’un missionnaire britannique (protestant) rencontrait des fois le P. Joseph pour discuter de la Bible. Le P. Joseph se rendit compte que ce missionnaire (qui s’appelait Jérémy) déformait ses réponses, il exigea alors que les questions posées le soient par écrit. Une fois il ne répondit pas aux questions posées, pensant qu’ils l’avaient coincé les missionnaires sont venus le voir, c’était la première semaine du Grand Carême : il répondit à toutes leurs questions de façon très convaincante, ils revinrent étonnés et il sortit grandi à leurs yeux. Après cela ils devinrent ses amis et venaient chez lui non pour polémiquer sur l’Ecriture mais pour être éclairés.

Le Patriarcat d’Antioche était à cette époque dans un état misérable.
Il y avait eu le schisme avec les grecs catholiques (en 1724), les missionnaires protestants très actifs, et l’Eglise était dans un état de grande faiblesse : elle était pauvre et la plupart étaient ignorants. Depuis 1724 les Patriarches étaient des étrangers (des grecs) car le Patriarcat était sous tutelle du Patriarcat de Constantinople et de celui de Jérusalem afin qu’il ne tombe pas dans le catholicisme romain.
Il n’ y avait pas de prêtres capables…Le Patriarcat était comme un navire à l’abandon.
C’est dans cette situation que la figure du P. Joseph paraît comme une renaissance.
Toute l’activité du P. Joseph, sa piété, sa pauvreté, son désir d’apprendre, toute son activité pastorale, ses sermons, son travail de traduction, l’école qu’il a dirigée, tout ceci et bien d’autre a contribué à créer un climat de renaissance qui a ranimé les âmes et vivifié les esprits. Une nouvelle génération naissait, les os desséchés se rapprochaient et l’esprit les ressuscitaient (Ez . 37).
Plus de 50 personnes qui devenaient devenir des pasteurs ont été formés par le P. Joseph et ont hérité de son zèle.
Citons : le Patriarche Mélétios (+1906) premier patriarche autochtone depuis 1724 était un de ses élèves, l’évêque de Beyrouth Ghofraïl Chatila (+1901), l’évêque Gérassime de Zahlé (+1899) et d’autres évêques et prêtres dont l’archimandrite Athanase (+1863) fondateur de l’institut clérical de Balamand, l’Econome Jean Doumani(+1904) qui a réalisé l’imprimerie arabe de Damas etc.
Ainsi le P. Joseph a pu réaliser son projet en partie de son vivant et en partie après son départ : il disait « J’ai semé dans la véritable vigne du Seigneur à Damas et j’espère la récolte ».
Tout cela explique ce que disait l’évêque de Beyrouth Ghofraïl : les astres de l’Orient sont au nombre de trois, l’apôtre Paul, Jean Damascène et le Père Joseph Mehanna Al Haddad.

Son martyr5
Les massacres de Damas ont commencé le lundi 9 juillet 1860. De nombreux croyants se sont réfugiés ce jour à l’église Mariamite et parmi eux il y avait des réfugiés de Hasbaya et du sud ouest de la plaine de la Békaa libanaise où les massacres avaient commencé plus tôt, ainsi que des réfugiés des villages environnant Damas.
Le P. Joseph avait toujours à son domicile les Saints Dons, il les prit sous ses vêtements et se dirigea vers son église mariamite en passant par les toits des maisons.
Il passa cette journée et la nuit suivante à renforcer les croyants afin de faire face à leur martyr assuré car toutes les issues étaient bloquées. Il leur rappelait qu’il ne fallait pas craindre ceux qui tuent le corps mais ne peuvent rien contre l’âme et aussi que la couronne de gloire est accordée à ceux qui ont donné leur vie au Christ. Il leur racontait l’histoire des martyrs les encourageant à leur ressembler.
Au matin du martin 10 juillet l’attaque contre l’église a débuté, les assaillants tuaient, pillaient et brûlaient tout. Beaucoup furent tués mais dans la confusion certains parvinrent à s’enfuir dans les ruelles avoisinantes. Le P. Joseph parvint aussi dans une de ces ruelles mais il fut reconnu par un assaillant uléma de son état et que le P. Joseph avait démonté lors d’une discussion, cet uléma avait donc gardé rancune contre le P. Joseph. Donc l’ayant reconnu il cria : « Voici l’Imam des chrétiens, tuez-le car en le tuant on tue tous les chrétiens ! ».
Le P. Joseph comprit alors que son heure était venue, il sortit les Saints Dons qu’il avait sous son vêtement et les avala. Les assaillants l’attaquèrent à coups de haches et de sabres et l’ont complètement défiguré. Puis ils l’on attaché par ses pieds à un cheval et ils l’on traîné dans les rues de Damas.
C’est ainsi que se déroula le martyre du P. Joseph. Il donna sa vie pour le Christ après avoir témoigné pour Lui dans son travail et dans ses veilles. Il put ainsi avoir part aux souffrances du Seigneur et lui ressembler dans sa mort. Il a donc été digne d’avoir part à sa gloire et de devenir pour nous un modèle à suivre, une bénédiction qui se donne et un intercesseur auprès de Notre Seigneur Jésus-Christ à Lui la gloire dans les siècles des siècles Amen.
Par les prières de notre père Joseph prêtre martyr et de ses compagnons, Seigneur Jésus Christ notre Dieu, aie pitié de nous. Amen.


Le Patriarcat d’Antioche a inscrit le P. Joseph dans la liste des saints le 8 octobre 1993.

Ce texte est une traduction inspirée de l’ouvrage « Les Saints oubliés d’Antioche » écrit par l’Archimandrite Touma Bitar publié en 1995.

Notes :
1) D’après un manuscrit écrit par le P. Joseph.
2) D’après sa biographie écrite par son neveu Ibrahim en 1884.
3) Un uléma est un théologien musulman.
4) L’église Mariamite est très ancienne, elle a été construite vers l’an 400. Après la conquête musulmane (vers 650) elle tomba en ruine mais pas pour longtemps car le calife Omar Ibn Abd Aziz (717-720) la rendit aux chrétiens en compensation de l’église dédiée à St Jean mitoyenne à la grande mosquée de Damas et qui a été prise par son prédécesseur le calife Abdel Malik (705-715) pour agrandir la mosquée. Les chrétiens l’on alors reprise et l’ont agrandie, mais elle devait être détruite à nouveau par les musulmans le 27 du mois de Ramadan de l’an 658 du calendrier musulman. Elle a été reconstruite puis à nouveau detruite en l’an 1400 de l’ère chrétienne par le conquérant mongol Tamerlan. Reconstruite avec de très grosse pierres elle a subsisté jusqu’en 1860. Incendiée avec ceux qui étaient dedans lors des massacres de 1860 elle a été rapidement reconstruite (le chantier ayant démarré en 1861) et de nos jours elle est une des plus belles églises de Syrie.
5) Les massacres de 1860 ont commencé au printemps au Liban avant de s’étendre à la région de Damas. Ces massacres ont fait au moins 10000 morts au Liban et plusieurs milliers dans la région de Damas. Seule l’intervention de la France qui a envoyé sa flotte de Toulon a arrêté les massacres et a sans doute sauvé les chrétiens du Liban de l’anéantissement total. Cette flotte a débarqué à Beyrouth à la mi-juillet et les français devaient ensuite aider les réfugiés chrétiens de la montagne à rentrer chez eux et à reconstruire leurs maisons. Il en est résulté un amour (c’est le mot qui convient) très fort des maronites libanais pour la France qui rêvaient du remplacement du gouvernement ottoman par la France ce qui arriva après la première guerre mondiale. Si au Liban on peut trouver des raisons politiques pour expliquer les massacres (raisons qui ne justifient rien du tout) à Damas il n’y en n’a pas. A souligner que l’Emir Abdel Kader a sauvé un bon millier de chrétiens en les installant dans sa résidence.
tanios
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Message par tanios »

J'ai trop tardé à m'appliquer concernant ce sujet.
Veuillez me pardonner.
Je vais essayer de présenter dans les prochains mois une dizaine de saints d'Antioche plus ou moins oubliés (et plutôt plus).

T.
tanios
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Message par tanios »

LES SAINTS MARTYRS SAFINOS ET SES FRERES
(Damas - Le quatrième siècle)



Leur martyr eut lieu sous le règne de Maximus et Maximianus (voir remarques à la fin).
Le gouverneur de la région de Damas s’appelait Basilius et il était très attaché au culte des idoles.
Et comme les ordres étaient de forcer les chrétiens à sacrifier pour les idoles les soldats les amenaient de partout vers Damas pour se présenter devant Basilius.
La procédure était toujours la même : Basilius commençait par lire les décrets impériaux puis demandait aux croyants de sacrifier aux idoles. Beaucoup étaient faibles et cédaient reniant ainsi leur foi mais certains tenaient bon, parmi ceux-là il y avait Safinos, son frère Paul, sa sœur Tati, ainsi que deux autres croyants Rufus et Eugénius (qui seraient également ses frères).

Safinos se tint devant le gouverneur et ils eurent cet échange :

Le gouverneur : Pourquoi désobéir à l’empereur et ne pas sacrifier aux dieux qui nous comblent de bien ? Tu ne vois pas que la Terre subsiste grâce à Zeus et à Apollon ? Pourquoi résister et inciter tes compagnons à en faire autant ? Es-tu mieux que ceux qui obéissent ?

Safinos : Vois et comprends ! Les idoles sont des tas de pierres et de bois décorés avec de l’or et de l’argent et vous les faites garder la nuit de peur que des voleurs ne les dérobent. Dire que les dieux nous comblent de bienfaits n’est pas vrai car ils n’ont pas la vie et ils causent la perte de ceux qui les adorent. Mais la vie et le bien viennent de Notre Seigneur Jésus Christ Roi et Sauveur.

Le gouverneur : tu n’as pas honte d’appeler Dieu Jésus le fils d’un menuisier et de blasphémer contre Zeus le dieu fort ?

Safinos : Zeus est une étoile. C’est ainsi que le désignent les astrologues. Mais Notre Seigneur Jésus Christ est le Roi des Cieux et de la Terre.

Le gouverneur : allez, sacrifie aux idoles ! Sinon prépare-toi à la torture et à mourir.

Safinos : Je ne ferai pas ce que je n’ai jamais fait.

Le gouverneur : Tu ne comprends pas que même si les idoles sont du bois et des pierres comme tu le prétends ce n’est pas pour elle que nous agissons ainsi mais pour les rois car nous sommes sous leur autorité?

Safinos : Mon Roi et mon Dieu c’est Jésus Christ et c’est lui seul que j’obéis.

Le gouverneur : Ainsi Jésus est un Roi pour vous ? A-t-il une armée ?

Safinos : Oui gouverneur, Il est Roi et Son règne n’a pas de fin. Ses soldats sont immortels.

Le gouverneur : Tu es un des ses soldats ?

Safinos : Oui.

Le gouverneur : Alors pourquoi tu mets l’uniforme militaire ? [Safinos était sans doute militaire] Pourquoi profites-tu de ce que les autorités te gratifient alors que ta dévotion est pour Un autre ? Enlève ce qui appartient à ces autorités et va chez ton Roi Jésus et soumets-toi à Lui !

Safinos : Les vêtements de vos rois conviennent à ceux qui mangent comme eux et reçoivent leurs présents, mais ceux-là sont mortels. Par contre ceux qui revêtent le Christ sont immortels.

Le gouverneur : et pourquoi tu ne pars pas tout de suite chez Lui ?

Safinos : Je suis prêt à mourir de tes mains et à partir chez Lui.

Le gouverneur : Alors prépares toi à mourir à moins de sacrifier aux idoles !

Safinos : J’attends cette heure qui sera une heure de joie, quand à toi, fais ce que tu dois faire rapidement.

Le gouverneur : Tu n’as ni père ni mère ?

Safinos : Je n’ai plus mes parents, j’ai une sœur qui m’approuve et qui adore le Christ.

Après avoir enquêté sur Safinos, le gouverneur apprit qu’il était très honnête, excellent cavalier, bon militaire très apprécié.

Au cours d’un deuxième interrogatoire ils échangèrent ce débat :

Le gouverneur : Pourquoi tu gâches ta jeunesse ? Je me suis renseigné sur toi et tout le monde a dit du bien de toi.

Safinos : Heureux ceux dont on dit du bien devant les anges ! Le témoignage des gens est éphémère, seul Le Christ demeure à jamais.

Le gouverneur : Tu es vraiment un imbécile ! Comment peux-tu ne pas adorer Zeus et Esculape ? Peux-tu nier qu’Esculape n’est ni un dieu ni un sauveur ? Tu ne vois pas comment les médecins guérissent les malades grâce à son aide ?

Safinos : Ecoute moi ! Zeus dont tu prétends qu’il est dieu son nom signifie « celui qui est en ébullition ». Il est chaud, source des passions impures et il est obscène. Tu l’adores ? Esculape était un sage qui excellait en sagesse et en connaissances, son père qui l’aimait beaucoup lui a fait une statue lorsqu’il est décédé. Tu adores donc ce qui est moins que toi !

Le gouverneur : Celui qui blasphème contre les dieux mérite la mort. Pourquoi ne te montres-tu un peu sage et ne fais-tu pas ce qui t’est ordonné toi et les quatre autres ?

Safinos : Ma sagesse n’est pas la tienne mais selon la crainte de Dieu. Toi tu adores des idoles fabriquées par des artisans. Ce n’est pas de la sagesse mais de l’ignorance et de la stupidité !

Sur ce le gouverneur ordonna à ce qu’on attache les mains de Safinos puis qu’il soit étiré à cause de son blasphème, qu’on l’accroche à du bois et qu’on le fouette pour cause de désobéissance aux lois de Rome.

Ensuite le gouverneur convoqua Tati la sœur de Safinos. Il lui demanda de convaincre son frère de sacrifier aux dieux afin qu’il ait la vie sauve.
Elle répondit : s’il m’obéit et fait tout ce que je lui demande il vivra.
Alors le gouverneur ordonna qu’on la prenne chez son frère et exigea que sa conversation soit notée par écrit.
Lorsque Tati rencontra son frère en prison elle lui dit : « Mon frère, rappelle-toi celui qui nous a enseigné et baptisé au Nom du Seigneur Jésus, comment il a été appelé à faire le bon témoignage [le martyre] et aujourd’hui il se tient en compagnie des apôtres. Les apôtres ont eu aussi accompli le bon témoignage…ils acceptaient de souffrir en Son Nom…que le mauvais ne te déçoive pas … Fortifie-toi afin de ne pas t’écarter de la voie du Seigneur de peur que tu ne sois compté parmi ceux qui l’ont renié perdant ainsi leur récompense car il n’ y a pas de repentance après la mort ».
Sur ce Tati passa toute la nuit près de son frère lui donnant du courage. Safinos avait soif mais il refusa de boire l’eau que sa sœur lui a apportée car c’était un jour de jeûne. Sa sœur lui dit : « A présent je sais que la force du Christ est en toi car c’est lui qui te fortifie dans ce combat que tu mènes afin que tu remportes la couronne éternelle ».

Au matin Safinos a été convoqué à nouveau devant le gouverneur ; l’ayant trouvé déterminé il essaya encore de lui faire changer d’avis mais en vain.
A la fin il lui reprocha d’avoir écouté sa sœur car « c’est une femme des plus basses… » mais Safinos lui dit que sa sœur l’a réconforté et qu’elle est plus forte que lui, que le même sang coule en lui et en sa sœur…
Alors le gouverneur le fit fouetter.
Ensuite il comparut à nouveau devant le gouverneur. D’autres chrétiens étaient convoqués également, parmi eux un certain Rufus qui avait avec lui une lettre de la mère de Safinos à son fils.
Voici cette lettre :
De Théodora à mon fils Safinos, que la paix du Christ soit avec toi.
Ne désespère pas mon fils parce que tu vas mourir dans des tortures alors que tu es en pleine jeunesse. Que le gouverneur ne te trompe pas. La richesse et l’opulence n’apportent pas le bien. A quoi serviraient-ils le Jour du Seigneur ? Ne préfères pas la lumière du soleil de ce monde afin de ne pas écarter la lumière joyeuse qui éclaire les justes. Ne renie pas ton Dieu afin que je ne sois pas jugée comme la mère d’un apostat ».

Finalement le gouverneur décida de décapiter Safinos à l’extérieur de la ville sans sépulture afin que les bêtes le mangent et qu’une garde s’en assure pendant quatre jours.
Ayant entendu ce jugement, Safinos déclara : « Je te rends grâce Seigneur Jésus-Christ car tu m’as jugé digne pour ce témoignage dans lequel je mêlerai mon sang avec tes justes, tes martyrs et tes élus ».
Puis les gardes amenèrent Safinos au lieu de l’exécution, sa sœur lui dit ses adieux et lui demanda de se souvenir d’elle quand il sera dans le royaume des cieux.
L’exécution a eu lieu le 25 septembre ; son corps resta exposé à l’air libre quatre jours durant avec des gardes autour puis de bonnes personnes se sont chargées de l’enterrer.
Le gouverneur s’attrista de la mort de Safinos. Puis il punit la famille de Safinos en la faisant exécuter par l’épée.

"Nous implorons notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ de nous faire partager Ses biens avec ces saints qui ont subi le martyr et qui lui ont plu par leurs bonnes actions. Par les prières de de tous les Saints ,Amen."


Remarques :
Le récit ne détaille pas le martyr de la famille de Safinos ;mais on sait que les parents de Safinos, Paul et son épouse ainsi que leurs quatre enfants sont morts en martyrs à Damas. Les versions de ce récit ne s’accordent pas sur les noms des membres de la famille de Safinos d’où des contradictions. Dans la version arabe Tati est la sœur de Safinos et dans une autre version ce serait sa mère.
Concernant les empereurs cités au début dans la liste des empereurs romains on a bien deux empereurs au début du quatrième siècle : Maximien Hercule dont c’est un deuxième règne (306-310 et Maximin Daïa (305-313).
Les récits sont référenciés ainsi:
-version numéro 41 de Lattaquieh.
-version arabe.
-synaxaire du Sinai numéro 418.
-version de Homs numéros 19 et 20.
-version du monastère Attieh (N°35).

Texte extrait de l’ouvrage de l’Archimandrite Touma (Bitar) :
« Saint oubliés d’Antioche ».
1995. Imprimerie Al Nour.
Irène
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Message par Irène »

Je vous suis particulièrement reconnaissante de cet important effort de traduction.

C'est un travail considérable, qui prend du temps et merci de votre belle contribution au forum.
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