L'Orthodoxie et la litérature française

Échangez vos idées librement ici

Modérateur : Auteurs

roman_k
Messages : 6
Inscription : mar. 16 sept. 2003 12:47
Contact :

L'Orthodoxie et la litérature française

Message par roman_k »

Pour apprendre une langue étrangère il faut lire des œuvres littéraires en cette langue. Moi, j’apprends le français, donc je dois perfectionner ma langue en lisant la litérature française. Bien sur on peut lire n’importe quoi, mais je voudrais lire sans dégout, je voudrais apprendre le français et sentir la beauté de cette langue, mais pas examiner des idées folles ou même diaboliques de certains de vos maîtres. Chers frères et sœurs, quels écrivains français pourriez-vous me recommander? Lesquells de vos écrivains et poètes vaut-il mieux lire pour un orthodoxe (et lesquels ne vaut pas)? Mais il faut que ce soient des écrivains connus au monde, car le moins un écrivain est connu hors de la francophonie, le moins de chances qu’on peut le trouver dans les bibliothèques russes.
Merci d’avance.

Fraternellement
Roman, qui habite la Russie, qui aime la Russie, mais qui aime aussi la langue française.
eliazar
Messages : 806
Inscription : jeu. 19 juin 2003 11:02
Localisation : NICE

Langue française, pour Roman

Message par eliazar »

Cher Roman,

Ta demande est énorme et bien difficile à satisfaire. Car un choix d'écrivains "préférés" ne peut être que très personnel. En même temps, il faut qu'ils écrivent un français moderne (donc lisible encore aujourd'hui, ce qui exclut beaucoup de nos meilleurs classiques) mais qu'ils l'écrivent sans trop de "fautes" ou de particularismes qui sortent de l'usage général; par exemple des auteurs (même importants ou célèbres - et qui figurent sans doute dans une bibliothèque russe de grande ville) mais qui se servent souvent de mots d'argot, ou de mots régionaux (comme les expressions provençales mêlées au français courant, chez Jean Giono par exemple) ne te rendraient aucun service.

Je pense tout de même à deux auteurs que tu devrais trouver facilement en lecture publique : Honoré de BALZAC, et Émile ZOLA.

Le premier décrit admirablement les milieux français de la période de la Restauration (après Napoléon Ier) jusqu'au milieu du XIXème siècle environ - c'est à dire des débuts du monde bourgeois enrichi, et de la fin du monde aristocratique de province. Il écrit un très bon français, quand il emploie une expression "locale", il fait ressortir qu'elle est rare ou paysanne, etc. Commence par essayer un de ses grands romans: ils selisent avec beaucoup d'intérêt, car ils décrivent très finement la psychologie des personnages, aussi bien les femmes que les hommes - et de plus, il a un sens aigu de cette période où la société occidentale "aisée tombe dans le mercantilisme, l'industrialisation, etc.

Il y a aussi George SAND, BARBEY d'AUREVILLY, Victor HUGO, Guy de MAUPASSANT qui se lisent encore assez bien - et qui sont intéressants même pour un esprit moderne.

ZOLA, lui, est surtout intéressant pour son analyse de l'ensemble des milieux sociaux de la France entre le milieu et la fin du XIXème siècle. Son français est moins beau que celui de BALZAC, mais c'est du bon français, proche de celui qu'on parle encore aujourd'hui (quand on se donne la peine de parler correctement). Et ses personnages sont très vivants, un peu dramatiques aussi : il a une vision assez noire de l'humanité, et dans plusieurs de ses romans l'intrigue se passe dans des milieux populaires assez bas, dans une pauvreté et une promiscuité typique des bas-fonds, ou presque.

C'est dans les modernes contemporains que le choix est plus difficile. Il y a des auteurs que tu liras aussi avec plaisir (il ne faut pas que ce soit une punition! un bon roman doit d'abord être un bon roman!) mais qui ne sont pas forcément très célèbres. Je ne sais pas si tu trouveras en bibliothèque publique des romans de Maurice GENEVOIS, de Henri de MONTHERLANT, de Jean GIRAUDOUX, de COLETTE, de Romain ROLLAND,
de Pierre MAC ORLAN, de Roland DORGELÈS, de Roger MARTIN DU GARD, de Raymond RADIGUET, de François MAURIAC, de Louis ARAGON, de Marcel AYMÉ, de Julien GREEN, de Jules ROMAINS, de Louis GUILLOUX, de Georges BERNANOS, d'André MALRAUX, de Jean GIONO...

Dans cette dernière liste, tous ont plus ou moins écrit entre la première et la seconde guerre mondiales. Tous écrivent un bon français, tous se lisent avec plaisir. Et si je ne te conseille ici aucun des "nouveaux" écrivains (ceux qui ont commencé à être connus après la seconde guerre mondiale), ce n'est pas qu'ils fussent mauvais, car certains sont excellents. Mais beaucoup d'entre eux ont cherché à "se donner un style intéressant", et beaucoup sont de ce fait plus difficiles à lire. Mais si tu ne trouvais rien qui te plaise dans ceux que je t'ai cité, j'essaierai plus tard de te faire un tri utile pour toi parmi les plus récents.

Mais je le répète, tout choix de ce genre est forcément personnel !

Éliazar
Claude le Liseur
Messages : 4352
Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Message par Claude le Liseur »

Le titre du fil de Roman était "L'Orthodoxie et la littérature française", donc il me paraît intéressant de mentionner trois romanciers orthodoxes qui ont écrit en langue française: deux Russes (Gabriel Matzneff et Vladimir Volkoff) et un Roumain (Virgil Gheorghiu).
Ce sont des auteurs qui ont eu un grand succès et dont les livres se trouvent facilement dans les pays francophones et donc, j'espère, aussi ailleurs. En tout cas, on peut les commander sur Internet.

Volkoff a écrit de très beaux romans à la gloire de la sainte Russie, notamment une trilogie sur la fin de la dynastie des Riurikides et l'avènement des Romanov: Les hommes du tsar, Les faux tsars et Le grand tsar blanc. Ces romans se trouvent en format de poche.

Gheorghiu, qui a été ensuite prêtre orthodoxe, est surtout connu pour son premier roman La vingt-cinquième heure, qui a été adaptée (et trahie) au cinéma par Henri Verneuil et qui raconte l'histoire d'un paysan roumain brisé dans l'engrenage de la seconde guerre mondiale. Mais il a écrit d'autres très beaux romans, notamment Dieu ne reçoit que le dimanche qui raconte à la manière d'une légende le sauvetage d'un prisonnier politique par les émigrés en Occident à l'époque du communisme.

De Matzneff, on peut lire, par exemple, Cette camisole de flammes, qui est son journal des années 1953-62, où il y a plein de détails intéressants sur la vie des émigrés russes à Paris, et où il raconte aussi ses rencontres avec la petite communauté orthodoxe française.

Il me vient aussi à l'esprit un romancier français qui est devenu orthodoxe dans les dernières années de sa vie, Paul Morand. Il y a un livre de lui, Venises, qui décrit la ville de Venise telle qu'il l'a vu évoluer entre les années 1910 et 1960, et où il annonce à la fin d'une manière brève et poétique sa conversion à l'Orthodoxie.
eliazar
Messages : 806
Inscription : jeu. 19 juin 2003 11:02
Localisation : NICE

Littérature française et Orthodoxie

Message par eliazar »

Il est exact qu'en établissant ma liste d'auteurs français, je n'ai pas accordé l'attention requise au côté "conformité à l'orthodoxie" que suggérait la demande de Roman.

La raison en est simple (mais j'aurais dû la signaler, en effet): Roman semble chercher à se "familiariser" par ses lectures avec un usage "correct" de la langue française - cet usage correct revenant selon moi à écrire et parler un français compréhensible pour un homme de notre temps, et donc ni rempli d'expressions fautives ou de mots employés hors de leur sens, ni dégénéré par des barbarismes en surnombre (généralement anglo-saxons,mais surtout afro-américains) - ni dans le sens opposé empreint de préciosité (qu'elle soit désuète, ou au contraire "futuriste" comme dans certains cercles d'écrivains actuellement réputés).

D'où mon choix d'écrivains "bons artisans de la langue". C'est un choix doublement pédagogique, en ce sens qu'il me semble utile pour un lecteur dont la langue maternelle est aussi éloignée du français que son pays l'est de la France, d'apprendre "les Français" (dans leur diversité d'opinions, de milieux sociaux, d'idéaux, de modes de vie), au moins pour la période contemporaine (XIXème siècle et XXème siècle pris dans leur continuité) en même temps qu'il "apprend le français". La langue d'un peuple n'étant pas une abstraction, mis un organe vivant inséparable de la culture de ce peuple - et donc des êtres humains qui le composent.

Or, si j'apprécie pour mon usage personnel votre rappel des rares auteurs français qui soient orthodoxes eux-mêmes, il ne me semble pas qu'ils fussent représentatifs des Français, sur le plan social. Ce sont (comme du reste les orthodoxes francophones eux-mêmes, en tant que groupe religieux) des individualités un peu "baroques" qui font tache dans la société française actuelle - comme vous l'avez incidemment fait remarquer (à un autre fil) dans votre réponse à propos de vos si intéressantes statistiques.

De plus, ils appartiennent plutôt à la génération littéraire de l'après-seconde guerre mondiale, c'est à dire aux courants de romanciers que j'ai provisoirement laissé de côté dans l'élaboration de cette liste (le cas de Paul Morand étant de toute évidence à dissocier des trois autres).
Irène
Messages : 942
Inscription : mar. 30 sept. 2003 11:46
Localisation : Genève

Message par Irène »

Je vais me contenter de recommander certains auteurs en poésie, utilisant une belle langue, fluide et chantante :Lamartine, Musset, Victor Hugo (que je préfère poéte qu'écrivain car le lire dans une oeuvre telle que "Les misérables" - éditions La Pléiade - est un véritable pensum). On peut aussi s'intéresser avec bonheur à Racine et Corneille ; certaines de leurs tirades sont des grands classiques. Je vous souhaite beaucoup de plaisir. Irène
Catherine
Messages : 213
Inscription : jeu. 19 juin 2003 14:03
Localisation : Basse-Marche, France

Pascal si orthodoxe !

Message par Catherine »

Quant à moi, cher Roman, je vous recommanderais très chaleureusement de lire les Pensées de Blaise Pascal par exemple, qui vous familiarisera aussi avec le français des sujets spirituels traités avec poésie.
Vous en trouverez, en guise de hors d'œuvre, un passage (très connu et très beau, qu'il convient même d'apprendre par cœur !) transcrit avec l'orthographe moderne, sur
http://perso.club-internet.fr/ariffart/ ... opo10.html
Il me semble qu'une petite faute s'y est glissée cependant à la deuxième ligne, où il faudrait lire PLEINE et non "plaine" majesté, mais je vais vérifier dans mon volume de Pascal.
Bonne lecture,
K.
Catherine
Messages : 213
Inscription : jeu. 19 juin 2003 14:03
Localisation : Basse-Marche, France

PS au précédent

Message par Catherine »

Oui, j'avais raison, et vous trouvez ce passage sans faute sur
http://www.cyberphilo.com/ref/disproportion.html
Quel merveilleux texte !
Cela peut se lire pratiquement une phrase à la fois, en ruminant, comme on le fait avec l'Écriture sainte.
J'espère que les Français de naissance ne diront pas que le langage est désuet.
Comme j'ai commencé mon apprentissage du français littéraire avec les auteurs du XVIIe siècle, pour moi, il n'y a rien de plus évident, mais je veux bien demander votre avis à tous.
Je me souviens aussi que les rares Français que j'ai côtoyés au Centre d'Études Médiévales où j'ai fait mon troisième cycle d'études supérieures, trouvaient le "français" des chansons de geste très difficile, alors que pour moi, c'était bien plus facile que le français moderne.
Comme tout est relatif.
K.
Catherine
Messages : 213
Inscription : jeu. 19 juin 2003 14:03
Localisation : Basse-Marche, France

PS au précédent

Message par Catherine »

Oui, j'avais raison, et vous trouvez ce passage sans faute sur
http://www.cyberphilo.com/ref/disproportion.html
Quel merveilleux texte !
Cela peut se lire pratiquement une phrase à la fois, en ruminant, comme on le fait avec l'Écriture sainte.
J'espère que les Français de naissance ne diront pas que le langage est désuet.
Comme j'ai commencé mon apprentissage du français littéraire avec les auteurs du XVIIe siècle, pour moi, il n'y a rien de plus évident, mais je veux bien demander votre avis à tous.
Je me souviens aussi que les rares Français que j'ai côtoyés au Centre d'Études Médiévales où j'ai fait mon troisième cycle d'études supérieures, trouvaient le "français" des chansons de geste très difficile, alors que pour moi, c'était bien plus facile que le français moderne.
Comme tout est relatif.
K.
mihaelaiacovache
Messages : 77
Inscription : lun. 15 sept. 2003 7:12
Localisation : Roumanie
Contact :

l'Orthodaxie et la literature...9 oct.St.Jacques,flis d'Alph

Message par mihaelaiacovache »

Le quel qui c;est appris du Ciel la connaissance du Mot et,illumine ,a prêché dans le monde l'évangile, le grand Jacques, celui qui eu élue apôtre, le fils d'Alphee,je T'en prie,aide moi ,Jésus-Christ,de louer celui qui Tu l'a remplit avec l'Esprit de Dieu,celui qui est ton sage disciple ,celui qui Tu l'a fait prêcheur a tous les bords,et de qui Tu reçois les prières, parce'il ce prie éternellement pour nous"( Icos)

C'est pour la second foi que j'essaie de traduire un texte religieux.J'ai trouve dans un hebdomadaire chrétien ("Iisus biruitorul") des Icos et Condaces des saints de chaque journée. J'en souplie les lecteurs plus avises que moi a correcte et /ou a compléter ces merveilleuses textes.Peut être Roman serrât enchanté aussi.
Que Dieu soit avec nous
eliazar
Messages : 806
Inscription : jeu. 19 juin 2003 11:02
Localisation : NICE

Francophonie - Pour Roman

Message par eliazar »

Je suis bien d’accord avec Irène pour « Les Misérables » ; j’ai eu l’occasion de les parcourir, (ainsi que son roman : « 93 ») dans une édition en fac-similé de typographie de l’époque : la ponctuation originale de Victor Hugo lui vaudrait un pur et simple renvoi de sa copie à n’importe quel examen actuel – par exemple, il n’hésite pas à enfiler des 5, 6 et une fois 9 points d’exclamation à la suite !

Je ne l'ai recommandé qu'eu égard à sa représentativité d'époque : ses romans sont « frappants », pour ne pas dire un peu ampoulés, mélodramatiques en tout cas, mais sans grande « épaisseur » des personnages, qui agissent davantage selon les règles du mélodrame que selon une étude psychologique sérieuse. Ils sont souvent tout d’une pièce On a souvent l’impression qu’ils sont là pour souligner d’un gros trait noir (ou bleu ciel et rose) une sorte de monologue de l’auteur face à l’image qu’il se fait de son génie, dans lequel il contemple avec émotion sa propre bonté, sur fond de laideur de la société qui l’entoure. en train d’être ému lui-même) qu’une véritable œuvre littéraire. Et son français (qui est le sujet, au fond, de la demande de Roman) est trop ampoulé, trop emphatique pour être utile aujourd’hui : on éclaterait de rire si quelqu’un de notre connaissance s’exprimait ainsi.

En fait, une grande partie de son succès vient de ses opinions tonitruantes en faveur des pauvres et des victimes de la vie ou de l’injustice. Mais elles sont trop souvent celles d’un tribun : sa vie privée montre un homme qui savait avoir des gestes théâtraux de générosité « publique » - mais qui avait un mépris symptomatique de ses jeunes servantes…

Et son narcissisme allait jusqu’à collectionner dans son grenier les chapeaux et les cannes qu’il avait portés le jour où il avait rendu visite à Untel, ou rencontré tel autre personnage ; avec des étiquettes soigneusement rédigées en vue de son futur musée ! Même Richard Wagner n’atteint pas à ce degré d’auto idolâtrie.

Éliazar
Catherine
Messages : 213
Inscription : jeu. 19 juin 2003 14:03
Localisation : Basse-Marche, France

Réponse, s.v.p. !

Message par Catherine »

Bon, ÉLIAZAR, il ne faut pas trop dégoûter le bon peuple, qui déjà ne lit plus grand-chose, de votre grand poète et romancier, VH.
Je prie tout le monde de m'excuser d'avoir posté, par inadvertance, deux fois mon dernier message.
En dépit de cela, personne ne l'a lu et pourtant j'y avais posé une question importante, je crois, pour ce qui est d'aider Roman dans ses études.
J'attends la réponse. Ce passage, comme d'autres que j'ai appris par cœur étant jeune, m'est encore utile aujourd'hui quand mon français hésite sur un point de grammaire, par exemple, sans parler du fait que je prends plaisir à le réciter pour sa musicalité, où la beauté de la langue française ressort tout particulièrement. Les cadences de ces phrases sont magnifiques et dignes du sujet qui célèbre la grandeur de l'œuvre de Dieu !
Zut, il me semble que, l'informatique aidant, cette édition n'est pas sans faute non plus. Je vais être obligée de le copier, de mon Pascal de la Pléïade pour Roman.
K.
Claude le Liseur
Messages : 4352
Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Message par Claude le Liseur »

J'apprécie d'autant plus la recommandation de la lecture du grand Blaise Pascal par Catherine que le grand Photios Kontoglou, restaurateur de l'iconographie orthodoxe après des siècles de décadence et remarquable contradicteur du papisme, était sensible à la personnalité et aux traits orthodoxes de Blaise Pascal et le considérait comme un fol-en-Christ occidental.

Dans le tome VIII de l'édition des oeuvres complètes de Photios Kontoglou par l'éditeur athénien Papademetrios (Editions Astir, Athènes 1976 et 1986), on trouve, en introduction à la traduction du français en grec moderne par Kontoglou d'un choix de pensées de Pascal, un petit texte d'une quinzaine de pages tout simplement intitulé Vlasios Paskal o dhia Khriston salos(Blaise Pascal le fol-en-Christ). Dans cet ouvrage de 1947, Kontoglou fait aussi des comparaisons entre des pensées de Pascal et des écrits des Pères.

En plus, Pascal est vraiment un maître de la prose française classique.

Le français du XVIIème siècle ne présente aucune difficulté pour un francophone d'aujourd'hui (francophone, ai-je bien écrit, pas adepte de la novlangue jack-languienne rappo-télévisuelle), sans doute parce que la création de l'Académie française par Louis XIII et Richelieu en 1636 a permis de stabiliser la langue, alors que les textes du XVIème siècle sont beaucoup plus difficiles à lire et que je ne crois pas qu'un francophone qui n'aurait aucune connaissance du latin pourrait comprendre le vieux français de la Chanson de Roland, par exemple.
Catherine
Messages : 213
Inscription : jeu. 19 juin 2003 14:03
Localisation : Basse-Marche, France

Enfin, sans faute !

Message par Catherine »

Merci, cher lecteur Claude, de me rassurer que Pascal est encore lisible-compréhensible par les Français "francophones" d'aujourd'hui. En effet, je ne me rends pas bien compte parfois, l'ancien français de la Chanson de Roland, celui de Villon, le moyen français de Montaigne, le français classique de Racine ou le français moderne ayant tous été pour moi des langues pareillement étrangères au départ.
Le plus difficile et le moins attirant m'a toujours paru être le français littéraire de la Renaissance : une langue peu unie, truffée de mots savants, de néologismes mal intégrés.
Merci aussi pour les références des Œuvres Complètes de Kontoglou, que je voulais vous demander depuis longtemps.
Mais voici pour Roman, ce fameux passage (si orthodoxe !) de Pascal, corrigé enfin d'après mon édition de la Pléïade de 1957. Heureux temps où, sans recourir à l'aide de l'ordinateur, des typographes soigneux prenaient leur temps à composer les textes et où deux ou trois correcteurs les corrigeaient avant qu'ils soient mis sous presse.

Blaise PASCAL :
Qu'est-ce que l'homme dans la nature ?

Que l'homme contemple donc la nature entière dans sa haute et pleine majesté; qu'il éloigne sa vue des objets bas qui l'environnent. Qu'il regarde cette éclatante lumière, mise comme une lampe éternelle pour éclairer l'univers; que la terre lui paraisse comme un point au prix du vaste tour que cet astre décrit et qu'il s'étonne de ce que ce vaste tour lui-même n'est qu'une pointe très délicate à l'égard de celui que les astres qui roulent dans le firmament embrassent. Mais si notre vue s'arrête là, que l'imagination passe outre; elle se lassera plutôt de concevoir, que la nature de fournir. Tout ce monde visible n'est qu'un trait imperceptible dans l'ample sein de la nature. Nulle idée n'en approche. Nous avons beau enfler nos conceptions au-delà des espaces imaginables, nous n'enfantons que des atomes, au prix de la réalité des choses. C'est une sphère infinie dont le centre est partout, la circonférence nulle part. Enfin, c'est le plus grand caractère sensible de la toute puissance de Dieu, que notre imagination se perde dans cette pensée.

Que l'homme, étant revenu à soi, considère ce qu'il est au prix de ce qui est; qu'il se regarde comme égaré dans ce canton détourné de la nature; et que de ce petit cachot où il se trouve logé, j'entends l'univers, il apprenne à estimer la terre, les royaumes, les villes et soi-même son juste prix. Qu'est-ce qu'un homme dans l'infini ?

Mais pour lui présenter un autre prodige aussi étonnant, qu'il recherche dans ce qu'il connaît les choses les plus délicates. Qu'un ciron lui offre dans la petitesse de son corps des parties incomparablement plus petites, des jambes avec des jointures, des veines dans ses jambes, du sang dans ses veines, des humeurs dans ce sang, des gouttes dans ses humeurs, des vapeurs dans ces gouttes; que, divisant encore ces dernières choses, il épuise ses forces en ces conceptions, et que le dernier objet où il peut arriver soit maintenant celui de notre discours; il pensera peut-être que c'est là l'extrême petitesse de la nature. Je veux lui faire voir là dedans un abîme nouveau. Je lui veux peindre non seulement l'univers visible, mais l'immensité qu'on peut concevoir de la nature, dans l'enceinte de ce raccourci d'atome. Qu'il y voie une infinité d'univers, dont chacun a son firmament, ses planètes, sa terre, en la même proportion que le monde visible; dans cette terre, des animaux, et enfin des cirons, dans lesquels il retrouvera ce que les premiers ont donné; et trouvant encore dans les autres la même chose sans fin et sans repos, qu'il se perde dans ses merveilles, aussi étonnantes dans leur petitesse que les autres par leur étendue; car qui n'admirera que notre corps, qui tantôt n'était pas perceptible dans l'univers, imperceptible lui-même dans le sein du tout, soit à présent un colosse, un monde, ou plutôt un tout, à l'égard du néant où l'on ne peut arriver ?

Qui se considérera de la sorte s'effraiera de soi-même, et, se considérant soutenu dans la masse que la nature lui a donnée, entre ces deux abîmes de l'infini et du néant, il tremblera dans la vue de ces merveilles; et je crois que, sa curiosité se changeant en admiration, il sera plus disposé à les contempler en silence qu'à les rechercher avec présomption.

Car enfin qu'est-ce que l'homme dans la nature ? Un néant à l'égard de l'infini, un tout à l'égard du néant, un milieu entre rien et tout. Infiniment éloigné de comprendre les extrêmes, la fin des choses et leur principe sont pour lui invinciblement cachés dans un secret impénétrable, également incapable de voir le néant d'où il est tiré, et l'infini où il est englouti.

Que fera-t-il donc, sinon d'apercevoir quelque apparence du milieu des choses, dans un désespoir éternel de connaître ni leur principe ni leur fin ? Toutes choses sont sorties du néant et portées jusqu'à l'infini. Qui suivra ces étonnantes démarches? L'auteur de ces merveilles les comprend. Tout autre ne le peut faire.

Manque d'avoir contemplé ces infinis, les hommes se sont portés témérairement à la recherche de la nature, comme s'ils avaient quelque proportion avec elle. C'est une chose étrange qu'ils ont voulu comprendre les principes des choses, et de là arriver jusqu'à connaître tout, par une présomption aussi infinie que leur objet. Car il est sans doute qu'on ne peut former ce dessein sans une présomption ou sans une capacité infinie, comme la nature.

Quand on est instruit, on comprend que la nature ayant gravé son image et celle de son auteur dans toutes choses, elles tiennent presque toutes de sa double infinité.

La place de l'homme dans la nature, Chap. I
Blaise Pascal, Œuvres complètes
Bibliothèque de la Pléïade
Éditions Gallimard 1957.

Très chaleureusement,
K.
Irène
Messages : 942
Inscription : mar. 30 sept. 2003 11:46
Localisation : Genève

Message par Irène »

Pour Roman

Alors, vous avez bien compris : si vous lisez du Victor Hugo, que ce soit dans ses poésies ! Ceci dit je viens de me souvenir qu'il existe un excellent ouvrage - le meilleur à mon sens dans le genre - c'est l'Encyclopédie de la Poésie Française par Georges Pompidou (oui, c'est bien lui, un ancien Président de la République française). C'est un recueil des plus belles poésies et textes poétiques en langue française, comprenant même des extraits de tragédies classiques. Là vous aurez le meilleur dans le genre et dans un seul ouvrage.
Claude le Liseur
Messages : 4352
Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Message par Claude le Liseur »

Pour compléter l'ikos de la fête de saint Jacques d'Alphée fourni par Mihaela, voici la traduction française sur le texte grec original par le hiéromoine Denis (Guillaume) de Nîmes:

"Entreprenant de célébrer l'apôtre Jacques, le fils d'Alphée, * celui qui fut initié à la connaissance du Verbe par le ciel * et sur terre prêcha l'Evangile aux hommes clairement, * je te supplie de m'envoyer ta grâce, Jésus Christ, * toi qui as rempli ton sage Disciple du saint Esprit * et l'envoyas aux confins de la terre pour prêcher; * tu as fait de lui un ambassadeur auprès de toi, * car il intercède sans cesse pour nous tous."
Répondre