Prosélytisme et orthodoxie

Échangez vos idées librement ici

Modérateur : Auteurs

Catherine
Messages : 213
Inscription : jeu. 19 juin 2003 14:03
Localisation : Basse-Marche, France

Message par Catherine »

Chère Michaela,
Comme j'ai aimé votre message, si vrai, allant de cœur à cœur entre orthodoxes éprouvés par l'approche des derniers temps !
Dernièrement, quelqu'un m'a reproché d'aller à l'église à 600 km de chez moi (ce qui fait que je ne peux pas y aller très souvent — peut-être une dizaine de fois par an en moyenne).
Mais c'était me reprocher l'acceptation de ma croix.
Les pères disent que même si de toute notre vie nous ne pouvions pas communier, nous devons refuser d'aller communier chez les hérétiques et schismatiques.
St Séraphim de Sarov dit bien aussi : "Ne t'inquiète pas, si malgré ta volonté tu ne peux aller à l'église, car la prière te reste toujours accessible.
Si tu es isolé et ne peux pas faire l'aumône, la prière te reste toujours accessible". etc.
Quand je me suis convertie à l'orthodoxie il y a 23 ans, la première question que j'ai posée à notre prêtre — influencée que j'étais encore par la mentalité papiste pour laquelle la pratique est principalement d'aller tous les dimanches à l'église — était : Père, mais comment allons-nous "pratiquer" ?
À l'époque, je n'avais ni voiture, ni d'argent pour le train. Le père nous apportait la communion quatre fois par an.
Mais pour un orthodoxe, il y a le coin des icônes dans sa maison, qui fait comme une petite église et il peut faire des offices et la prière de Jésus chez lui.
Il reste unie à l'Église, même à distance d'une église. Sa prière n'est jamais isolée, toujours communautaire.
J'aime beaucoup ce texte de l'évêque Ignace Briantchaninov, qui annonce déjà les temps que nous vivons et vivrons dans l'avenir:
Aux approches de la fin du monde, elles [les tentations] doivent devenir si fortes et si nombreuses que, par la suite de l’iniquité croissante, l’amour se refroidira dans la multitude (Mt 24,12 ). Mais le Fils de l’homme, quand Il viendra , trouvera-t-Il la foi sur la terre ? (Lc 18,8 ). La maison d’Israël — l’Église — sera dévastée par l’épée, par la violence mortelle des tentations, et deviendra déserte (Ez 38,8 ). La vie selon Dieu devient très difficile. Elle le devient parce que celui qui vit au milieu des occasions de chute et qui en a constamment sous les yeux ne peut pas ne pas en subir l’influence. De même que la glace perd sa dureté au contact de la chaleur et se transforme en la plus douce des eaux, de même un cœur débordant de bonne volonté, s’il est exposé à l’influence des tentations, surtout quand elle est constante, s’affaiblit et finit par changer. Mener une vie selon Dieu deviendra très difficile à cause de l’ampleur de l’apostasie généralisée. Les apostats dont le nombre aura augmenté, par le fait qu’ils continueront de s’appeler chrétiens et d’apparaître extérieurement comme tels, pourront d’autant plus facilement persécuter les vrais chrétiens; ces apostats entoureront les vrais chrétiens de multiples pièges en dressant d’innombrables embûches sur la voie de leur salut et feront obstacle à leur désir de servir Dieu, comme le remarque saint Tikhon de Voronège et de Zadonsk. Ils agiront contre les serviteurs de Dieu par la violence de leur pouvoir, par la calomnie, par des machinations pleines de malice, par toutes sortes d’artifices et par de cruelles persécutions. Le Sauveur du monde trouva à grand-peine refuge dans l’obscur et lointain village de Nazareth pour se cacher d’Hérode et des scribes, des pharisiens, des prêtres et des grands prêtres juifs qui Le haïssaient; de même dans les derniers temps, un moine véritable pourra difficilement trouver quelque retraite isolée et inconnue pour y servir Dieu dans une certaine liberté et sans se laisser entraîner par la violence de l’apostasie et des apostats au service de Satan. Ô époque malheureuse ! Ô situation désastreuse ! Ô détresse morale, imperceptible pour les hommes sensuels et pourtant incomparablement plus grande que les plus étonnantes des catastrophes matérielles ! Ô calamité qui commence dans le temps mais ne se termine pas dans le temps, qui passe dans l’éternité ! Ô désastre des désastres, connu seulement des vrais chrétiens et des vrais moines, mais ignoré de ceux qu’il frappe et engloutit.
Évêque Ignace Briantchaninov
Il ne nous reste qu'à prier, pécheurs que nous sommes, que Dieu nous garde fidèles à la vraie foi orthodoxe.
K.
eliazar
Messages : 806
Inscription : jeu. 19 juin 2003 11:02
Localisation : NICE

Prosélytisme

Message par eliazar »

Suite du dialogue avec Panayotis (il prouve que le sujet est vraiment vital !) :
Tu as écrit que « l'orthodoxie en France a pour origine des communautés d'immigrés ou réfugiés grecs et russes ».

NON. C’est la grande fausse affirmation, le mensonge du Père du Mensonge, celui que le Vatican (mais aussi, chez nous, le « Club » des Parisiens et autres amis des O. Clément, etc…) veut absolument imposer à tous les historiens, et à tous les orthodoxes même s’il y parvenait par son lavage de cerveau universel.
Pourquoi ce gigantesque mensonge à la Gœbbels ? Comme l’a parfaitement dit Katherine, « Il ne faudrait pas que les bons papistes apprennent que leur Église n'est pas la vraie ! Ce serait la catastrophe ! » D’où cette thèse absurde, mais assassine des âmes (et, au bout de l’Histoire - s’ils y arrivaient - du Christianisme vrai) qui veut que Clovis ait été converti par un évêque catholique romain, et ait embrassé la foi du pape infaillible.
Autrement dit (je caricature à peine) : ... qui veut par conséquent que les païens qui peuplaient la France soient devenus Chrétiens grâce à l’Église de Pie XII, de Jean XXIII et de Jean-Paul II !

Ce mensonge est sans cesse étayé, chez nous, par la thèse dont tu viens un peu naïvement de prendre le relais. Alors que la vérité historique s’étale dans tous les manuels d’Histoire – mais hélas en filigrane : quand les premiers Gaulois, Celtes, Ligures, Bituriges et j’en passe sont devenus chrétiens, IL N’EXISTAIT PAS ENCORE DE FRANCE.

Et les Franks comme Clovis n’étaient que quelques petites peuplades comme les autres, qui envahissaient petit à petit les terres vaguement situables entre la France du Nord et la Belgique actuelles, dont personne n’imaginait qu’elles deviendraient un empire militaro-religieux qui passerait des siècles à envahir et à emm. le reste de l’Occident !

Trêve de folklorisme jubilatoire : ce que nous appelons la France (par habitude commode, et par lassitude, comme les Ouzbèques ont fini par être des « Russes ») est peu à peu devenue chrétienne, par l’évangélisation de ses premiers illuminateurs qui venaient tous de cet Orient d’où nous vient la Lumière, et en direction de quoi étaient pendant des siècles « orientées » nos églises. Et ils étaient tous ORTHODOXES ! Pas catholiques romains ! Et nos peuples d’alors, les Provençaux, les Aquitains, les Lyonnais, les Arvernes, les Poitevins, etc. ont abandonné l’un après l’autre leurs paganismes locaux pour entrer dans l’ÉGLISE DU CHRIST – pas dans les caves du Vatican !

[ Et pendant ces siècles-là, les Franks « descendaient » chez nous pour piller nos villes, violer nos femmes, égorger nos enfants, et repartir dans le Nord. En 1870 encore, quand les Prussiens ont envahi le Nord de la France, un de nos grands poètes, le félibre Aubanel, a écrit un long poème appelant aux armes et dont le refrain, le leit-motiv plutôt, était « Sus aux Hommes du Nord »…]

Malheureusement, nos frères Grecs ou Russes crient avec une pieuse joie mêlée d’un peu de fierté qu’ils ont apporté l’orthodoxie à l’Occident. Alors que Dieu a permis qu’ils fussent exilés, pour un temps, et qu’ils en profitent pour venir simplement nous RAPPELER d’entre les morts, et nous faire ressouvenir (comme la Belle au Bois Dormant, à son réveil) que nous aussi avions été baptisés DANS LA FOI ORTHODOXE.

[ Et même Clovis a été baptisé par un Évêque Orthodoxe, saint Rémy de Reims... ]

Il faut sans cesse le dire, et le redire, et le crier sur les toits au besoin : si nos frères Grecs ou Russes croient cette naïveté, c’est à cause d'un quarteron d’orthodoxes francisés (non : parisianisés) qui font la loi dans nos média, de la lèche au Vatican, et courent sur les genoux pour célébrer des « chemins de croix » à Rome avec le Pape, en plein dans le Colisée. Pour arrondir leurs droits d’auteurs. Pas pour convertir l’Autocrate Pontifical, hélas… car ils ne cherchent pas faire des prosélytes, mais des profits.
Petite note dans la marge : Les Illuminateurs de la « France » orthodoxe sont presque tous morts martyrs – et c’est bien là que le bât blesse (par rapport à ce prosélytisme qui nous fait actuellement défaut) : aujourd’hui plus personne n’a la moindre envie de courir le moindre risque pour le Christ, même pas de s’engueuler avec son curé – et les orthodoxes se réfugient en effet trop souvent dans un intellectualisme de salon cossu qui leur permet de rester, comme un valet dans les farces de Molière : « Ami de tout le monde ! ».

Et si les Grecs et les Russes ont manqué être déchristianisés par les Turcs ou les Bolcheviques, les Français, eux, l’ont été par le Vatican. Sauf que les Turcs et les Bolcheviques n’y ont pas réussi, et le Vatican, oui ! Parce que le Vatican a été bien plus habile qu’eux : il a déchristianisé la France Orthodoxe … en les persécutant « …avec la Croix pour Bannière », comme dirait Kalomiros !

C’est contre cette persécution par les armes et par les mensonges de la fausse Église que se sont levés tant de fois les petites gens du christianisme occidental agonisant. Mais malheureusement, faute de culture doctrinale et historique suffisante, ils tombaient de plus en plus dans des hérésies qui leur faisaient rater la cible. La plus connue est le Catharisme, et celle qui a le mieux réussi (parce qu’elle se rapprochait le plus du vrai but : le retour à l’orthodoxie de nos origines), le Protestantisme.

Et c’est à cause de ce grand drame millénaire que je considère les Protestants comme les chrétiens les plus proches de nous (par principe, et par admiration pour leur ténacité, mais j’enrage quand même de toutes les échardes qu’ils ont plantées un peu partout dans la Foi des Apôtres), et que nous devons tous une telle reconnaissance émue aux Grecs et aux Russes – même quand ils nous collent le coryza de leur Œcuménisme (ils ne savent pas ce qu’ils font, les pauvres ; nous, oui) et la grippe de leur néo-calendarisme.

Éliazar

PS- Je bouillais tellement que je n'ai même pas encore pris le temps de lire tous les messages qui suivaient cette insupportable phrase ! Kyrie eleison !
eliazar
Messages : 806
Inscription : jeu. 19 juin 2003 11:02
Localisation : NICE

Prosélytisme

Message par eliazar »

Mihaela, moi aussi j’ai beaucoup aimé ce que vous nous avez raconté, de votre découverte du silence de Dieu, dans votre monastère à la campagne.

Oui, Dieu parle dans le silence…

Je me souviens (moi qui aime tant l’office de l’Orthros) de ce jeune prêtre crétois qui le récitait par cœur, sans même avoir besoin de regarder son livre, à toute vitesse, en regardant le jardin par la fenêtre de l’église pour voir qui allait arriver : son indifférence, son « verbiage intérieur » (il pensait tellement à autre chose qu’à Dieu que j’avais l’impression d’entendre ces pensées qui étouffaient les paroles des Psaumes) tout ce « bruit » m’empêchait de lire mon office, dans mon propre livre !
J’ai fini par lire mon Orthros dans le train, puis dans le jardin, et ne plus entrer dans l’église que pour le début de la Liturgie !

Plus jeune, et avant de devenir orthodoxe, l’abus d’orgues et de cantiques stupides m’avait définitivement chassé de la messe dominicale (catholique) ; pendant des années, je partais seul, le dimanche matin, pour aller marcher dans la montagne, au bord de la mer ou dans un simple jardin public de grande ville, et je sentais que Dieu était là, tellement près de moi que j’avais parfois la « certitude » qu’Il allait prendre corps de manière visible. Je n’étais même pas déçu qu’Il ne le fasse pas : j’étais si bien !

« Je me suis rappelé les petits ermitages des montagnes de Moldavie, les laures de Kiev, les trous creusés dans les rochers des Météores, où d'autres saints ont fait une autre sorte de témoignage. Quelle sorte de témoignage est réservée aux orthodoxes d'aujourd'hui? »

Katherine vous a répondu, un peu, pour le témoignage d’aujourd’hui.
Mais rassurez-vous, Mihaela ! Dans un « demain » plus ou moins proche, les ultimes croyants seront bien obligés de retrouver ces lieux écartés du monde, ces villes saintes souterraines d’Anatolie, ces cavernes dans le désert… Je ne peux jamais lire (ou entendre, mais c’est plus rare) ce splendide texte de saint Paul sans avoir le frisson de l’expectative, car Dieu réside hors du temps, et notre passé est en même temps notre avenir :

« Et que dirai-je encore ? …/… Les uns se laissèrent torturer, refusant leur délivrance pour obtenir un bien meilleur, la résurrection ; d’autres subirent les épreuves des moqueries, des fouets, et même des liens et de la prison ; ils furent lapidés, tourmentés, sciés, ils moururent tués par le glaise ; ils allaient çà et là, vêtus de peaux de moutons ou de toisons de chèvres, privés de tout, affligés, maltraités – eux dont le monde n’était pas digne ! – errant dans les déserts, les montagnes, les cavernes et les antres de la terre… » (Hébreux 11, 32-38)

Et enfin ; la Résurrection !

Qui sera la disparition, l’abolition, la consommation du Temps… Ouf!
Nicolas
Messages : 45
Inscription : jeu. 21 août 2003 14:32
Localisation : Ivry-sur-Seine
Contact :

Prosélytisme

Message par Nicolas »

En réponse à Eliazar (suite au dialogue avec Panagiotis),

tout à fait d'accord avec vous ! Mais ne vous inquiétez pas, d'origine grecque je ne me suis pas fait avoir et je suis loin d'être le seul dans ce cas là.

Pour renchérir sur ce que vous avez dit sur le petit milieu orthodoxe parisien je me rappelle q'une fois, pour je ne sais plus quel événement à Saint Serge, le gouvernement avait envoyé un représentant du ministère des affaires étrangères (!!!!!) et non pas du culte. Et personne à saint-Serge ne s'est offusqué de cela, trouvant la chose parfaitement normale.

Je ne sais pas s'il faut en rire ou en pleurer mais cela en dit très long....
Claude le Liseur
Messages : 4352
Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Message par Claude le Liseur »

A propos des "Ouzbèques (sic) qui ont fini par s'appeler Russes": quand je regarde une carte du monde, je vois un Ouzbékistan. J'attends avec impatience de voir un "Occitanistan". :D

A propos d'Aubanel: Max Jacob a aussi écrit un poème: "Poète et ténor/ L'oriflamme au nord /Je chante la mort. / Poète et tambour/ Natif de Colliour/ Je chante l'amour". (Passé et présent, in Le Laboratoire central, Gallimard, Paris 1980, p. 52.)
Faut-il voir en Max Jacob un grand témoin des affreuses invasions germaniques?

Peu importe si cela fait longtemps que les historiens ont expliqué que, sauf cas particulier comme le passage du Rhin en 406, IL N'Y A PAS EU D'INVASIONS GERMANIQUES. Citons Robert Latouche: "Ce que nous appelons les Grandes invasions a été en réalité une pénétration dans l'Empire romain, opérée parfois belliqueusement, mais souvent et plus efficacement par des moyens pacifiques et une lente infiltration qu'il est permis de comparer à celle des Nord-Africains dans la France métropolitaine. La comparaison paraîtra même d'autant plus justifiée que les Germains barbares ont apporté à Rome eux aussi une main d'oeuvre et des soldats." (Les origines de l'économie occidentale, Albin Michel, Paris 1970, p. 44).

Ce n'est que la deuxième vague germanique (Alamans et Bavarois) qui a reculé la frontière de la latinité, en lui faisant perdre le Norique, la Rhétie (à l'exception des isolats de population romanche), la Toxandrie et la majeure partie de l'Alsace et de l'Helvétie. Si la latinité a pu se maintenir dans une partie de l'Alsace et de l'Helvétie, elle le doit précisément aux rois burgondes, puis francs. La frontière linguistique entre allemand et français en Suisse recoupe exactement la frontière que les Burgondes ont réussi à tenir contre les Alamans, à l'exception du Haut-Valais perdu suite à l'immigration des Walser et des villes de Fribourg et de Bienne partiellement reconquises par la latinité au XIXème siècle.
En revanche, les Roumains sont le seul reste de la latinité orientale, le reste ayant été totalement submergé par les invasions slaves et asiatiques.

Faut-il rappeler que les Français, les Wallons, les Romands, les Italiens, les Espagnols, les Portugais, sont restés latins, malgré (ou grâce?) à ces "envahisseurs germaniques" que furent les Francs, les Burgondes, les Ostrogoths, les Wisigoths et les Suèves?

Les "Franks" tellement attachés à leur caractère propre que le roi Chilpéric, petit-fils de Clovis, était poète de langue latine.

Les peuples qui furent conquis par les Arabes, les Slaves ou les Turcs ne peuvent pas en dire autant quant au maintien de l'hellénisme ou de la latinité. Que reste-t-il de latin en Afrique du Nord?

Et quand il y a eu le déferlement des Huns, qu'auraient fait nos ancêtres s'il n'y avait pas eu les Burgondes du royaume de Worms, le roi des Alains Sangiban (il est vrai Iranien et pas Germain), défenseur d'Orléans aux côtés de saint Aignan, ou le roi des Wisigoths Théodoric Ier pour verser leur sang avec eux?

Les Francs et les Burgondes étaient bel et bien des fédérés de l'Empire. Et Clovis a bel et bien été fait patrice et doté des insignes consulaires par l'empereur légitime (quoique monophysite), Anastase le Silentiaire. Et la maison de Burgondie et les Mérovingiens se sont toujours comportés en loyaux lieutenants de l'Empire. C'est Charlemagne qui a trahi, pas ses prédécesseurs.

La réussite des dynasties mérovingienne, wisigothe et burgonde pour s'assurer la loyauté de leurs sujets romains a été telle que, au VIIIème siècle, plus personne dans l'ancien royaume de Burgondie ne se souvenait d'avoir été d'origine gallo-romaine et que les habitants croyaient tous descendre des Burgondes (qui n'avaient pourtant jamais représenté plus de 12,5% de la population de leur royaume) (cf. Justin Favrod, Les Burgondes, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne 2002, pp. 136 s.) Pas mal pour des "petites peuplades".

La fusion s'est sans doute faite parce que les Gallo-Romains orthodoxes de l'époque attachaient plus d'importance à la proclamation de la foi qu'à un sentiment ethnique inexistant et qu'ils voyaient bien que les Mérovingiens (qui ont quand même donné saint Gontran et saint Cloud à l'Eglise) et la maison de Burgondie (qui a donné sainte Clotilde et saint Sigismond) partageaient sincèrement leur foi. Et en plus, ils étaient de culture latine. Et cela leur suffisait.

Même s'il est en effet regrettable que les Francs aient fini par l'emporter sur les Burgondes.

Quant à l'ancienne foi orthodoxe des "Gaulois, Celtes, Bituriges et Ligures" (puisque la France n'a visiblement plus droit de cité, et je suppose pas plus la Suisse), qu'est-ce qu'il en reste? Qui s'en souvient? Qu'y aurait-il comme Orthodoxie en Europe occidentale sans les Grecs et les Russes?

Quant au "coryza de l'oecuménisme" et à la "grippe du néo-calendarisme", cela me semble des maladies bien bénignes en regard de ce que j'ai vu de la soi-disant Orthodoxie francophone (sauf rarissimes exceptions du genre Saint-Antoine-le-Grand). Je ne préfère pas donner trop de détails. Mais j'en ai gardé le sentiment que, dans la plupart des cas, on aurait pu s'abstenir de créer des paroisses francophones ou d'ordonner du clergé francophone. La foi et les moeurs n'y auraient rien perdu.


Une question à Eliazar: je n'arrive pas à voir en quoi le catharisme, qui n'est même pas chrétien puisque c'est une religion dualiste manichéenne, pouvait rapprocher qui que ce soit du "retour à l'orthodoxie de nos origines".
panayiotis
Messages : 30
Inscription : dim. 12 oct. 2003 23:47

Message par panayiotis »

Eliazar,

loin de moi - du moins sur un forum ayant trait au religieux, et bien que nombre de missionaires grecs aient parcouru l'europe occidentale même à l'époque de l'église des premiers siècles - d'avoir dit que Grecs et russes avaient apporté l'orthodoxie en France par orgueil

Ce fut l'oeuvre de l'église des premiers siècles bien sûr, qui n'avait rien de "catholique" au sens de papiste (bien qu'elle fut et que l'orthodoxie elle même ait une portée "catholique" c'est à dire tout simplement "universelle" en grec)

Disons alors que ce sont principalement les réfugiés et immigrés Grecs et Russes qui ont ré-implanté l'orthodoxie en France à l'époque moderne. On ne peut quand même pas dire qu'elle est venue autrement.

Rajoutons "ré-" et nous mettrons tout le monde d'accord (j'espère, à moins de "byzantiniser" la discussion)


Antoine,

Je vous répondrai plus précisément demain, je n'en ai pas le temps maintenant -mais ce forum est tellement intéressant que je n'ai plus m'empêcher d'y jeter un oeil.

Je pense que l'église orthodoxe est la vraie église mais je pense aussi qu'il a de vrais chrétiens dans d'autres églises. Je sais, ce n'est pas un raisonnement très rigoureux et cela fait très politiquement correct mais tant pis.

Pour le reste, savez-vous que les "Barbares" ayant fait plié Rome n'ont pas dépassé 5% de la population totale de l'espace qu'ils ont envahi? Comme quoi.

Michaela,

Les messages comme les votres font respirer un grand air spirituel.
Comme pour les livres, ce sont les témoignages d'une expérience chrétienne orthodoxe qui peuvent faire accéder "aisément" à celle-ci, plus que tous les arguments que nous nous échangeons.
eliazar
Messages : 806
Inscription : jeu. 19 juin 2003 11:02
Localisation : NICE

Prosélytisme

Message par eliazar »

Claude a écrit : « A propos des "Ouzbèques (sic) qui ont fini par s'appeler Russes": quand je regarde une carte du monde, je vois un Ouzbékistan. J'attends avec impatience de voir un "Occitanistan" ».
Moi aussi, Claude ! Sauf que les Franchimans ne s’en tireraient pas indemnes pour autant. J’entrerais immédiatement dans le maquis (comme Garibaldi à la bataille pour Dijon de 1870 : porté sur une brouette !) pour leur arracher un changement de nom, et faire de cette Occitanie qui n’a jamais existé historiquement la « Grande Provence » de mes rêves. Non mais ! Le port de Nice a une ligne directe avec la Corse, savez-vous ?

« A propos d'Aubanel: Max Jacob a aussi écrit un poème: "Poète et ténor/ L'oriflamme au nord /Je chante la mort. / Poète et tambour/ Natif de Colliour/ Je chante l'amour". (Passé et présent, in Le Laboratoire central, Gallimard, Paris 1980, p. 52.) Faut-il voir en Max Jacob un grand témoin des affreuses invasions germaniques? »
Ce charmant poète « breton » étant mort le 5 mars 1944 au camp de Drancy, à la suite de son arrestation par la Gestapo quelques jours auparavant (comme vous ne pouvez l’ignorer, cher Claude), j’incline en effet à croire qu’ayant succombé aux effets insalubres de leur toute dernière invasion en date, Max Jacob pourrait à bon droit être honoré du titre de « Grand Témoin ».
Sauf le respect que je vous dois,évidemment.

« Les "Franks" tellement attachés à leur caractère propre que le roi Chilpéric, petit-fils de Clovis, était poète de langue latine. »
Ne soyez pas plus royaliste que le Comte de Paris : un des plus grands troubadours de la langue provençale ancienne était bien un Hohenzollern… alors !

« Sauf cas particulier comme le passage du Rhin en 406, IL N'Y A PAS EU D'INVASIONS GERMANIQUES »
Vous devriez expliquer cela aux Arlésiens, dont la ville (ancienne capitale des empereurs romains) a été prise, pillée, et détruite par les Franks de Charles Martel. Qui n’était pas plus Gaulois (que je sache) que Max Jacob (mais dans l’autre sens, si j’ose dire).
Et ce jour-là, profitez-en pour faire un petit détour par Roncevaux pour demander aux Basques si c’étaient des Gascons qui succombèrent aux côtés du comte palatin Rotland…

« Les peuples qui furent conquis par les Arabes, les Slaves ou les Turcs ne peuvent pas en dire autant quant au maintien de l'hellénisme ou de la latinité. »
… sauf que les cavaliers d’Allah, lorsqu’ils se taillaient une principauté, s’empressaient de prendre des lettrés byzantins comme ministres, et que c’est ainsi que les grands écrivains de l’hellénisme nous ont été (d’abord) transmis ; grâce à eux. Même la seconde vague, à la Renaissance, nous en est arrivée grâce à eux aussi - mais indirectement je vous l’accorde, et parce que nous leur avions laissé conquérir Byzance sans mot dire !

« Que reste-t-il de latin en Afrique du Nord? »
Mais de très belles ruines, cher Claude, à Tipasa, je crois… Comme en Allemagne (p. ex. à Trèves), en France (p. ex. à Lyon), et en Provence (un peu partout) !
Et si vous voulez parler de la langue vernaculaire des Kabyles, elle est en effet étrangère au latin… mais l’allemand des Saxons l’est aussi, que je sache ; enfin, un peu … Non ?

« Si la latinité a pu se maintenir dans une partie de l'Alsace et de l'Helvétie, elle le doit précisément aux rois burgondes, puis francs. »
Vous ne confondriez tout de même pas les Burgondes (venus de l’île de Bornholm, ne vous déplaise – et à qui nous devons la belle et sinistre épopée des Nibelungen) avec les Bourguignons du XVème siècle, ennemis des Armagnacs ? Ou les Franks (même ceux de Charlemagne) avec des bruns crépus venus de Sicile ou de Calabre qui auraient à l’origine envahi les environs de l’actuelle Weimar, et se seraient installés dans cette Franconie qui s’appelait, dans leur langue, le Frankenland... ?
A propos de Nibelungen, j’espère que vous ne contesterez pas non plus l’allure plutôt germanique leurs noms de héros : Kriemhild, Gunther, Siegfried, Hagen ou Brünhild me semblent assez peu italiens, non?

« …quand il y a eu le déferlement des Huns, qu'auraient fait nos ancêtres s'il n'y avait pas eu les Burgondes du royaume de Worms, le roi des Alains Sangiban (il est vrai Iranien et pas Germain), défenseur d'Orléans aux côtés de saint Aignan, ou le roi des Wisigoths Théodoric Ier pour verser leur sang avec eux? »
Si vous voulez absolument remonter aux temps où Berthe filait… je vous accorde tout ce que vous voudrez – et même que le roi de France ne pouvait compter pour le sauver (et donc sauver le Royaume) que sur sa Garde Suisse. Jusque dans leurs alcôves, qu’auraient fait les rois de France sans les héritiers que leur fabriquèrent des héritières Florentines, des infantes d’Espagne, des archiduchesses d’Autriche et jusqu’à des princesses de Kiev ?! Et que ferait le Rugby français si les gaillards du Sud-Ouest n’avaient pas gardé les qualités (et la morphologie, souvent) des maris Wisigoths de leurs lointaines ancêtres gasconnes ? Etc… Etc… On peut continuer longtemps comme cela ; que voulez-vous prouver, au fond ?

« …(puisque la France n'a visiblement plus droit de cité, et je suppose pas plus la Suisse) »…
Je me sens tout bête devant ce genre d’incidente : ce n’est pas qu’elles n’aient PLUS droit de cité, mais qu’en effet, à l’époque de l’évangélisation des païens gaulois, celtes, bituriges … et helvètes, il n’existait PAS ENCORE de Suisse ni de France. Oui ? ou non ?
Je n’y peux plus rien changer : je suis sans doute venu trop tard dans un monde trop vieux, mais que voulez-vous que j’y fasse ! La France n’existait pas encore, c’est tout ! Et la Chanson de Roland elle-même a été écrite bien des siècles après l’extinction du christianisme orthodoxe en Occident. On ne peut pas tout anachroniser.
Si nous revenions un peu à l’orthodoxie ?

Pour finir sur une note de bonne humeur, je répondrai bien volontiers à ce que vous écrivez (« en quoi le catharisme, qui n'est même pas chrétien puisque c'est une religion dualiste manichéenne, pouvait rapprocher qui que ce soit du "retour à l'orthodoxie de nos origines" »), que j’ai été trop elliptique.
Je parlais bien sûr de tous ces soubresauts, ces révoltes des petites gens illettrées contre l’abâtardissement de la Foi de leurs ancêtres - sous l’emprise d’un clergé kto de plus en plus ignare, et de moins en moins chrétien. Soubresauts qui jetaient le peuple de telle ou telle province vers la première hérésie venue (si ses témoins leur paraissaient plus « purs et durs » que leurs curés et leurs moines décadents) plutôt que vers la soumission au joug de Rome.
Mais j’aurais pu aussi bien citer la défense provençale des fraticelli franciscains que venait de condamner leur Ordre, embourgeoisé et enrichi. Ou, dans ma Provence toujours, de la complicité populaire pour les « Barba » vaudois pourchassés, qu’on appelait eux aussi les « Bons Hommes ». Ce n’étaient certes pas des mouvements théologiques, comme le calvinisme ou le luthéranisme, mais des jacqueries d’origine religieuse. Ceci dit, pourquoi croyez-vous que tant de Français actuels se « convertissent » au bouddhisme tibétain ? Pour des raisons pas si différentes… Entre Jean-Paul II et le Dalaï Lama, ils choisissent peut-être celui qui, au moins, n’a pas fraternisé avec Pinochet, ni canonisé Stépinac ? Allez donc savoir !

En tout cas, là nous revenons aux remarques de Panayotis, d’Irène, et des autres : si les orthodoxes de notre temps annonçaient la Bonne Nouvelle avec l’intrépidité de ceux qui les convertirent jadis du paganisme à l’orthodoxie… on s’extasierait peut-être moins sur les progrès de l’Islam ou du Bouddhisme, dans le Landerneau médiatique.

PETITE NOTE DE BAS DE PAGE – Vous tombez pile avec Saint-Antoine-le-Roux. Je vous envoie chez vous une notice toute récente que vous pourrez ajouter à votre synaxaire personnel !
Claude le Liseur
Messages : 4352
Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Message par Claude le Liseur »

A propos d'Aubanel et de Max Jacob: donc 406 égale 1870 qui égale 1940?

A propos des restes de la latinité, il me semble bien que nous conversons dans un dialecte dégénéré de la langue latine, mais qui reste quand même et malgré tout du latin, et si nous n'avions pas eu les Mérovingiens et la maison de Burgondie pour nous défendre, il ne resterait pas plus de trace de notre latinité que de celle de l'Afrique du Nord... c'est-à-dire des ruines.

En ce qui concerne Charles Martel, ce grand Pippinide: sans lui, nous parlerions arabe et nous serions musulmans. Pour ma part, je préfère la latinité et le christianisme, dont il ne serait sans doute rien resté en Occident sans Charles Martel.

La seule chose que je veux prouver, c'est que sans les Mérovingiens et sans la maison de Burgondie, nos ancêtres auraient complètement disparu de la surface de la terre, comme les Latins des Champs décumates, du Norique, de la Pannonie, de la Rhétie, de l'Illyrie, de la Mésie, de la Maurétanie tingitane, de la Maurétanie césarienne, de la Numidie, de l'Afrique proconsulaire, de la Byzacène, etc.

A propos de Roncevaux, ce n'était pas le grand amour entre Basques et Gascons, alors rien n'interdit de supposer qu'il y avait des Gascons dans l'armée de Roland.

A propos de la littérature grecque à nous transmise par les musulmans, je pense plutôt que c'est le calife Omar qui fit brûler la bibliothèque d'Alexandrie et Mehmet II qui fit détruire vingt mille manuscrits grecs lors de la prise de la Ville bénie de Dieu. Quand on me vole ma montre et qu'on me rend les aiguilles, je ne dis pas merci.

Mais si, mais si, la France et la Suisse existaient déjà sous d'autres noms, puisqu'il y avait la Francie avec Paris pour capitale et la Burgondie avec Genève pour capitale. C'était deux pays latins avec des rois germaniques. Ce qui a changé, c'est qu'après la chute de la maison de Burgondie, les trois quarts de l'Helvétie ont été germanisés, mais cela n'a plus rien à voir avec le Völkerwanderung et vient de vagues d'immigration successives d'Alamans qui, eux, au contraire des Burgondes et des Francs, n'étaient pas latinisés et n'étaient pas des fédérés de l'Empire.

N'exagérons pas non plus l'importance des conversions de Français au bouddhisme tibétain. Elles s'expliquent à mon avis par le fait que le bouddhisme tibétain, lui, a une vie spirituelle, plus encore que par le rôle de Sa Sainteté le dalaï-lama.

N.B.: J'ai lu le document que vous m'avez envoyé et je vois que les francophones ne déçoivent jamais.
Irène
Messages : 942
Inscription : mar. 30 sept. 2003 11:46
Localisation : Genève

Message par Irène »

Pour Claude et Eliazar,

Messieurs, merci, c'était un régal !
Claude le Liseur
Messages : 4352
Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Message par Claude le Liseur »

A ce propos, il me vient le souvenir d'un prêtre (ou pasteur?) vieux-catholique du canton de Vaud, chanoine du diocèse anglican de Gibraltar (mais oui, ça existe!) et devenu par la suite prêtre orthodoxe, qui ne jurait que par la Bourgogne, sans que l'on n'ait jamais pu m'expliquer s'il avait la nostalgie du royaume des Burgondes, du deuxième royaume de Burgondie ou du duché de Bourgogne.

Comme il s'intéressait au "rite burgonde" (si quelqu'un sait de quoi il s'agissait, merci d'avance), je peux supposer que son esprit se portait sur le premier royaume, celui des Burgondes de Bornholm, Worms, Genève, Vienne en Isère, et autres lieux découverts à marée basse.
Catherine
Messages : 213
Inscription : jeu. 19 juin 2003 14:03
Localisation : Basse-Marche, France

divers

Message par Catherine »

Sans avoir encore tout lu de cette avalanche de discours, je me permets quelques remarques.
Antoine dit :
L'incarnation est sans doute le mystère le plus difficile à faire avaler à un non chrétien. C'est très compliqué justement.
Je pense que c’est très compliqué en effet en tant que gnose, et surtout pour des gens qui n’ont pas ouvert la bouche pour l’avaler.
Mais une vie spirituelle authentique nous aide à appréhender tous les mystères et les rend plus faciles à transmettre dans un langage simple et accessible ou par des images même.
Bien de nos saints pères parlaient avec une simplicité telle que les Olivier Clément et leurs auditeurs snobs mépriseraient leur discours.
C’est pourtant souvent les discours les plus simples qui touchent le cœur.
Un jeune Afghan de nos amis, vivant à Bruxelles et très ouvert à toutes les spiritualités, me parlait des “religions qui avaient finalement toutes le même but”; mais il disait avoir, bien sûr, une prédilection pour Allah le très-miséricordieux.
Je lui ai dit tout de go qu’à mon sens le Dieu des chrétiens est le plus miséricordieux, Lui qui, devenu Homme, a partagé le sort des plus démunis en naissant dans une pauvre grotte et même des derniers des brigands en se laissant crucifier. Je lui ai parlé de l’Incarnation en ces termes plutôt affectifs, comme j’en avais parlé à mon petit-fils quand il avait 5 ans. Du Dieu qui est plus haut que tout et qui devient petit enfant par amour pour nous.
Cela a touché le cœur d’enfant de Khalil, qui en avait les larmes aux yeux et demeurait pensif jusqu’à notre retour de cette belle promenade à Bruges, que nous avions faite ensemble.
Je suis sûre que nous en reparlerons la prochaine fois que j’irai à Bruxelles.
En me disant au revoir, il m’a demandé de prier pour lui. Oui, un musulman à une orthodoxe.
Je pense qu’il ne faut pas commencer par vouloir convaincre ou convertir qui que ce soit, mais saisir l’occasion qui se présente pour faire du bien aux gens ou leur apprendre les vérités chrétiennes.
Si c’est vécu, pratiqué de façon constante, on est toujours prêt à partager, sans avoir étudié la théologie et de plus, cela sonne toujours plus authentique aux oreilles des gens qu’une leçon de catéchisme apprise par cœur.
Et c’est ce que je voulais dire en disant qu’il fallait vivre notre foi intensément, et non pas, comme le pensait Panayotis, d’attendre d’être parfait.

Mihaela raconte :
Je me suis souvenus que j'ai passe mes premieres 25annees ,les vacances dans une monastere orthodoxe et ,la bas, personne ne m'a parlede Dieu,Jesus Christ ,la St.Vierge Marie seulement les mures peints ,les icones, les cloches et la nature
Mihaela, quelle chance d’avoir passé ses 25 premières années dans un tel milieu !
Pendant ce temps-là, votre amie Catherine, également sous le régime communiste, mais un peu plus à l’ouest que vous, passait ses étés à se faire bronzer au bord du lac Balaton, et ses hivers à fréquenter les spectacles à Budapest, et se souciait des “superstitions démodées” que certains croyants lui racontaient parfois, comme d’un colin-tampon.
Mais Dieu qui connaît le fond de notre cœur et qui sait que nous Le cherchons souvent sans le savoir nous-mêmes, m’a guidée, à travers l’expatriation, puis une vie calme au sein de la nature et de multiples épreuves, à cette Église dont je n’avais jamais entendu parler dans mon pays, et Il m’a appris à languir après la vraie patrie des chrétiens.
Adolescente, je faisais un rêve récurrent : je me voyais entourée de mes plus chers amis et me sentais pourtant atrocement seule. Ce sentiment de solitude était si fort et douloureux qu’il me pesait comme dans un cauchemar. Au moment suivant, je me trouvais seule, mais étais envahie d’un sentiment de plénitude, de bien-être comme si j’étais entourée de présences invisibles amicales et chaleureuses. Mais il n’y avait personne autour de moi.
Longtemps, je me demandais ce que signifiait ce rêve et c’est ma conversion à l’orthodoxie qui m’a donné la réponse 20 ans plus tard.
Aujourd’hui, dans la compagnie de gens qui ne partagent pas ma foi, je peux me sentir bien, mais j’éprouve toujours douloureusement un manque : celui de la profondeur de communion spirituelle.
En revanche, je peux être complètement seule dans une église orthodoxe pendant des heures et je me sens entourée de présences aimantes : les saints des icônes, des peintures murales, de l’iconostase comblent ma solitude d’une grande douceur.
J’ai souvent le sentiment que je pourrais y passer ma vie, dans cette compagnie.
(Autrefois, seule une bibliothèque me faisait cet effet : mais ma recherche d’une communion totale avec des auteurs profanes demeurait toujours décevante.)
Quand je pense que, avant d’être badigeonnés de chaux par les cisterciens, les églises d’Occident répandaient la même grâce de la présence des saints à travers les peintures !
Cela peut être aussi un départ de prosélytisme, la visite d’une église romane où il reste encore des fresques.
Et il ne faut pas être forcément un théologien de l’icône.
Je raconte parfois à des amis comment je ne comprenais jamais dans ma jeunesse le "snobisme" des gens du monde qui allaient voir le musée serbe des icônes à Szentendre (bourg au nord de Budapest, habité par des Serbes), moi qui déjà détestais les musées et de plus je trouvais les icônes laides, tristes et sombres.
Et comment l’orthodoxie a changé mes goûts : comment je ne peux plus supporter les Madone de la Renaissance (je ne les ai jamais beaucoup aimées, mais maintenant… je les abhorre, de même que toute représentation à sujet religieux qui ne soit pas orthodoxe !), et comment la présence des icônes m’est devenue indispensable.
Lecteur Claude dit :
…dans la plupart des cas, on aurait pu s'abstenir de créer des paroisses francophones ou d'ordonner du clergé francophone. La foi et les moeurs n'y auraient rien perdu.
Cher lecteur Claude, vous pourriez compter Saint-Étienne de Clara parmi les rarissimes exceptions, une “paroisse” francophone qui, de plus, n’a pas non plus le coryza, ni la grippe en question.
Et je m’émerveille depuis que je suis sur ce Forum : aucun des reproches que vous faites tous aux Églises francophones ne peut être appliqué à cette juridiction-là, et presque tout ce que les lecteurs de ce Forum souhaiteraient voir dans la leur s’y trouve.
Mais le malheur est que cette paroisse est une paroisse de Vrais Chrétiens Orthodoxes, et ces derniers, avec leur prêtre d’une intégrité à toute épreuve, sont accusés à tort par ces messieurs du club parisien d’”intégrisme”.
Comme si l’Église ne devait pas transmettre le dépôt dans son intégralité, et comme si ses prélats ne devaient pas être intègres !!!

Cher Panayotis,
lorsque vous parlez d’une "Église orthodoxe de France non reconnue”, puis-je vous demander à quelle église vous pensez précisément ?
K.
panayiotis
Messages : 30
Inscription : dim. 12 oct. 2003 23:47

Message par panayiotis »

Antoine, je vous ai partiellement répondu plus haut
vous avez dit concernant l'hésychasme:
"Ecoutez le Dalai Lama de visite en France: il en parle très bien.
Tant que vous parlez de lumière divine, de spiritualité, de détachement du monde etc...tout va bien.
Mais dès que vous abordez incarnation- résurrection, Trinité alors là les difficultés commencent. Et si vous précisez que la relation à Dieu se fait en Eglise et non pas en seul à seul et qu'elle passe nécessairement par le Christ qui en confie la gestion à l'Eglise alors même les chrétiens désertent."

D'abord je crois que le dalai lama parle de tout autre chose que de l'hésychasme et de l'expérience de Dieu. Je pense que cela n'a rien à voir. Sur les icones le Christ a les yeux tournés vers celui qui le regarde. L'orthodoxie cherche à voir la lumière divine, que ce soit pas des pratiques monastiques ou par la communauté des Chrétiens.

Je ne reviendrai pas sur ce qui me paraît être le socle du message chrétien que j'ai exprimé dans le message auquel vous avez répondu.
L'orthodoxie me paraît l'exprimer mieux tout simplement.
Concernant les différences avec les autres religions chrétiennes par delà les questions sur la trinité, les rajouts les inventions et le césarisme papal il suffit pour moi de me rendre à un office catholique ou protestant pour me demander comment ces derniers peuvent trouver un sens à tout cela. Les explications de texte protestantes, les voix sans fond catholiques, la fuite du mystère au profit d'un discours creux, je ne comprends pas cette pauvreté spirituelle.
Antoine vous précisez
"L'incarnation est sans doute le mystère le plus difficile à faire avaler à un non chrétien. "
Je pense justement que ce qui caractérise l'orthodoxie c'est aussi sa mystique affirmative, une façon de ne pas s'excuser d'être chrétien, de ne pas s'excuser de croire, et de parvenir à faire croire par l'expérience, par une pratique accessible à chaque être humain .
Il n'y a pas à faire avaler, il a à témoigner et en quelque sorte à montrer par la pratique religieuse, par la simplicité affirmative que permet l'approche orthodoxe.
Je pense que si l'orthodoxie n'existait pas je ne serais pas chrétien, ou je le serais d'une manière personnelle limitée et contradictoire.

Je ne vous cache pas que je ne mets pas au coeur de ma foi les discussions théologiques qui ont animé les différents conciles. Lire sur le sujet m'intéresse, mais je dois être de ce forum celui qui en connait le moins sur ceux qui ont écrit, mis à part sur grégoire palamas que j'affectionne.
Je suis orthodoxe par émerveillement, parce que c'est cette voie de l'orthodoxie qui, alors que quoique baptisé orthodoxe je fus quelques années en proie au doute et engoncé dans un certain rationalisme et sans doute atteint par le matérialisme contemporain (par faiblesse ou orgueil, cherchant alors ma propre vision de l'être que je pensais pouvoir trouver par moi seul je suppose), m'a mis sur le chemin de la foi.
Je pense que si j'étais de culture catholique, mon retour à Dieu ne se serait pas fait ou pas avec la même certitude et le même apaisement, ou alors je me serais conconcté mon adaptation bancale, un ersatz d'orthodoxie. Je pense pouvoir le dire avec certitude.
L'orthodoxie est complète. Ce n'est pas après avoir disséqué froidement les différences orthodoxie-catholocise-protestantisme que je puis me dire orthodoxe. Je ne suis pas docteur ès orthodoxie ni sans doute un bon chrétien. L'orthodoxie est pour moi une évidence absolue, et si un ami non orthodoxe me demande d'en parler, je commence toujours par essayer de faire partager une expérience de l'Homme Dieu et les explications viennent après.
panayiotis
Messages : 30
Inscription : dim. 12 oct. 2003 23:47

Message par panayiotis »

Catherine,

vous avez exprimé 100 fois mieux que moi ce que je voulais dire à antoine

du reste antoine sait tout cela très bien, ses questions étaient une espèce de test pour savoir ma position sur l'oecuménisme et si je considérais l'église orthodoxe comme la seule véritable église

concernant "léglise orthodoxe de france", j'ai déjà vu une église en france avec une plaque "église orthodoxe de france" (et on pas "en france") et sait ce que j'ai écrit par diverses conversations. Je n'ai pas de source livresque pour vous éclairer avec beaucoup de détails. Aussi j'ai recherché sur internet pour vous trouver un site avec plus de détails. Voilà donc une explication d'olivier clément (désolé) : "De jeunes intellectuels fervents et militants avaient organisé dans l'entre-d,eux-guerres une "Confrérie de Saint-Photius". Face au monolithisme clos et à l'unionisme de l'Eglise catholique d'alors, la Confrérie affirmait l'universalité de l'orthodoxie et sa vocation 1) assumer l'héritage spirituel de la France. La rencontre de la "Confrérie" et d'une "petite Eglise" détachée du catholicisme, et passée par divers milieux "libéraux" et théosophiques, permit la naissance, en 1937, de "l'Eglise catholique orthodoxe de France", ECOF, alors patronnée par le patriarcat de Moscou. Après la seconde guerre mondiale, cette communauté erra de juridiction en juridiction à cause des libertés qu'elle prenait avec l'ecclésiologie et la spiritualité traditionnelles. Elle développa assez vite une idéologie spécifique de type nationaliste et uniate inversée: faire ressurgir la Gaule "orthodoxe" de l'époque mérovingienne, opposer à un catholicisme "romain" un catholicisme orthodoxe proprement français. Elle utilisait une liturgie "gallicane", en fait création hybride, et réunissait presque uniquement des convertis. Elle ouvrait sa communion, d'une manière systématique, aux catholiques et aux protestants, non dans une perspective d'"hospitalité eucharistique" mais comme un moyen de prosélytisme.
Cette communauté, qui compta jusqu'à environ 10 000 membres et bien plus de sympathisants, pénétra assez profondément la société française. [. ..] Pourtant l'ECOF n'allait pas sans dérives sectaires. Elle n'était pas reconnue par les autres évêques orthodoxes établis en France, à cause de son laxisme canonique, de son ecc,lésiologie nationaliste, de certaines fantaisies de son enseignement. Longtemps protégée par l'Eglise de Roumanie, pour des raisons surtout politiques, elle fut abandonnée par elle en 1993 et depuis s'est peu à peu décomposée."
Je pense que cependant Olivier Clément s'avance un peu en disant qu'elle s'est décomposée. J'ai vu cette église dans le sud-ouest de la france (dans le 64) bien après 93. Voici un site qui est (peut-être) celui de cette église : http://orthodoxie.free.fr
Claude le Liseur
Messages : 4352
Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Message par Claude le Liseur »

Chère Catherine,


Votre remarque sur les églises romanes où l'on voit encore des fresques m'a beaucoup intéressé. Pour ma part, je pense tout de suite à deux églises de ce type:
- la chapelle de Berzé-la-Ville (village à 10 kilomètres de Cluny, sur la route de Mâcon): chapelle avec d'extraordinaires fresques byzantines de 1100 environ dans une ferme; c'était autrefois une chapelle d'été pour l'abbé de Cluny;
- la basilique Saint-Julien de Brioude (sous-préfecture du département de la Haute-Loire au nord du Puy-en-Velay): on a pu y conserver une partie des fresques du plafond et elles sont très significatives; en outre, l'extérieur de la basilique est un enchantement.

La comparaison est cruelle pour la basilique Saint-Austremoine d'Issoire (Puy-de-Dôme) où l'on a voulu rétablir les fresques romanes au XIXème siècle, et où l'on n'a abouti qu'à de hideuses peintures sulpiciennes.
Catherine
Messages : 213
Inscription : jeu. 19 juin 2003 14:03
Localisation : Basse-Marche, France

Message par Catherine »

Merci, cher Claude, pour ces “adresses”.

Ayant fait mes études supérieures au Centre d’Études Médiévales de Poitiers, je connais surtout l’Ouest de la France du point de vue de l’art roman.
Je suivais notamment les cours de M. René Crozet, excellent historien de l’art français du 9e au 12e siècles. Il avait le mérite d’être très “sectaire” : lorsque nous visitions sous sa conduite les centaines d’églises romanes du Poitou et de la Saintonge, il refusait de nous donner des explications sur les églises qui sortaient tant soit peu de sa période, et, en passant devant de tels édifices, il remarquait avec une légère irritation : “C’est fâcheusement gothique” et nous ne devions pas descendre du car pour les visiter.
À cette époque (années 60), on parlait de “l’influence byzantine” à propos des fresques romanes, et les médiévistes historiens de l’art s’évertuaient à expliquer, à qui mieux mieux, d’où cela venait, où plutôt pourquoi dans telle église romane il y avait des peintures murales alors que dans d’autres non.
À la fin des annés 60, un professeur russe (première hirondelle) était venu au Centre pour parler de l’architecture des églises russes.
C’était une grande nouveauté, car jusque là, on ne s’y occupait guère que de la civilisation occidentale de l’époque romane. À tel point qu’une jeune musicologue serbe qui y faisait des recherches sur le chant grégorien, m’a fait remarquer qu’aux cours de musicologie médiévale (que personnellement je ne suivais pas), il n’était jamais question du chant byzantin. (Cela ne me faisait ni froid ni chaud à l'époque).
Et puis, les années qui ont suivi, de plus en plus de byzantinologues venaient y donner des conférences et les recherches se sont étendues petit à petit sur l’Orient médiéval.
Je n’y étais plus à cette époque, mais je m’en suis rendu compte en lisant leurs publications dans les “Cahiers de Civilisation Médiévale” édités par le Centre, auxquels j’étais abonnée encore.
Puis un beau jour, fin des années 70, une hypothèse fracassante d’une historienne de l’art a paru dans les Cahiers, selon laquelle toutes les églises romanes, sans exception, étaient couvertes de fresques, mais le “puritanisme” de Cîteaux les a fait couvrir de blanc.
Et l’on s’est mis alors à la recherche de ses fresques en essayant d’ôter l’enduit avec délicatesse. Je ne sais pas où en sont les conclusions des spécialistes, mais j’ai visité récemment une abbatiale romane à une 40-aine de km de chez nous (déjà en Charente, mais tout près de la Haute-Vienne), à Les Salles-Lavauguyon, où on fait ce travail depuis 1987, je crois, et où on a découvert quelques fresques magnifiques, parfaitement orthodoxes, mais de style occidental (je dirais germanique), de la Création d’Adam et Ève, de prophètes de l’Ancien Testament etc. et même de l’abbé du lieu, barbu, s.v.p., comme il se doit.
J’ai dit naïvement à la guide, pieuse kto très serviable et érudite : “Tiens, c’est tout à fait comme dans les églises orthodoxes !”, ce qui lui a cloué le bec pour de bon. Je ne saurai jamais si c’était d’étonnement, d’ignorance ou d’hostilité… :?
K.
Répondre