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A propos de l'ancienne épiclèse du rit romain

Publié : sam. 29 sept. 2007 17:46
par Claude le Liseur
Comme on le sait, depuis le milieu du XIXe siècle, l'Eglise orthodoxe a reçu, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, des paroisses d'origine anglicane ou catholique romaine à qui on a accordé - à tort, à mon avis - l'usage de leur rit d'origine, sous condition qu'il soit rendu compatible avec le culte orthodoxe.
Pour atteindre cette compatibilité, on demande à ces paroisses de rétablir dans leur liturgie le Credo originel et la communion sous les deux espèces, d'insérer la prière du Trisagion et de restaurer l'épiclèse.
En effet, il s'agit bien de restaurer l'épiclèse, car l'ancien rit romain d'origine, avant son remplacement par le rit modifié par les Carolingiens, connaissait une épiclèse.
Comme je l'ai déjà rappelé, on connaît assez mal le rit romain traditionnel, les monarques carolingiens ayant ordonné la disparition de nombreux manuscrits liturgiques.
Toutefois, le peu de matériaux à disposition permettait déjà à Mgr Louis Duchesne, "prélat de Sa Sainteté" et directeur de l'Ecole française de Rome, de publier ces réflexions fort intéressantes en 1903 déjà.

"Le récit de l'institution (Qui pridie) et l'Anamnèse (Unde et memores) qui en est la suite n'offrent aucune particularité. Il n'en est pas de même de l'Epiclèse.
Cette partie du canon est ainsi conçue:

Supra quae (les oblations) propitio ac sereno vultu respicere digneris et accepta habere, sicuti accepta habere dignatus es munera pueri tui iusti Abel et sacrificium patriarchae nostri Abrahae, et quod tibi obtulit summus sacerdos tuus Melchisedech [sanctum sacrificium, immaculatam hostiam].

Supplices te rogamus, omnipotens Deus, iube haec perferri per manus sancti angeli tui in sublime altare tuum, in conspectu divinae maiestatis tuae, ut quotquot ex hac altaris participatione sacrosanctum Filii tui corpus et sanguinem sumpserimus, omni benedictione caelesti et grati repleamur.

[Traduction:
Sur ces offrandes, daigne jeter un regard favorable et bienveillant; accepte-les comme tu as bien voulu accepter les présents de ton serviteur Abel le Juste, le sacrifice d'Abraham, le père de notre race, et celui de Melchisédech, ton souverain prêtre, offrande sainte, sacrifice sans tache.

Nous t'en supplions, Dieu tout-puissant, fais porter ces offrandes par les mains de ton saint ange, là-haut, sur ton autel, en présence de ta divine Majesté. Et quand nous recevrons, en communiant ici à l'autel, le Corps et le Sang infiniment saints de ton Fils, puissions-nous tous être comblés des grâces et des bénédictions du ciel.
]

Cette prière est loin d'avoir la précision des formules grecques où l'on spécifie expressément la grâce demandée, c'est-à-dire l'intervention du Saint-Esprit pour opérer la transformation du pain et du vin au corps et sang de Jésus-Christ. Il n'en est pas moins vrai: 1) qu'elle occupe, dans la suite matérielle et logique de la formule, exactement la même place que l'épiclèse grecque; 2) qu'elle est aussi une prière adressée à Dieu pour qu'il intervienne dans le mystère. Mais, au lieu que les liturgies grecques s'expriment en termes clairs et simples, la liturgie romaine s'enveloppe ici de formules symboliques. Elle demande que l'ange du Seigneur prenne l'oblation sur l'autel visible et la porte au plus haut des cieux, sur l'autel invisible élevé devant le trône de la majesté divine. Le mouvement symbolique est de sens contraire à celui des formules grecques: ce n'est pas le Saint-Esprit qui descend vers l'oblation, c'est l'oblation qui est emportée au ciel par l'ange de Dieu. Mais, dans un cas comme dans l'autre, c'est après son rapprochement, sa communication, avec la vertu divine qu'on parle d'elle comme du corps et du sang du Christ."
(Mgr Louis Duchesne, Origines du culte chrétien. Etude sur la liturgie latine avant Charlemagne, Albert Fontemoing, Editeur, Paris 1903, pp. 181 s.)

Ce petit texte me semble appeler une question de ma part.
Quelle épiclèse insère-t-on lorsque les paroisses qui utilisent le rit tridentin ou le rit anglican traditionnel rejoignent l'Eglise orthodoxe - par exemple le Western Rite Vicariate (Vicariat de rit occidental) du patriarcat d'Antioche? Il y a fort à parier que ce doit être une tradition anglaise de l'épiclèse du rit byzantin, tout simplement parce que je doute fort qu'il y ait beaucoup d'historiens de la liturgie de la trempe de feu Mgr Duchesne dans le monde anglo-saxon. Pourtant, une traduction en anglais de l'épiclèse du rit romain traditionnel, épiclèse disparue avec le changement de religion en Europe occidentale au XIe siècle, serait un retour intéressant vers les racines religieuses de ces Anglo-Saxons qui constituent les paroisses de rit occidental du patriarcat d'Antioche.

Re: A propos de l'ancienne épiclèse du rit romain

Publié : mer. 31 oct. 2012 21:42
par fred
Comme source pour l'ancienne épliclèse du rite romain, il existe le témoignage de la Tradition apostolique de saint Hippolyte de Rome (début du IIIe siècle). J'ai à ma disposition une version en anglais (désolé) :

And we pray thee that thou wouldest send thy Holy Spirit upon the offerings of thy holy church; that thou, gathering them into one, wouldest grant to all thy saints who partake to be filled with [the] Holy Spirit, that their faith may be confirmed in truth, that we may praise and glorify thee. Through thy Servant Jesus Christ, through whom be to thee glory and honour, with [the] Holy Spirit in the holy church, both now and always and world without end.
(extrait du canon n°4)

http://www.chronicon.net/chroniconfiles ... olytus.pdf
(page 16 du document PDF)

Re: A propos de l'ancienne épiclèse du rit romain

Publié : sam. 03 nov. 2012 16:59
par Nikolas
Claude le Liseur a écrit :Comme on le sait, depuis le milieu du XIXe siècle, l'Eglise orthodoxe a reçu, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, des paroisses d'origine anglicane ou catholique romaine à qui on a accordé - à tort, à mon avis - l'usage de leur rit d'origine, sous condition qu'il soit rendu compatible avec le culte orthodoxe.
Pour atteindre cette compatibilité, on demande à ces paroisses de rétablir dans leur liturgie le Credo originel et la communion sous les deux espèces, d'insérer la prière du Trisagion et de restaurer l'épiclèse.
En effet, il s'agit bien de restaurer l'épiclèse, car l'ancien rit romain d'origine, avant son remplacement par le rit modifié par les Carolingiens, connaissait une épiclèse.
Comme je l'ai déjà rappelé, on connaît assez mal le rit romain traditionnel, les monarques carolingiens ayant ordonné la disparition de nombreux manuscrits liturgiques.
Toutefois, le peu de matériaux à disposition permettait déjà à Mgr Louis Duchesne, "prélat de Sa Sainteté" et directeur de l'Ecole française de Rome, de publier ces réflexions fort intéressantes en 1903 déjà.

"Le récit de l'institution (Qui pridie) et l'Anamnèse (Unde et memores) qui en est la suite n'offrent aucune particularité. Il n'en est pas de même de l'Epiclèse.
Cette partie du canon est ainsi conçue:

Supra quae (les oblations) propitio ac sereno vultu respicere digneris et accepta habere, sicuti accepta habere dignatus es munera pueri tui iusti Abel et sacrificium patriarchae nostri Abrahae, et quod tibi obtulit summus sacerdos tuus Melchisedech [sanctum sacrificium, immaculatam hostiam].

Supplices te rogamus, omnipotens Deus, iube haec perferri per manus sancti angeli tui in sublime altare tuum, in conspectu divinae maiestatis tuae, ut quotquot ex hac altaris participatione sacrosanctum Filii tui corpus et sanguinem sumpserimus, omni benedictione caelesti et grati repleamur.

[Traduction:
Sur ces offrandes, daigne jeter un regard favorable et bienveillant; accepte-les comme tu as bien voulu accepter les présents de ton serviteur Abel le Juste, le sacrifice d'Abraham, le père de notre race, et celui de Melchisédech, ton souverain prêtre, offrande sainte, sacrifice sans tache.

Nous t'en supplions, Dieu tout-puissant, fais porter ces offrandes par les mains de ton saint ange, là-haut, sur ton autel, en présence de ta divine Majesté. Et quand nous recevrons, en communiant ici à l'autel, le Corps et le Sang infiniment saints de ton Fils, puissions-nous tous être comblés des grâces et des bénédictions du ciel.
]

Cette prière est loin d'avoir la précision des formules grecques où l'on spécifie expressément la grâce demandée, c'est-à-dire l'intervention du Saint-Esprit pour opérer la transformation du pain et du vin au corps et sang de Jésus-Christ. Il n'en est pas moins vrai: 1) qu'elle occupe, dans la suite matérielle et logique de la formule, exactement la même place que l'épiclèse grecque; 2) qu'elle est aussi une prière adressée à Dieu pour qu'il intervienne dans le mystère. Mais, au lieu que les liturgies grecques s'expriment en termes clairs et simples, la liturgie romaine s'enveloppe ici de formules symboliques. Elle demande que l'ange du Seigneur prenne l'oblation sur l'autel visible et la porte au plus haut des cieux, sur l'autel invisible élevé devant le trône de la majesté divine. Le mouvement symbolique est de sens contraire à celui des formules grecques: ce n'est pas le Saint-Esprit qui descend vers l'oblation, c'est l'oblation qui est emportée au ciel par l'ange de Dieu. Mais, dans un cas comme dans l'autre, c'est après son rapprochement, sa communication, avec la vertu divine qu'on parle d'elle comme du corps et du sang du Christ."
(Mgr Louis Duchesne, Origines du culte chrétien. Etude sur la liturgie latine avant Charlemagne, Albert Fontemoing, Editeur, Paris 1903, pp. 181 s.)

Ce petit texte me semble appeler une question de ma part.
Quelle épiclèse insère-t-on lorsque les paroisses qui utilisent le rit tridentin ou le rit anglican traditionnel rejoignent l'Eglise orthodoxe - par exemple le Western Rite Vicariate (Vicariat de rit occidental) du patriarcat d'Antioche? Il y a fort à parier que ce doit être une tradition anglaise de l'épiclèse du rit byzantin, tout simplement parce que je doute fort qu'il y ait beaucoup d'historiens de la liturgie de la trempe de feu Mgr Duchesne dans le monde anglo-saxon. Pourtant, une traduction en anglais de l'épiclèse du rit romain traditionnel, épiclèse disparue avec le changement de religion en Europe occidentale au XIe siècle, serait un retour intéressant vers les racines religieuses de ces Anglo-Saxons qui constituent les paroisses de rit occidental du patriarcat d'Antioche.
Tout d'abord pour information, l'ouvrage de Mgr Louis Duchesne, Origines du culte chrétien. Etude sur la liturgie latine avant Charlemagne est consultable en ligne ici: http://archive.org/details/originesduculte03duchgoog , et il se trouve sur le marché de l'occasion (notamment sur priceminister).

Après avoir fait quelques recherches internet, dans le texte de la "Divine Liturgy according to the Rite of Saint Gregory"
(Antiochian Archdiocese - Western Rite Vicariate http://web.archive.org/web/200712080552 ... iturgy.htm ), l'on trouve ceci :
Wherefore, O Lord, we thy servants, as also thy holy people, calling to mind the blessed Passion of the same Christ, thy Son our Lord, his Resurrection from the dead and glorious Ascen-sion into heaven, offer unto thy most excellent majesty of thy gifts bestowed upon us a pure host, a holy host, a spotless host, the holy bread of eternal life, and the chalice of everlasting salvation.

Upon which vouchsafe to look with a favorable and serene countenance, and to accept them as thou wert graciously pleased to accept the gifts of thy just servant Abel, and the sacrifice of our patriarch Abraham, and that which thy high priest Melchisedech offered unto thee, a holy sacrifice, a spot-less victim.

And we beseech thee, O Lord, to send down thy Holy Spirit upon these offerings, that he would make this bread the pre-cious Body of thy Christ, and that which is in this Cup the precious Blood of thy Son our Lord Jesus Christ, transmuting them by thy Holy Spirit.
R. AMEN. AMEN. AMEN.

The bell is rung thrice.
Désolé de ne pas traduire, mais mes compétences étant limiter je préfére m'abstenir.
L'on remarque néanmoins qu'une partie de l'épiclèse est semblable à celle que vous citer, sans toutefois comporter la suite.


En ce qui concerne la liturgie de st Tikhon, l'épiclèse est différente :
The Epiclesis
AND we most humbly beseech Thee, O merciful Father, to hear us; and of Thy almighty goodness, vouchsafe to send down Thy Holy Spirit upon us + and upon these Thy gifts and creatures of bread and wine, that they may be changed into the Body + and Blood + of Thy most dearly beloved Son. Grant that we, receiving them according to Thy Son our Saviour Jesus Christ's holy institution, in remembrance of His death and passion, may be partakers of His most blessed Body and Blood.

R. Amen. Amen. Amen.

http://theocacna.tripod.com/St_Tikhon_Liturgy.htm
ou ici http://orthodoxwiki.org/Liturgy_of_St._Tikhon_(text)
Quand au rite Sarum, d'après ce que je vois ici : http://www.liturgies.net/Liturgies/Historical/sarum.htm, l'épiclèse correspond a ce que vous citer.

Re: A propos de l'ancienne épiclèse du rit romain

Publié : mar. 06 nov. 2012 19:00
par J-Gabriel
fred a écrit :Comme source pour l'ancienne épliclèse du rite romain, il existe le témoignage de la Tradition apostolique de saint Hippolyte de Rome (début du IIIe siècle). J'ai à ma disposition une version en anglais (désolé) :

And we pray thee that thou wouldest send thy Holy Spirit upon the offerings of thy holy church; that thou, gathering them into one, wouldest grant to all thy saints who partake to be filled with [the] Holy Spirit, that their faith may be confirmed in truth, that we may praise and glorify thee. Through thy Servant Jesus Christ, through whom be to thee glory and honour, with [the] Holy Spirit in the holy church, both now and always and world without end.
(extrait du canon n°4)

http://www.chronicon.net/chroniconfiles ... olytus.pdf
(page 16 du document PDF)
Bonsoir et bienvenu. Il faudrait éviter de mettre des textes sans leur traduction française, même approximative. Sur le présent Forum si vous faites procédez à une recherche avec le nom de l’auteur de l’étude que vous mentionnez, Burton Scott Easton -rien que Easton suffit- vous allez trouver deux ou trois écrits concernant Hyppolyte de Rome. Sinon je fourni ici un texte qui semble être tiré de la règle 4 d’Hippolyte de Rome à partir d’un livre kto, donc à prendre avec des pincettes car tout ce qui est kto est tendancieux par principe.
La plus ancienne formule consécratoire des oblats eucharistiques nous est fournie par Hippolyte, originaire vraisemblablement d’Egypte et qui a fait partie du clergé romain. L’intention de l’auteur semble avoir été de donner un modèle de prière d’une orthodoxie sûre aux officiants qui improvisaient plus laborieusement.
La prière consécratoire adressée à Dieu ne s’étend pas sur les bienfaits de la création ni sur les étapes du salut, mais se concentre, comme au baptême, sur les mystères du Christ. Plus spécialement sur sa mort et sa résurrection, le mystère pascal que la messe actualise. Elle s’achève par l’invocation de l’Esprit-Saint, chère à la liturgie orientale, facteur d’unité et de sainteté dans l’Eglise.
Nous pouvons distinguer quatre articulations : la préface, le récit de l’institution, l’anamnèse ou mémoire, l’épiclèse ou invocation.

L’évêque avec tout le collège des prêtres (Il s’agit donc bien d’une concélébration, c’est-à-dire d’une célébration commune et unique de l’évêque et des prêtres, à Rome.) dit cette action de grâces :

Le Seigneur est avec vous.

Tous répondront :

Et avec ton esprit.
Elevons nos cœurs.
-Ils sont près du Seigneur.
Rendons grâces au Seigneur.
-C’est juste et nécessaire.

Préface.

L’évêque continuera ainsi :

Nous te rendons grâces, ô Dieu, par ton enfant bien-aimé, Jésus-Christ, que, dans les derniers temps, tu nous as envoyé comme Sauveur, Rédempteur et Messager de ta volonté.
Il est ton Verbe inséparable, par qui tu as tout créé, en qui tu as mis tes complaisances.
Tu l’as envoyé du ciel dans le sein d’une Vierge. Dans ses flancs, il s’est incarné ; il s’est manifesté comme ton fils, né de l’Esprit-Saint et de la Vierge.
Il a réalisé ta volonté, et pour t’acquérir un peuple saint, a étendu les mains, lorsqu’il souffrait, afin de délivrer de la souffrance ceux qui en toi ont cru.

Récit de l’institution.

Lors donc qu’il s’était livré à une souffrance librement acceptée, pour détruire la mort, fouler aux pieds l’enfer, illuminer les justes, établir le Testament et manifester sa Résurrection, il prit du pain, rendit grâce et dit :
Prenez, mangez, ceci est mon corps qui sera rompu pour vous.
De même pour le calice, il dit :
Ceci est mon sang qui est répandu pour vous. Quand vous faites ceci, faites-le en mémoire de moi.

Anamnèse.

Nous souvenant donc de sa mort et de sa résurrection, nous t’offrons le pain et le calice, en te rendant grâces de ce que tu nous as jugés dignes de nous tenir debout devant toi et de te servir.

Epiclèse.

Nous te demandons d’envoyer ton Esprit sur l’oblation de la sainte Eglise, de rassembler dans l’unité tous ceux qui communient, de les remplir de l’Esprit-Saint, pour affermir leur foi dans la vérité.
Ainsi nous voulons te louer et te glorifier par ton enfant, Jésus-Christ.
Par lui te soient rendus gloire et honneur, Père et Fils avec le Saint-Esprit, dans la sainte Eglise, maintenant et dans les siècles des siècles ! Amen.




L’EUCHARISTIE dans l’antiquité chrétienne DDB, 1981, p.33-35

Re: A propos de l'ancienne épiclèse du rit romain

Publié : lun. 21 janv. 2013 13:24
par Zachée
Bonjour,
Je fait remonter ce fil, car je ne suis pas certain d'en bien comprendre la problématique ; car Claude le Liseur a écrit
En effet, il s'agit bien de restaurer l'épiclèse, car l'ancien rit romain d'origine, avant son remplacement par le rit modifié par les Carolingiens, connaissait une épiclèse.
Comme je l'ai déjà rappelé, on connaît assez mal le rit romain traditionnel, les monarques carolingiens ayant ordonné la disparition de nombreux manuscrits liturgiques.
Cependant d'après le texte de la messe tridentine cette forme romaine d'épiclèse est bien présente ; voir par exemple :
http://www.sanctamissa.org/fr/tutorial/ ... sae-4.html.
Il n'y aurait donc rien à restaurer, pour le rite tridentin, s'entend, pour le nouveau missel romain c(est autre chose.
Peut-être quelque chose m'a échappé, mais je n'ai pas l'impression que le rit carolingien ait modifié la donne sur ce point particulier.
Cordialement.
Zachée.

Re: A propos de l'ancienne épiclèse du rit romain

Publié : mar. 22 janv. 2013 14:00
par Claude le Liseur
Zachée a écrit :Bonjour,
Je fait remonter ce fil, car je ne suis pas certain d'en bien comprendre la problématique ; car Claude le Liseur a écrit
En effet, il s'agit bien de restaurer l'épiclèse, car l'ancien rit romain d'origine, avant son remplacement par le rit modifié par les Carolingiens, connaissait une épiclèse.
Comme je l'ai déjà rappelé, on connaît assez mal le rit romain traditionnel, les monarques carolingiens ayant ordonné la disparition de nombreux manuscrits liturgiques.
Cependant d'après le texte de la messe tridentine cette forme romaine d'épiclèse est bien présente ; voir par exemple :
http://www.sanctamissa.org/fr/tutorial/ ... sae-4.html.
Il n'y aurait donc rien à restaurer, pour le rite tridentin, s'entend, pour le nouveau missel romain c(est autre chose.
Peut-être quelque chose m'a échappé, mais je n'ai pas l'impression que le rit carolingien ait modifié la donne sur ce point particulier.
Cordialement.
Zachée.
Veuillez m'excuser; quel est le passage dont vous pensez qu'il correspond à une épiclèse?

Re: A propos de l'ancienne épiclèse du rit romain

Publié : mar. 22 janv. 2013 17:36
par Zachée
Bonsoir Claude,
Ce que je voulais signaler c'est que le "Supra quae" et le "Supplices te rogamus" se trouvent bien dans ce texte après le récit de l'institution et j'avais cru comprendre, mais peut -être est-ce erreur de ma part, que ces prières constituaient une sorte d'épiclèse dans la liturgie romaine, qui auraient disparue après la "réforme carolingienne".
Merci de me préciser mon éventuelle lecture inexacte de ce premier post.
Cordialement.

Re: A propos de l'ancienne épiclèse du rit romain

Publié : mar. 22 janv. 2013 20:08
par Nikolas
Cher Zachée,
il ne s'agit pas d'une lecture inexacte de votre part.
En effet la prière Supra Quae, suivit de Supplices te rogamus mentionnée par L. Duchesne comme faisant partit de l'ancien rite romain, figure bien dans la messe tridentine, en lieu et place de l'épiclèse grecque comme le souligne Louis Duchesne pour l'ancien rite romain. ( http://archive.org/stream/originesducul ... 6/mode/2up , page 173)
Elle n'a donc pas disparu avec Charlemagne, ni avec l'anéantissement de l'Eglise au XIe siècle.

Certains qualifie cette prière d'épiclèse implicite (car l'Esprit Saint ni est pas explicitement mentionné comme dans les épiclèses orientales et chez Hippolyte de Rome).
Certains qualifie également la prière Quam oblationem, placée au début du canon, comme étant aussi une épiclèse implicite ( http://en.wikipedia.org/wiki/Epiclesis# ... _epiclesis )
Quam oblatiónem tu, Deus, in ómnibus, quǽsumus, signat ter super oblata, bene díctam, adscrí ptam, ra tam, rationábilem, acceptabilémque fácere dignéris: ut nobis signat semel super hostiam, Cor pus, et et semel super calicem, Sán guis fiat dilectíssimi Fílii tui, iungit manus, Dómini nostri Iesu Christi.

Cette Oblation, Dieu, nous Vous en prions, daignez la bénir, l' agréer, l' approuver pleinement, la rendre parfaite et digne de Vous plaire afin qu'elle devienne pour nous le Corps et le Sang de Votre Fils bien-aimé Jésus Christ, notre Seigneur.
http://www.sanctamissa.org/fr/tutorial/ ... sae-4.html
Comme je l'avais fais remarqué dans un message précédent, seul la liturgie dite de saint Tikhon de Moscou, en faite une messe (1892 American Book of Common Prayer) épiscopalienne (anglican d'Amérique) remaniée lors du passage d'un groupe d'épiscopalien à l'orthodoxie, utilise comme épiclèse une épiclèse orientale, prise sur le modèle de celle de la liturgie de saint Jean Chrysostome.
Les liturgies de saint Grégoire et Sarum étant proche du rite romain.

Re: A propos de l'ancienne épiclèse du rit romain

Publié : lun. 25 févr. 2013 22:20
par Nikolas
Au sujet de ce que l’on peut qualifier d’épiclèse latine, il me semble intéressant de partager ici l’analyse qu’en faisait saint Nicolas Cabasilas au XIVe siècle dans son Explication de la divine liturgie. (A noter que le chapitre ci-dessous fait suite à un chapitre concernant la polémique de l’épiclèse dans laquelle certains latins qualifiaient en gros l’épiclèse grec d’impiété et où saint Nicolas apportent sa réfutation de leurs arguments).
Chapitre XXX
Que dans l’Eglise latine la consécration se fait de la même manière que chez nous

1. Ce qui ferme décidément la bouche à nos adversaires, c’est que l’Eglise latine elle aussi, à laquelle ils prétendent s’en rapporter, ne se dispense pas, après les paroles du Seigneur, de prier pour les oblats. Un détail leur échappe, c’est que les Latins ne formulent pas cette prière immédiatement après les paroles (du Christ) et qu’ils ne demandent pas expressément la consécration et la transformation (des oblats) au corps du Seigneur ; mais ils emploient d’autres expressions qui ont la même portée et une signification identique.
2. Quelle est leur prière ? « Ordonne que ces dons soient portés par les mains de ton ange à ton autel supracéleste.(1) »
3. Qu’ils me disent donc ce que veut dire l’expression : « que les dons soient portés ».
4. Ou bien ils sollicitent pour les oblats une translation locale, de la terre et des régions inférieures jusqu’au ciel ; ou bien une élévation de dignité, une transformation d’un état humble à un état éminent.
5. Dans le premier cas, quelle utilité y a-t-il pour nous à demander que soient emportées loin de nous les saintes espèces, que nos prières et notre foi nous assurent être chez nous et demeurer en nous, puisque c’est en cela même que consiste « la permanence du Christ avec nous jusqu’à la consommation des temps (Mat 28, 20) »? Et, s’ils reconnaissent que c’est le corps du Christ, comment peuvent-ils ne pas croire qu’il est tout à la fois et en nous et supracéleste, et qu’il est assis à la droite du Père d’une manière que, lui, il connaît? Comment, ce qui n’est pas encore supracéleste serait-il le corps même du Christ, lequel est supracéleste? Et comment pourra être emporté en haut, de la main d’un ange, ce qui est célébré comme étant au-dessous de toute autorité, de toute puissance, de toute domination, de tout nom?
6. Si, au contraire, c’est une élévation de dignité que (cette prière latine) sollicite en même temps que leur transformation en une réalité supérieur, je ne vois pas comment ils échapperont à une monstrueuse impiété, ceux qui, reconnaissant déjà la présence du corps du Christ, croient pourtant que cette réalité va passer à quelque chose de meilleur et de plus saint.
7. De toute évidence, les Latins savent donc fort bien que le pain et le vin n’ont pas encore reçu la consécration : c’est pourquoi ils prient pour ces oblats comme pour des éléments qui ont encore besoin de prières et ils demandent que ces oblats, comme se trouvant encore en bas, soient emportés en haut ; que, comme offrandes non encore offertes, ils soient portés à l’autel pour y devenir sacrifice. Et il est besoin d’une main angélique, en ce sens que, pour emprunter les expression du divin Denys (2), la première hiérarchie, la hiérarchie angélique, vient au secours de la seconde, la hiérarchie humaine.
8. Cette prière ne signifier rien d’autre pour les oblats que leur transformation au corps et au sang du Seigneur. L’autel en question ne doit pas être imaginé comme un lieu réservé à Dieu et situé au-dessus du ciel, un lieu où il faut offrir le sacrifice. S’il en était ainsi, nous ne différerions pas beaucoup de ceux qui disent que le lieu où il faut adorer Dieu se trouve à Jérusalem ou sur la montagne de Samarie (cf. Jn 4, 20.21). Mais puisque, selon la parole du bienheureux Paul, « il n’y a qu’un Dieu et qu’un médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus Christ (I Tim 2,5) », tout ce qui opère la médiation, tout ce qui nous confère la sanctification, c’est le Sauveur, lui seul. Or, quelles sont les choses qui opèrent la médiation et qui sanctifient? Ce sont : le prêtre, la victime, l’autel. Car, suivant la parole du Seigneur, l’autel aussi sanctifie l’immolation : « L’autel, dit-il, sanctifie l’offrande (Mat 23, 19). »
9. Puisque c’est le Christ seul qui sanctifie, seul il peut être et le prêtre et la victime et l’autel.
10. Qu’il soit prêtre et la victime, lui-même l’a dit : « Je me sacrifie moi-même pour eux. (Jn 17, 19) »
11. Qu’il soit aussi l’autel, le très saint Denys l’atteste dans son Traité sur le Chrême : « Si notre divin autel est Jésus, celui qui est la divine consécration des esprits célestes, en qui nous-mêmes, selon les termes de l’auteur, consacrés et mystiquement offerts en holocauste, nous bénéficions d’une présentation (à Dieu), contemplons avec des yeux tout spirituels cet autel divin. (3) »
12. Le prêtre prie pour que les oblats soient transportés jusqu’à cet autel supracéleste, c’est-à-dire pour qu’ils soient consacrés, transformés au corps supracéleste lui-même du Seigneur sans changer de lieu et sans être passés de la terre au ciel, puisque nous continuons à les voir parmi nous et, même après la prière, tout aussi bien.
13. Puisque l’autel sanctifie les offrandes qu’on y a mises, demander pour les oblats d’être placés sur l’autel, c’est la même chose que de demander leur sanctification.
14. Or, quelle est la sanctification que confère l’autel? C’est celle des offrandes qui y ont été placées, celle dont le (divin) prêtre s’est sanctifié lui-même (cf. Jn 17, 19) (4) par le fait d’être offert à Dieu et immolé.
15. Puisque c’est le même (Christ) qui est prêtre, autel et victime, c’est la même chose pour les oblats d’être consacrés par ce prêtre, d’être transformés en cette victime et d’être transportés à cet autel supracéleste. Si donc, prenant à part l’un de ces trois faits vous en sollicitiez la réalisation, vous avez en fait sollicité le tout, vous possédez ce que vous demandiez, vous avez accompli le sacrifice.
16. Vos prêtres, considérant le Christ comme victime, demandent pour les oblats qu’ils soient placés en lui: c’est, par des expressions et des formules différentes, demander absolument la même chose que nous. Voilà pourquoi nos prêtres à nous, après avoir sollicité la transformation des oblats au corps et au sang divins, ayant fait mention de l’autel supracéleste, ne demandent plus que les oblats y soient transportés ; mais, puisqu’ils y ont déjà été portés et reçus, ils demandent que nous soient envoyés en retour la grâce et le don du Saint-Esprit. « Prions, dit (le diacre), pour les dons consacrés (5). » Pour qu’ils soient consacrés ? Nullement, car ils le sont déjà ; mais afin qu’ils deviennent sanctifiants pour nous : afin que Dieu, qui les a sanctifiés, nous sanctifie nous-mêmes par eux.
17. Il est donc manifeste que mépriser la prière pour les oblats après les paroles du Sauveur, n’est point le fait de l’Eglise latine en général, mais seulement de quelques rares novateurs, qui lui ont causé des dommages sur d’autres points encore : ce sont des gens qui n’ont d’autre passe-temps que « de dire ou d’écouter quelque chose de nouveau (Act 17, 21) ».
18. Et voilà pour la prière (eucharistique).

(1) On reconnaît ici l’oraison Supplices te rogamus, qui dans le Canon romain précède immédiatement le Memento des défunts. Il est nécessaire que le lecteur ait ici cette oraison sous les yeux : « Nous t’en supplions, Dieu tout-puissant, ordonne que ces offrandes soient portées par les mains de ton saint Ange sur ton autel sublime, en présence de ta divine majesté : afin que nous tous, qui participerons à ce sacrifice par la réception du Corps infiniment saint et du Sang de ton Fils, nous soyons remplis de bénédiction céleste et de grâce. » […]
(2) Pseudo-Denys, Hiérarchie eccl., c. V, 2, PG 3, 501-504.
(3) Hiérarchie eccl., c. IV, 12, col. 484-485.
(4) Allusion à Jn 17,19. Le texte complet : « Je me sacrifie moi-même pour eux, afin qu’ils soient eux aussi sanctifiés en vérité » accentue la relation directe entre le sacrifie et la sanctification. Le grec emploie de part et d’autre le même verbe άγιάζω qui, dans le vocabulaire rituel de l’Ancien Testament, signifie à la fois sacrifier et sanctifier. La Vulgate a conservé le jeu de mots : « Et pro eis ego sanctifico mips, ut sint et ipsi sanctificati in veritate. » Sacrifice et sanctification : cette association d’idées, on le voit, sert également de base à toute l’argumentation de Cabasilas.
(5) Cabasilas signale ici la litanie diaconale qui vient, dans l’Anaphore byzantine, après l’épiclèse et les deux Mementos qui la suivent. […] il faut reconnaître que cette litanie orientale contient d’intéressantes formules à mettre en parallèle avec celles de l’oraison latine Supplices te rogamus. « Pour les dons précieux qui ont été offerts et consacrés, prions le Seigneur. - Pour que notre Dieu, plein d’amour pour les hommes, qui a reçu en odeur de suavité ces offrandes à son saint et supracéleste autel, nous envoie en retour sa divine grâce et le don du Saint-Esprit, prions le Seigneur. » […]

EXPLICATION DE LA DIVINE LITURGIE, Nicolas Cabasilas, Ed. du Cerf, col. Sources Chrétiennes n°4 bis, 2e éd, 1967, p.191-199.
Le texte de saint Nicolas Cabasilas et la note n°5 montre toute la pertinence de qualifier la prière Supplices te rogamus d’épiclèse latine et le lien qui existe entre les deux traditions liturgiques. Le rôle de cette prière comme épiclèse fut d’ailleurs souligné par des auteurs latins bien avant Cabasilas, chez Pierre Lombard au XIIe siècle, chez Paschase Radbert au IXe siècle notamment avant d’être rappelé plus récemment par Mgr Louis Duchesne (ouvrage précédemment cité) et Dom Cabrol. (cf. id., note complémentaires 4, p.319-322)