Kosovo = Pays basque ?

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Claude le Liseur
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Kosovo = Pays basque ?

Message par Claude le Liseur »

Dans le message que j'ai écrit le 21 février 2008 à 16h44 (recte 15h44) dans le fil "Deux ou trois choses que l'on ne dit pas sur le Kosovo", je prévoyais ceci:
lecteur Claude a écrit : Le chanoine deux fois divorcé de Saint-Jean-de-Latran, qui fut l'un des plus fanatiques à promouvoir l'indépendance du Kosovo, ne cesse de faire arrêter par sa gendarmerie et sa police des séparatistes basques dont la seule différence avec les hommes de l'UÇK (Ushtria Çlirimtare e Kosovës ) est d'avoir moins de sang sur les mains. Je me demande pourtant au nom de quoi il prétend refuser à la Corse, à la Bretagne ou aux trois provinces d'Iparralde - Labourd, Basse-Navarre et Soule - , et demain à la Seine-Saint-Denis tant qu'on y est, ce qu'il vient d'accorder au Kosovo et à la Métochie. Il me prend l'envie de lancer au chanoine honoraire l'apostrophe qui fut lancée à un théologien autrement plus authentique, le docteur Martin Luther, lors de la diète de Worms: Mönchlein, Mönchlein, du gehst einen schweren Gang...

Naturellement, telle et telle de ces personnes qui viennent de loin pour nous expliquer comment nous devons vivre sur notre propre terre m'ont sorti le numéro classique de désinformation otanienne à propos de "l'épuration ethnique" au Kosovo (je suppose, celle qui a mené les Serbes de 40% de la population en 1940 à 5% aujourd'hui?) et que ma prédiction à propos d'Iparralde était infondée, puisque, à leur connaissance, le Pays basque n'avait pas connu d'épuration ethnique. (Leurs connaissances doivent être limitées en ce qui concerne l'histoire de la Révolution dite française et de l'Espagne franquiste.)
Ce qui est bien avec les désinformateurs qui relaient le message américano-sarkozien, c'est que la vérité dément de plus en plus vite leurs mensonges.

Voici ce qui paraissait dès le 21 février - mais je n'en avais pas encore eu connaissance lorsque j'écrivais mon message de ce jour-là - en une de l'hebdomadaire séparatiste basque Ekaitza, dont j'ai par la suite acheté un numéro chez Elkar à Bayonne:

Image


La traduction du titre me paraît éloquente:

Aujourd'hui le Kosovo
Demain nous!


Je ne savais pas que l'avenir me donnerait aussi vite raison, mais je savais qu'il me donnerait raison, pour la cause suffisante et évidente que ceux qui nous attaquent mentent tout le temps, toujours et en toutes circonstances. Je sais aussi que leur habitude de répétition mantrique des expressions forgées par Washington et ses traducteurs "épuration ethnique", "dommages collatéraux", "droit d'ingérence", ne fait que toujours plus souligner l'énormité et l'effronterie de leur mensonge. D'autant plus quand on voit le bilan de leur maître en matière de droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.

Pour enfoncer un peu plus le clou, voici l'éditiorial de ce numéro d'Ekaitza, en page 3:


"Un droit inaliénable

Le Parlement du Kosovo avait annoncé son intention de déclarer l'indépendance du pays après les élections en Serbie. Il l'a fait. Cette décision a semé le trouble dans la communauté internationale. Non pas en raison du respect ou non des droits inaliénables du peuple kosovar à se prendre en charge mais en fonction des intérêts de la politique, parfois extérieure, mais surtout intérieure de chaque pays.
Il est bien évident que nous, Basques, sommes intéressés au plus haut point par la décision qui a été prise et qui est irréversible. Déjà parce que la définition géographique du pays est un peu semblable à la nôtre. Mais surtout parce qu'un parlement a pris une décision unilatérale, une décision qui respecte le droit et les aspirations des citoyens qui l'ont élu, même si cela représente un risque considérable, que ce soit venant de la Serbie ou de la Communauté internationale. C'est une forme de courage politique qui manque cruellement ailleurs.
Mais le Kosovo nous intéresse aussi par les réactions qu'il déclenche aussi chez nos deux envahisseurs qui ont réagi très différemment. L'Etat français est un spécialiste du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, prônant partout où il passe l'autodétermination des uns et des autres. Il appuie donc naturellement l'accession du Kosovo au statut d'Etat indépendant. Et même si certains médias, notamment espagnols, mentionnent Corses et Bretons, il fait la sourde oreille. L'Etat espagnol est plus franc dans ce domaine, criant à l'illégalité, une vieille habitude, et mettant en avant les risques de contagion, en particulier sur le territoire qu'il considère comme étant le sien.
Si l'indépendance du Kosovo n'est pas en pratique consommée, il sera bon d'être particulièrement attentifs à ce que ce processus va nous apprendre. Il y aura certainement matière à jurisprudence tant sur le fond que sur la forme. Les grands de ce monde ont montré leur désaccord sur le sujet, mais cela ne veut nullement dire que le processus ne va pas se poursuivre. Plus intéressant encore est le désaccord entre les pays de l'Union européenne, à laquelle géopolitiquement nous appartenons. Il faudra bien qu'elle s'accorde sur le fait. Soyons prêts!"


Ce n'est pas du tout par antipathie pour la cause basque, bien au contraire, que je publie ce message. Après tout, je comprends bien que l'on puisse préférer être citoyen d'un petit Pays basque que sujet d'un grand Sarkoland. Toutefois, ce qui est intéressant, c'est la confirmation que la boîte de Pandore est ouverte: "(...) cela ne veut nullement dire que le processus ne va pas se poursuivre".
Nous laisserons donc les Sarkőzy de Nagy-Bocsa, Merkel, Brown et autres Prodi à leur cirage des bottes de leur maître d'Outre-Atlantique, nous laisserons le locataire du Quai d'Orsay, M. Pelletier (кушнер = pelletier, en ukrainien -NdA) à sa fierté d'avoir "remplacé le droit par le droit du coeur", et nous pouvons désormais nous attendre à l'émergence d'une bonne vingtaine de conflits ethniques en Europe, à la reconnaissance de la Transnistrie et de l'Abkhazie par la Russie, à la répétition du déni de justice qui consistera à continuer à refuser à la Republika srpska de Bosnie-Herzégovine et aux francophones du Québec ce qui a été accordé aux musulmans du Kosovo, en attendant que l'américanisation de l'Europe par les néo-conservateurs, autres born-again Christians et autres chanoines honoraires de Saint-Jean-de-Latran aboutisse carrément à la création d'entités confesssionnelles . Musulmans de Thrace, l'avenir est à vous!
Quand la France sarkozisée, démantelée, épuisée, américanisée, aura perdu la Corse, la Bretagne, Iparralde et que sais-je encore (puisque je viens de lire sur le site Internet d'un prêtre orthodoxe anglais l'information stupéfiante que les Alsaciens seraient des Allemands, je me demande où le processus peut s'arrêter), j'espère que l'on permettra à la Suisse d'émettre une revendication sur le Faucigny, cette partie de la Savoie qui voulait se réunir à la Confédération en 1860 et qui en fut empêchée par des manoeuvres tortueuses. Je peux aussi espérer que ces manoeuvres tortueuses de 1860 feront sans doute bientôt l'objet de la repentance des dirigeants actuels de la Ve République, si occupés à présenter leurs excuses pour les fautes des autres et à se consacer au "devoir de mémoire" supposé faire oublier leurs échecs actuels dans tous les domaines?
Et pourquoi pas, puisque nous vivons en plein cauchemar orwellien, où la guerre est la paix, l'esclavage la liberté et la régression le progrès, ne pas suggérer à tous ces génies le rétablisssement du principe cujus regio, ejus religio de la paix d'Augsbourg?
Et pourquoi pas, maintenant qu'on a fini de liquider la Yougoslavie multi-ethnique, s'attaquer à ces autres pays à trois langues offiicielles que sont la Belgique ou la Suisse?
Lors de l'émission de Frédéric Taddéï consacrée à la reconnaissance de l'indépendance du Kosovo sur France 3 dans la nuit du 27 au 28 février 2008, où M. Taddéï avait eu le courage d'inviter MM. Alexandre del Valle et Slobodan Despot (directeur des éditions Xenia www.editions-xenia.com ) pour défendre le point de vue des dissidents, Me Jacques Vergès a eu le mot de la fin: "Ceux qui ont mis le feu nous disent maintenant qu'il ne prendra pas. Mais bien sûr qu'il prendra!"

"Que celui qui a des oreilles pour entendre entende" (Mt 13.9). Que les autres boivent tranquillement leur coca-cola en lisant Martin Bernal.
Alexandr
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Message par Alexandr »

Il me semble que les nationalistes basques qui sont "pro-Kosovar" ont en tête la version otanienne du conflit. Les cas du Pays Basque, de la Corse etc) et du Kosovo sont complétement différent.
Sinon, il devient pratiquement évident que la situation au Kosovo est le résultat d'un rapport de force USA-OTAN/Russie (je ne suis pas sûr que ce soit adéquat de parler de rapport de force USA-OTAN vs monde-orthodoxe, peut-être).

Le Pays Basque n'est pas orthodoxe depuis très longtemps. D'ailleurs, sans doute, seule la classe dirigeante du haut moyen-âge a pu être orthodoxe.
Stephanopoulos
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Message par Stephanopoulos »

Pour ceux qui aurait manqué l'émission "Ce soir ou jamais" du 27-28 février de cette année vous pouvez voir et entendre Alexandre del Valle en cliquant ici : http://www.youtube.com/watch?v=rNFXlyZ56jw.
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Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Alexandr a écrit : Le Pays Basque n'est pas orthodoxe depuis très longtemps. D'ailleurs, sans doute, seule la classe dirigeante du haut moyen-âge a pu être orthodoxe.
Très juste. Il semble que c'est une région qui est directement passée de l'animisme au catholicisme romain sans avoir véritablement connu de phase orthodoxe.

Je vous renvoie à cet égard à ce que j'écrivais dans mon message du 8 décembre 2006 à 23 heures 12 dans le fil "La chanson de Roland" (ici: viewtopic.php?t=2122 ):

Signalons au passage qu'à l'époque de Charlemagne, les Basques n'étaient pas chrétiens. Ils furent christianisés tard, représentant une poche de paganisme dans un environnement christianisé depuis longtemps.

"La religion des Basques, dont les origines se perdent dans la nuit des temps, est certainement la plus typée; la plus originale: c'est, pour autant qu'on puisse en juger d'après les traces qu'elle a laissées dans le folklore, un pur panthéisme. Dominées par la haute figure de Jaungokoia, le Maître du Ciel, les divinités peuplent forêts et montagnes. Longtemps, très longtemps, les Basques leur gardent un ardent attachement: les rares tentatives d'évangélisation de la région (saint Amand) échouent piteusement. Bien au contraire, le paganisme eskuarien, très offensif, fait peser une menace constante sur les frêles chrétientés du voisinage: les Basques ont une réputation de "fléaux des églises". Encore au Xe siècle, les premières routes du pèlerinage de Saint-Jacques feront le long détour du Somport pour éviter le Pays basque." (Pierre Bonnassie, "Le temps des Wisigoths", in Bartolomé Bennassar e.a., Histoire des Espagnols, Robert Laffont, collection "Bouquins", Paris 1992, p. 30.)


Je signale que cette vision de la persistance de l'animisme basque, que j'ai trouvée ici sous la plume d'un observateur extérieur, puisque Catalan, suscite des divisions chez les Basques eux-mêmes:

"La christianisation du Pays Basque est un thème assez polémique dans l'historiographie. En son temps, Andres Mañaricua avait vilipendé ceux qui avaient essayé de minimiser l'apport du christianisme ou de retarder la date de son expansion en Pays Basque, ou de présenter son implantation comme un facteur de débasquisation. Jesus Arazandi aussi s'éleva contre le "nouvel abertzalisme laïque et athée", contre "le néopaganisme ésotérique créé ces dernières années".
En fait, le débat avait surgi déjà en 1935, lorsque P. Garcia Villada, dans son discours d'entrée à l'Académie d'Histoire, à Madrid, affirma que "dans les dix premiers siècles, il n'y a aucune trace de christianisation ni enn Guipuscoa, ni en Biscaye. L'hypothèse que saint Saturnin évangélisa le territoire ne repose sur aucune base solide. L'évêque de Pampelune ne réussit pas à étendre son diocèse au-delà d'Alsasua et de Saint-Sébastien."
Le débat fut ravivé par la thèse d'Augustin Azkarate sur l'Archéologie chrétienne qui suscita certaines colères comme celles exprimées par le carmélite J. Urkiza dans la revue Karmel ."
(Manex Goyhenetche, Histoire générale du Pays Basque, tome I, Elkarlanean, Donostia [Saint-Sébastien] 2005 (1ère édition 1998), p. 114.

Le docteur Goyhenetche se démarque de la thèse en vigueur chez la plupart des historiens, pense qu'Euzkadi était christianisée dès le VIIe siècle, que beaucoup de témoignages du haut Moyen Âge relèvent de la "bascophobie", de "la légende noire des Basques" (p. 144) ou d'un parti-pris en faveur de l'Eglise mérovingienne, et se limite à reconnaître qu' "évidement, il ne faut pas exclure des situations de retour au paganisme, de survivance de pratiques cultuelles et culturelles indigènes retrouvées" (p. 158).

Certes, mais:

* Pour revenir à l'exemple donné par le professeur Bonassie, j'ai moi-même pris la route du Somport, non pas parce que je me prends pour un pèlerin de Compostelle, mais parce que je voulais voir la légendaire vallée d'Aspe. Nous sommes là en Béarn. Je ne suis pas allé jusqu'au Somport, faute de temps; je me suis arrêté aux ruines du fort du Portalet, à 16 kilomètres du col, et, contemplant cette forteresse digne du Désert des Tartares de Buzzati, j'ai eu une pensée émue pour Alfred de Vigny qui y fut en garnison et pour Léon Blum, Paul Reynaud, Georges Mandel et le maréchal Pétain qui furent emprisonnés dans ces solitudes. (Il est vrai que le dernier cité y avait d'abord fait emprisonner les trois premiers avant de s'y retrouver lui-même quand son tour fut venu; "celui qui a vécu par l'épée périra par l'épée" [Mt 26.52].) Franchement, je pense comme le professeur Bonassie: quand on compare l'aspect qu'a la montagne du côté du Somport par rapport à celui qu'elle a du côté de l'actuel Pays basque, il fallait que les pèlerins eussent de bonnes raisons de préférer cette route-là. Encore qu'au Xe siècle, la vallée d'Aspe était encore sans doute bascophone, puisque le val d'Aran, plus oriental, l'aurait été. Peut-être était-ce une vallée de Basques christianisés, alors que leurs frères plus occidentaux étaient encore animistes?

*Encore au XIIe siècle, dans son guide du pèlerin de Compostelle (Codex Calixtinus), Aymeri Picaud indique que les Basques adorent un dieu Ortzia (Deum vocant Urcia) (cf. Jacques Allières, Les Basques, Que sais-je? n° 1668, Presses universitaires de France, Paris 1999 [1ère édition 1977], p. 96). Si, vraiment, le "paganisme" euskarien était moribond au VIIe siècle - alors que les sources hagiographiques sont explicites quant à l'échec total de la mission de saint Amand -, comment un voyageur du XIIe siècle aurait-il pu avoir vent d'informations aussi précises sur une religion défunte depuis un demi-millénaire?

*D'une manière générale, toute l'histoire de la christianisation de l'Europe occidentale a été systématiquement falsifiée à partir du XIe siècle. On a volontairement confondu saint Denys l'Aréopagite, disciple de saint Paul et évêque d'Athènes au Ier siècle, avec saint Denis, premier évêque de Paris au milieu du IIIe siècle. On a présentés comme christianisés des territoires qui ne l'ont été que des siècles plus tard. N'oublions pas que la découverte de ces falsifications industrielles fut le point de départ de la conversion à l'Orthodoxie de Paul de Ballester, premier évêque orthodoxe espagnol depuis le schisme de 1054, dont le patriarcat de Constantinople fit un évêque de Mexico où il fut assassiné sur les marches de sa cathédrale en 1984 (cf. sa biographie en castillan ici: http://www.orthodox.org.mx/monpablo.htm ).
Parmi cette masse de falsifications, il y a eu en particulier une occultation systématique des difficultés que le christianisme a eu pour s'implanter dans des régions très montagneuses commes les Alpes ou les Pyrénées.
Dans le cas des Alpes, l'office composé par l'archimandrite Denis Guillaume en l'honneur du roi saint Gontran l'appelle à juste titre "l'illuminateur des Alpes" pour avoir fondé le diocèse de Saint-Jean-de-Maurienne. Le règne de Gontran dure de 561 à 593. C'est bien le signe qu'à cette époque, deux siècles après la conversion de toutes les villes significatives de l'Empire romain, une région comme la Maurienne était encore considérée comme terre de mission.
Que les Basques aient pu être encore en majorité animistes - plutôt que polythéistes; il semble qu'ils aient toujours rejeté le paganisme romain et, en particulier, l'idolâtrie qui l'accompagnait - au Xe siècle ne paraît guère choquant si l'on regarde l'histoire du Valais, pourtant si proche de grands centres de diffusion du christianisme comme Lyon ou Milan.
Un diocèse du Valais est attesté dès 381 (le siège était alors à Martigny), qui plus est avec comme évêque un extraordinaire thaumaturge dont le souvenir est encore vif, saint Théodore ou Théodule.
Or, nous savons aujourd'hui que les légendes qui font de certains villages valaisans des villages de "Sarrasins", descendants des pillards musulmans qui ravagèrent les Alpes entre le VIIIe et le Xe siècle, reposent sur le fait bien réel que ces villages étaient encore païens au début du XIe siècle. Il a fallu au moins 650 ans pour que la foi qui avait conquis la plaine puisse gagner le fond des vallées. Quand, vers 1050, Bernard de Menthon monte au Mont-Joux, l'actuel Grand-Saint-Bernard, à la frontière entre le Valais et le Val d'Aoste, il y trouve un temple de Jupiter Pennin encore en activité. Ce n'est en fait que dans la deuxième moitié du XIe siècle, en grande partie grâce à l'activité de Bernard de Menthon, que ces montagnes seront christianisées, passant ainsi directement du paganisme romain au catholicisme romain sans connaître la phase orthodoxe comme dans les plaines et les villes.
A ma connaissance, il n'y a dans la culture populaire contemporaine qu'un seul film qui a vraiment évoqué la persistance de l'ancienne religion jusqu'au XIe siècle dans les régions difficiles d'accès de l'Europe occidentale - montagnes et marais: c'est le film Le Seigneur de la Guerre (The War Lord), de Franklin Schaffner avec Charlton Heston dans le rôle principal.
Donc, si la majorité des Basques avaient encore été "païens" au Xe siècle, ils n'auraient pas été les seuls en Europe occidentale.

Je signale toutefois qu'à l'heure actuelle, il y a quand même une paroisse orthodoxe au Pays basque, mais en Hegoalde (Pays basque espagnol), plus précisément à Errenteria, dans la province du Guipuzcoa, sous la juridiction du patriarcat de Serbie: http://www.iglesiaortodoxa.es/es/parroq ... cos/8.html . J'ai toutefois toutes les raisons de penser que les offices y sont célébrés en castillan et que la langue basque n'a pas encore trouvé son Denis Guillaume.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Stephanopoulos a écrit :Pour ceux qui aurait manqué l'émission "Ce soir ou jamais" du 27-28 février de cette année vous pouvez voir et entendre Alexandre del Valle en cliquant ici : http://www.youtube.com/watch?v=rNFXlyZ56jw.
Merci beaucoup pour ce lien très intéressant!

Est-ce que quelqu'un a aussi posté sur You Tube la partie de cette émission où le directeur des éditions Xenia (www.editions-xenia.com ), Slobodan Despot, brandit les photographies de la plus grande base militaire étasunienne au Kosovo?
Stephanopoulos
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Message par Stephanopoulos »

Non Claude, après une recherche sur youtube avec les mots-clés "Slobodan Despot", je n'ai rien trouvé!

Mais par contre sur dailymotion vous avez de larges extraits (je suis en ce moment même en train de visionner la 1ère partie) de l'émission qui débute avec des énormités racontées pa Skender Sherifi!
Voici le lien : http://www.dailymotion.com/relevance/se ... 3_politics.

Voici une vidéo de ce que Slobodan Despot évoquait à propos de la destruction des églises et monastères orthodoxes Serbes : http://www.youtube.com/watch?v=fkgHkxIf ... re=related. C'est insoutenable!

Slobodan Despot est magistral, surtout dans ses derniers propos en troisième partie.

Il faut dire aussi que l'islam a une part très importante dans le malheur qui a secoué le Kosovo de 1389 à nos jours! Je suis sûr qu'il ny aurait jamais eu autant de drames au Kosovo si l'islam ne serait jamais arrivé jusque dans les balkans!
Stephanopoulos
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

lecteur Claude a écrit :
* Pour revenir à l'exemple donné par le professeur Bonassie, j'ai moi-même pris la route du Somport, non pas parce que je me prends pour un pèlerin de Compostelle, mais parce que je voulais voir la légendaire vallée d'Aspe. Nous sommes là en Béarn. Je ne suis pas allé jusqu'au Somport, faute de temps; je me suis arrêté aux ruines du fort du Portalet, à 16 kilomètres du col, et, contemplant cette forteresse digne du Désert des Tartares de Buzzati, j'ai eu une pensée émue pour Alfred de Vigny qui y fut en garnison et pour Léon Blum, Paul Reynaud, Georges Mandel et le maréchal Pétain qui furent emprisonnés dans ces solitudes. (Il est vrai que le dernier cité y avait d'abord fait emprisonner les trois premiers avant de s'y retrouver lui-même quand son tour fut venu; "celui qui a vécu par l'épée périra par l'épée" [Mt 26.52].) Franchement, je pense comme le professeur Bonassie: quand on compare l'aspect qu'a la montagne du côté du Somport par rapport à celui qu'elle a du côté de l'actuel Pays basque, il fallait que les pèlerins eussent de bonnes raisons de préférer cette route-là. Encore qu'au Xe siècle, la vallée d'Aspe était encore sans doute bascophone, puisque le val d'Aran, plus oriental, l'aurait été. Peut-être était-ce une vallée de Basques christianisés, alors que leurs frères plus occidentaux étaient encore animistes?
À propos de cette extension ancienne du basque bien au-delà de ses limites actuelles, voici encore une pièce à apporter au dossier, en plus du vers de l’occitane Chanson de sainte Foy que j’ai déjà cité à deux reprises sur le présent forum :

« Le domaine eskuarien est, aux Ve-VIIe siècles, beaucoup plus étendu qu’aujourd’hui. Outre le Pays basque et la Navarre actuelle, il semble s’étendre assez largement en direction des Pyrénées centrales, voire orientales. Les sources manquent pour le délimiter. Toutefois, les études toponymiques, conduites par des linguistes tels que J. Coromines ou G. Rohlfs, montrent à l’évidence que des dialectes pré-indo-européens, apparentés au basque, ont continué à être parlés dans la plupart des hautes vallées pyrénéennes bien après leur date supposée de romanisation. Les noms de lieux de type bascoïde représentent 30% du total en haut Aragon, 35% en haute Ribagorza et jusqu’à 54% en haut Pallars (90 noms de communes sur 168). On continue à en trouver plus à l’est encore, dans la conque d’Urgell, en Andorre (avec en particulier, les noms mêmes d’Urgell et Andorra) et jusqu’en Cerdagne où ils foisonnent (Urtg, All, Alp, Creixenturri, etc.) Fait significatif, les formes de ces toponymes sont souvent représentatives d’un stade tardif de l’évolution de la langue basque. Plus étrange encore : dans ces mêmes régions, les radicaux latins entrant dans la composition de certains noms de lieux ont subi de véritables distorsions (substitution du p au f, par exemple) comme si les hommes les avaient contraints à suivre des règles d’évolution étrangères aux langues romanes. On peut en déduire que l’adoption d’un parler latin (ou de parlers romans dérivés) fut ici très lente à s’imposer. En Cerdagne, elle ne remonte pas au-delà du Ve siècle ; parfois même les populations – en haut Pallars, par exemple – continuèrent à user d’un idiome bascoïde, étonnant mélange de basque et de bas latin, jusqu’au Xe ou XIe siècle. »
(Pierre Bonnassie, « Le temps des Wisigoths », in Bartolomé Bennassar e.a., Histoire des Espagnols, Robert Laffont, Paris 1992, p. 16.)

De ce fait, le destin du basque me semble avoir eu de nombreux points communs avec celui d’une autre langue parlée dans un refuge montagnard, et que j’ai déjà évoquée à plusieurs reprises sur le présent forum, à savoir le romanche. Ce sont deux langues qui ont connu un recul géographique continu. Au VIIIe siècle, on parlait basque en Cerdagne, dans le val d’Aran (tautologie : aran = « vallée », en basque), en Andorre, en Bigorre et dans le haut Aragon ; on parlait romanche sur les bords du lac de Constance (Bodensee). Au XIe siècle, on parlait basque près de Burgos ; on parlait romanche près de Sargans. Au XXe siècle encore, le basque a perdu Pampelune et le romanche a perdu Donat / Ems et Sankt Moritz. De plus, dans les deux cas, deux langues très anciennes (attestée au moins depuis le IIIe siècle dans le cas du basque, attestée dès le IXe siècle dans le cas du romanche) n’ont accédé à la littérature que grâce à la Réforme protestante au XVIe siècle.
Je l’ai déjà écrit dans les observations que j’ai faites ici sur la vallée d’Urseren viewtopic.php?t=1696&postdays=0&postorder=asc, les faibles densités de population de ces vallées rendaient très facile le passage d’un univers culturel à un autre au Moyen Âge. Le touriste qui visite aujourd’hui la principauté d’Andorre a l’impression d’être dans un centre de la culture catalane – encore que le tourisme y favorise le castillan et que le système scolaire cherche à y maintenir le français. Il aurait bien du mal à imaginer que cette terre fut basque. Toutefois, il ne faut pas oublier que cette principauté qui apparaît aujourd’hui comme un État complet, avec plus de 70'000 habitants, n’en comptait pas 6'000 en 1945. On imagine sans peine quels devaient être les chiffres au Moyen Âge. Il suffisait sans doute de l’arrivée de quelques dizaines de familles pour faire basculer la population d’un monde à un autre.
On notera toutefois qu’aujourd’hui, le destin de ces deux langues diverge profondément. On dit parfois en Suisse que le romanche est une langue de la paysannerie de montagne, et destinée à disparaître avec elle. Ce n’est que tout récemment que l’on a enfin pris des mesures pour sauver le romanche, avec la loi sur les langues (Sprachengesetz) du 17 octobre 2006, approuvée par référendum par le peuple grison le 17 juin 2007. Cette loi instaure enfin dans les Grisons la territorialité des langues, telle qu’elle est pratiquée dans tout le reste de la Suisse. En imposant aux communes qui comptaient au moins 40% de romanchophones au recensement de 2000 de rester unilingues romanches et aux communes qui comptaient au moins 20% de romanchophones de rester bilingues, cette loi vise à mettre fin à la déplorable habitude de communes du territoire historique romanche qui décidaient soudain de se germaniser. On ne voit toutefois pas comment cela pourrait suffire à sauver le romanche, pratiquement aucune de ces communes n’ayant d’industries susceptibles de retenir les jeunes. « Le romanche, langue du cœur, l’allemand, langue du pain. » Rengaine trop connue de nos frères francophones opprimés d’Amérique du Nord.
En revanche, le basque, au moins dans les trois provinces vascongadas d’Espagne (Biscaye, Alava et Guipúzcoa) regagne du terrain depuis trente ans. En mettant à part le fait que le peuple romanche est porteur d’une culture romane qui n’est pas particulièrement dépaysante pour un Romand, un Parisien ou un Milanais, tandis que le peuple basque conserve des traces d’une culture non indo-européenne dont l’étude est particulièrement stimulante (absence de la structure tripartite de la pensée, conservation du souvenir de la semaine de 3 jours, mythologie et folklore fondamentalement différents de ceux du paganisme indo-européen), ce qui n’a pas peu contribué à rehausser le prestige de la langue ces dernières décennies, la différence tient surtout au fait qu’une partie d’Hegoalde est très industrialisée et que c’est aussi ce développement économique qui a donné au peuple basque les moyens de développer massivement la scolarisation dans la langue ancestrale. On en revient donc toujours à la question du nerf de la guerre.
Nectari
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Message par Nectari »

Ul y à aussi des toponymes basques a l'Alt Empordà (Girona).

Bon Carême! Et pardon pour mes offenses!

Nectari
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Message par Claude le Liseur »

Nectari a écrit :Ul y à aussi des toponymes basques a l'Alt Empordà (Girona).

C'est-à-dire très près de la Méditerranée, et donc la confirmation qu'il y a bien eu une époque où on parlé basque dans toute la chaîne des Pyrénées, de la Méditerranée à l'Atlantique.

Cependant, ce qui est plus étrange, c'est cette théorie qui prétend que, si le Béarn, le Comminges, le val d'Aran, la Bigorre, la Ribagorza, Andorre, le Pallars, la Cerdagne et l'Alt Empordà étaient autrefois basques, seules, parmi les provinces actuelles d'Euskal Herri, la Navarre, la Soule et la Basse-Navarre l'étaient; cette théorie veut que les provinces de Biscaye, Alava et Guipúzcoa, et partiellement le Labourd, seraient devenues basques suite à l'expansion basque qui suivit la chute de l'Empire romain et que ce serait la raison pour laquelle les trois premières provinces citées seraient dites vascongadas. Le professeur Allières écrit que cette théorie est douteuse et que les trois provinces vascongadas sont sans doute basques depuis toujours.
Claude le Liseur
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Re:

Message par Claude le Liseur »

Claude le Liseur a écrit :
Cependant, ce qui est plus étrange, c'est cette théorie qui prétend que, si le Béarn, le Comminges, le val d'Aran, la Bigorre, la Ribagorza, Andorre, le Pallars, la Cerdagne et l'Alt Empordà étaient autrefois basques, seules, parmi les provinces actuelles d'Euskal Herri, la Navarre, la Soule et la Basse-Navarre l'étaient; cette théorie veut que les provinces de Biscaye, Alava et Guipúzcoa, et partiellement le Labourd, seraient devenues basques suite à l'expansion basque qui suivit la chute de l'Empire romain et que ce serait la raison pour laquelle les trois premières provinces citées seraient dites vascongadas. Le professeur Allières écrit que cette théorie est douteuse et que les trois provinces vascongadas sont sans doute basques depuis toujours.
Citation exacte du professeur Allières:
On ne peut considérer comme réellement fondée l'opinion tirée d'Ohineart (Notitiae utrisuque Vasconiae) et encore en vogue, selon laquelle le peuplement actuel du Pays basque français serait dû à une invasion de Vascons d'outre-Pyrénées venus vers la fin du VIe siècle occuper un territoire en fait aussi complètement romanisé que le reste de la Gascogne. La toponymie basque ne révèle nulle trace de cette prétendue romanisation, et comme l'on sait qu'un même terme - Vascones - désigne souvent, en latin médiéval, les Basques et les Gascons (les premiers sont aussi appelés Bascli), les sources historiques du Moyen Age ne peuvent apporter aucune assurance indiscutable en la matière. Bien au contraire, on fait l'économie d'hypothèses bien hasardeuses et de réelles difficultés si l'on voit simplement dans les Basques cispyrénéens, avec G. Rohlfs, R. Lafon, etc., les héritiers d'une population d'Aquitains que leur éloignement par rapport aux centres de diffusion de la culture gallo-romaine aurait soustraits à la romanisation jusqu'à l'époque actuelle - où ils passent directement de l'idiome ancestral au français. Quant au nom même de Vasconia (Gascogne) que prit la Novempopulanie, il ne révèle pas plus une ré-euskarisation de l'ensemble du pays que ne le fait l'épithète de "vascongadas" donnée aux provinces espagnoles de Guipuzcoa, Biscaye et Alava, qui ont certainement toujours été bascophones.


(Jacques Allières, Les Basques, Que sais-je? n° 1668, Presses universitaires de France, Paris 1999 [1re édition Paris 1977], note 1 page 26.)
Claude le Liseur
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Claude le Liseur a écrit :
À propos de cette extension ancienne du basque bien au-delà de ses limites actuelles, voici encore une pièce à apporter au dossier, en plus du vers de l’occitane Chanson de sainte Foy que j’ai déjà cité à deux reprises sur le présent forum :

« Le domaine eskuarien est, aux Ve-VIIe siècles, beaucoup plus étendu qu’aujourd’hui. Outre le Pays basque et la Navarre actuelle, il semble s’étendre assez largement en direction des Pyrénées centrales, voire orientales. Les sources manquent pour le délimiter. Toutefois, les études toponymiques, conduites par des linguistes tels que J. Coromines ou G. Rohlfs, montrent à l’évidence que des dialectes pré-indo-européens, apparentés au basque, ont continué à être parlés dans la plupart des hautes vallées pyrénéennes bien après leur date supposée de romanisation. Les noms de lieux de type bascoïde représentent 30% du total en haut Aragon, 35% en haute Ribagorza et jusqu’à 54% en haut Pallars (90 noms de communes sur 168). On continue à en trouver plus à l’est encore, dans la conque d’Urgell, en Andorre (avec en particulier, les noms mêmes d’Urgell et Andorra) et jusqu’en Cerdagne où ils foisonnent (Urtg, All, Alp, Creixenturri, etc.) Fait significatif, les formes de ces toponymes sont souvent représentatives d’un stade tardif de l’évolution de la langue basque. Plus étrange encore : dans ces mêmes régions, les radicaux latins entrant dans la composition de certains noms de lieux ont subi de véritables distorsions (substitution du p au f, par exemple) comme si les hommes les avaient contraints à suivre des règles d’évolution étrangères aux langues romanes. On peut en déduire que l’adoption d’un parler latin (ou de parlers romans dérivés) fut ici très lente à s’imposer. En Cerdagne, elle ne remonte pas au-delà du Ve siècle ; parfois même les populations – en haut Pallars, par exemple – continuèrent à user d’un idiome bascoïde, étonnant mélange de basque et de bas latin, jusqu’au Xe ou XIe siècle. »
(Pierre Bonnassie, « Le temps des Wisigoths », in Bartolomé Bennassar e.a., Histoire des Espagnols, Robert Laffont, Paris 1992, p. 16.)

De ce fait, le destin du basque me semble avoir eu de nombreux points communs avec celui d’une autre langue parlée dans un refuge montagnard, et que j’ai déjà évoquée à plusieurs reprises sur le présent forum, à savoir le romanche. Ce sont deux langues qui ont connu un recul géographique continu. Au VIIIe siècle, on parlait basque en Cerdagne, dans le val d’Aran (tautologie : aran = « vallée », en basque), en Andorre, en Bigorre et dans le haut Aragon ; on parlait romanche sur les bords du lac de Constance (Bodensee). Au XIe siècle, on parlait basque près de Burgos ; on parlait romanche près de Sargans. Au XXe siècle encore, le basque a perdu Pampelune et le romanche a perdu Donat / Ems et Sankt Moritz. De plus, dans les deux cas, deux langues très anciennes (attestée au moins depuis le IIIe siècle dans le cas du basque, attestée dès le IXe siècle dans le cas du romanche) n’ont accédé à la littérature que grâce à la Réforme protestante au XVIe siècle.
Je l’ai déjà écrit dans les observations que j’ai faites ici sur la vallée d’Urseren viewtopic.php?t=1696&postdays=0&postorder=asc, les faibles densités de population de ces vallées rendaient très facile le passage d’un univers culturel à un autre au Moyen Âge. Le touriste qui visite aujourd’hui la principauté d’Andorre a l’impression d’être dans un centre de la culture catalane – encore que le tourisme y favorise le castillan et que le système scolaire cherche à y maintenir le français. Il aurait bien du mal à imaginer que cette terre fut basque. Toutefois, il ne faut pas oublier que cette principauté qui apparaît aujourd’hui comme un État complet, avec plus de 70'000 habitants, n’en comptait pas 6'000 en 1945. On imagine sans peine quels devaient être les chiffres au Moyen Âge. Il suffisait sans doute de l’arrivée de quelques dizaines de familles pour faire basculer la population d’un monde à un autre.

J'ai sous les yeux un très intéressant livre (en castillan) de Luis Núñez Astran: El euskera arcaico (La langue basque archaïque), 5e édition, Txalaparta, Tafalla 2007 (390 pages).En ce qui concerne le recul du basque depuis la Renaissance, l'auteur indique que Pampelune a en fait cessé d'être bascophone dès le milieu du XIXe siècle, mais la frontière linguistique de 1850 passait juste au nord de la ville et et elle a peu reculé depuis. Au demeurant, le 18 février 2010, la communauté forale de Navarre a intégré l'ensemble de la comarque (canton) de Pampelune, soit vingt-huit communes, dans la "zone mixte", où les citoyens ont "en principe" le droit d'utiliser la langue basque dans leurs rapports avec l'administration (soixante-et-une communes au nord de la Navarre constituant la "zone bascophone", où le basque est langue co-officielle, tandis que le reste de la Navarre constitue la "zone non-bascophone": http://www.tlfq.ulaval.ca/AXL/europe/espagnenavarre.htm ).
Claude le Liseur
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Re: Kosovo = Pays basque ?

Message par Claude le Liseur »

Luis Núñez Astran, in El euskera arcaico (La langue basque archaïque), 5e édition, Txalaparta, Tafalla 2007, se livre à une très intéressante analyse basée sur l'histoire (les peuples aquitains du temps de César), la toponymie et la dialectologie pour aboutir à une conclusion simple, directe et qui me paraît irréfutable:
.... en todos los sitios en que se habla o se ha hablado gascón, es que antes se había hablado euskera (p. 143)
Ma traduction:

... partout où l'on parle ou l'on a parlé gascon, on a parlé basque auparavant.

Et c'est logique. Le gascon est un idiome roman, généralement considéré comme un dialecte de l'occitan, mais que Pierre Bec, dans son Manuel pratique de philologie romane, considérait comme une langue à part (et Pierre Bec était lui-même un auteur de langue gasconne, auteur notamment d'un beau témoignage sur sa déportation en Autriche au titre du Service du travail obligatoire, Lo hiu tibat [Les barbelés]), dont la lecture ne présente guère de difficultés pour un francophone (encore moins pour un hispanophone), pour peu que l'on connaisse certaines règles phonétiques, tandis que le basque, idiome non indo-européen malgré un vocabulaire massivement emprunté au latin, à l'aragonais, au castillan et au français, est absolument incompréhensible pour un non-locuteur.
Pourtant, toutes les particularités phonétiques du gascon par rapport au languedocien peuvent s'expliquer par un substrat basque, l'exemple le plus connu étant l'apparition d'une voyelle de soutien avant un r initial (latin rota; français roue; castillan rueda; languedocien ròda; mais gascon arròda et basque errota; cf. Núñez Astran, loc. cit., et Nicolas Quint, L'occitan, Assimil, Chennevières-sur-Marne 2014, p. 436).

Comme par hasard, le Val d'Aran, que la Chanson de Sainte Foy nous décrit comme bascophone au XIe siècle, est aujourd'hui le seul endroit au monde où le gascon est langue officielle (avec le castillan et le catalan) - il a cessé de l'être en Béarn en 1789 (encore un bienfait de l'Immaculée Révolution).

Il est probable qu'entre l'époque de César et le XIe siècle, le basque a connu des flux et des reflux, avant de commencer au XIe siècle un recul permanent qui semble à peine freiné par son officialisation en Espagne. Il n'en reste pas moins que le gascon est le produit de la rencontre du latin et du basque. On n'a donc pas seulement parlé basque dans la plus grande partie des Pyrénées: on a très vraisemblablement parlé basque, à l'époque de César puis à celle des royaumes germaniques, tout près de Burdigala / Bordeaux et de Tolosa / Toulouse.
Claude le Liseur
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Re: Kosovo = Pays basque ?

Message par Claude le Liseur »

Luis Núñez Astran, in El euskera arcaico (La langue basque archaïque), 5e édition, Txalaparta, Tafalla 2007, page 178, donne une extraordinaire carte de l'extension approximative du basque ancien, vers la naissance du Christ, en se basant sur les critères suivants:

- Aquitaine: inscriptions, extension du domaine de la langue gasconne, noms de lieu en -òs (Biscarrosse, près d'Arcachon), nom des tribus à l'époque romaine;
- Cantabrie: toponymie;
- Rioja: inscriptions, toponymie;
-Burgos: toponymie;
-Soria: inscriptions;
- Huesca et Lleida: toponymie, noms de lieu en -ues (Biscarrués, Haut Aragon, ce qui est exactement le même nom que Biscarrosse - page 168).

Il en résulte qu'en des temps lointains on a parlé basque à Arcachon, Auch, Tarbes, Pau, Saint-Gaudens, Jaca, Huesca et tout près de Saragosse ; mais l'extension de cette langue s'est arrêtée à bonne distance de Burdigala / Bordeaux et de Tolosa / Toulouse, la cité des Volques tectosages. C'est un des rares points où l'extension du gascon ne coïncide pas avec l'ancien domaine euskarien, puisque le gascon s'est avancé un peu plus à l'est, puisque deux quartiers de Toulouse, Saint-Simon et Saint-Martin-du-Touch, parlaient gascon avant de passer au français* (cf. Jean-Marie Leclerc, Le gascon de poche, Assimil, Chennevières-sur-Marne 2004, p. 6).

* Même si cela ne plaira pas aux militants néo-occitans, toutes les études de terrain montrent que, dans les villes, la transmission des parlers d'oc (en admettant que le gascon en soit un) s'est arrêtée vers 1914. L'occitan n'a pas les 2 millions de locuteurs que lui attribue Calvet ou les 500'000 à 1 million que lui attribue Quint, mais 100'000 sur le territoire français (cf. Fabrice Bernissan, "Combien de locuteurs compte l'occitan en 2012 ?", in Revue de linguistique romane, nos 303-304, Strasbourg 2012, pp. 467-512 ; https://fr.slideshare.net/blogVAP/r-li- ... fbernissan ) et 4'500 en Espagne ( http://www.axl.cefan.ulaval.ca/EtatsNso ... d'Aran.htm ) - s'agissant de l'Italie, je n'ai aucun chiffre fiable pour les 14 vallées occitanes de la province du Piémont, et je cite pour mémoire les 340 locuteurs du gardiol, dialecte vivaro-alpin parlé à Guardia Piemontese en Calabre suite à une immigration de Vaudois du Piémont au XIVe siècle . De même que l'Allemagne ne compte pas les 11'943'000 locuteurs du français que lui attribue, sans crainte du ridicule, l'Organisation internationale de la francophonie, mais plus prosaïquement quelques dizaines de milliers...
Claude le Liseur
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Re: Kosovo = Pays basque ?

Message par Claude le Liseur »

Un mot chargé d'histoire.

Dans son petit lexique Interférences linguistiques entre basque et gascon béarnais (Editions des Régionalismes, Cressé 2016), pp. 14 et 32, Jan Bonnemason nous donne un mot dont l'étymologie laisse songeur:

arrobatu en basque, arraubà en béarnais (toujours la voyelle de soutien) = dérober, du francique raub(on)are "voler". Et oui, on a autrefois parlé des langues germaniques jusqu'en Afrique du Nord - le flux et le reflux - alors, évidemment, aussi dans les Pyrénées. Et pourtant, si je savais qu'une partie notable (on dit 40%) du lexique basque est d'origine romane (latine, gasconne, aragonaise, castillane, française...), je n'imaginais pas que des mots d'origine franque avaient fait leur nid en terre euskarienne (les Wisigoths, passe encore, mais les Francs!).

Mais cela en dit long sur les rapports qu'ont dû entretenir les Vascons (ancêtres communs des Basques et des Gascons) avec les Francs - s'accusant d'ailleurs mutuellement d'être des pillards.

En allemand, Raub = brigandage, Räuber = brigand. Exemple, article 140 chiffre 2 du Code pénal suisse:

Version allemande Der Räuber wird mit Freiheitsstrafe nicht unter einem Jahr bestraft, wenn er zum Zweck des Raubes eine Schusswaffe oder eine andere gefährliche Waffe mit sich führt.

Version française Le brigandage sera puni d'une peine privative de liberté d'un an au moins, si son auteur s'est muni d'une arme à feu ou d'une autre arme dangereuse.

Version italienne Il colpevole è punito con una pena detentiva non inferiore ad un anno se, per commettere la rapina, si è munito di un'arma da fuoco o di un'altra arma pericolosa.

Version romanche l rapinader vegn chastià cun in chasti da detenziun betg sut 1 onn, sch'el porta cun sai in'arma da fieu u in'autra arma privlusa cun l'intent da far rapina.

Mais tout de même, le mot allemand Raub et le mot basque arraubà tirant leur commune origine dans les aventures de maraudeurs rhénans qui ne savaient pas qu'ils seraient à l'origine de puissantes nations, n'est-ce pas un résumé saisissant de la chute de l'Empire romain ?
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