A la question du journaliste Dan Vasile:
Le métropolite du Banat répond:Dan Vasile a écrit : Votre Éminence, vous avez affirmé à propos de l’uniatisme, dans l’entretien que vous avez accordé à « Formula As » : « La création de l’Église gréco-catholique a été une nécessité d’ordre historique pour les Roumains. » Votre Éminence, vous considérez que cela a été une nécessité, alors que les saints de l’Église orthodoxe ont dit tout autre chose. Par exemple, saint…
Mgr Nicolas Corneanu du Banat a écrit :Moi, je pose le problème du point de vue de la Transylvanie et des Roumains de Transylvanie, qui, se trouvant sous occupation étrangère, ont vu en Rome une sorte de salut de notre origine latine et latino-dace.
Cette idée que latinité ethnique (ou culturelle?) et soumission juridictionnelle à la Papauté romaine sont synonymes, ou vont de pair, est stupéfiante, quand on sait à quel point la France et l'Espagne sont sécularisées ou quel a été le rôle historique de la minorité protestante en France. Je suppose que Mgr Corneanu est trop préoccupé par la défense des sublimes traditions banataises dont ses partisans nous rabattent les oreilles, mais il suffit d'un regard hors des frontières roumaines pour constater à quel point ce postulat cornéanien ne se vérifie pas dans le protestantisme. En France, le bastion calviniste se trouvait concentré dans la partie la plus "latine" du pays: le Midi. Il y a des petites régions italophones - le val Bregaglia dans les Grisons, les vallées vaudoises du Piémont (il est vrai autrefois de langue provençale) - qui sont presqu'entièrement de tradition protestante. En Espagne, avant que le mouvement de sécularisation ne devienne général, la population de loin la plus attachée au catholicisme était la population basque - la seule population de la péninsule ibérique dont la langue n'est pas latine. En Suisse, avant le grand brassage de populations entraînée par l'immigration de catholiques suisses, allemands, autrichiens, français, italiens, espagnols et portugais dans les cantons protestants plus développés et plus industrialisés, les cantons entièrement francophones de Genève, Vaud et Neuchâtel étaient des bastions de la foi protestante.
En Amérique latine, la proportion de protestants dépasse largement les 25% dans des pays comme le Brésil, le Chili ou le Guatemala, et il s'agit d'un protestantisme bel et bien latin, qui n'a rien à voir avec le protestantisme "ethnique" ou "consulaire" maintenu, au Brésil, au Chili et en Argentine par les petites -mais compactes - communautés de descendants d'immigrants allemands, gallois et piémontais.
Tous ces faits infirment complètement la thèse dont Mgr Nicolas du Banat s'est fait le porte-parole.
Si je voulais me faire encore plus Latin que Mgr Nicolas (Corneanu) - ce à quoi m'autorise mon appartenance ethnique; j'insiste sur ce point, puisque le facteur ethnique est le seul qui est compris dans le milieu des orthodoxes roumains partisans de la ligne de Mgr Nicolas (Corneanu) et qu'il sert aussi de ligne en matière religieuse et éthique -, je pourrais signaler que les trois derniers pays en Europe où le catholicisme est considéré comme l'élément déterminant de l'identité nationale (Irlande, Croatie, et Pologne) ne sont pas latins, ou que le siège de Rome est détenu par un Allemand après l'avoir été par un Slave et que tout ceci n'est pas très latin. Voilà ce que je pourrais dire, si je voulais être encore plus super-latin que Mgr Nicolas (Corneanu) et ses nombreux épigones et disciples.
Je pourrais le dire, mais, curieusement, contrairement à d'autres, je n'éprouve pas le besoin de porter ma latinité en bandoulière. Peut-être parce que, comme l'écrivait le grand écrivain nigérian Wole Soyinka, Prix Nobel de littérature:
"Un tigre ne proclame pas sa tigritude; il bondit."
("A tiger does not shout its tigritude: it pounces." )