Ecclésiologie pyramidale

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Anne Geneviève
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Ecclésiologie pyramidale

Message par Anne Geneviève »

Notre ami Théophylactère, toujours très renseigné, m'a envoyé aujourd'hui un extrait de son site :
http://orthodoxie-libre.over-blog.com/a ... 42733.html
Le 24 février 2009, le Patriarcat d'Antioche a de facto rabaissé tous ses évêques au statut d'évêque auxiliaire (statut hélas un peu trop fréquent à notre goût, qui ne figure pas dans le Pidalion et dont la canonicité est d'ailleurs fort douteuse). Désormais, les évêques (devenus auxiliaires) dépendront et seront subordonnés à leur métropolite. Ce dernier définira les responsabilités des évêques (sic) et l'endroit où ils serviront. La fonction d'évêque est ainsi abolie dans la pratique. Nous avons pu savoir par d'autres sources que seul le métropolite sera désormais commémoré et plus l'évêque du lieu.

En bonne ecclésiologie orthodoxe, une métropole rassemble un certain nombre de diocèses ayant chacun à leur tête un évêque, le métropolite étant simplement le premier de tous ces évêques (qui sont par ailleurs égaux). A ce titre, il préside la métropole mais ne dispose pas du droit d'intervenir dans la gestion d'un autre diocèse. Malgré cette nouvelle infraction, l'orthodoxie mondiale va continuer à se proclamer présenter comme l'orthodoxie canonique. Mais ont-ils lu les canons ?

Voici ci-après, une traduction depuis l'anglais des nouveaux articles des statuts du Patriarcat d'Antioche.
Chapitre VI



Article 75


Le patriarche est le point de référence de tous les évêques à Damas, des monastères patriarcaux et des vicariats. Ils sont sous son autorité.


Article 76


Le métropolite est le point de référence de tous les évêques dans son archidiocèse et ils sont sous son autorité.


Article 77


Tous les évêques dans le siège d'Antioche sont des évêques auxiliaires et sont sous leur autorité [Note du traducteur : sous-entendu du métropolite et du patriarche]


Article 78


Le métropolite définit les responsabilités des évêques et l'endroit où ils doivent servir. L'évêque ne fait rien de contraire à la volonté du métropolite


Article 79


Les articles, 75, 76, 77 et 78 sont applicables dans tous les archidiocèses antiochiens et tout ce qui contredit ces articles est nul et non avenu.

Voici le site anglais qu'il a traduit :
http://www.antiochian.org/sites/antioch ... -24-09.pdf

La signature d'Ignace IV sur un tel document ne laisse guère de doute.

Je suis atterrée. Quelle mouche les a piqués pour leur faire adopter une ecclésiologie pyramidale qui est exactement celle de la réforme grégorienne en occident ?

Drôle de carême, décidément...
"Viens, Lumière sans crépuscule, viens, Esprit Saint qui veut sauver tous..."
Claude le Liseur
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Re: Ecclésiologie pyramidale

Message par Claude le Liseur »

Anne Geneviève a écrit :Notre ami Théophylactère, toujours très renseigné, m'a envoyé aujourd'hui un extrait de son site :
http://orthodoxie-libre.over-blog.com/a ... 42733.html
Le 24 février 2009, le Patriarcat d'Antioche a de facto rabaissé tous ses évêques au statut d'évêque auxiliaire (statut hélas un peu trop fréquent à notre goût, qui ne figure pas dans le Pidalion et dont la canonicité est d'ailleurs fort douteuse). Désormais, les évêques (devenus auxiliaires) dépendront et seront subordonnés à leur métropolite. Ce dernier définira les responsabilités des évêques (sic) et l'endroit où ils serviront. La fonction d'évêque est ainsi abolie dans la pratique. Nous avons pu savoir par d'autres sources que seul le métropolite sera désormais commémoré et plus l'évêque du lieu.

En bonne ecclésiologie orthodoxe, une métropole rassemble un certain nombre de diocèses ayant chacun à leur tête un évêque, le métropolite étant simplement le premier de tous ces évêques (qui sont par ailleurs égaux). A ce titre, il préside la métropole mais ne dispose pas du droit d'intervenir dans la gestion d'un autre diocèse. Malgré cette nouvelle infraction, l'orthodoxie mondiale va continuer à se proclamer présenter comme l'orthodoxie canonique. Mais ont-ils lu les canons ?

Voici ci-après, une traduction depuis l'anglais des nouveaux articles des statuts du Patriarcat d'Antioche.
Chapitre VI



Article 75


Le patriarche est le point de référence de tous les évêques à Damas, des monastères patriarcaux et des vicariats. Ils sont sous son autorité.


Article 76


Le métropolite est le point de référence de tous les évêques dans son archidiocèse et ils sont sous son autorité.


Article 77


Tous les évêques dans le siège d'Antioche sont des évêques auxiliaires et sont sous leur autorité [Note du traducteur : sous-entendu du métropolite et du patriarche]


Article 78


Le métropolite définit les responsabilités des évêques et l'endroit où ils doivent servir. L'évêque ne fait rien de contraire à la volonté du métropolite


Article 79


Les articles, 75, 76, 77 et 78 sont applicables dans tous les archidiocèses antiochiens et tout ce qui contredit ces articles est nul et non avenu.

Voici le site anglais qu'il a traduit :
http://www.antiochian.org/sites/antioch ... -24-09.pdf

La signature d'Ignace IV sur un tel document ne laisse guère de doute.

Je suis atterrée. Quelle mouche les a piqués pour leur faire adopter une ecclésiologie pyramidale qui est exactement celle de la réforme grégorienne en occident ?

Drôle de carême, décidément...
Cela n'a rien à voir avec une ecclésiologie pyramidale, et encore moins avec la réforme grégorienne, mais bien plutôt avec l'inflation des titres déjà évoquée.

Le nouveau système veut tout simplement dire que tous les évêques diocésains passent au statut de métropolite...sans métropole, puisqu'aucun de ces métropolites n'aura, en pratique, de suffragant.

L'Église de Grèce a (malheureusement) adopté ce système depuis 1922, n'ayant plus que l'archevêque d'Athènes, primat et président ex officio du saint Synode, et des métropolites.

A l'époque, cette nouvelle organisation ecclésiastique, où tout le monde se retrouve en quelque sorte archevêque, avait fait sourire. Qu'on m'excuse ici de faire une traduction au carré, mais je n'ai pas le texte serbe original, alors je vais me référer à la traduction roumaine.

Dr. Radovan N. Kazimirovici (je suppose, en serbe, Radovan Kazimirović)


Situaţia actualǎ de drept bisericesc a Bisericilor ortodoxe rǎsǎritene

Traduit du serbe en roumain par l’archiprêtre Uroş Kovincici et le professeur Nicolae Popovici

Imprimerie diocésaine du diocèse orthodoxe roumain d’Arad, 1927

Nous lisons page 42 la surprise qu’avait provoquée en 1922 la décision de l’Église de Grèce, imitée en 2009 par le patriarcat d’Antioche, et l’explication qu’on en donnait vers 1927 :

Arhiepiscopul Atenei şi mitropolitul întregei Grecii este primul între toţii episcopii bisericei greceşti, dar se ştie cǎ toţi ceilalţi (31) episcopii eparhiali au primit titlul de mitropolit (1922). Decretul nu conţine motivele pentru cari s’a fǎcut aceastam dar este mai mult ca probabil cǎ existǎ vre-o cauzǎ. Dupǎ unii aceasta s’a întâmplat, fiindcǎ grecii se strǎduesc ca sǎ asigure episcopilor lor la sinodul ecumenic, care se va convoca, un rang cât mai mare, dupǎ alţii în aceasta trebue sǎ se vadǎ manifestea vanitǎţii arhiereilor.

Ma traduction, hélas au carré:

L'archevêque d'Athènes et métropolite de toute la Grèce est le premier parmi tous les évêques de l'Église grecque, mais on sait que tous les autres évêques diocésains, au nombre de 31, ont reçu le titre de métropolite en 1922. Le décret ne donne pas la motivation de cette décision, mais il est plus que probable qu'il existe une cause quelconque. Selon certains cela a eu lieu parce que les Grecs veulent assurer un rang plus élevé à leurs évêques lors du concile oecuménique qui va être convoqué, d'autres y voient une manifestation de la vanité des hiérarques.


Mon commentaire:

Il est donc plus que probable que la décision de ne plus avoir que des métropolites (sans suffragants) et des évêques auxiliaires s'explique par l'inflation des titres (notre savant serbe, qui était professeur à l'université de Belgrade, aurait dit par la vanité) plutôt que par une quelconque influence de la réforme grégorienne et de son ecclésiologie.
Parler d'ecclésiologie pyramidale me semble un contresens, puisqu'au contraire, on supprime la pyramide, on supprime les provinces ecclésiastiques (ou plutôt, on fait de chaque diocèse une province ecclésiastique), et on élève tous les évêques diocésains au rang de métropolite.
Pour illogique que soit cette organisation - l'archimandrite Grégoire Papathomas suggérait dans son livre en français sur l'Église de Grèce de rétablir en Grèce l'organisation traditionnelle, le titre de métropolite devant être réservé au primat d'une province ecclésiastique avec des évêques suffragants, et non plus attribué à tous les évêques diocésains -, elle n'a pas pour autant introduit en Grèce, depuis 1922, ni la réforme grégorienne, ni l'ecclésiologie catholique romaine, ni rien de tout cela...

Je crois qu'il n'y a qu'en Roumanie qu'on a intégralement conservé une organisation en provinces ecclésiastiques, le titre de métropolite étant réservé au primat de la province. Ce qui peut créer une confusion pour les lecteurs francophones, c'est que dans l'Église orthodoxe de Roumanie, le titre d'archevêque est purement honorifique, et est attribué à des évêques diocésains, tandis que seul le titre de métropolite correspond à la présidence d'un synode provincial. C'est ainsi que l'archevêque d'Alba Iulia est un simple évêque diocésain suffragant du métropolite de Cluj.

Cela étant dit, en Roumanie aussi il y a beaucoup d'évêques auxiliaires, mais je ne vois pas en quoi ce statut est d'une canonicité douteuse: il s'agit, à ma connaissance, de la continuation de l'institution très ancienne des chorévêques. Cette institution a sans doute créé beaucoup de problèmes dans le passé, et elle a été abolie dans l'Église des Gaules à l'époque de saint Angobard de Lyon, dans des circonstances sur lesquelles je reviendrai peut-être. Toutefois, je ne vois pas en quoi la décision prise par l'Église des Gaules aurait dû être normative pour toutes les autres Églises orthodoxes locales. Nous ne devons pas non plus tomber à notre tour dans l'ethnocentrisme et reprocher aux Églises orthodoxes locales des Balkans ou du Moyen-Orient de garder des institutions abolies à cette époque dans les Gaules. Il semble d'ailleurs que l'Église orthodoxe locale d'Angleterre a conservé cette institution jusqu'à la conquête normande de 1066.

Et je rappelle qu'à l'époque de saint Angobard, l'Église des Gaules n'a pas condamné la canonicité de l'institution, mais simplement décidé qu'on n'ordonnerait plus de chorévêques à cause des problèmes pratiques que cela créait.

En dehors de l'Orthodoxie, on notera que l'Église copte a rétabli dans les années 1960 l'institution des chorévêques qu'elle avait abolie plusieurs siècles auparavant. Cela laisse supposer que cette dignité peut parfois être utile sur le plan pastoral.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

J'ajoute à l'usage d'éventuels lecteurs roumains que le texte publié à Arad en 1927 et que j'ai cité est scrupuleusement reproduit dans l'orthographe de l'époque, même si cela peut apparaître aujourd'hui comme des fautes d'orthographe.
Claude le Liseur
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Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Message par Claude le Liseur »

Encore une toute petite remarque: ce qui est drôle, c'est que le concile auquel le professeur Kazimirovici faisait référence dans les années 1920, c'est ce fameux concile qui ne s'est toujours pas réuni et que le métropolite Damascène (Papandreou), alors de Suisse et aujourd'hui d'Andrinople, a passé des années à préparer sans jamais le voir...
Philemon
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Inscription : mar. 12 déc. 2006 19:16

Structures

Message par Philemon »

Si cela vous intéresse, à en croire ce site, généralement bien informé des politiques ecclésiales, les modifications au sein du patriarcat d'Antioche auraient des raisons moins avouables:

http://www.ocanews.org/news/TroubleinAntioch3.9.09.html
Claude le Liseur
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Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Re: Structures

Message par Claude le Liseur »

Philemon a écrit :Si cela vous intéresse, à en croire ce site, généralement bien informé des politiques ecclésiales, les modifications au sein du patriarcat d'Antioche auraient des raisons moins avouables:

http://www.ocanews.org/news/TroubleinAntioch3.9.09.html
Merci pour le lien.

Pour ceux qui ne lisent pas l'anglais, et aussi pour apporter un petit commentaire, la thèse de l'article est que la décision prise par le saint Synode d'Antioche, bien loin de trouver son origine en Syrie ou au Liban, aurait en fait été prise à la demande du métropolite Philippe (Saliba) d'Amérique du Nord et serait une victoire de celui-ci sur ses évêques diocésains (qui, eux, ne deviendront pas métropolite, mais seront ravalés au rang d'évêque auxiliaire - c'est donc une situation différente de ce qui s'est passé en Grèce en 1922-1923, quand tous les évêques diocésains ont été élevés au rang de métropolite).
L'article évoque en particulier le fait que le métropolite Philippe et l'évêque Basile de Wichita (au Kansas) ont des visions complètement opposées dans de nombreux domaines. Bien que je sois peu au fait des affaires étasuniennes, je peux confirmer que Mgr Philippe passe pour un prélat très moderniste, très "américanisé", bien qu'il ait été aussi, à une époque, le seul évêque orthodoxe missionnaire et désireux de sortir du ghetto ethnique dans toutes les Amériques. En revanche, Mgr Basile a notamment préfacé The Non-Orthodox, un livre remarquable de Patrick Barnes, auteur proche de la maison d'édition aux orientations très traditionnelles qu'anime en Californie le très érudit métropolite Chrysostome d'Etna du synode des Résistants ( συνόδος των Ένισταμένων).
L'article souligne par ailleurs la régression que ce nouveau statut représente pour la juridiction antiochienne en Amérique du Nord, puisque celle-ci revient à l'organisation qu'elle avait avant 2003. En effet, avant 2003, l'archidiocèse antiochien d'Amérique du Nord était organisé sous la forme d'un archidiocèse avec un seul évêque de plein droit et des évêques auxiliaires. Depuis 2003, il avait été transformé en une véritable province ecclésiastique, l'archevêque ayant été élevé à la dignité de métropolite et des évêques diocésains consacrés. Cette transformation de 2003 s'était accompagnée de l'octroi d'un statut d'autonomie dont l'article souligne qu'il offrait à l'archevêché antiochien de brillantes perspectives pour devenir le phare de l'Orthodoxie en Amérique du Nord. Sur le papier, la transformation d'une province ecclésiastique en un diocèse unique (peu importe que son évêque diocésain conserve le titre de métropolite), c'est-à-dire le retour à la situation d'avant 2003, ne porte pas atteinte au statut d'autonomie dont l'archevêché bénéficiait au sein du patriarcat d'Antioche. Mais l'article souligne à juste titre que l'on peut s'interroger sur le sens qu'une telle autonomie pourrait conserver dès lors qu'il n'y a plus qu'un seul évêque de plein droit et un seul diocèse. Au moins (ce jugement n'engage que moi), l'existence d'une province ecclésiastique avec un métropolite et plusieurs suffragants pouvait être considérée comme une étape vers la formation d'une Eglise pleinement autonome, comme la Finlande au sein du patriarcat de Constantinople, par exemple, tandis que le nouveau statut peut être interprété comme un retour au statut commun qui ramène l'archevêché antiochien d'Amérique du Nord, avec ses dizaines de milliers de fidèles, sa majorité sociologique anglo-saxonne et sa grande activité missionnaire, au même statut que le diocèse du Mont-Liban ou celui d'Alep, qui se situent dans un contexte tout à fait autre.
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