J-Gabriel a écrit :C'est aussi l'occasion de rappeler la tradition sur l'âme des défunts :
Selon la Tradition (ru) de l'Église, pendant quarante jours après la mort, l'âme du défunt se prépare au Jugement divin.
Du 1er au 3e jour, l'âme reste dans les lieux de la vie terrestre fréquentés par le défunt.
Du 3e au 9e jour, le paradis lui est présenté.
Du 9e au 40e jour, ce sont les souffrances de pécheurs se trouvant dans l'enfer qui lui sont présentées.
Le 40e jour est prise la décision divine à l'égard de l'âme, qui déterminera l'endroit où se trouvera l'âme jusqu'au Jugement dernier.
C'est pour cela que l'Église prescrit de marquer d'une commémoration particulière les 3e, 9e et 40e jours. Puis, chaque année, le jour du décès du défunt.
Source :
http://www.moinillon.net/page/14
Rappel fort utile, et une petite anecdote à ce propos. Une spécialiste des Tsiganes, qui leur avait consacré sa thèse de doctorat, le professeur Nicole Martinez de l'université de Montpellier, signalait les faits suivants dans le Que sais-je? qu'elle avait consacré à ces populations (Nicole Martinez,
Les Tsiganes, Que sais-je? n° 580, Presses universitaires de France, Paris 1986, pp. 95 s.):
"Les rites funéraires diffèrent d'un groupe à l'autre, d'une région à l'autre, éventuellement d'un groupe, d'une famille à l'autre et peuvent varier très vite dans le temps. Le deuil peut être observé d'une manière très stricte pendant trois, huit ou neuf jours ou bien encore douze ou quinze.. La levée du deuil peut avoir lieu six semaines après le décès, six mois, un an, trois ans... Les vêtements du défunt peuvent être distribués aux membres de la famille ou à des étrangers, ou bien brûlés avec les biens du mort, comme chez les Manouches ou les Tsiganes venus d'Europe centrale ou de l'Est (Lowara, Kalderash, Valaques). Gitans catalans et espagnols demandent des messes pour le mort et les femmes observent, vêtues de noir, le "grand deuil" en usage dans les pays latins. En Yougoslavie, l'influence de l'Islam populaire est très nette.
Il est intéressant de suivre le cheminement dans les textes des tsiganologues d'un ensemble de rites funéraires dits
pomána. [
Un peu plus loin, le professeur Martinez indique que le mot pomana
existe en roumain. Il me semble que, de toute évidence, ce mot est apparenté à un autre mot roumain, pomenire,
lui-même apparenté au russe память
et au slavon памѧть,
désignant tous la "mémoire" que l'on fait du défunt. - NdL] O. Winstedt a été le premier à les observer chez les Kalderash de passage à Liverpool en 1912-1913. Il précise bien - en note - que les mêmes fêtes, sous le même nom,
pomána, sont attribuées aux Roumains par J. Slavici (Die Rumänen, p. 172; E.O. Winstedt,
JGLS, NS, vol. VII, p. 300). Plus tard, en Hongrie, C. Erdös les décrit dans un groupe de Tsiganes "valaques" (
Et. tsig., n° 1, janv. 1959, p. 7). D.W. Pickett mentionne simplement une fête pour le mort,
pomána, chez les Gypsies de Mexico (
JGLS, XVL, 1-2, 1966, p. 12 et XLV, 3-4, p. 94-95). A la suite de Matéo Maximoff en 1962 chez les Kalderas (
Et. tsig., n° 3, 1962, p. 15-17), en 1971, J.-P. Liégeois puis F. de Vaux de Folestrier en 1983 le décrivent comme repas rituels qui "ont lieu généralement", trois, neuf, quarante jours... après la mort. L'amalgame, l'absence de localisation et de référence bibliographique tendent à accréditer la thèse qu'il s'agit là de rites "observables chez tous les Tsiganes, Gitans, Manouches": procédé commun à bien des tsiganologues (
Les Tsiganes, p. 150 et
Le monde des Tsiganes, p. 112-113). R. Lee décrit à nouveau dans une revue indienne, en 1979, la coutume
Pomanáki Sínia, traduite en anglais "
Pomana table", chez les Tsiganes kalderash (Ronald Lee and Donald Kenrick,
Roma, 4(4), 58-62, 1979, p. 62). Le terme sinya est un mot arabe, désignant un plateau au Maghreb mais, pour l'essentiel,
pomana - "l'offrande" - appartient à un ensemble de rites funéraires très complexes qui ont été étudiés chez les paysans roumains par le musicologue C. Brailoiu (Cella Neamtu,
Rites de la mort. Catalogue d'expolsitgion dirigée par J. Guiart, Paris, Musée de l'Home, 1979, p. 23-24). Quelques-unes des pratiques de ce système roumain traditionnel - le petit bateau avec la bougie posée sur l'eau, le choix des vieilles femmes pauvres, l'offrande d'eau - exceptionnelles pourtant et très localisables dans les milieux de certains tsiganes turco-valaques, sont présentées depuis plus de soixante ans comme autant de rites funéraires communs à tous les Tsiganes, Gitans.."
Ce qui me paraît intéressant, dans ce texte, c'est la description de la dégradation de la religion en folklore. Les banquets funéraires célébrés le 3e, le 9e ou le 40e jours sont évidemment un rappel de la tradition orthodoxe de faire mémoire du défunt les 3e, 9e et 40e jours après le décès, et ont sans doute été adoptées par certaines populations tsiganes lors d'un contact plus ou moins prolongé avec des populations roumaines orthodoxes dont on connaît les rites funéraires très développés (plus en Valachie et en Moldavie qu'en Transylvanie, de l'avis d'un prêtre roumain de Transylvanie qui me disait que la domination calviniste avait privé les Roumains de Transylvanie d'une part de leurs rites au XVIIe siècle). Ces mêmes populations tsiganes ont ensuite poursuivi leur voyage vers l'ouest - vers un Occident fort lointain, si l'on en juge la mention faite par le professeur Martinez de la persistence de la
pomana au sein de groupes tsiganes du Mexique vers 1966. Le contact - ne serait-ce que purement extérieur - avec l'Eglise orthodoxe a été perdu dès la migration de Transylvanie en Hongrie (donc bien longtemps avant l'immigration au Mexique). Le groupe tsigane conserve ainsi un rite funéraire issu d'une Eglise orthodoxe dont il a oublié jusqu'à l'existence; le rite passe donc du domaine ecclésial au domaine religieux sans encadrement ecclésial, puis au domaine folklorique lorsque l'on finit d'en oublier la signification. En outre, le groupe conserve et transporte dans son errance un rite qui était la norme dans la société au milieu de laquelle il vivait (milieu rural roumain vers 1860), et qui, complètement inconnu dans la société où s'achève l'exil (ville de Mexico vers 1966), passera sans doute par une caractéristique propre aux Tsiganes... Je regrette de ne pas avoir plus d'informations que ces quelques lignes du livre de Madame Martinez, mais il serait sans doute intéressant de savoir si le groupe "gipsy" de Mexico qui avait conservé le rite de la
pomana -désormais coupé de ses origines - en 1966 a pu le faire perdurer dans les décennies suivantes.