Maksim a écrit :D'après wikipedia, il ya une idée d'absolutisme dans "hükümdar"... quoique... :
"Hükümdar
Vikipedi, özgür ansiklopedi :
"Hükümdar, bir ülkede mutlak otorite sahibi yönetici. Hükümdarlar, imparator, padişah, kral, han, hakan, şah gibi unvanlara sahip olurlar. Yunanca kökenli monark sözcüğü de genellikle hükümdar ile eş anlamlı olarak kullanılır."
C'est une liste assez passionnante de mots turcs plus ou moins synonymes et d'origine fort diverses:
hükümdarlar d'origine arabe d'après les étymologies qu'Adam et vous-même nous avez données,
imparator d'origine latine,
padişah et
şah d'origine persane,
han d'origine turco-mongole, et
kral d'origine germanique via le serbe.
En effet, en serbe
kralj /
краљ (le serbe est la seule langue d'Europe à s'écrire indifféremment avec deux alphabets) veut dire «roi »- c'était par exemple le titre porté par les rois de Yougoslavie. Marko Kraljević, le héros de nombreuses épopées serbes - et aussi d'une des Nouvelles orientales de Marguerite Yourcenar - est donc «Marc, fils de roi».
- Au Mont Athos, interrompit l'ingénieur. Les os gigantesques de Marko Kraliévitch reposent quelque part dans cette Sainte Montagne où rien ne change depuis le Moyen Âge, sauf peut-être la qualité des âmes, et où six mille moines ornés de chignons et de barbes flottantes prient encore aujourd'hui pour le salut de leurs pieux protecteurs, les princes de Trébizonde, dont la race est sans doute éteinte depuis des siècles. Qu'il est reposant de penser que l'oubli est moins prompt, moins total qu'on ne suppose, et qu'il y a encore un endroit au monde où une dynastie du temps des Croisades se survit dans les prières de quelques vieux prêtres! (...) (Marguerite Yourcenar, «Le Sourire de Marko», in Œuvres romanesques, La Pléiade, Gallimard, Paris 1990 [1re édition dans la collection Paris 1982; 1re édition du texte Paris 1963], p. 1155.)
Il est plus que probable que c'est par la voie du serbe que le mot est arrivé en turc où il a donné
kral.
Mais le mot n'est pas slave. C'est le russe qui va nous mettre sur la voie: dans cette langue apparentée au serbe, roi se dit
король - prononcé
karolj avec accent tonique sur la deuxième syllabe et mouillure de la consonne finale.
Il s'agit bien sûr d'une déformation du nom latin de Charlemagne:
Karolus Magnus -
Karl der Große en allemand. (J'ignore complètement comment cela pouvait se dire en francique.) Autrement dit, Charles le Grand. (Bien, que du point de vue de la foi, il eût plutôt été Charles le Petit.) Le prénom Karl (français Charles, italien Carlo) correspondant à l'idée de virilité; cf. en allemand
Kerl = gars.
Il est tout de même significatif que, parmi tous les dirigeants qui se sont succédé en Europe occidentale, seuls Jules César (Caïus Julius Caesar) et Charlemagne (Karolus Magnus) aient à ce point marqué les esprits que leur nom soit devenu le nom général du détenteur de la souveraienté chez les peuples «barbares» qui ne furent pas soumis à leur autorité. Le nom de César est devenu le nom de l'empereur aussi bien en allemand
(Kaiser) qu'en russe(
царь, d'où le français a fait «tsar»).Le souvenir de Jules César s'est perpetué jusqu'au Tibet - pays pas si isolé qu'on a bien voulu le dire - à travers l'épopée de Gézar de Ling (Gézar étant évidemment une déformation de Caesar). Le nom de Charlemagne est devenu le nom du roi chez tous les peuples slaves (du moins à ma connaissance) et, de là, est passé en turc, ce que je découvre à travers votre message.
Il s'en est fallu de peu pour que les dix-huit Louis qui portèrent une couronne qui fut longtemps prestigieuse ne devinssent à leur tour un nom commun, comme m'y fait penser ce beau passage du
Journal du protopresbytre Alexandre Schmemann, à la date du 3 février 1976:
Но француз, которому — вкусно, делает это совершенно, как делал это его предок при Людовиках, ибо тогда было вкусно и теперь — вкусно. (Protopresbytre Alexandre Schmemann, Дневники 1973-1983, éditions Русский Путь, Moscou 2005, page 244.)
Traduction française:
Mais le Français qui trouve ça bon fait exactement ce qu'ont toujours fait tous ses ancêtres sous le règne de tous les Louis, car c'était bon alors, et ça le reste aujourd'hui. (Alexandre Schmemman, Journal (1973-1983), traduit du russe par Anne Davidenkoff, Anne Kichilov et René Marichal, Éditions des Syrtes, Paris 2009, p. 326.)
J'ai trouvé sublime cette formule «sous le règne de tous les Louis» comme pour désigner un
temps immobile.