le rôle de la femme dans l'Eglise
Publié : jeu. 29 avr. 2010 10:21
Bonjour à tous,
une question que je constate récurrente, est celle du rôle de la femme dans l'Église. Cette question semble générer des malaises, des incompréhensions, surtout chez les personnes ayant rejoint l'orthodoxie. Je suis pour ma part un convertit, et si je n'éprouve pas de malaise particulier avec cette question, je dois avouer que je la connait mal. Cherchant à en savoir plus, je me suis procuré le livre d'Elisabeth Berh Sigel, "le ministère de la femme dans l'Eglise". Et j'avoue être surpris de découvrir, au lieu d'une réponse théologique a ces questions, un plaidoyer pour l'ordination des femmes au sacerdoce dans l'Église orthodoxe ! Il est vrai qu'elle fut pasteur protestante avant de se convertir à l'orthodoxie, mais ces remarques sont tout de même très étonnantes. J'ai noté ci-dessous des passages de son livre (en gras). J'aurais aimé avoir vos avis sur cette question, et peut être des orientations bibliographiques qui pourraient m'en dire plus sur le sujet. Merci par avance!
Bonne journée
Raphaël
Interrogés par leurs partenaires dans le dialogue œcuménique, la plupart des théologiens et responsables orthodoxes s'en tenaient, pour justifier leur opposition, à l'argument de la Tradition qui était opposée à l'ordination de femmes. Seuls quelques uns, très peu nombreux, tels Paul Evdokimov en Europe, le père Thomas Hopko aux Etats Unis, s'efforçaient de justifier la Tradition à l'aide d'arguments qui ne fussent pas blessants pour les femmes : par des spéculations sur la féminité du Saint Esprit dont la femme serait particulièrement proche, alors que l'homme (vir) - virtuellement prêtre - serait l'image du Christ. J'ai dit ailleurs ce que je pense de ces spéculations. (....)
On se contente d'affirmer : "l'Eglise dans le passé n'a jamais ordonné des femmes. Elle ne saurait donc le faire ni dans le présent ni dans l'avenir." La conclusion résulte de deux prémisses l'une explicite, l'autre implicite. La première se réfère à une conviction qu'une étude historique sérieuse pourrait conduire à nuancer, du moins en ce qui concerne les diaconesses de l'Eglise ancienne. La seconde est l'axiome que l'avenir de l'Eglise n'est autre que son passé indéfiniment répété. (....)
Dans l'action liturgique, en particulier dans l'Eucharistie, l'homme-prêtre, dit on, représente le Christ. Reprenant une expression de saint Théodore de Studite, les orthodoxes diront qu'il est l'"icône" du Christ. Sans doute le Verbe, en s'incarnant, selon la doctrine commune de l'Eglise, assume l'humanité en sa totalité. Mais historiquement il fut un être de sexe masculin. Cette masculinité n'est pas dépourvue de sens. Ne le désigne t elle pas comme l'Epoux de l'Eglise, selon un symbolisme nuptial qui traverse toute l'Ecriture ? l'Eglise peut elle renoncer au langage profond des symboles ? le symbolisme biblique traditionnel n'exige t il pas la masculinité du prêtre qui représente le Christ (.....)
D'une part, le sens de la "représentation" du Christ par le prêtre et les médiations de cette "représentation" ont besoin d'être précisés. D'autre part, la question se pose : le prêtre, dans l'exercice de son ministère, en particulier de son ministère eucharistique, représente t il uniquement le Christ ? Ne représente t il pas aussi l'Eglise, la communauté rassemblée sous le souffle de l'Esprit ? En vue d'une clarification indispensable, j'ai relu les chapitres 7 à 10 de l'épître aux Hébreux, ainsi que certains textes d'auteurs aussi respectés dans l'Eglise que le sont saint Jean Chrysostome et le commentateur de la liturgie, Nicolas Cabasilas. (....)
Il ressort pour moi que le prêtre dans la perspective orthodoxe ne représente pas le Christ, n'est pas "image" du Christ au sens d'un réalisme naturaliste. Comme l'icône peinte, mais d'une autre manière et par d'autres moyens qu'il s'agit de préciser sans se laisser prendre au piège des mots, il est instrument d'une actualisation de la présence invisible du Christ. Il renvoie à Celui qui, devant le Père, dans l'Esprit dont Il est distinct et inséparable, l'Unique Grand Prêtre. Comme le dit fortement Jean Chrysostome : "C'est le Père, le Fils et l'Esprit qui accomplissent toutes choses. Le prêtre prête seulement sa langue et offre sa main." " il se tient devant nous, faisant les gestes que le Christ a faits et prononçant les paroles qu'Il a prononcées. Mais la puissance et la grâce viennent de Dieu."Ainsi la médiation symbolique consiste en l'agir du prêtre et dans les paroles de la Parole divine prononcées par lui, ou plutôt prononcées "à travers lui" et posées sur le pain et le vin, fruits du travail des hommes. Ni saint Jean Chrysostome, ni chez Cabasilas, il n'est question du symbolisme de sa masculinité. D'ailleurs, le prêtre prête sa voix et sa main suppliante également à l'Eglise, c'est à dire, selon le symbolisme nuptial, à l'Epouse, au peuple chrétien dont il actualise le sacerdoce commun en communion avec le sacerdoce unique du Christ. Dans l'épiclèse, sommet de la prière eucharistique, selon la théologie sacramentaire orthodoxe, demandant l'envoie du Saint-Esprit expressément "sur nous" et sur les dons présentés, le prêtre se fait voix de l'Epouse aspirant à l'union avec l'Epoux. Ici aussi, et encore d'avantage, le symbolisme du sexe ne détermine pas son rôle. (...)
c'est pour ces raisons que je propose un pluralisme dans la praxis des Eglises locales en ce qui concerne l'ordination de femmes au sacerdoce ministériel. Ordination qui n'est jamais pour quiconque un droit, mais qui est confirmation par l'Eglise d'un appel qui vient de Dieu dans la succession transmission de l'appel adressé aux apôtres.
Marie selon la grande vision ecclésiale, n'est pas le "modèle" exclusivement des femmes, le prototype d'une féminité mièvre, soumise et passive, à laquelle les femmes aujourd'hui ne peuvent et ne veulent plus s'identifier. Elle n'est pas non plus une déesse - emblème d'un christianisme au féminin, implicitement (ou explicitement) opposé au christianisme masculin, centré sur la personne de Jésus-, comme le voudrait un certain féminisme récent mais dont les racines plongent dans un paganisme très ancien, véhiculé parfois par la piété populaire. Marie pleinement humaine selon l'enseignement de l'Eglise orthodoxe, est la représentante de toute l'humanité, de l'humanité intégrale que Dieu, selon sa Grâce, a voulu librement associer à la réalisation de son dessein d'amour. Elle est un signe : anticipation dans une personne humaine, entièrement donnée au Seigneur, de l'accomplissement ultime, eschatologique de l'homme - anthropos. Marchant en avant, elle nous accompagne sur la route qui, depuis le matin de Pâques et l'effusion de l'Esprit de la Pentecôte, conduit au second et glorieux avènement. Que cette humanité intégrale porte, en Marie, les traits d'une femme, d'une mère, comporte assurément une signification profonde. En Marie et avec elle, nous sommes appelés, hommes et femmes, à une attitude "féminine" d'accueil de la Grâce, de don et d'offrande de nous mêmes, pour enfanter, dans l'Esprit, chacun en soi et tous ensemble en Eglise, l'homme nouveau, le Christ total, totus Christus. Si tel est le message de la Mère de Dieu, ne relativise t il pas en les situant, en même temps, à leur vraie place nos interrogations sur les ministères respectifs de l'homme et de la femme dans l'Eglise ?
une question que je constate récurrente, est celle du rôle de la femme dans l'Église. Cette question semble générer des malaises, des incompréhensions, surtout chez les personnes ayant rejoint l'orthodoxie. Je suis pour ma part un convertit, et si je n'éprouve pas de malaise particulier avec cette question, je dois avouer que je la connait mal. Cherchant à en savoir plus, je me suis procuré le livre d'Elisabeth Berh Sigel, "le ministère de la femme dans l'Eglise". Et j'avoue être surpris de découvrir, au lieu d'une réponse théologique a ces questions, un plaidoyer pour l'ordination des femmes au sacerdoce dans l'Église orthodoxe ! Il est vrai qu'elle fut pasteur protestante avant de se convertir à l'orthodoxie, mais ces remarques sont tout de même très étonnantes. J'ai noté ci-dessous des passages de son livre (en gras). J'aurais aimé avoir vos avis sur cette question, et peut être des orientations bibliographiques qui pourraient m'en dire plus sur le sujet. Merci par avance!
Bonne journée
Raphaël
Interrogés par leurs partenaires dans le dialogue œcuménique, la plupart des théologiens et responsables orthodoxes s'en tenaient, pour justifier leur opposition, à l'argument de la Tradition qui était opposée à l'ordination de femmes. Seuls quelques uns, très peu nombreux, tels Paul Evdokimov en Europe, le père Thomas Hopko aux Etats Unis, s'efforçaient de justifier la Tradition à l'aide d'arguments qui ne fussent pas blessants pour les femmes : par des spéculations sur la féminité du Saint Esprit dont la femme serait particulièrement proche, alors que l'homme (vir) - virtuellement prêtre - serait l'image du Christ. J'ai dit ailleurs ce que je pense de ces spéculations. (....)
On se contente d'affirmer : "l'Eglise dans le passé n'a jamais ordonné des femmes. Elle ne saurait donc le faire ni dans le présent ni dans l'avenir." La conclusion résulte de deux prémisses l'une explicite, l'autre implicite. La première se réfère à une conviction qu'une étude historique sérieuse pourrait conduire à nuancer, du moins en ce qui concerne les diaconesses de l'Eglise ancienne. La seconde est l'axiome que l'avenir de l'Eglise n'est autre que son passé indéfiniment répété. (....)
Dans l'action liturgique, en particulier dans l'Eucharistie, l'homme-prêtre, dit on, représente le Christ. Reprenant une expression de saint Théodore de Studite, les orthodoxes diront qu'il est l'"icône" du Christ. Sans doute le Verbe, en s'incarnant, selon la doctrine commune de l'Eglise, assume l'humanité en sa totalité. Mais historiquement il fut un être de sexe masculin. Cette masculinité n'est pas dépourvue de sens. Ne le désigne t elle pas comme l'Epoux de l'Eglise, selon un symbolisme nuptial qui traverse toute l'Ecriture ? l'Eglise peut elle renoncer au langage profond des symboles ? le symbolisme biblique traditionnel n'exige t il pas la masculinité du prêtre qui représente le Christ (.....)
D'une part, le sens de la "représentation" du Christ par le prêtre et les médiations de cette "représentation" ont besoin d'être précisés. D'autre part, la question se pose : le prêtre, dans l'exercice de son ministère, en particulier de son ministère eucharistique, représente t il uniquement le Christ ? Ne représente t il pas aussi l'Eglise, la communauté rassemblée sous le souffle de l'Esprit ? En vue d'une clarification indispensable, j'ai relu les chapitres 7 à 10 de l'épître aux Hébreux, ainsi que certains textes d'auteurs aussi respectés dans l'Eglise que le sont saint Jean Chrysostome et le commentateur de la liturgie, Nicolas Cabasilas. (....)
Il ressort pour moi que le prêtre dans la perspective orthodoxe ne représente pas le Christ, n'est pas "image" du Christ au sens d'un réalisme naturaliste. Comme l'icône peinte, mais d'une autre manière et par d'autres moyens qu'il s'agit de préciser sans se laisser prendre au piège des mots, il est instrument d'une actualisation de la présence invisible du Christ. Il renvoie à Celui qui, devant le Père, dans l'Esprit dont Il est distinct et inséparable, l'Unique Grand Prêtre. Comme le dit fortement Jean Chrysostome : "C'est le Père, le Fils et l'Esprit qui accomplissent toutes choses. Le prêtre prête seulement sa langue et offre sa main." " il se tient devant nous, faisant les gestes que le Christ a faits et prononçant les paroles qu'Il a prononcées. Mais la puissance et la grâce viennent de Dieu."Ainsi la médiation symbolique consiste en l'agir du prêtre et dans les paroles de la Parole divine prononcées par lui, ou plutôt prononcées "à travers lui" et posées sur le pain et le vin, fruits du travail des hommes. Ni saint Jean Chrysostome, ni chez Cabasilas, il n'est question du symbolisme de sa masculinité. D'ailleurs, le prêtre prête sa voix et sa main suppliante également à l'Eglise, c'est à dire, selon le symbolisme nuptial, à l'Epouse, au peuple chrétien dont il actualise le sacerdoce commun en communion avec le sacerdoce unique du Christ. Dans l'épiclèse, sommet de la prière eucharistique, selon la théologie sacramentaire orthodoxe, demandant l'envoie du Saint-Esprit expressément "sur nous" et sur les dons présentés, le prêtre se fait voix de l'Epouse aspirant à l'union avec l'Epoux. Ici aussi, et encore d'avantage, le symbolisme du sexe ne détermine pas son rôle. (...)
c'est pour ces raisons que je propose un pluralisme dans la praxis des Eglises locales en ce qui concerne l'ordination de femmes au sacerdoce ministériel. Ordination qui n'est jamais pour quiconque un droit, mais qui est confirmation par l'Eglise d'un appel qui vient de Dieu dans la succession transmission de l'appel adressé aux apôtres.
Marie selon la grande vision ecclésiale, n'est pas le "modèle" exclusivement des femmes, le prototype d'une féminité mièvre, soumise et passive, à laquelle les femmes aujourd'hui ne peuvent et ne veulent plus s'identifier. Elle n'est pas non plus une déesse - emblème d'un christianisme au féminin, implicitement (ou explicitement) opposé au christianisme masculin, centré sur la personne de Jésus-, comme le voudrait un certain féminisme récent mais dont les racines plongent dans un paganisme très ancien, véhiculé parfois par la piété populaire. Marie pleinement humaine selon l'enseignement de l'Eglise orthodoxe, est la représentante de toute l'humanité, de l'humanité intégrale que Dieu, selon sa Grâce, a voulu librement associer à la réalisation de son dessein d'amour. Elle est un signe : anticipation dans une personne humaine, entièrement donnée au Seigneur, de l'accomplissement ultime, eschatologique de l'homme - anthropos. Marchant en avant, elle nous accompagne sur la route qui, depuis le matin de Pâques et l'effusion de l'Esprit de la Pentecôte, conduit au second et glorieux avènement. Que cette humanité intégrale porte, en Marie, les traits d'une femme, d'une mère, comporte assurément une signification profonde. En Marie et avec elle, nous sommes appelés, hommes et femmes, à une attitude "féminine" d'accueil de la Grâce, de don et d'offrande de nous mêmes, pour enfanter, dans l'Esprit, chacun en soi et tous ensemble en Eglise, l'homme nouveau, le Christ total, totus Christus. Si tel est le message de la Mère de Dieu, ne relativise t il pas en les situant, en même temps, à leur vraie place nos interrogations sur les ministères respectifs de l'homme et de la femme dans l'Eglise ?