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Validité des sacrements catholiques romains

Publié : mer. 10 août 2011 7:34
par patrik111
Bonjour à tous.

J'espère qu'on me pardonnera cette question, mais elle est importante pour moi, et pour mon entourage avec qui, il y a encore peu de temps, je partageais une certaine vision ultramontaine. Mais, au-delà de cet entourage proche, il y a d'autres membres, moins proches, de ma famille et d'autres connaissances, qui font partie de diverses mouvances de l'Église catholique romaine.

Après avoir lu un certain nombre de posts, et en particulier les développements historiques effectués par Claude le liseur, je reste avec l'impression que, pour l'Église orthodoxe, comme il y a eu rupture avec la Tradition apostolique, les «sacrements» romains (et notamment l'Eucharistie) ne sont pas valides.

En d'autres termes, et pour être concrets:
  • les catholiques croient recevoir le Corps du Christ, mais à tort
  • leurs péchés ne sont pas remis dans la confession
Est-ce un résumé grossier qui demande à être affiné?

La question n'est pas théorique.

Merci par avance de vos réponses.

Re: Validité des sacrements catholiques romains

Publié : mer. 10 août 2011 12:58
par Claude le Liseur
patrik111 a écrit :Bonjour à tous.

J'espère qu'on me pardonnera cette question, mais elle est importante pour moi, et pour mon entourage avec qui, il y a encore peu de temps, je partageais une certaine vision ultramontaine. Mais, au-delà de cet entourage proche, il y a d'autres membres, moins proches, de ma famille et d'autres connaissances, qui font partie de diverses mouvances de l'Église catholique romaine.

Après avoir lu un certain nombre de posts, et en particulier les développements historiques effectués par Claude le liseur, je reste avec l'impression que, pour l'Église orthodoxe, comme il y a eu rupture avec la Tradition apostolique, les «sacrements» romains (et notamment l'Eucharistie) ne sont pas valides.

En d'autres termes, et pour être concrets:
  • les catholiques croient recevoir le Corps du Christ, mais à tort
  • leurs péchés ne sont pas remis dans la confession
Est-ce un résumé grossier qui demande à être affiné?

La question n'est pas théorique.

Merci par avance de vos réponses.

Dans la tradition orthodoxe, les sacrements dispensés hors de l'Eglise orthodoxe sont inefficaces.
A l'heure actuelle, dans la grande comédie des rencontres œcuméniques et des déclarations du même genre, vous allez être confronté à des déclarations d'évêques orthodoxes qui disent le contraire, et vous verrez à quel point la confusion règne dans notre clergé et surtout notre haut clergé. En effet, le pire, c'est que de telles déclarations n'émanent pas que d'évêques qui furent naguère des créatures du parti communiste ou de la police politique et qui n'ont jamais brillé par leur foi, ni seulement d'évêques qui préfèrent la diplomatie (« ne les scandalisons pas en leur disant la vérité alors qu’ils pourraient nous mettre généreusement à disposition un sous-sol de chapelle ») à la confession de la foi, mais aussi d'évêques qui le croient sincèrement, parce qu'il s'agit là des traces d'un augustinisme (vous savez, les sacrements « valides, mais illicites ») qui s'est infiltré dans leur Eglise locale au XVIIe siècle et qui n'a toujours pas complètement disparu. Sans compter les ravages du nationalisme pseudo-messianique.
Comme exemples de cette grande confusion d'un certain épiscopat orthodoxe, vous pourrez lire sur le forum le scandale provoqué par la « communion » du métropolite Nicolas Corneanu du Banat chez les uniates en 2008 (avec notamment son interview par des orthodoxes roumains qui lui rappellent la position traditionnelle sur l'invalidité de l'eucharistie uniate et la réponse confuse du métropolite expliquant en gros que sa position sur la question est fonction des rapports diplomatiques entre la Hongrie et la Roumanie... alors même que le saint Synode dont il était membre venait de canoniser des martyrs du XVIIIe siècle qui avaient subi le supplice de la roue pour avoir refusé de communier aux « sacrements » des uniates). Certes, le personnage est caricatural, mais il est, hélas, très significatif de l'incohérence actuelle que la seule sanction dont il ait fait l'objet ait été une déclaration de repentance très équivoque. Je vous invite aussi à lire les explications données par l'archimandrite Placide (Deseille) à propos de son baptême au Mont Athos en 1977 et des réactions effarouchées de ceux qui voulaient monopoliser la voix de l'Orthodoxie dans les pays francophones à l'époque (il est vrai une poignée de personnes coupées de toute tradition, ayant à la fois perdu leur culture et échoué à découvrir la culture du pays d'accueil, et incapables de tout dynamisme pastoral).
Comme il est difficile à qui ne vit pas dans l'Eglise d'imaginer les problèmes que créent ces concessions verbales d'évêques qui évitent de dire la vérité, les situations pastorales invraisemblables où l'on reçoit les calvinistes par la chrismation et les pentecôtistes par le baptême, où l'on doit sans cesse rappeler aux touristes religieux de passage qu'ils ne peuvent pas recevoir la communion dans l'Eglise orthodoxe et que les injonctions en sens contraire données par des autorités ecclésiastiques hétérodoxes n'ont aucune portée - mais alors pourquoi nos évêques se compromettent-ils dans des réunions qui donnent l'impression que ces autorités ecclésiastiques hétérodoxes pourraient avoir une certaine influence sur nous ? - etc., etc.
Il est par ailleurs dommage que les livres qui expliquent clairement la position orthodoxe vis-à-vis des communautés hétérodoxes, tels ceux du RP Georges Metallinos ou de Patrick Barnes, ne soient pas traduits en français. Mais vous devez aussi comprendre qu'une partie de cette situation s'explique par le fait que les pays francophones sont tout à fait périphériques sur la carte du monde orthodoxe (beaucoup plus périphériques que l'Allemagne ou l'Italie, pour ne pas parler des Etats-Unis, de l'Australie ou du Canada) : communautés peu nombreuses (sauf en Afrique francophone), donc possibilités d’édition restreintes et possibilités de pressions cléricales plus fortes que dans des pays où les fidèles peuvent faire masse ; barrière de la langue (les francophones ne lisent pas le russe ou l'arabe, encore moins le grec, le serbe ou le roumain or, ce sont les langues dans lesquelles se trouve l'essentiel de la documentation sur la question; d'un autre côté, on ne lit pas le français dans les pays où l'Orthodoxie est restée importante, sauf en Grèce et au Liban pour encore peu de temps, alors qu’on y lit l’anglais, encore un peu l’allemand, parfois l’italien), sociologie particulière (les communautés orthodoxes dans les pays francophones sont pour l’essentiel constituées de convertis « de souche » et de descendants d’immigrations des années 1916-1925 ; il n’y pas, contrairement aux pays anglo-saxons, à l’Allemagne ou à l’Italie, d’immigrations plus récentes qui auraient gardé des liens avec les pays où l’Orthodoxie a au moins la majorité relative et où la tradition se conserve vivante ; enfin, il ne faut pas oublier la tradition maçonnique, théosophe et occultiste d’une grande partie de ces émigrés des années 1920, qui n’étaient souvent que des orthodoxes de certificat de baptême). Il est donc beaucoup plus facile de désinformer le public francophone sur ces questions et c’est en partie pour cette raison qu’il a fallu créer le présent forum et y publier des textes qui n’auraient pas été connus du public francophone autrement. Si vous parcourez le présent forum, vous verrez donc qu’il y a beaucoup de traductions ; c’est malheureusement ce qui demande le plus de travail, et l’effort est difficile à poursuivre au milieu des difficultés de la vie.

Toutefois, au milieu de cette confusion, nous pouvons nous arrimer au roc inébranlable de la tradition orthodoxe, qui est claire et sans ambiguïté sur ce point : pas de validité des sacrements des hétérodoxes (autre est la question des schismatiques et des dissidents). Autrement dit, après ces longs et verbeux développements de ma part, laissons la parole à la plume incomparable de saint Nicodème l'Hagiorite : « Τὸ βάπτισμα τῶν Λατίνων εἶναι ψευδώνυμο βάπτισμα » (« Le baptême des catholiques romains usurpe le nom de baptême »).

C'était d'ailleurs la position de l'Eglise catholique romaine vis-à-vis des sacrements orthodoxes il y a encore peu de temps, et quoi qu'en disent les catholiques romains occupés à récrire leur Histoire : lors de la campagne de conversions forcées menées contre les orthodoxes de Croatie, de Dalmatie, de Bosnie et d'Herzégovine par les Oustachis et le cardinal Stepinac en 1941-1945, les orthodoxes qui acceptaient de rejoindre l'Eglise catholique romaine pour ne pas être tués étaient reçus par le baptême. Baptême par infusion... donc sans même la forme extérieure canonique du baptême.

Non seulement la Vérité nous rendra libres (Jn 8:32), mais aussi « mieux vaut être séparés dans la vérité qu'unis dans l'erreur » (Bernard Le Caro).

Re: Validité des sacrements catholiques romains

Publié : mer. 10 août 2011 15:32
par Claude le Liseur
Internet contient des trésors… pour autant que l’on évite Wikipédia, l’incroyable notice de cette « encyclopédie » sur l’assassinat des Romanov m’en ayant dégoûté pour très longtemps. Voici, trouvé sur le site Persée http://www.persee.fr/web/revues/home/pr ... 280_0000_2#, la longue recension que le RP Raymond Janin avait consacré dans la Revue des Etudes byzantines (volume 16, numéro 16, 1958, pp. 280-284) a des études sur le sujet des sacrements des hétérodoxes qui venaient d’être publiées à Athènes par Mgr Jérôme Kotsonis.

Il me paraît utile de reproduire cette recension in extenso, et ce pour les raisons suivantes :

- Le RP Janin était un grand ennemi de l’Orthodoxie (cf. son très polémique Églises orientales et rites orientaux, encore récemment réédité). Avec une certaine malice, il profite donc de cette recension pour souligner certains errements de la hiérarchie orthodoxe par rapport à la Tradition au début du XXe siècle… ce qui ne fait que rejoindre la perspective qui est la nôtre. On notera toutefois que tous les errements qu’il décrit avaient trait aux relations avec l’Église anglicane. Cela avait naturellement pour cause des raisons politiques et culturelles : la puissance de l’Empire britannique, dont le joug s’abattait sur les patriarcats d’Alexandrie et de Jérusalem et sur l’archevêché autocéphale de Chypre ; l’anglomanie qui, à cette époque, a fait autant de mal en Grèce, en Russie ou en Roumanie qu’en France ; et enfin, l’adogmatisme anglican, qui permet à chacun d’y trouver ce qu’il a envie d’y trouver. Inutile de dire qu’à l’heure actuelle, avec le déclin de la puissance britannique et les surprenantes évolutions de l’anglicanisme, l’union avec les anglicans est un peu passée de mode, même chez les plus excentriques de nos évêques. Précisons toutefois que la concélébration d'un métropolite de Sofia avec un évêque anglican entre les deux guerres mondiales, évoquée par le RP Janin, est non seulement un cas extrême, mais ne représente même pas une dérive d'un hiérarque orthodoxe, puisque l'Église de Bulgarie s'était à ce moment-là séparée de l'Église orthodoxe avec laquelle elle ne devait se réconcilier qu'en 1945. Le sentiment de supériorité du RP Janin éclate dans une phrase de sa recension: « les Églises orthodoxes se montrent plus sévères que l'Église catholique sur des points essentiels, comme la validité du baptême et des ordinations chez les hétérodoxes qu'elles rejettent presque sans aucune discrimination, alors que celle-ci établit les distinctions nécessaires basées sur les décisions des conciles et sur la tradition ». Pourquoi « nécessaires » ?

- La recension du RP Janin souligne bien les origines politiques de l’œcuménisme (idéologie wilsonienne après la première Guerre mondiale). Il ne s'agit guère que du versant religieux d'une idéologie mondialiste dont l'Europe contemporaine subit de plein fouet les conséquences économiques.

- Les travaux de l’archimandrite Jérôme (Kotsonis) étaient intéressants en eux-mêmes, et contiennent un bon résumé de la tradition orthodoxe relative aux sacrements des hétérodoxes.

- Enfin, mais c’est plus anecdotique, l’archimandrite Jérôme a par la suite connu une célébrité que ses travaux canoniques ne lui auraient sans doute pas procurée, en devenant un (contestable et contesté) primat de l’Église autocéphale de Grèce de 1967 à 1973 (au mauvais endroit au mauvais moment !). Disons que les fautes de l'archevêque n'effacent pas la science du canoniste.





Kotsônès (Archimandrite Hiér. Ι.), Ἡ κανονικὴ ἄποψις τῆς ἐπικοινωνίας μετὰ τῶν ἑτεροδόξων (Intercommunio) —, Προβλήματα τῆς Ἐκκλησιαστικῆς οἰκονομίας
KOTSÔNÈS (Archimandrite Hier. Ι.), Ή κανονική αποψις της επικοινωνίας μετά τών έτεροδόξων (Intercommunio), in-8°, 332 p., Athènes, 1957. - — Προβλήματα της 'Εκκλησιαστικής οικονομίας, in-8°, 278 p., Athènes, 1957. I. La question de l'intercommunion avec les hétérodoxes est une de celles qui préoccupent les Églises orthodoxes, surtout depuis le début du siècle. Jusqu'alors elles l'avaient traitée par la négative, puisque le patriarcat de Constantinople avait refusé toute entente avec les protestants aux XVIe et XVIIe siècles et que l'Église russe avait fait de même avec les anglicans au XIXe. C'est aux États-Unis que la question fut de nouveau posée de façon pratique. Le clergé épiscopalien (anglican) y baptisait et enterrait les orthodoxes dans les localités où ceux-ci n'avaient pas de prêtres. Raphaël, évêque melkite orthodoxe de Brooklyn, alla plus loin. En juin 1910, il publia une lettre dans laquelle il soutenait que les orthodoxes pouvaient recevoir les sacrements des ministres anglicans, sauf la Confirmation, ce qui causa d'ailleurs un profond émoi. Cependant l'idée de l'union avec les Églises orthodoxes faisait son chemin aux États- Unis, où la pratique de l'intercommunion devenait de plus en plus commune. L'archevêque d'Athènes, Mélétios Métaxakis, s'y rendit en 1917 avec une délégation, pour amorcer la discussion. Il eut à répondre aux questions très précises que lui posèrent les évêques anglicans. Bientôt des esprits hardis lançaient l'idée d'une « Société des Églises », comme on fondait alors la « Société des Nations ». On parla de l'Union à la Conférence de Lambeth en 1920, puis aux fêtes données à Londres en 1925 pour le seizième centenaire du concile de Nicée, au cours desquelles les représentants des Églises orthodoxes prirent part à une cérémonie religieuse avec les anglicans. A cette occasion, les patriarches Photios d'Alexandrie et Damianos de Jérusalem admirent que les orthodoxes pouvaient recourir au clergé anglican en cas de nécessité pour les baptêmes, les mariages et les enterrements. Cette prise de position fut vivement combattue en Grèce et en Roumanie. Certains prélats prenaient des initiatives hardies en donnant la communion à des non orthodoxes, comme les patriarches Dmitrije de Serbie et Myron de Roumanie, ou en concélébrant avec un bishop anglican, comme le métropolite de Sofia Stéphane.
A Lausanne (1927), la délégation orthodoxe souligna cependant que la participation aux sacrements d'une autre Église exige l'unité de la foi. Le patriarche Mélétios Métaxakis d'Alexandrie répéta la même chose à Lambeth en 1930, mais il admettait que les ministres anglicans pouvaient conférer aux orthodoxes le Baptême et les autres Sacrements, à l'exception de l'Eucharistie; encore la communion pouvait être donnée aux mourants. Ces déclarations suscitèrent chez certains théologiens de véhémentes protestations. Malgré tout l'idée faisait son chemin. La Conférence entre théologiens anglicans et orthodoxes réunie à Bucarest (1935) conclut à la validité des ordinations anglicanes, ce qu'acceptèrent les patriarches de Constantinople, de Jérusalem et de Roumanie. Toutes ces concessions soulevèrent de violentes critiques. L'épiscopat orthodoxe, qui s'était assez inconsidérément laissé entraîner par le mirage de l'Union des Églises, fut amené à étudier la question plus à fond. Dès lors prévalut la doctrine que l'intercommunion exigeait l'identité de foi. A la Conférence d'Edimbourg (1937), les représentants de neuf Églises (dont les quatre patriarcats orientaux), insistèrent sur ce point, tout en reconnaissant que les Églises hétérodoxes sont « membres du Corps du Christ ». La marche arrière s'accentua encore. A Lund (1952), les délégués orthodoxes furent plus réticents. La même année, le patriarche Athénagoras de Constantinople invita le clergé à être très réservé au sujet de la participation aux cérémonies des hétérodoxes. La réunion d'Evanston aux États-Unis (1954), qui groupait plus de 150 Églises protestantes, montra aux orthodoxes qu'il était impossible d'obtenir de ces groupements une notion nette de leur conception de l'Église. C'est pourquoi la délégation du patriarcat de Constantinople déclara que l'union ne pouvait se faire que sur un accord parfait au sujet de la foi et en particulier de la nature de l'épiscopat. Le 20 mars 1957, le saint synode d'Athènes décida que, tout en continuant à faire partie du Mouvement œcuménique, l'Église de Grèce n'y participerait pas comme membre organique, mais qu'elle enverrait des théologiens laïques comme observateurs pour suivre les travaux des Commissions, les ecclésiastiques n'étant pas autorisés à prendre part à ces réunions. Quatre théologiens laïques, mécontents de cette décision, envoyèrent au saint Synode un mémoire qui fut déclaré « irrecevable ». M. Alivizatos donna alors sa démission de secrétaire général de la Commission synodale chargée des relations avec les Églises étrangères. Comme on le voit, l'Église de Grèce a nettement raidi sa position. Elle n'est pas la seule. Aux réunions du Conseil Mondial des Églises aux États-Unis (juill.-août 1957), les représentants du patriarcat de Constantinople, qui parlaient aussi au nom des patriarcats d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem, insistèrent sur le fait que l'Église ne peut être qu'universelle d'après l'enseignement des conciles et la tradition apostolique. En conséquence ils se prononcèrent contre toute union qui ne respecterait pas ces principes.
L'archimandrite Hiéronyme I. Kotsônès, docteur en théologie, étudie la question de l'intercommunion au point de vue canonique. Après avoir précisé ce que l'on entend par « communion » et « intercommunion », il donne dans la première partie de son ouvrage les généralités sur celle-ci. Le chapitre I est le résumé des relations entre les Églises orthodoxes et les hétérodoxes jusqu'à nos jours (p. 13-48). C'est ce que nous avons brièvement rappelé plus haut, sauf que l'auteur a laissé de côté certains détails suggestifs sur les initiatives et les concessions de prélats haut placés. Le chapitre II (pp. 49-76) distingue dans la conduite des Églises orthodoxes le point de vue strictement canonique (κατ' άκρίβειαν) et le point de vue pratique (κατ' οίκονομίαν), c'est-à-dire ce qu'elles peuvent autoriser.
La deuxième partie étudie la communication avec les hétérodoxes dans le culte (sacrements, p. 79-266) et en dehors (participation aux Congrès et Conférences, aux œuvres apostoliques, éducatives et charitables, p. 269-274). Sans entrer dans les détails, ce qui nous entraînerait trop loin, nous nous contenterons d'enregistrer les conclusions (p. 272-283), en faisant remarquer que les Églises orthodoxes se montrent plus sévères que l'Église catholique sur des points essentiels, comme la validité du baptême et des ordinations chez les hétérodoxes qu'elles rejettent presque sans aucune discrimination, alors que celle-ci établit les distinctions nécessaires basées sur les décisions des conciles et sur la tradition.
Le principe général est que, en droit strict, la communication sacramentelle des orthodoxes avec les hétérodoxes n'est pas possible, puisque « la grâce n'est communiquée que dans la véritable Église ». Par exception on peut considérer comme valides les sacrements des seuls hétérodoxes qui embrassent la vraie foi. Au point de vue du droit orthodoxe, les sacrements des autres confessions chrétiennes sont donc invalides. On ne peut participer aux sacrements de l'Église qu'en ayant avec elle l'union complète des croyances. La communion aux sacrements est le résultat de l'unité de foi et non un moyen d'y parvenir.
Passons maintenant aux sacrements pris en particulier. La Sainte Eucharistie des hétérodoxes ne peut être considérée comme telle ni en droit ni en pratique. En conséquence il est absolument interdit de recevoir la communion des hétérodoxes et même d'assister à leur Messe. Le Baptême conféré par certains hétérodoxes peut être considéré comme valide. Un prêtre orthodoxe ne peut baptiser un enfant hétérodoxe, s'il sait qu'il sera élevé dans la religion de ses parents. Un orthodoxe ne peut être parrain d'un enfant hétérodoxe, ni un hétérodoxe parrain d'un enfant orthodoxe. Chez les hétérodoxes l'Ordre ne peut être considéré comme valide ni en droit ni en pratique. En conséquence un orthodoxe ne peut recevoir l'ordination d'un hétérodoxe, ni un évêque orthodoxe ordonner un hétérodoxe. Le mariage mixte est permis, mais à la condition d'être célébré devant un prêtre orthodoxe. Un hétérodoxe ne peut être témoin dans un mariage orthodoxe. Les Sacrements de Pénitence et d' (Extrême-) Onction excluent toute participation des hétérodoxes, aussi bien dans la pratique qu'en droit strict.
Depuis le XIX siècle, certaines habitudes se sont introduites qui peuvent être maintenues. Un prêtre orthodoxe peut présider les funérailles des hétérodoxes et faire pour eux certaines cérémonies, comme la bénédiction de l'eau; on peut se prêter les églises pour les cérémonies religieuses, échanger les prédicateurs, assister aux offices les uns des autres, etc. Les orthodoxes peuvent prendre part aux Congrès et Conférences avec les hétérodoxes. A certaines conditions, il leur est même recommandé de le faire, dans l'intérêt de la vérité religieuse et pour travailler à l'union. Ils peuvent également faire partie d'associations apostoliques, éducatives et charitables.
On ne saurait aller plus loin dans les relations avec les hétérodoxes sans qu'intervienne une décision du concile œcuménique. Les conciles particuliers n'ont aucun droit de modifier les saints canons, encore moins les évêques pris isolément.
Nous faisons remarquer que cette doctrine a déjà reçu bien des accrocs depuis le début du siècle. Si elle peut se justifier en droit strict, il ne manque pas de théologiens orthodoxes qui la trouvent vieillie, et donc sujette à révision. D'autre part, puisque le concile œcuménique est la seule autorité capable d'apporter les modifications jugées nécessaires, il est probable que la question ne sera pas résolue de si tôt, car le tenue de cette assemblée paraît de plus en plus problématique.
L'étude de l'archimandrite Hiéronyme I. Kotsônès mérite, par son sérieux et sa documentation, l'attention des canonistes et généralement de tous ceux qui veulent connaître les Églises orthodoxes. Elle est d'ailleurs suivie d'une bibliographie largement suffisante (pp. 291-303), d'un tableau des canons et ordonnances canoniques (pp. 305-306) et de deux index très utiles, l'un des noms de lieux (pp. 307- 310) et l'autre des noms de personnes et des sujets traités (pp. 311-326).
II. Par « économie » on entend dans l'Église orthodoxe toute dérogation aux prescriptions canoniques. C'est l'équivalent de la dispensatio de l'Église latine. Cette question a été maintes fois traitée, aussi bien en Occident qu'en Orient, et par des canonistes éprouvés. Si l'infatigable travailleur qu'est l'archimandrite Hiéronyme Kotsônès s'en occupe, c'est parce qu'il estime que les travaux de ses devanciers sont trop austères et souvent inabordables pour les lecteurs. Il veut en donner une connaissance plus accessible au grand public et mieux adaptée aux temps où nous vivons. Si l'Église a fait des lois pour guider ses membres dans l'accomplissement de leurs devoirs de chrétiens, elle sait en varier l'application suivant les temps et les personnes. C'est donc leur esprit qui compte et non leur application rigoureuse. On peut constater cette conduite dans l'Église dès le début à propos des fidèles que la crainte des supplices avait fait apostasier.
L'auteur ne consacre pas moins de neuf chapitres à tourner la question sous toutes ses faces. Après avoir étudié dans le premier les problèmes soulevés par la définition même de l '« économie » et indiqué la valeur qu'ont à cet égard les idées des Pères et des écrivains ecclésiastiques des différentes époques, et montré dans le deuxième la conception de la dispense qui s'est établie en Occident comme en Orient, il constate qu'elle a moins de valeur dans l'Église latine que dans l'Église orthodoxe, qui laisse plus de liberté à ses enfants. Le but de l’ « économie » n'est pas de supprimer la loi, mais de favoriser son application dans la mesure du possible (ch. III). Si « le Christ nous a affranchis », où se trouve la liberté, puisque des lois s'imposent à nous? Dans l'application de l’ « économie », il faut nécessairement poser certains principes que l'auteur énumère dans le chapitre IV. Le cinquième est consacré aux limites de Γ « économie » et à la distinction qui existe entre elle et les autres activités de l'Église. Certaines mesures prises par celle-ci peuvent altérer l'ordre canonique et créer un danger pour le salut des âmes. L' « économie » n'est opportune que lorsqu'elle est appliquée par l'autorité compétente, d'où étude sur les droits des évêques et des conciles locaux et œcuméniques (ch. VI). Quelle doit être la durée des mesures d'exception prises par l'Église? En principe autant que durent les causes qui les ont fait prendre (ch. VII). Le chapitre VIII étudie l’étendue des mesures de l’économie. Celle-ci ne peut être invoquée dans les cas où les dérogations seraient une violation de la loi divine et spécialement des vérités de la foi. La question se pose surtout pour les relations avec les hétérodoxes. L’Église ne peut faire aucune concession sur ce point. La question de la validité des sacrements dans les Églises hétérodoxes est longuement traitée d’après la conception qui s’est établie à cet égard en Orient et qui a quelque peu varié suivant les époques (pp. 186-206). Enfin le chapitre IX traite des règles actuellement en vigueur pour chacun des sacrements.
Bien que relativement brève, cette étude est solidement étayée par les renvois aux décisions des conciles et aux travaux des canonistes. On ne peut pas dire qu’elle apporte du nouveau sur la question, mais elle a le mérite de reproduire sans fard les conceptions de l’Église orthodoxe. Elle est suivie d’une abondante bibliographie (pp. 243-254) et de trois index : canons et décisions canoniques (pp. 255-258), noms de lieux (pp. 259-260) et noms de personnes et de choses (pp. 261-273).

Certaines citations des travaux de Mgr Jérôme par le RP Janin sont intéressantes, et je me permets de les souligner, car elles résument bien la position orthodoxe traditionnelle à l’égard des sacrements des hétérodoxes :
- la grâce n'est communiquée que dans la véritable Église ;
- au point de vue du droit orthodoxe, les sacrements des autres confessions chrétiennes sont donc invalides ;
- la communion aux sacrements est le résultat de l'unité de foi et non un moyen d'y parvenir ;
- la Sainte Eucharistie des hétérodoxes ne peut être considérée comme telle ni en droit ni en pratique ;
- en revanche, un prêtre orthodoxe peut présider les funérailles d’un chrétien hétérodoxe (NdL: cette pratique, sans doute ancienne, a même été codifiée au sein du patriarcat de Constantinople et de l’Église de Grèce au XIXe siècle, et n’a donc rien à voir avec les dérives postérieures de l’œcuménisme).

Re: Validité des sacrements catholiques romains

Publié : mer. 10 août 2011 16:32
par patrik111
Merci, Claude le liseur, pour cette réponse. Il va me falloir prendre le temps de méditer et assimiler cette abondance d'informations et leur noyau essentiel. Mais d'ores et déjà je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de me répondre aussi explicitement. Je vous en suis très reconnaissant.

Sur le fond, si je vous comprends bien, très concrètement, il est clair
  • qu'aucun des catholiques romains (ou ex-catholiques romains) que je connais, votre serviteur y compris avec sa première conversion d'il y a huit ans (voir mon post de présentation), n'a jamais de sa vie mangé le Corps du Christ ni bu à son sang
  • qu'à aucun ses péchés ne lui ont été remis

Re: Validité des sacrements catholiques romains

Publié : mer. 10 août 2011 17:34
par Claude le Liseur
patrik111 a écrit :Merci, Claude le liseur, pour cette réponse. Il va me falloir prendre le temps de méditer et assimiler cette abondance d'informations et leur noyau essentiel. Mais d'ores et déjà je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de me répondre aussi explicitement. Je vous en suis très reconnaissant.

Sur le fond, si je vous comprends bien, très concrètement, il est clair
  • qu'aucun des catholiques romains (ou ex-catholiques romains) que je connais, votre serviteur y compris avec sa première conversion d'il y a huit ans (voir mon post de présentation), n'a jamais de sa vie mangé le Corps du Christ ni bu à son sang
  • qu'à aucun ses péchés ne lui ont été remis

Oui, sans réserves, sur le point 1.
Sur le point 2: la seule chose que je sais, c'est que c'est à la seule Église orthodoxe que Dieu a remis le pouvoir sacramentel de lier et de délier (Mt 16:19) ; si Dieu, en voyant leur repentir, leur a pardonné ou pas, c'est Lui qui le sait;
en d'autres termes, cela ne veut pas dire qu'ils ne seront pas sauvés, cela veut dire que ce n'est pas grâce aux sacrements des hétérodoxes qu'ils seront sauvés.

Re: Validité des sacrements catholiques romains

Publié : mer. 10 août 2011 17:45
par patrik111
Claude le Liseur a écrit :
patrik111 a écrit :[...]

Sur le fond, si je vous comprends bien, très concrètement, il est clair
  • qu'aucun des catholiques romains (ou ex-catholiques romains) que je connais, votre serviteur y compris avec sa première conversion d'il y a huit ans (voir mon post de présentation), n'a jamais de sa vie mangé le Corps du Christ ni bu à son sang
  • qu'à aucun ses péchés ne lui ont été remis

Oui, sans réserves, sur le point 1.
Sur le point 2: la seule chose que je sais, c'est que c'est à la seule Église orthodoxe que Dieu a remis le pouvoir sacramentel de lier et de délier (Mt 16:19) ; si Dieu, en voyant leur repentir, leur a pardonné ou pas, c'est Lui qui le sait;
en d'autres termes, cela ne veut pas dire qu'ils ne seront pas sauvés, cela veut dire que ce n'est pas grâce aux sacrements des hétérodoxes qu'ils seront sauvés.
C'est bien ainsi que je l'avais compris.

Mais nous sommes suspendus au-dessus d'un abîme. Faisons (ou ne faisons pas, cela dépend du moment auquel on se réfère, avant qu'il ne coule ou après) comme Simon Pierre sur le lac, ne regardons surtout pas nos pieds, mais ayons les yeux fixés sur la miséricorde du Seigneur...

Re: Validité des sacrements catholiques romains

Publié : lun. 29 août 2011 21:40
par Odysseus
Après lecture du livre d'Olivier Clément sur l'Orthodoxie,
de queqlues documents sur les variations de la doctrine des catholiques depuis le concile du Vatican,
et à la lecture du document de l'Archimandrite Kotsônès ci-dessus,
il m'apparaît que le catholicisme, (je comprends à cette heure que ce mot est de la même famille démagogique que "démocratie", "populaire", "république", etc ..) est loin d' être parfait...
On le qualifie ici , hélas !, d'hétérodoxie.
Trois fois hélas !
Quelle misère !

a+

Odysseus.

Re: Validité des sacrements catholiques romains

Publié : mar. 30 août 2011 12:39
par Claude le Liseur
Odysseus a écrit : (...)
de queqlues documents sur les variations de la doctrine des catholiques depuis le concile du Vatican,
(...)

Odysseus.

Pas seulement depuis le concile du Vatican.
Comme je suis en train de lire une vie de Robert d'Arbrissel (v. 1045 -1116), le fondateur de Fontevraud, fils de prêtre et lui-même sans doute prêtre marié à une époque de sa vie, je pense à cet exemple qui m'a toujours particulièrement choqué: l'abandon de la tradition du sacerdoce des hommes mariés, tout à coup présentée comme le mal absolu sous le nom de nicolaïsme; ledit "nicolaïsme" utilisé comme prétexte parmi d'autres pour "anthématiser" les orthodoxes (cardinal Humbert de Moyenmoutier, Constantinople, 16 juillet 1054, ne se rendant pas compte qu'il s'anthématisait lui-même); l'extrême violence de la lutte contre le clergé marié en Europe occidentale, allant jusqu'à l'alliance avec les patarins à Milan; et puis, tout à coup, cinq siècles plus tard, quand on se rendu compte que l'on pouvait affaiblir l'Eglise orthodoxe en créant les Eglises uniates, la question du célibat sacerdotal rétrogradée de question dogmatique si importante qu'elle avait pu justifier le prétendu anathème contre les orthodoxes, à simple question disciplinaire, dans le seul but d'attirer à la Papauté le clergé marié de la partie de l'Ukraine à qui devait être imposée l'union de Brest-Litovsk, d'où le maintien jusqu'à nos jours d'un clergé uniate, en très grande majorité marié, et qui ne se rend même pas compte (ou feint de ne pas se rendre compte) de pareils revirements. Cela donne quand même à réfléchir...

Re: Validité des sacrements catholiques romains

Publié : mar. 30 août 2011 21:52
par Odysseus
Cher Monsieur,

Je ne connais pas la raison du célibat des prêtres catholiques.
Mais, effectivement, ces "arrangements" de la papauté avec la règle qui prévaut dans tout l'Occident est très singulière,
pour ne pas dire choquante.
En fait, la papauté n'a jamais digéré Saint Cyrille et Saint Méthode et sa politique constante ( et opiniâtre ) a toujours été de vouloir capter et récupérer leur héritage...

a+

Odysseus.

Re: Validité des sacrements catholiques romains

Publié : ven. 09 sept. 2011 21:18
par Olivier
Il y a aussi un problème avec la réforme des sacrements en 1969, une frange de la FSSPX doute de la validité de l'ordination épiscopale du pape actuelle,faite en 1977.

Re: Validité des sacrements catholiques romains

Publié : ven. 09 sept. 2011 21:33
par patrik111
Olivier a écrit :Il y a aussi un problème avec la réforme des sacrements en 1969, une frange de la FSSPX doute de la validité de l'ordination épiscopale du pape actuelle,faite en 1977.
En fait, les ultramontains que j'ai fréquentés ces dernières années vont plus loin. Ils doutent de la validité des sacres d'évêques et des ordinations de prêtres depuis, respectivement, sauf erreur de ma part, 1968 et 1969 (réformes de Paul VI). Mais ils sont une infime minorité et je doute qu'il y ait des gens au sein de la FSSPX pour partager leur point de vue, car, que feraient-ils au sein d'une Fraternité qui fait des pieds et des mains pour se faire réintégrer dans l'Église romaine?

Re: Validité des sacrements catholiques romains

Publié : sam. 10 sept. 2011 0:26
par Olivier
patrik111 a écrit :
Olivier a écrit :Il y a aussi un problème avec la réforme des sacrements en 1969, une frange de la FSSPX doute de la validité de l'ordination épiscopale du pape actuelle,faite en 1977.
En fait, les ultramontains que j'ai fréquentés ces dernières années vont plus loin. Ils doutent de la validité des sacres d'évêques et des ordinations de prêtres depuis, respectivement, sauf erreur de ma part, 1968 et 1969 (réformes de Paul VI). Mais ils sont une infime minorité et je doute qu'il y ait des gens au sein de la FSSPX pour partager leur point de vue, car, que feraient-ils au sein d'une Fraternité qui fait des pieds et des mains pour se faire réintégrer dans l'Église romaine?
http://www.fides-facta.info/2011/07/23/ ... andalises/

Il a fait des vidéos dessus.