Orthodoxie en Espagne.

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Claude le Liseur
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Re: Orthodoxie en Espagne.

Message par Claude le Liseur »

Claude le Liseur a écrit :

A part ça, 30 ans que Brassens nous a quittés et Robert Lamoureux est parti aujourd'hui. On a beau dire, ça donne le cafard.
Et Mgr Damascène (Damaskinos) s'est éteint samedi dernier, et il a été inhumé tout à l'heure, et une partie de mes jeunes années s'en est allée avec lui.
Claude le Liseur
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Re: Orthodoxie en Espagne.

Message par Claude le Liseur »

Claude le Liseur a écrit : 3. Il ne faut pas oublier (ce qui, en effet, ne ressort pas de la présentation que j'ai faite des faits) que, pendant la guerre d'Espagne, le camp anti-républicain était très divers. Je dois donc à la vérité de rappeler qu'à côté des carlistes, des conservateurs, des phalangistes, des national-catholiques et des national-syndicalistes, le camp anti-républicain comprenait aussi des libéraux (et, me semble-t-il, des radicaux - en tout cas, Alejandro Lerroux s'est exilé au Portugal dès le début de la guerre et est revenu en Espagne en 1947).

4. Les nacionalistas, à savoir les régionalistes sont avant tout dans une tendance anti-espagnole exacerbée qui confine au ridicule à tel point qu'en Catalogne, aux Iles Baléares, le Tribunal constitutionnel espagnol a estimé que la liberté lingüistique dans l'enseignement n'était pas respectée au dépens de l'espagnol qui est la langue commune... Un rapport du Département d'Etat américain a fait le même constat.
Alors, pour montrer que la vie que Dieu donne est un peu plus complexe que le manichéisme du triste sieur Chirac, j'ai déjà donné un exemple, dans mon message du 9 novembre 2011 à 20h58, de l'intégrisme catholique forcené des nacionalistas basques engagés dans le camp républicain en 1936, et je me réserve de donner quelques exemples de leur racisme anti-espagnol exacerbé et des délicates déclarations du fondateur du PNV sur le "maketisme" des Castillans.

Pour clouer un peu plus le cercueil des mensonges chiracoïdes, voici ce que l'on trouvait aussi dans le camp dit nationaliste (ou anti-républicain), comme l'on voudra:

- Ramón Franco Bahamonde (1896-1938), ancien député de la Esquerra republicana de Catalogne, proche des anarchistes andalous, anticlérical forcené, néanmoins engagé aux côtés de son frère le Caudillo, lieutenant-colonel dans les rangs nationalistes et mort en mission aérienne;

- le général Emilio Mola Vidal (1887-1937), commandant des nationalistes sur le front Nord, qui, lors de sa rencontre secrète au monastère d'Irache le 16 juin 1936 avec Manuel Fal Conde (1894-1975), délégué général des carlistes, expliqua que ses buts dans le soulèvement militaire à venir étaient le maintien de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, le maintien d'un régime républicain, le refus d'un Etat corporatiste, la convocation des Cortès constituantes et l'exercice du pouvoir par les militaires (cf. Franck Lafage, L'Espagne de la contre-révolution, L'Harmattan, Paris 1993, p. 229); et oui, il y avait des républicains dans le camp "anti-républicain";

- l'un des animateurs de la radio de propagande nationaliste de Salamanque Radio Nacional de España était le radical-socialiste Joaquín Pérez Madrigal (Hugh Thomas [traduit de l'anglais par Jacques Brousse, Lucien Hess et Christian Bounay], La guerre d'Espagne, Bouquins, Robert Laffont, Paris 1999, note 1 page 891); et oui, il y avait même des radicaux dans le camp "anti-républicain".

Et oui, la vie n'est pas simple et stupide comme un discours de Jacques Chirac. Le camp nationaliste était très divers, et le camp républicain était aussi très divers. Moralité: dans une guerre civile, il est toujours très difficile de faire des prévisions.
Olivier
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Re: Orthodoxie en Espagne.

Message par Olivier »

Je suis fort déçu que vous ne preniez pas comme paroles d'Evangiles, les déclarations de nos pontifes républicains. Etes-vous conscient de commettre un acte schismatique?^^
Claude le Liseur
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Re: Orthodoxie en Espagne.

Message par Claude le Liseur »

Olivier a écrit :Je suis fort déçu que vous ne preniez pas comme paroles d'Evangiles, les déclarations de nos pontifes républicains. Etes-vous conscient de commettre un acte schismatique?^^
J'en suis si conscient que je me suis inscrit pour un stage de rééducation en Corrèze.
Novelius
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Re: Orthodoxie en Espagne.

Message par Novelius »

En effet Claude vous avez parfaitement raison sur la pluralité interne des deux camps de la guerre civile.

D'ailleurs Franco après guerre à finalement exercé le pouvoir plus en tant qu'arbitre qu'en tant qu'idéologue et le régime franquiste en est bien le reflet. Il ne satisfaisait vraiment aucune des tendances "dures" : phalangistes, carlistes, monarchistes etc... Tout le règne de Franco n'est qu'un exercice d'équilibriste entre ces tendances. Il est d'ailleurs probable vu la division des républicains que ça aurait été "pareil" dans la situation inverse. Franco est un dirigeant pragmatique avant tout. Toutefois je suis plutôt inquiet de la politique actuelle en Espagne qui semble être de raviver toutes les plaies de la guerre civile. La loi mémorielle édictée par Zapatero me semble à titre d'exemple vraiment problématique, avec une volonté de revanche plus qu'autre chose. Comme je l'ai lu dans la presse espagnole Zapatero cherche plus a "changer" le résultat de la guerre civile qu'a commémorer les victimes des deux camps.
Claude le Liseur
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Re: Orthodoxie en Espagne.

Message par Claude le Liseur »

Novelius a écrit :En effet Claude vous avez parfaitement raison sur la pluralité interne des deux camps de la guerre civile.

D'ailleurs Franco après guerre à finalement exercé le pouvoir plus en tant qu'arbitre qu'en tant qu'idéologue et le régime franquiste en est bien le reflet. Il ne satisfaisait vraiment aucune des tendances "dures" : phalangistes, carlistes, monarchistes etc... Tout le règne de Franco n'est qu'un exercice d'équilibriste entre ces tendances. Il est d'ailleurs probable vu la division des républicains que ça aurait été "pareil" dans la situation inverse. Franco est un dirigeant pragmatique avant tout. Toutefois je suis plutôt inquiet de la politique actuelle en Espagne qui semble être de raviver toutes les plaies de la guerre civile. La loi mémorielle édictée par Zapatero me semble à titre d'exemple vraiment problématique, avec une volonté de revanche plus qu'autre chose. Comme je l'ai lu dans la presse espagnole Zapatero cherche plus a "changer" le résultat de la guerre civile qu'a commémorer les victimes des deux camps.
Je ne peux qu'abonder dans votre sens. Par exemple, quand Franco a fait construire la mémorial de la Valle de los Caídos, il a décidé qu'y seraient enterrés des morts des deux camps, ce qui était au moins un pas vers la réconciliation de la part d'un homme qui n'avait pas jusqu'alors brillé par son sens du pardon. Par la suite, lors de la transition démocratique, il avait été décidé que toutes les organisations du régime franquiste procéderaient à leur auto-dissolution en échange de l'oubli du passé. On notera que lors du long passage au pouvoir du socialiste Felipe González Márquez (1982-1996), cet accord a été scrupuleusement respecté et que González - qui, lui, avait un passé d'opposition au franquisme et d'exil pour des raisons politiques - ne s'est pas signalé par une attitude particulièrement vindicative à l'égard des anciens dirigeants ni par une volonté de rouvrir toutes les blessures. Il est en effet frappant que José Luis Rodríguez Zapatero, depuis son arrivée au pouvoir en 2004, n'ait eu de cesse que de raviver toutes les plaies et de déclencher des guerres mémorielles, créant un climat qui d'ores et déjà un climat de guerre civile larvée, sur fond d'effondrement économique, de désindustrialisation, de déstructuration de la société et de mauvaise gestion des finances publiques. D'où les nombreuses allusions à Monsieur Jacques Chirac dans mes posts précédents, puisqu'on voit que les deux politiciens (je ne m'abaisserai pas à utiliser le terme "homme d'Etat" pour parler de gens comme ça) n'ont pas en commun que leur fixation sur la guerre civile espagnole de 1936-1939...
Claude le Liseur
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Re: Orthodoxie en Espagne.

Message par Claude le Liseur »

Claude le Liseur a écrit :
J'insiste sur le fait que, tout au long de la première moitié du XIXe siècle, il a existé en France une droite très attachée à la monarchie, mais de tradition anticléricale (gallicans, anti-jésuites comme le comte de Montlosier, protestants, jansénisants, voltairiens, libres-penseurs comme Berryer) , et parfois socialisante (ou au moins anti-bourgeoise) sur le plan économique (la "Montagne blanche"). Par la suite, la doctrine dite de l'inséparatisme a triomphé: si on était de droite sur le plan politique, il fallait être ultramontain. Bien sûr, l'inséparatisme a provoqué la ruine du camp royaliste au fur et à mesure que tout ce qui pensait s'est offusqué des excès de l'ultramontanisme (Flaubert, pourtant conservateur, n'écrivait-il pas à propos de la brève période où le camp ultramontain a été maître de la France que "l'Ordre moral attei[gnait] au délire de la stupidité"?) et s'est trouvé rejeté vers la gauche historique. Par la suite, Léon XIII a porté le coup fatal à la droite historique avec le Ralliement: aux élections législatives de 1889, la droite historique détient encore 140 circonscriptions sur 576; en 1893, elle n'en sauve que 58. C'est vraiment Léon XIII qui a fait disparaître le camp monarchiste en tant que force politique en France, même si les derniers députés à avoir siégé sous cette étiquette n'ont été éjectés de la Chambre des Députés qu'en 1924.
On trouvera chez Taine, pourtant conservateur, des exemples de la répression de toute pensée libre pendant deux périodes où le camp ultramontain fut au pouvoir en France (1823-1828 et 1849-1859); il ne dit curieusement rien de la période 1873-1877. Hippolyte Taine, Le Régime moderne, in Les Origines de la France contemporaine, Bouquins, Robert Laffont, Paris 2011 (1re édition Paris 1893), pp. 1558-1559 pour l'oppression sous le ministère Villèle, pp. 1563-1564 pour la IIe République et l'Empire autoritaire. Il ne voit que deux périodes de liberté de l'enseignement depuis la Révolution française, soit 1828-1848 (ministères Martignac et Polignac, puis monarchie de Juillet) et 1860-1876 (Empire libéral, Empire parlementaire et République des ducs). Je doute pourtant qu'un régime si libéral ait existé entre 1873 et 1876.
Claude le Liseur
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Re: Orthodoxie en Espagne.

Message par Claude le Liseur »

Novelius a écrit : mar. 25 oct. 2011 13:33 Bonjour à tous.

Je vis en Belgique mais je suis espagnol. Je me faisais cette réfléxion : Il n'est pas très difficille d'allier identité belge et orthodoxie. En effet même si la Belgique était un pays assez catholique l'identité "belge" ou wallonne n'est pas tant que ça liée au catholicisme, au contraire on sent ( pour ce qui est de la Wallonie en tout cas ) une influence française et notamment de la république française assez nette ( pourtant la plupart des wallons ne le sont pas, pas au sens français en tout cas). Mais je me demandais ce qu'il en était vis à vis de l'identité espagnole qui est quand même fortement lié jusqu'à très récemment au catholicisme romain. Je suis Andalou et l'Andalousie est quand même une terre extrêmement marquée par le catholicisme ( il n'y à qu'avoir le nombre de processions, pélerinages, confréries de pénitents etc). Le catholicisme y est toujours fortement implanté même si le conflit avec la "modernité" sécularisante qui à suivis la démocratisation lui fait la guerre. Mais voilà justement que je me demande : quelle place pour l'identité Orthodoxe en Espagne ? Coincée entre l'intransigeance romaine et l'anticléricalisme des gauches ? Et surtout au regard de l'histoire récente de l'Espagne ? Y avait t'il des orthodoxes en Espagne durant la guerre civile ? Quand les orthodoxes sont t'ils revenus en Espagne ( XIX siècle ? ). Le problème c'est qu'en Espagne être de droite signifie quasiment être catholique et être de gauche être athéiste anticlérical. Comment donc être chrétien sans être catholique et sans soutenir le camp antireligion ? Comment être chrétien orthodoxe en paix avec l'identite espagnole sans devoir devenir un révolutionnaire.

Qui plus est en continuant ma réflexion je me suis dit que la "base" orthodoxe espagnole est plus faible que celle d'autres pays d'Europe de l'Ouest tel la France. En effet l'Espagne à longtemps été arienne ( pour ce qui est des rois et des wisigoths du moins, les hispano romains restant orthodoxes ) et à soutenus localement des hérésies diverses tel le priscillianisme. Ensuite l'Islam etc n'ont pas facilités les choses, et au final rome s'est imposée via la reconquista ( aide franque etc).

Bref l'Orthodoxie en Espagne est une histoire compliquée et je pense qu'il n'est pas faux de dire que les efforts pour y implanter durablement l'orthodoxie seront plus durs qu'ailleurs. Qui plus est je me demande comment intégrer des éléments religieux espagnols fortement marqués par le catholicisme romain à la tradition orthodoxe locale ( beaucoup de statues très richement décorées, de pénitents ( inconnus dans l'orthodoxie etc).

Bref si vous avez des réflexions sur le sujet je serais heureux de les connaîtres.
Je m'excuse de revenir si longtemps après sur le message remarquable et très intéressant que Novelius avait posté en 2011.
Je reviens d'un très bref séjour en Andalousie où j'ai dû me rendre pour des raisons non touristiques. Ce qui m'a frappé sur la Costa del Sol (mais pas à Ronda, dans l'intérieur, et encore moins dans la possession britannique de Gibraltar), c'est la place que l'Islam avait prise dans le paysage, à force de prosternations devant les pétrodollars des émirs. L'hôtel en face de celui où j'étais descendu arborait fièrement un drapeau "Garantia hallal"! J'ai eu l'impression qu'al-Andalus était de retour.
Heureusement, par contraste avec cette côte complètement bétonnée et déculturée, Ronda donnait encore, par moments, l'impression d'être en Espagne, et Gibraltar reste, Dieu merci, très anglaise.
Claude le Liseur
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Re: Orthodoxie en Espagne.

Message par Claude le Liseur »

Claude le Liseur a écrit : mer. 26 oct. 2011 10:39

Oui. Une Orthodoxie autochtone existe déjà sur territoire espagnol dans le cadre du patriarcat de Serbie - le patriarcat de Constantinople, qui s'occupe d'habitude des communautés de convertis (sauf en Afrique où c'est le rôle du patriarcat d'Alexandrie), ayant brillé par son inaction dans la péninsule ibérique. Toutefois, cette Orthodoxie espagnole, qui dispose entre autres d'une école de théologie, est surtout représentée en Catalogne, dans les Baléares et en Euzkadi (ainsi qu'en Galice), et je me demande si cela n'est pas corrélé avec le fait que ces régions, sur le plan politique, sont sorties de l'opposition stérile entre gauche athée et droite national-catholique. Autrement dit, peut-être que l'existence de partis laïcs de droite procède d'un état d'esprit qui permet aussi de choisir une troisième voie sur le plan religieux et de s'intéresser à l'Orthodoxie (ou au protestantisme) plutôt que de rester bloqué dans la dichotomie athéisme militant / national-catholicisme. Voici le site de l'Eglise orthodoxe espagnole - Patriarcat de Serbie:
http://www.iglesiaortodoxa.es/es/presentacion.html

L'éparchie d'Europe occidentale du patriarcat de Serbie abrite sous son omophore 7 paroisses orthodoxes autochtones en Catalogne, 2 en Communauté valencienne, 1 aux Baléares, 1 au Pays basque, 2 en Galice et (curieusement) 2 aux Canaries. Ce qui m'étonne, c'est l'absence totale de paroisses dans le centre du pays: rien à Madrid, rien en Andalousie, rien en Castille...
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Re: Orthodoxie en Espagne.

Message par Claude le Liseur »

Grâces soient rendues à Jeff Bezos, fondateur d'Amazon!

Je viens à l'instant de recevoir un ouvrage de plus de 400 pages, coordonné par le professeur Francisco Díez de Velasco, et sobrement intitué Las iglesias orodoxas en España, Akal, Madrid 2015. Je pourrai donc en dire un peu plus sur le sujet quand j'aurai lu le livre.

Disons d'emblée que l'ouvrage n'aborde pas que les communautés liées à l'immigration ou au tourisme, mais aussi les communautés autochtones constituées par des convertis espagnols.

Si jamais notre ami Novelius nous lit encore, il sera sans doute intéressé d'apprendre qu'il existe des paroisses spécifiquement andalouses sous l'omophore de l'Eglise orthodoxe russe hors frontières.
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