Statistique de l'Eglise Orthodoxe aux USA

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Nikolas
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Statistique de l'Eglise Orthodoxe aux USA

Message par Nikolas »

Bonjour,

L'Assemblée des Evêques Orthodoxes d'Amérique du Nord et Centrale a récemment publiée un rapport de 44 pages sur l'Eglise Ortohdoxe aux USA, réalisé par Alexei Krindatch, intitulé Five Interesting Facts About Orthodox Church Geography and Demography in the United States

Le rapport est en cinq partie:
1.Orthodox Church Membership in America
2.Orthodox Church Geography in America
3.Orthodox Church Attendance in America
4.Ethnic Culture in American Orthodox Churches
5.Orthodox Monastic Communities in America


Lien direct vers le rapport (format pdf)
http://assemblyofbishops.org/files/news/FiveFacts.pdf

Source: http://www.assemblyofbishops.org/news/a ... five-facts
Claude le Liseur
Messages : 4352
Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Re: Statistique de l'Eglise Orthodoxe aux USA

Message par Claude le Liseur »

Ces statistiques sont très intéressantes et confirment par ailleurs, au-delà du seul cas des Colonies insurgées d'Amérique, des observations qui ont été faites à maintes reprises sur le présent forum, notamment:

- La différence considérable entre les effectifs revendiqués et les effectifs réels. Jusqu'à la publication des premiers travaux de Krindatch en 2001, les juridictions orthodoxes revendiquaient 5 millions de fidèles aux Etats-Unis. On sait désormais qu'ils sont à peine 800'000. C'est un phénomène fréquent en ce qui concerne les pays d'Europe occidentale, des Amériques et d'Océanie: tout en minimisant le nombre de convertis à l'Orthodoxie pour des raisons de combines œcuménistes (il y a bien sûr plus de convertis français à l'Orthodoxie que le chiffre de 2'000 inlassablement répété par nos porte-parole...), on continue à compter comme orthodoxe tout ce qui est d'origine ethnique russe, grecque, serbe, roumaine, même déchristianisé ou passé à d'autres religions depuis des décennies (on sait très bien que les 500'000 orthodoxes revendiqués en France ne sont pas 100'000 et, à ma connaissance, seule la Métropole orthodoxe roumaine pour l'Europe occidentale et méridionale publie les chiffres réels sur le nombre de ses fidèles en France). J'avais comme condisciple une Serbe née en Suisse, devenue par la suite membre de la direction d'un puissant groupe de presse ultra-capitaliste qui publie des torchons à la fois très mondialistes, très à gauche sur le plan idéologique, et tout à fait au service du patronat (si possible la finance contre l'industrie) en matière économique et sociale; cette condisciple m'expliquait qu'elle était hostile à l'Église par... «tradition communiste» (qui, d'ailleurs, ne l'aura guère empêchée de faire une carrière parfaitement capitaliste) ! La «tradition communiste», quelle blague, quelle confusion! Or, des gens comme ça, il y en a des milliers, que l'on s'obstine à compter comme «orthodoxes», et que l'on s'obstinera à compter comme tels tant qu'il n'y aura pas un Krindatch chez nous...
Ce phénomène qui vaut pour les pays d'immigration et de mission vaut aussi pour les pays qui ont connu le régime communiste, où il y a souvent un rapport de 1 à 3 entre les effectifs réels et les effectifs revendiqués. Tel pays présenté comme orthodoxe à 75% ne compte par exemple que 25% de baptisés.
D'une manière générale, on peut considérer que les effectifs revendiqués ne coïncident avec les effectifs réels que dans trois pays: la Grèce et Chypre, qui n'ont connu ni le communisme, ni une désaffection marquée à l'égard de l'Église; et la Roumanie, où la vie religieuse avait continué à peu près normalement à l'époque communiste et où la question de la religion est posée au recensement (alors qu'elle ne l'est pas dans la plupart des autres pays).
A noter encore que je ne parle que des baptisés, et pas des pratiquants. Krindatch estime à 26% la pratique religieuse chez les orthodoxes de la République impériale. Il me paraît pourtant beaucoup plus difficile d'évaluer la pratique religieuse en milieu orthodoxe - qui ne connaît pas l'obligation d'assistance hebdomadaire à la messe - qu'en milieu catholique romain, surtout s'agissant de régions où des fidèles peuvent être très éloignés de leur paroisse sur le plan géographique. Il y a aussi toute une piété orthodoxe qui ne dépasse pas le strict cadre domestique (lecture d'offices à la maison, par exemple). Du point de vue sociologique, le taux de pratique n'a pas la même signification selon les contextes. En Grèce, par exemple, le taux de pratique calculé sur la base de la présence à l'église le dimanche sous-estime la pratique religieuse réelle, du fait de l'habitude répandue dans un grand nombre de familles que les membres de la famille se rendent à l'église par rotation (un dimanche, le père est à l'église pendant que la mère prépare le déjeuner; le dimanche suivant, c'est l'inverse, etc.) Le taux de pratique est peut-être plus révélateur dans des pays où la domination communiste a totalement déchristianisé la société, parce qu'il n'y a plus d'osmose entre la vie ecclésiale et le milieu ambiant. On se retrouve donc dans des situations où telle région orthodoxe à 90% sur une base ethnique ou culturelle ne l'est en réalité qu'à 2 ou 3% sur une base religieuse. Ajoutons que certains de nos ecclésiastiques ont l'habitude de surévaluer de manière grotesque le nombre de fidèles (en jouant sur l'absence de recensement, sur l'occultation des statistiques des baptêmes et sur la confusion entre appartenance ethnique et appartenance confessionnelle) et de sous-estimer les effets du prosélytisme d'autres confessions et religions qui ont des moyens financiers démesurés par rapport à ceux dont dispose l'Église. Le prosélytisme papiste, lancé à grand renforts d'effets de manche sous Jean-Paul II, a dans l'ensemble échoué, ne réussissant même pas partout à reconstituer les groupes uniates qui avaient été persécutés par les communistes. En revanche, le prosélytisme protestant, qui dispose de ressources financières illimitées, sait utiliser la fascination pour l'Amérique et a comme terreau l'immense ignorance religieuse créée par les communistes (d'où la disparition de certaines barrières mentales face à des gens qui disent n'importe quoi en se basant sur la Bible) fait des ravages (à ma connaissance, la plus grande paroisse pentecôtiste d'Europe se trouve en Ukraine). Et l'attrait de l'Islam est constamment passé sous silence. Quand je vois à quel point le milieu post-soviétique en diaspora au sein duquel je passe tout de même une partie de ma vie est perméable à l'Islam, sur fond d'immense confusion des idées, j'ai peine à croire qu'il n'en aille pas de même en ex-Union soviétique. En revanche, je pense que dans les pays des Balkans, même très déchristianisés, le prosélytisme islamique ne séduit à guère dans les populations d'origine orthodoxe: là, une conscience historique encore relativement vive pallie à peu près la confusion mentale de l'ère communiste et post-communiste.

- Autre remarque à faire: Krindatch relève que 73% des paroisses orthodoxes aux États-Unis ont désormais l'anglais comme langue liturgique. C'est la démonstration d'un phénomène que j'ai constaté de mon côté. J'habite dans une ville où la plupart des immigrants venus de pays où l'Orthodoxie est la religion la plus répandue n'apprennent pas le français. En effet - et de ce point de vue ma région est un véritable laboratoire - la décadence et la perte d'identité y sont plus avancées qu'ailleurs en Europe continentale (sauf peut-être à Bruxelles) et il y a longtemps que la majorité autochtone considère qu'elle doit se plier à la langue des arrivants plutôt que d'intégrer de quelque manière que ce fût les nouveaux venus - y compris sur le plan linguistique. Certes, je ne vois pas l'Espagne ou l'Italie arriver un jour à ce degré de décadence. Mais l'Allemagne s'en approche et la France y viendra peut-être (c'est d'ailleurs l'essence du sarkozysme). Par conséquent, nous sommes confrontés à des populations avec qui la seule langue de communication est l'anglais d'aéroport (car, de son côté, la population autochtone ne se met que mollement au russe ou au géorgien...). Cela aboutit à des paroisses qui sont la caricature du ghetto ethnique, avec des paroissiens dont beaucoup ne parlent pas un mot de français après vingt ans de résidence ici (et dont certains ont le passeport suisse ou français!), qui s'opposent à toute activité qui pourrait impliquer la population indigène (sans même pas parler de mission, ne serait-ce que toute manifestation d'ouverture vis-à-vis de la cité...) et qui insistent sur le maintien absolu des traditions du pays d'origine, voire pour la (con)fusion entre folklore et vie liturgique. Que l'immigration s'interrompe un jour, et ces paroisses seront naturellement condamnées à la disparition.
Aux États-Unis, la situation est toute autre, d'abord parce que la seule langue de communication possible est celle des autochtones - l'anglais d'aéroport, ou le Basic English, ou le globish, n'est pas ici une langue impérialiste qui s'interpose entre des immigrants conquérants et des indigènes déliquescents: ce n'est qu'une forme dégénérée de la langue nationale, et qui fait sourire l'indigène plutôt que de susciter son admiration béate. Ensuite, l'immigrant se trouve projeté dans une société qui -malgré tout le mal que j'en pense par ailleurs - a au moins le mérite de se vouloir encore une nation et qui a assez confiance en elle-même pour vouloir intégrer les arrivants. À tout le moins, les immigrants ne s'y trouvent pas confronté au malaise, au complexe d'infériorité, au masochisme culturel et à la volonté de suicide de beaucoup de pays d'Europe occidentale (là encore, l'Espagne et l'Italie, quoique suicidaires sur le plan démographique, sont beaucoup moins touchées sur le plan psychologique que les pays situés au nord des Pyrénées et des Alpes). Le nouveau venu aux USA sait qu'il sera fatalement anglophone un jour. Le nouveau venu en Europe occidentale - et dans ma région plus que partout ailleurs - sait qu'il pourra y passer toute sa vie sans jamais avoir de contact avec les autochtones autrement que pour commander un café en anglais d'aéroport. On ne peut donc attendre de lui qu'il se sente concerné par les perspectives missionnaires et spirituelles liées au pays où il s'est installé!
S'agissant des paroisses orthodoxes roumaines en Italie et en Espagne, il s'agit encore d'isolats ethniques parce que la présence de ces immigrants est considérée comme provisoire - une étape de quelques années dans un parcours de vie. Si jamais cette présence devait durer, il y aurait sans doute des révisions radicales au point de vue pastoral, du fait que c'est le seul cas en Europe continentale où des groupes immigrés de confession orthodoxe sont exposés à un vrai processus d'assimilation linguistique de la part du milieu ambiant.
L'Allemagne présente encore un cas particulier, puisqu'elle connaît à la fois la prédominance du globish sur la langue nationale (pas aussi forte qu'en Suisse ou à Bruxelles, mais plus forte encore qu'en France, malgré tous les efforts du sieur Sarkozy...) et la question des Allemands «ethniques» rapatriés d'Union soviétique, dont la plupart ont perdu l'usage de la langue allemande (encouragé sous les tsars, réprimé sous les soviets) et qui ont été passablement ghettoïsés depuis leur «rapatriement» en RFA (apparition de quartiers peuplés d'Aussiedler dans les grandes villes; absence d'encouragement à se réapproprier la langue; insertion assez médiocre sur le marché du travail).

Ah, le Basic English de l'oligarque post-soviétique, tel celui-ci (de confession sunnite, au demeurant) qui disait à ses employés francophones «I will kill you all!»
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