Dans son livre La mystification fatale, C. Lampryllos écrit que l’usage de chanter le symbole au lieu de le réciter est une innovation. Il aborde ce sujet suite à une citation d’une phrase d’Alcuin (730-804) que je reproduis ci-dessous:
« Alcuin, le grand Alcuin, tonnant contre l’hérésie espagnole (ndlr: le filioque), « Hispanici erroris sectam », comme il l’appelait dans sa lettre aux Frères Lyonnais, « suivez dans la foi les traces des anciens Pères et rangez-vous à l’unanimité de la sainte Eglise universelle… ne tentez pas d’insérer des nouveautés dans le symbole de la foi catholique, et ne vous décidez pas à affectionner dans les offices ecclésiastiques des traditions inconnues dans les temps anciens 1 ».
Note :
1. Voyez Alcuini opera ed. Querétaro (Duchesne), Parisiis 1617 ; Epist. 69 ad. frat. Lugdunenses, edit. Migne, t. I, p. 281, sous le n° 90. - Henri Canisius dans son édition des œuvres d’Alcuin (collect. Basnage), range cette épitre sous le n°8, et il avoue loyalement que cette nouveauté, dont parle Alcuin, regarde l’addition du filioque. Nous y ajouterons que, par tradition ou usage inconnu des anciens, Alcuin entend parler de la nouveauté de chanter le symbole au lieu de le réciter. Voyez append. B.
La Mystification fatale, Etude orthodoxe sur le filioque, de Cyrique Lampryllos, Ed. L'Age d'Homme, Lausanne, 1987 ; p.28
APPENDICE B
Chant du Symbole (page 28)
L’usage de chanter le symbole au lieu de la réciter, n’a commencé à se développer dans le Nord et l’Occident de l’Europe, qu’à une époque postérieure à l’invasion des Barbares. Cette innovation ne s’introduisit que plus tard encore en Italie et à Rome, car nous avons vu qu’entre autres recommandations, Léon III engageait Charlemagne à défendre le chant du symbole, vu que cet usage n’était pas pratiqué à Rome. (Fleury 1. 45 ch.48).
Cette innovation me semble tirer son origine d’une méprise, provenant de l’ignorance dans laquelle se trouvaient alors les Barbares du Nord, relativement à la langue latine : Le verbe latin canere signifie non seulement chanter mais encore réciter (Voir le dictionnaire de Quicherat) ; il est donc très probable que lisant dans les formulaires des offices la rubrique : nunc canitur symbolum, ils aient pris ce verbe dans le sens de chanter ; trouvant ensuite le chant plus agréable que la simple récitation, ils s’attachèrent à cet usage, et n’en voulurent plus démordre.
[Je passe la dernière partie de cet appendice qui n’a pas d’utilité ici]
Op. cit. p.73
L’usage traditionnel orthodoxe serait donc de réciter le symbole?Henri (ndlr: Henri II empereur germanique, lors de son séjour à Rome en l’an 1014) demanda aux prêtres de Rome, pourquoi après la lecture de l’Evangile, ils ne chantaient pas le symbole de la foi comme il était d’usage dans les autres pays? Ils répondirent que l’Eglise romaine, n’ayant été jamais atteinte d’hérésie, n’avait pas besoin d’attester sa foi par l’énonciation du symbole qui la définit. Il n’appartient pas à mon sujet de parler de la bourde que contient la première partie de cette réponse. D’autres l’ont surabondamment prouvée ; mais, quant à la conclusion que ces prêtres en tiraient, c’était, comme à l’ordinaire, un piteux subterfuge, basé sur un mensonge capital, puisque avant la mesure prise par Léon III, dont nous avons parlé précédemment (ndlr: érection des blasons d’argent avec le Symbole de Foi dans la Basilique st Pierre de Rome), le symbole était récité pendant la Messe à Rome comme partout ailleurs. (…) Toutefois l’empereur persuada au pape Benoît de faire chanter le symbole à la Messe solennelle ; ce fut alors qu’à Rome pour la première fois le symbole, au lieu d’être récité, comme d’ordinaire, fut chanté, et qu’il y fut pour la première fois altéré par l’interpolation du filioque, c’est à dire adultéré. (Voir Fleury, liv. 58, qui s’en rapporte à Berno Augiensis, De rebus ad Missam pertinentibus cap. II).
Op. cit. p.64-65.
Quelqu’un aurait il des informations à ce sujet ?
Dans la tradition liturgique russe actuelle, l’usage est de chanter le symbole alors qu’a ma connaissance (quelques monastères de juridiction grec en France) l’usage grec est de le réciter.
Faut il donc voir dans l’usage slave une influence latine, qui serait de même origine et de même époque que l’influence latine sur le chant russe au XVIIe siècle, qui engendra le chant russe actuel ?