Ukraine: de la vérité des chiffres

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Claude le Liseur
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Re: Ukraine: de la vérité des chiffres

Message par Claude le Liseur »

Claude le Liseur a écrit : ven. 04 oct. 2019 11:59
Enfin, je trouve étrange que je doive traduire de l'ukrainien vers le français le communiqué d'un évêque français dont je ne suis pas sûr qu'il ait jamais eu dans sa juridiction des paroisses de langue ukrainienne ou de sociologie ukrainienne.
Il y a aussi autre chose que je trouve étrange. Puisque ce forum est confronté à tant de visiteurs qui savent tout sur les pays de l’ex-Union soviétique, y compris sur les événements les plus secrets, pourquoi suis-je le seul à s’infliger les traductions du russe (qui reste pour moi une langue étrangère apprise longtemps après l’allemand ) ou, pire, de l’ukrainien? Au secours! Appel aux volontaires!
Claude le Liseur
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Re: Ukraine: de la vérité des chiffres

Message par Claude le Liseur »

En date du 21 janvier 2020, le site suisse Religioscope a publié un état de la situation en Ukraine sous la plume de Sébastien Gobert. A l'usage de ceux de nos lecteurs qui ne croient pas à l'existence de la vérité et jugent de la qualité d'un travail en fonction du positionnement de son auteur par rapport à l'impérialisme anglo-saxon ou aux impérialismes concurrents, je ne connais rien sur le parcours ou les opinions de Monsieur Gobert. L'article semble en revanche bien documenté.

Source: https://www.religion.info/2020/01/21/uk ... utocephale

Mon Église sera bientôt sur smartphone. En 2020, l’Église orthodoxe d’Ukraine adopte une dimension résolument moderne avec la création d’une application, Mon Église. «  Les utilisateurs pourront y trouver une série d’informations pratiques, telles que les horaires des services liturgiques, ou un annuaire des églises  », explique l’archevêque Yevstraty Zoria. C’est le choix de l’innovation technologique et de l’accessibilité pour une jeune institution, créée il y a un peu plus d’un an, le 15 décembre 2018. En entrant de plain-pied dans l’espace médiatique du 21e siècle, l’Église tente aussi de réussir son entrée dans l’histoire.

« L’Église existe, c’est indéniable », s’est félicité le métropolite Épiphane, 41 ans, à l’occasion d’une célébration liturgique pour le premier anniversaire de l’Église, le 15 décembre 2019. « Nous avons gagné en maturité, nous avons préservé l’unité, et nous avons établi des institutions durables ». Même si l’Église s’est bâtie en grande partie sur des structures préexistantes de l’Église orthodoxe ukrainienne du patriarcat de Kiev, et de l’Église orthodoxe autocéphale ukrainienne, toutes deux dissoutes, la construction d’une nouvelle organisation religieuse n’est certes pas une mince affaire. Et pourtant, nombre d’observateurs attendaient un développement plus conséquent dans la première année d’existence de l’Église.

Portée sur les fonts baptismaux par l’ancien président Petro Porochenko le 15 décembre 2018, l’Église orthodoxe d’Ukraine a reçu le tomos d’autocéphalie du patriarche œcuménique Bartholomée de Constantinople le 7 janvier 2019, jour de la Noël orthodoxe. En rompant avec un attachement des territoires canoniques ukrainiens à l’Église russe depuis 1686, l’initiative, très médiatisée, était porteuse d’un projet d’unification des différentes branches de l’orthodoxie représentée en Ukraine : l’Église autocéphale, le patriarcat de Kiev, mais aussi l’Église orthodoxe ukrainienne du patriarcat de Moscou[1].

Un an plus tard, force est de constater que cette dernière reste très implantée dans le pays. Le statut du patriarcat de Kiev reste incertain, en raison de la résistance du turbulent Philarète (né en 1929, qui l’avait dirigé de 1995 jusqu’à l’octroi du tomos). L’Église menée par Épiphane, elle, n’est pas parvenue à rallier autant de paroisses que prévu, et seules trois des Églises orthodoxes à travers le monde l’ont reconnue à ce jour[2]. « 2019 a été une année d’occasions, mais aussi de frustrations », résume Taras Antoshevskiy, directeur du portail RISU (Religious Information Service of Ukraine).

Une implantation solide malgré un flou numérique
Au contraire de la croyance générale véhiculée par l’engouement médiatique de la fin 2018, l’Église orthodoxe d’Ukraine n’est pas totalement indépendante. Si elle s’est détachée de Moscou, le tomos d’autocéphalie n’en a pas fait un patriarcat, mais une métropole, avec des liens de subordination au patriarcat œcuménique de Constantinople. Elle revendique le plus grand nombre de fidèles en Ukraine, ce qui est confirmé par deux études distinctes. Selon l’Institut international de sociologie de Kiev en mai 2019, 48,8 % des quelque 20 millions d’Ukrainiens rattachés à l’orthodoxie affirment relever de la nouvelle Église, contre 14,2 % affiliés au Patriarcat de Moscou. 16,3 % des répondants se déclarent orthodoxes sans affiliation particulière. Selon le Centre Razumkov en novembre 2019, seuls 20,3 % des répondants se considérant comme orthodoxes se disent affiliés à la nouvelle Église, contre 16,3 % à l’Église russe, tandis que pas moins de 46,6 % se décrivent comme orthodoxes sans préférences. Certains écarts conséquents entre les deux sondages peuvent être expliqués par les méthodologies différentes, mais aussi par le fait que l’Institut international de sociologie de Kiev n’inclut pas le patriarcat de Kiev dans ses questions. Selon le rapport du Centre Razumkov, 11,9 % des Ukrainiens orthodoxes affirment s’y rattacher. Cela modifie les résultats, même si les deux études confirment une certaine prépondérance de la nouvelle Église en termes numériques[3].

En revanche, la métropole compte seulement quelque 6000 paroisses, environ moitié moins que celles de l’Église liée au Patriarcat de Moscou. Hormis le monastère Saint Michel du dôme d’or à Kiev, elle n’exerce son autorité sur aucune des trois « Laures », lieux de pèlerinage de la chrétienté orthodoxe en Ukraine. Entamé avec un intérêt marqué du public, le mouvement de transfert de paroisses de l’Église ukrainienne sous obédience de Moscou à l’Église autocéphale d’Ukraine n’a concerné que quelque 500 communautés, sur plus de 12 000 relevant du patriarcat de Moscou[4]. Les chiffres n’en restent pas moins contradictoires. Selon Épiphane, plus de 600 paroisses auraient opéré leur transfert. Mais selon la direction de l’Église ukrainienne du patriarcat de Moscou, 100 églises auraient été saisies de force, 220 réenregistrés de manière illégale, et seules 78 communautés auraient volontairement rejoint la jeune Église. À en croire le métropolite Antony de l’Église russe, cité par l’agence Interfax en décembre 2019, ce serait en fait son institution qui aurait crû en nombre de paroisses, de prêtres et de moines.

Ce flou numérique est entretenu par l’absence de recensement clair par les ministères de la Justice et de la Culture, mais aussi par le nombre de procédures de transferts et d’actions en justice actuellement en cours. Pour Épiphane, « rien ne presse ». S’il se dit convaincu du potentiel de son Église à unifier les différentes branches de l’orthodoxie, il appelle à des ralliements « pacifiques, calmes et volontaires ». Le maillage géographique de la nouvelle Église donne une idée plus précise de son influence : l’essentiel de ses paroisses est concentré dans l’ouest et le centre du pays, terres historiques de l’ancienne Église autocéphale et du patriarcat de Kiev. La métropole est contrainte à la clandestinité dans les territoires séparatistes de Donetsk et Louhansk, et soumise à fortes pressions en Crimée annexée par la Russie.

Les réalités d’un projet politique
Une raison de ce développement somme toute mesuré de la nouvelle Église par rapport aux attentes de ses promoteurs réside dans la différence entre la perception véhiculée dans l’espace médiatique fin 2018 d’un raz-de-marée unificateur, et les réalités complexes du pays. Celles-ci ont d’ailleurs été illustrées par les chocs électoraux de 2019. Issu d’une famille juive, Volodymyr Zelenskyy a pris ses distances avec les affaires religieuses dès son investiture, à travers une vidéo plaçant sur un pied d’égalité plusieurs dignitaires religieux de différentes confessions. En rupture avec l’équipe de Petro Porochenko, les institutions d’État sous Zelenskyy ne manifestent pas un soutien quelconque à la nouvelle Église orthodoxe, qui bénéficie ainsi de moins de subventions publiques ou de relais administratifs qu’espéré.

À l’en croire pourtant, cette configuration lui convient. De cette manière, la métropole n’est pas assimilée à une « Église d’État », comme beaucoup l’avaient critiquée début 2019. Petro Porochenko lui-même était décrié comme un nouvel Henri VIII : « sa » nouvelle Église aurait été motivée par un pur opportunisme électoral, selon ses détracteurs. Désormais privé de patron politique, Épiphane se doit de « gagner les cœurs et les âmes, sans empressement ». Il a pour cela imprimé des allègements, afin de rapprocher l’Église de ses fidèles. Il a par exemple autorisé la disposition de chaises dans les nefs pendant les services liturgiques. Si les femmes sont invitées à revêtir un voile à l’entrée des églises, elles sont autorisées à entrer tête nue. « Il est important de regarder la personne pour ce qu’elle est, sans se soucier du code vestimentaire », explique le diacre Omelyan, porte-parole de l’Église, dans un entretien à Deutsche Welle.

L’Église autocéphale a aussi exploré les possibilités d’un passage de la célébration de la fête de Noël du 7 janvier au 25 décembre, dans le but de préparer l’Église à adopter le calendrier grégorien[5]. La transition ne se fera cependant pas dans un futur proche, Épiphane estimant que « nos fidèles ne sont pas prêts »[6]. L’initiative marque néanmoins une orientation pro-européenne claire et, par concomitance, une dimension très politique de son Église. À l’instar de Petro Porochenko, Épiphane la considère ainsi comme « un outil au service des intérêts de la nation et de l’État ukrainiens ».

Une forte adversité, externe comme interne
L’un des principaux freins au développement de la métropole tient à la faiblesse de sa reconnaissance internationale. Épiphane a beau envisager établir des relations avec « quatre ou cinq Églises supplémentaires » en 2020, les questions restent nombreuses quant aux prérogatives canoniques de Kiev, et au bien-fondé de l’initiative de Bartholomée d’accorder un tomos d’autocéphalie. Les pressions de l’Église russe en dissuadent aussi plus d’un. Le patriarche Kyril à Moscou s’est distingué par une véhémence sans précédent à l’encontre de Constantinople et de Bartholomée.

En contraste, les relations en Ukraine même entre l’Église russe et la métropole n’ont pas été marquées par les provocations et tensions que nombre d’observateurs attendaient. « Le clergé du patriarcat de Moscou a compris que la nouvelle Église sans Porochenko était bien plus faible que prévu », estime l’archimandrite et professeur en théologie Cyril Hovorun. « Ils n’ont donc pas jugé utile de chercher la confrontation ». Il note que l’Église russe n’est pas pour autant restée passive. Plusieurs conférences et réunions ont été autant d’occasions d’imposer une discipline au sein du clergé. Un recours en justice a aussi cherché à invalider le nom de la nouvelle Église, sans succès. « De manière générale, la concurrence est bonne pour chacune de ces Églises », poursuit Cyril Hovorun. « Elle induit une motivation à se réformer. En particulier, le patriarcat de Kiev, sur lequel s’est basée l’Église d’Ukraine, était une institution très fermée, très soviétique dans ses pratiques. Épiphane a l’occasion d’en moderniser toute la structure ».

Ce sont d’ailleurs les reliquats du patriarcat de Kiev, sous la férule de l’ancien patriarche Philarète, âgé de près de 91 ans, qui ont provoqué un test existentiel pour la nouvelle Église. L’ancien patriarche, dont la réputation est très controversée depuis son ascension dans la hiérarchie de l’Église russe pendant l’ère soviétique, a mené une fronde ouverte contre Épiphane au printemps. Motif : il aurait été trompé par le métropolite et Petro Porochenko, qui lui auraient promis un rôle dirigeant au sein de la métropole. Sa tentative de restaurer le patriarcat de Kiev et de recouvrer son clergé et ses propriétés ont néanmoins échoué. Philarète, isolé dans la cathédrale Saint Volodymyr de Kiev que lui avait réservée Épiphane, n’est pas parvenu à rassembler plus de mécontents qu’une poignée de prêtres et deux évêques. Deux de ses recours en justice pour rétablir le patriarcat ont échoué. Le 7 janvier, même la chaîne publique ukrainienne, Souspilné, lui a refusé la retransmission de sa traditionnelle messe de Noël.

Cette crise, qui aurait pu coûter à l’Église une large partie de son assise territoriale, a au contraire été l’occasion pour Épiphane d’affiner son style de dirigeant modéré et patient, mais ferme. Pour lui, l’attitude de Philarète n’est guère digne de considération dans la mesure où « quelques forces prorusses jouent dans le dos du patriarche honoraire, même s’il ne semble pas lui-même s’en rendre compte », comme il le déclare dans un entretien à Oukrainska Pravda. En résistant à Philarète, Épiphane a par ailleurs fidélisé les représentants de l’ancienne Église autocéphale, et probablement envoyé un signal bienvenu à d’autres Églises orthodoxes à travers le monde, de longue date défiantes envers Philarète.

Si l’ancien patriarche est désormais ostracisé, il ne semble pas prêt à apaiser les relations avec l’Église d’Ukraine. Le 10 janvier, il a officiellement rétracté sa signature de l’acte de fondation de la métropole. Une déclaration « sans conséquence » pour l’archevêque Yevstraty Zoria, même si elle montre que l’idée de la survivance du patriarcat de Kiev restera une épine dans le pied d’Épiphane, du moins du vivant de Philarète.

Autre effet collatéral de cette dispute : elle a permis à la nouvelle Église de connaître un renouveau d’intérêt médiatique, après être tombée dans les limbes de la normalité suivant l’élection présidentielle d’avril. Il est de fait remarquable que le projet politique de la fondation de l’Église se soit dissipé aussi rapidement, après avoir dominé l’agenda médiatique du second semestre 2018. L’existence de la nouvelle Église orthodoxe d’Ukraine est un phénomène dont la portée historique, religieuse et symbolique ne peut être sous-estimée. Mais c’est sur la scène internationale du monde orthodoxe qu’elle a suscité le plus de bouleversements, bien plus que dans la réalité religieuse en Ukraine.

Sébastien Gobert


Notes
Nombre de médias ukrainiens la dénomment aujourd’hui « Église russe en Ukraine », mais ce n’est pas le nom qu’elle accepte ou utilise elle-même. ↑
Il s’agit du patriarcat œcuménique de Constantinople, du patriarcat d’Alexandrie, et de l’Église de Grèce, même si la reconnaissance par cette dernière n’est pas encore officiellement actée. ↑
Il serait également intéressant de pouvoir établir des corrélations entre les autodéfinitions de ces pourcentages et les taux de pratique religieuse, mais les données disponibles ne semblent pas le permettre pour le moment (NDLR). ↑
Une carte interactive en ligne permet de suivre le processus: https://www.google.com/maps/d/viewer?mi ... 000013&z=6
Pour le cycle des fêtes fixes, certaines Églises orthodoxes, à commencer par le Patriarcat de Constantinople et l’Église de Grèce dès les années 1920, ont adopté le calendrier grégorien, non sans résistances (il existe ainsi en Grèce des groupes dits « vieux-calendaristes » qui n’ont jamais accepté ce changement) (NDLR). ↑
« Nous continuerons de mener un travail éducatif et, quand nous verrons que la grande majorité des chrétiens orthodoxes sont prêts à changer de calendrier, nous procéderons à cette réforme », a déclaré le métropolite Épiphane au mois de décembre 2019 (« Epifaniy: Orthodox Church of Ukraine will celebrate Christmas on December 25, if everyone supports this idea », 112 Ukraine, https://112.international/society/epifa ... 46546.html). ↑
Cet article cite des sources qui confirment deux points statistiques que j'ai toujours évoqués sur ce forum, ce qui ne m'a pas valu que des amis:

- Il y a une majorité d'autocéphalistes parmi les orthodoxes en Ukraine. Rien que pour cette raison, et il me semble que cela relève de la plus simple logique, un "schisme" qui touchait environ 10 millions de fidèles était un problème plus urgent que des dissidences qui regroupent quelques dizaines de milliers de personnes et qui ont fait l'objet d'interminables discussions sur le présent forum.

-Le chiffre de la population orthodoxe en Ukraine (20 millions) est très légèrement supérieur mon estimation personnelle de 17 millions. Même rapporté à une population totale qui s'est effondrée depuis l'indépendance (passant de près de 52 millions à l'époque du dernier recensement soviétique de 1989 à 42 millions en 2019), cela ne fait toujours qu'une minorité de la population (soit 47,62%). Je répète encore une fois que les propos de tel ou tel de nos hiérarques qui annonce des chiffres extravagants de plus de 120 millions d'orthodoxes en ex-Union soviétique relèvent du canular. La majorité de la population en Biélorussie, en Moldavie, en Russie et en Ukraine est athée ; on ne sort pas indemne de décennies d'une persécution et d'un endoctrinement sans équivalents dans l'histoire (en tout cas en Europe, parce que la Chine de Mao ou la Corée du Nord de Kim Il-Sung, ce n'est pas mal non plus dans le genre). Les régions à écrasante majorité russophone (voire carrément russe) de l'est de l'Ukraine, véritable poumon industriel de ce pays, étaient au moment de la chute de l'Union soviétique des véritables bastions de l'incroyance religieuse, avec jusqu'à 95% d'athées dans la population.

- Ce qui me semble aussi certain, c'est qu'avant la chute de l'Union soviétique, l'Ukraine était très légèrement plus religieuse que la Biélorussie (véritable laboratoire de l'athéisme) ou que la Russie, ne serait-ce que parce qu'une partie du territoire n'avait été soviétisée qu'à partir de 1941, avec une vingtaine d'années de retard sur l'Ukraine centrale et orientale. Je ne suis pas du tout certain que ce soit encore le cas maintenant. Pour autant que je puisse en juger, la remontée de la religion depuis 1988 a été plus importante en Biélorussie et en Russie qu'en Ukraine - en tout cas l'écart n'est sans doute pas aussi important qu'à l'époque. Je pense que cela s'explique par la situation relativement simple en Biélorussie (où l'exarchat du patriarcat de Moscou regroupe à peu près la totalité de la population orthodoxe) et en Russie (où les Vieux-Croyants ne constituent plus le facteur de division qu'ils étaient avant 1917) par rapport à l'Ukraine, où les divisions des orthodoxes sur le terrain ont facilité un prosélytisme uniate et néo-protestant particulièrement agressif et bien financé, prosélytisme qui n'a pas dû améliorer l'image de la religion en général. Il est clair que, en Biélorussie et en Russie, l'alternative stagnation dans l'athéisme soviétique / retour à l'Eglise orthodoxe (donnant sur place un visage d'unité - je laisse de côté le cas des Vieux-Croyants et des importantes populations non chrétiennes de Russie) est posée en des termes plus simples, et plus favorables à la renaissance de la religion étouffée pendant sept décennies, que la situation ukrainienne, avec ses orthodoxes divisés entre eux et incapables de résister aux agressions des uniates et des sectes néo-protestantes (deux groupes qui sont pour l'essentiel, soit dit en passant, le visage pseudo-religieux de divers impérialismes qui cherchent à remettre, ou à mettre, les pieds en Ukraine).
Claude le Liseur
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Re: Ukraine: de la vérité des chiffres

Message par Claude le Liseur »

Henri a écrit : lun. 29 juil. 2019 13:07
Nikolas a écrit : mer. 14 nov. 2018 20:24 Je ne critique pas le fait qu'il faille trouver une solution aux schismes ukrainiens dont le problème remonte comme vous le notez à juste titre à 1918, loin de là ; ni que l'autocéphalie puisse être une des solutions du problème, je trouve juste étrange de votre part, votre complaisance apparente avec les actions, plus que critiquable, entreprise par Constantinople.
Ne fréquentant plus guère le "Forum Orthodoxe", je suis très surpris de lire ici sous la plume du Lecteur Claude, ces justifications de l'ingérence du Phanar dans la vie d'une Église Locale dans le but de faire le jeu des menées géostratégiques États-Uniennes en Ukraine. Pour étayer ces justifications ce sont les chiffres d'un site uniate ukrainien qui sont retenus d'entrée de jeu. Heureusement que j'étais assis. De plus si le Lecteur Claude dénonce à juste titre les dérives "impérialistes" de certains, les dérives papistes d'un Patriarcat de Constantinople ne semble pas le déranger. Constantinople jadis capitale d'un Empire, statut qui lui valut sa primauté après la chute de Rome hors de la communion orthodoxe, est aujourd'hui en état de grande précarité et ne doit sa subsistance que grâce aux E-U qui l'ont sous leur coupe.
Je dois avouer que j'ai mal au cœur de voir le présent forum en rupture totale d'avec ce qu'il m'a jadis appris avec tant de rigueur ! Si tout les exclus, ou tous ceux qui se sont fait vertement tancer sur le forum orthodoxe de jadis pour leurs propos en faveur du catholicisme, de l'uniatisme, ou des schismes vétéro-calendaristes, pouvaient lire ce fil de discussion ils seraient édifiés et peut-être enclin à revenir palabrer à nouveau ici !

Pour tous ceux qui sont désireux de connaitre la vérité sur l'intervention inique de Constantinople en Ukraine, sur les exactions subies par les fidèles de l'Église orthodoxe CANONIQUE (mot qui a semble-t-il aussi déserté ce forum !) d'Ukraine, chassés de leurs églises, toutes les ressources sont suffisantes sur internet pour se faire une opinion selon la vérité, mais pas évidemment sur les sites Uniates !!!!
Personnellement j'aide financièrement un jeune prêtre et ses fidèles à reconstruire une petite église dans une maison en ruine pour remplacer leur ancienne église d'où ils ont été chassés par des nationalistes tendances néo-nazis à la solde de l'impérialisme maçonnico-protestant Américain. Impérialisme responsable des guerres mensongères les plus ignobles des dernières décennies avec le cortège d'atrocités et dont les chrétiens ont bien souvent faits les frais comme en Irak où en Syrie.
Je suis avec intérêt toute les déclarations du primat CANONIQUE de l’Église orthodoxe canonique d'Ukraine, Mgr Onuphre, dont l'envergure spirituelle ne fait aucun doute pour ceux ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre ! Par contre les anciennes déclarations guerrières et vengeresse de l'anathème Philarète à l'égard des insurgés du Donbass, font, elles, froid dans le dos ! Nombres de clercs des écclésioles schismatiques ukrainiennes ont été ordonnés par Philarète Denissenko alors qu'il était anathème ! Cela ne semble plus poser un quelconque problème au Forum Orthodoxe. Nous n'avons plus la même orthodoxie, dont acte.
Il va de soi que je viendrai plus cherche un quelconque renseignement ici.
Henri, ou qui que vous soyez,

Je me suis abstenu de répondre à votre message, parce qu'il appelait trop la moquerie facile. En effet, en toute objectivité, la déclaration martiale qui terminait votre message "Il va de soi que je ne viendrai plus cherche un quelconque renseignement ici", à moi adressée, était la menace la plus grotesque que j'aie jamais reçue dans ma vie et appelait une réponse sèche. Sachez donc que je ne suis pas Narcisse qui aurait besoin de se mirer dans les statistiques du nombre de visiteurs du forum et qu'il m'est totalement indifférent que vous veniez chercher un quelconque renseignement ici ou ailleurs. D'autant plus que vous n'avez sans doute pas besoin de renseignement, puisque vous semblez avoir inspiré la rhétorique du président Poutine quand il parle de "dénazifier" l'Ukraine.

Mais voilà, je ne peux plus contenir le sentiment d'angoisse, de tristesse et de colère qui m'habite depuis le 25 février, et il ne m'est pas indifférent qu'un forum à qui j'ai consacré tant de milliers d'heures prises sur mon peu de loisir en bientôt vingt ans serve d'exutoire et de vitrine à n'importe quoi.

Depuis le 25 février donc, nous assistons à la concrétisation de la lutte contre, je cite, *les nationalistes tendances néo-nazis à la solde de l'impérialisme maçonnico-protestant Américain" que vous stigmatisiez dans votre message. Vous devez être très content d'avoir inspiré la politique d'une grande nation. Passons sur l'illogisme de nazis au service de la franc-maçonnerie.

Je suppose que, puisque vous voyez des "néo-nazis" partout, vous devez être enchantés de voir comment le président Poutine a entamé, le 25 février dernier, de "dénazifier" un pays pourtant gouverné par un Juif.

Je suppose que vous faites partie des gens pour qui le candidat à la présidence de la République française Eric Zemmour serait "entouré de nazis" ou nazi lui-même, bien que Juif d'Algérie de son état, pour crime d'opinions de droite.

Je suppose que la guerre qui oppose l'Ukraine et la Russie ne vous concerne que de très loin. Mais moi, la Russie, ça me concerne quand même un peu.

Je peux vous dire que pour moi, qui parle russe à la maison, dont la femme est russe et dont le fils a le passeport russe, il n'est guère plaisant de penser qu'à cause des événements actuels plus personne ne parlera russe en Ukraine dans 30 ans. Je ne pense pas que la Russie et l'Ukraine conserveront des liens d'une qualité exceptionnelle après les événements actuels. Je crois que beaucoup de choses sont désormais irrémédiablement finies.

A propos, à qui me sort le fait qu'une guerre entre la Russie et l'Ukraine est aussi absurde qu'une guerre entre deux cantons suisses et que les liens ancestraux l'emporteront à la fin, je réponds que l'expérience montre que c'est la guerre qui engendre la haine, et non pas l'inverse.

Compte tenu de mes liens avec la Russie, il m'est un peu plus difficile que pour l'internaute français moyen de voir la Russie mise au ban des nations et d'être témoin de cette campagne d'hystérie bien orchestrée par les gouvernements occidentaux. N'empêche qu'il n'est pas interdit de penser que le président Poutine leur a donné l'occasion qu'ils attendaient.

Je vois mes amis russes qui ne peuvent même plus faire de transfert bancaire. Je vois la même foule hystérique qui embrasse la cause ukrainienne, alors qu'elle ne connaissait pas l'existence de l'Ukraine il y a dix jours, comme elle embrassait la cause kosovare en 1999.

Sauf qu'il faudra bien qu'un jour on se rende compte que l'Ukraine existe, que la langue ukrainienne existe, et que la politique guerrière menée actuellement par la Russie est le moyen le plus efficace de renforcer la nation ukrainienne... en la dressant contre tout ce qui est russe, hélas, mille fois hélas!

Au-delà de la guerre, qui, comme toute guerre, est déjà affligeante en elle-même, cette guerre-ci me fait pleurer toutes les larmes de mon corps parce qu'elle porte en germe la fin du monde russe, la fin du russe comme langue de communication internationale, la fin des liens entre les Russes et les Ukrainiens, la stigmatisation totale de la Russie et l'asservissement définitif de l'Europe à l'UE et à l'OTAN - donc la fin potentielle de l'Europe en tant que civilisation.

Vous savez, l'hymne national ukrainien - car l'Ukraine a un hymne national, le saviez-vous? Et ce n'est même pas un chant nazi, ne vous en déplaise -proclame que "ni la gloire ni la liberté de l'Ukraine ne sont mortes " (Ще не вмерла України і слава, і воля). Je pense que cet hymne va maintenant revêtir tout son sens.

Mais j'oubliais: pour les gens comme vous, les événements qui se déroulent depuis le 25 février sont sans doute une divine surprise qui permettra de rétablir la juridiction de "l'Église orthodoxe CANONIQUE" (i.e. Moscou) sur le territoire ukrainien. Quel dommage que vous ne nous ayez d'ailleurs pas fait part de votre soutien à la création d'un Exarchat d'Afrique par le patriarcat de Moscou, décision éminemment "CANONIQUE" je suppose. Quel dommage que vous ne nous ayez pas éclairé de vos lumières sur les raisons qui faisaient du Kenya un territoire "CANONIQUE" de l'Eglise orthodoxe russe, et plus du patriarcat d'Alexandrie et de toute l'Afrique.

Je n'ai évidemment pas l'ombre de votre lucidité et de votre intelligence, mais je prends déjà les paris que ce n'est pas les blindés de l'armée russe qui amèneront une résolution de la crise ecclésiastique ukrainienne dans le sens que vous souhaitez. On peut tout faire avec des baïonnettes, excepté asseoir dessus une "Église orthodoxe CANONIQUE".

La politesse veut que je vous salue, mais c'est bien à contrecœur.

Et je me passerai aussi bien de votre réponse que de vos recherches de "renseignement" sur ce forum que vous ne faites le bonheur de boycotter depuis un moment.

Je ne pouvais pas continuer à me taire, c'est tout.

Que Dieu protège la Russie, que Dieu protège l'Ukraine.
Claude le Liseur
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Re: Ukraine: de la vérité des chiffres

Message par Claude le Liseur »

Je suis sans doute un imbécile face aux grands savants spécialistes des choses de l'ex-Union soviétique et de "l'Église orthodoxe CANONIQUE" qui sont venus m'adresser sur le présent forum la menace la plus drôle qu'il m'ait été donné de recevoir, mais mes prévisions sont sans doute plus juste que les leurs.

En effet, le site orthodoxie.com, réputé pro-Moscou et anti-Constantinople, nous apprend que le métropolite de Lemberg (j'utilise le nom allemand pour être neutre entre Russes, Ukrainiens et Polonais qui me sont tous sympathiques, mais qui ne s'aiment guère entre eux) et de la Galicie de "l'Église orthodoxe CANONIQUE" aurait cessé de commémorer le patriarche de Moscou:

https://orthodoxie.com/le-diocese-de-lv ... de-moscou/

Mgr Philarète, métropolite de Lvov et de Galicie a mis en ligne la décision de cesser la commémoration du patriarche de Moscou lors des offices :

« Nous condamnons la guerre que la Russie a commencée contre l’Ukraine. Je donne ma bénédiction pour cesser la commémoration liturgique du patriarche de Moscou dans les paroisses et les monastères du diocèse de Lvov.

En outre, il faut ajouter dans la grande litanie la demande suivante : « Prions pour notre État ukrainien très éprouvé et gardé de Dieu ».
Source: site de la métropole de Léopolis et de la Galicie du patriarcat de Moscou https://upc.lviv.ua/publikatsiji/1917-r ... i-derzhavi

Le texte est en ukrainien. Mais puisque ce forum abonde en internautes français spécialistes des choses de l'ex-Union soviétique, je leur laisse le soin de faire la traduction. Je ne comprend pas pourquoi, face à leur immense compétence, c'est moi qui dois faire toutes les traductions du russe et de l'ukrainien.

Voici le texte de la prière pour l'Etat ukrainien (vous savez, la bande de "néo-nazis" acquis au complot "protestanto-maçonnique") qui sera lue dans les églises de la désormais non canonique métropolite de Galicie:
o Богохранимій багатостраждальній Державі нашій Україні

Voici donc Monseigneur Philarète de la Galicie devenu "schismatique", et je suppose "néo-nazi", et qui subira bientôt les foudres des internautes francophones confortablement installés dans leur fauteuil.

Vive "l'Église orthodoxe CANONIQUE" sans fidèles, et vive la canonicité sans le Christ.
Claude le Liseur
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Re: Ukraine: de la vérité des chiffres

Message par Claude le Liseur »

Henri a écrit : lun. 29 juil. 2019 13:07
Nikolas a écrit : mer. 14 nov. 2018 20:24 Je ne critique pas le fait qu'il faille trouver une solution aux schismes ukrainiens dont le problème remonte comme vous le notez à juste titre à 1918, loin de là ; ni que l'autocéphalie puisse être une des solutions du problème, je trouve juste étrange de votre part, votre complaisance apparente avec les actions, plus que critiquable, entreprise par Constantinople.
Ne fréquentant plus guère le "Forum Orthodoxe", je suis très surpris de lire ici sous la plume du Lecteur Claude, ces justifications de l'ingérence du Phanar dans la vie d'une Église Locale dans le but de faire le jeu des menées géostratégiques États-Uniennes en Ukraine. Pour étayer ces justifications ce sont les chiffres d'un site uniate ukrainien qui sont retenus d'entrée de jeu. Heureusement que j'étais assis. De plus si le Lecteur Claude dénonce à juste titre les dérives "impérialistes" de certains, les dérives papistes d'un Patriarcat de Constantinople ne semble pas le déranger. Constantinople jadis capitale d'un Empire, statut qui lui valut sa primauté après la chute de Rome hors de la communion orthodoxe, est aujourd'hui en état de grande précarité et ne doit sa subsistance que grâce aux E-U qui l'ont sous leur coupe.
Je dois avouer que j'ai mal au cœur de voir le présent forum en rupture totale d'avec ce qu'il m'a jadis appris avec tant de rigueur ! Si tout les exclus, ou tous ceux qui se sont fait vertement tancer sur le forum orthodoxe de jadis pour leurs propos en faveur du catholicisme, de l'uniatisme, ou des schismes vétéro-calendaristes, pouvaient lire ce fil de discussion ils seraient édifiés et peut-être enclin à revenir palabrer à nouveau ici !

Une dernière clarification, ou une dernière réponse à un mensonge.

Nous n'avons exclu personne du forum pour des propos en faveur des schismes vétéro-calendaristes. Au moment où ce forum a été créé, nous avons considéré que les vieux-calendaristes étaient une minorité persécutée qui faisait l'objet de calomnies répétées de la part des canaux officiels de l'Eglise orthodoxe dans les pays francophones. Nous les avons donc accueillis ici.
Mal nous en a pris puisque, refusant d'accorder aux autres la liberté et la tolérance qu'ils réclamaient pour eux-mêmes, ils ont pratiqué ici la politique du coucou (ou l'entrisme si vous préférez) et qu'ils ont fait tout leur possible pour saboter ce qui avait été conçu comme un espace de libre discussion ouvert à eux aussi. En plus, c'était clair dès le début que je relevais du patriarcat de Roumanie, donc du calendrier révisé, que l'autre fondateur du forum relevait du patriarcat de Constantinople, et donc aussi du calendrier révisé, et que nous n'avions pas vocation à ce que notre travail (et notre argent: parce que, figurez-vous, il y a quand même quelqu'un qui paie depuis vingt ans les frais d'hébergement du présent forum) serve à faire tourner une machine de guerre contre nos propres évêques.
Je vous passe un certain nombre d'épisodes délirants que nous avons vécus avec nos visiteurs paléohimérologites, y compris des usurpations d'identité, et, il y a très longtemps, vu qu'ils ne se pliaient à aucune règle de la netétiquette ou de la simple courtoisie et qu'ils empêchaient toute discussion normale, nous avons pris la décision d'exclure tous les vieux-calendaristes en tant que tels.
Donc, pour être clairs, les animateurs de ce présent forum sont d'affreux intolérants ad personam (ou sans doute, comme les Ukrainiens, des "néo-nazis"): nous avons exclu tous les vieux-calendaristes en tant que tels et nous leur fermons la porte en tant que tels, non parce qu'ils ont tenu des propos en faveur de leur position, mais parce que l'expérience a montré que, tout en se plaignant de la (réelle) intolérance de l'Eglise à leur égard, ils ne savaient que saboter tout espace de discussion qui leur était ouvert.

De même qu'il peut arriver que quelqu'un soit exclu non pas pour avoir tenu des propos en faveur de telle ou telle cause, mais parce qu'il est grossier, impoli, menaçant (et d'autant plus quand les menaces sont grotesques) ou qu'il fait de l'entrisme.

De même que je suis fier devant ma conscience d'avoir banni de ce forum orthodoxe un certain "théologien" catholique romain qui y venait pour faire du prosélytisme, d'ailleurs peut-être même pas en faveur du catholicisme romain, mais d'une construction personnelle, puisque le personnage en question s'est vu interdire d'enseignement par l'ordinaire de son diocèse, Monseigneur Guy Harpigny. Si en plus nous devrions devenir l'exutoire des marges d'autres confessions chrétiennes, quelle serait encore l'utilité de maintenir ce forum orthodoxe?
Claude le Liseur
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Le site Orthodoxie.com nous apprend désormais que des diocèses d'Ukraine (je suppose de "l'Église orthodoxe CANONIQUE" de Moscou, comme est je suppose "CANONIQUE" la juridiction revendiquée par Moscou au Kenya et dans d'autres pays d'Afrique, auraient demandé que la question de l'autocéphalie de l'Orthodoxie ukrainienne soit abordée.

https://orthodoxie.com/%ef%bf%bcdes-dio ... t-abordee/

Il me semble que l'autocéphalie a déjà été accordée par le patriarcat de Constantinople le 6 janvier 2019, mais bon, là on n'avait pas le droit de la demander.

Comme disait un nationaliste irlandais: "Le premier qui se révoltera l'aura toujours fait trop tôt, mais il faudra bien que quelqu'un, quelque part, se révolte le premier..."

J'aime bien le fétichisme de la canonicité. L'Eglise de Grèce était-elle canonique entre 1833 et 1850? Et l'Eglise de Roumanie entre 1864 et 1885? Mais elles avaient un peuple. Je laisse à d'autres préférer "l'Église orthodoxe CANONIQUE" sans fidèles, flottant entre ciel et terre à la plus grande joie des adorateurs de l'Idée "CANONIQUE".

J'ai déjà écrit ici, le 8 octobre 2019, que Michel Laroche se distinguait de gens comme Evloghios Hessler par le fait qu'il avait écrit au moins deux bons livres, dont Les racines chrétiennes orientales de l'Europe (Editions Erick Bonnier, Paris 2019), où il faisait la réflexion suivante (page 514 ):
Dans quelle direction va la fidélité patriotique du patriarche de Moscou ? Nous le savons, le monde entier le sait, et tous les membres de l'Eglise d'Ukraine, dont je fais partie, le savent: la fidélité du patriarche de Moscou - et c'est tout à fait légitime, va à la Fédération de Russie, à son armée et au chef de cette armée le président Wladimir Poutine. Et c'est exactement là que se situe le fond du débat ecclésiologique. Le patriarche de Moscou ne peut être le Père et le Berger aimant des croyants ukrainiens dont il nie l'existence en tant que peuple d'une nation souveraine. Non seulement il ne prie pas pour l'armée ukrainienne, il ne bénit pas ses soldats, mais il prie pour la victoire des armées russes au détriment du territoire national ukrainien; il prie pour la disparition de l'Ukraine comme nation indépendante en rêvant à haute voix qu'elle redevienne un territoire de l'Empire russe.
Claude le Liseur
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Ceci étant, le conflit qui oppose actuellement la Russie et l'Ukraine a permis une nouvelle offensive du Vatican contre l'Orthodoxie, puisque nous apprenons par le site orthodoxie.com que la députée à la Rada ukrainienne Oxana Savtchouk a déposé un projet de loi visant à la confiscation des églises et des monastères du patriarcat de Moscou en Ukraine:

https://orthodoxie.com/un-projet-de-loi ... ukrainien/
Un projet de loi portant le N°7204 et daté du 22 mars « Sur l’interdiction du Patriarcat de Moscou sur le territoire ukrainien » a été publié sur le site du parlement ukrainien. L’auteur du projet est la députée Oxana Savtchouk, qui a été élue au parlement sur la liste du parti « Union pan-ukrainienne – Liberté » dans la ville d’Ivano-Frankivsk.

Le projet prévoit l’interdiction, sur le territoire ukrainien, du Patriarcat de Moscou et des organisations religieuses qui en font partie, « dont l’Église orthodoxe ukrainienne ». « Tous les biens ecclésiastiques des organes suprêmes du pouvoir ecclésiastique et de l’administration de l’Église orthodoxe russe en Ukraine et des organisations religieuses qui constituent une partie de l’Église orthodoxe russe en Ukraine, dont la métropole de Kiev de l’Église orthodoxe ukrainienne, les institutions synodales, les administrations diocésaines, seront inventoriés et nationalisés dans un délai de 48 heures depuis l’entrée en vigueur de la loi, conformément à la procédure établie par le Cabinet des ministres de l’Ukraine », est-il dit dans le document.

Dans l’article 2 est prévu que les communautés religieuses, les monastères et les établissements d’enseignement du Patriarcat de Moscou peuvent changer leur subordination [ecclésiastique] pendant 14 jours à partir de l’entrée en vigueur de cette loi, conformément à la loi ukrainienne « Sur la liberté de conscience et les organisations religieuses », ce qui leur permettra de conserver leurs biens. Il est dit dans l’article 4, que les laures de la Sainte-Dormition à Kiev, à Potchaïev, et à Sviatogorsk, ainsi que d’autres monuments architecturaux d’importance nationale, appartenant ou étant utilisés par le Patriarcat de Moscou deviendront la propriété de l’État, et les décisions précédentes sur leur utilisation seront annulées.L’article 5 dispose que lors du changement de subordination des communautés religieuses, des monastères et établissements d’enseignement du Patriarcat de Moscou, le Service de sécurité d’Ukraine vérifiera les informations sur l’activité anti-ukrainienne, antiétatique, ou collaborationniste avec l’agresseur russe. Dans le cas de confirmation de l’information, les coupables seront traduits en justice pénale conformément à la législation en vigueur.
Toutefois, ce qu'orthodoxie.com oublie de nous dire (œcuménisme oblige ?), c'est que cette dame Oxana Savtchouk a reçu une distinction du pape François (dont le "progressisme" et l'idéologie de gauche affichée vis-à-vis de l'Occident ne s'appliquent visiblement pas aux relations avec le "cirque galicien" néo-nazi, mais constitué d'uniates confits en dévotion devant le Vatican - dame Savtchouk est élue du parti Svoboda), ce qu'indique sa notice sur le Wikipédia ukrainien (tapez Савчук Оксана Василівна). On a donc visiblement affaire à une farouche uniate ("grec-catholique").

Précisons aussi que dame Savtchouk est l'unique représentante de son parti à la Rada. En effet, aux élections de 2015, Svoboda n'a obtenu que 315'568 voix, soit 2,15%, en dessous du seuil de 5% nécessaire pour participer à la répartition des 225 sièges répartis à la proportionnelle. Je suppose néanmoins que ces voix étaient concentrées chez les uniates et que les résultats ont dû être excellents au cœur du cirque galicien. Madame Savtchouk a été élue dans une circonscription uninominale (la 83e circonscription, Ivano-Frankivsk) où elle a tout de même obtenu 46,67% des voix (scrutin à un tour).

Ainsi, le président Poutine, supposé orthodoxe et hostile à l'impérialisme américain, aura réussi l'exploit, non seulement de discréditer tous les hommes politiques qui, en Europe de l'Ouest, s'opposaient à la présence militaire étasunienne et à l'OTAN, mais aussi de donner prétexte à une nouvelle offensive des uniates contre l'Orthodoxie, visant cette fois-ci à rien de moins qu'à interdire le culte orthodoxe sur le territoire ukrainien. Madame Savtchouk réalise ainsi un vieux rêve uniate, puisqu'il s'agit de revenir à la situation qui a prévalu dans les territoires ukrainiens soumis à l'autorité de la Pologne après la fausse union de Brest en 1596. Toujours ce vieux culte uniate de la persécution et de l'intolérance, comme lorsque les uniates détruisaient à coups de canon les monastères de Transylvanie. Le monde moderne, avec la prévalence de la tolérance religieuse, n'a aucune prise sur eux. Les uniates restent bloqués au début du XVIIe siècle quand ils enfermaient les orthodoxes dans les églises pour les brûler vifs. Le sanguinaire Josaphat Kuncewicz reste vraiment leur saint patron.


Ceci étant, qu'une telle proposition de loi puisse être déposée à la Rada montre le pouvoir des uniates. Peu importe que, d'après leurs propres statistiques, ils soient dans une proportion de 1 à 3,5 par rapport aux orthodoxes. (Mais ces orthodoxes sont-ils seulement baptisés ?) L'Ukraine est donc sans doute essentiellement un pays catholique romain où les orthodoxes, quel que soit leur nombre (et peut-être sont-ils beaucoup plus nombreux que les uniates), sont traités en minorité. Après tout, on connaît bien des cas où une majorité numérique est traitée en minorité sociologique et politique; ainsi en est-il des francophones du Québec, qui représentent 75% de la population, mais sont traités en minorité à peine tolérée par la minorité démographique anglophone.
Claude le Liseur
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Re: Ukraine: de la vérité des chiffres

Message par Claude le Liseur »

On m'a reproché d'avoir utilisé des sources uniates. Est-ce ma faute si les uniates sont très actifs en matière de sondages et d'enquêtes d'opinion?

Les uniates donnent une population ukrainienne qui compterait 10% d'uniates et 35% d'orthodoxes, soit un rapport de 1 à 3,5 en faveur des orthodoxes.

D'autres sources donnent un rapport beaucoup plus défavorable aux orthodoxes: 10% d'uniates et 13% d'orthodoxes, soit un rapport de 1 à 1,3 en faveur des orthodoxes. Les orthodoxes représenteraient alors au total moins de la moitié de ceux qui ont une religion.

Il ne semble donc pas que les uniates aient gonflé leurs effectifs.

Quoiqu'il en soit, toutes les sources indiquent, parmi les orthodoxes, une minorité dans l'Eglise CANONIQUE si chère à nos lecteurs: le rapport entre Eglise autocéphale et patriarcat de Moscou varie, selon les enquêtes, entre 2 pour 1 et 3 pour 1, mais il est toujours en défaveur du patriarcat de Moscou. Peu importe que le patriarcat de Moscou annonce plus de paroisses: elles peuvent aussi avoir moins de fidèles.

Guidé par le souci de défendre l'Orthodoxie et confronté à sa fragilité en Ukraine, je reste convaincu que l'octroi de l'autocéphalie reste le meilleur moyen d'empêcher que les 13% d'orthodoxes annoncés par certaines enquêtes ne se retrouvent bientôt 3%, et aussi le meilleur moyen d'espérer un jour une remontée à 15 ou 20%. Il s'agit à mes yeux de considérations pastorales qui méritent d'être examinées.
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Re: Ukraine: de la vérité des chiffres

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Henri a écrit : lun. 29 juil. 2019 13:07

Ne fréquentant plus guère le "Forum Orthodoxe", je suis très surpris de lire ici sous la plume du Lecteur Claude, ces justifications de l'ingérence du Phanar dans la vie d'une Église Locale dans le but de faire le jeu des menées géostratégiques États-Uniennes en Ukraine. Pour étayer ces justifications ce sont les chiffres d'un site uniate ukrainien qui sont retenus d'entrée de jeu. Heureusement que j'étais assis. De plus si le Lecteur Claude dénonce à juste titre les dérives "impérialistes" de certains, les dérives papistes d'un Patriarcat de Constantinople ne semble pas le déranger. Constantinople jadis capitale d'un Empire, statut qui lui valut sa primauté après la chute de Rome hors de la communion orthodoxe, est aujourd'hui en état de grande précarité et ne doit sa subsistance que grâce aux E-U qui l'ont sous leur coupe.
Je dois avouer que j'ai mal au cœur de voir le présent forum en rupture totale d'avec ce qu'il m'a jadis appris avec tant de rigueur ! Si tout les exclus, ou tous ceux qui se sont fait vertement tancer sur le forum orthodoxe de jadis pour leurs propos en faveur du catholicisme, de l'uniatisme, ou des schismes vétéro-calendaristes, pouvaient lire ce fil de discussion ils seraient édifiés et peut-être enclin à revenir palabrer à nouveau ici !

Pour tous ceux qui sont désireux de connaitre la vérité sur l'intervention inique de Constantinople en Ukraine, sur les exactions subies par les fidèles de l'Église orthodoxe CANONIQUE (mot qui a semble-t-il aussi déserté ce forum !) d'Ukraine, chassés de leurs églises, toutes les ressources sont suffisantes sur internet pour se faire une opinion selon la vérité, mais pas évidemment sur les sites Uniates !!!!
Personnellement j'aide financièrement un jeune prêtre et ses fidèles à reconstruire une petite église dans une maison en ruine pour remplacer leur ancienne église d'où ils ont été chassés par des nationalistes tendances néo-nazis à la solde de l'impérialisme maçonnico-protestant Américain. Impérialisme responsable des guerres mensongères les plus ignobles des dernières décennies avec le cortège d'atrocités et dont les chrétiens ont bien souvent faits les frais comme en Irak où en Syrie.
Je suis avec intérêt toute les déclarations du primat CANONIQUE de l’Église orthodoxe canonique d'Ukraine, Mgr Onuphre, dont l'envergure spirituelle ne fait aucun doute pour ceux ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre ! Par contre les anciennes déclarations guerrières et vengeresse de l'anathème Philarète à l'égard des insurgés du Donbass, font, elles, froid dans le dos ! Nombres de clercs des écclésioles schismatiques ukrainiennes ont été ordonnés par Philarète Denissenko alors qu'il était anathème ! Cela ne semble plus poser un quelconque problème au Forum Orthodoxe. Nous n'avons plus la même orthodoxie, dont acte.
Il va de soi que je viendrai plus cherche un quelconque renseignement ici.
Question aux grands spécialistes de la canonicité: l'exarchat du groupe Wagner (pardon, l'exarchat du patriarcat de Moscou en Afrique, sur le territoire canonique du patriarcat d'Alexandrie) est-il canonique?
Claude le Liseur
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Re: Ukraine: de la vérité des chiffres

Message par Claude le Liseur »

Suite des événements.

Confrontée à des pressions insupportables de la part des autorités ukrainiennes, l'Eglise orthodoxe d'Ukraine du patriarcat de Moscou a proclamé son "indépendance".

Le statut d'indépendance, qui n'existe pas en droit canonique orthodoxe, lequel ne connaît que l'autocéphalie et l'autonomie, avait été inventée par l'archevêché de la rue Daru en 1966 quand celui-ci refusait de rejoindre le patriarcat de Moscou... qu'il a fini par rejoindre.

Bien entendu, le patriarcat de Moscou ne s'oppose pas à cette "indépendance" dont on comprend qu'elle n'est qu'un expédient pour la durée de la guerre, et en attendant que les autorités ukrainiennes reviennent à de meilleurs sentiments, redécouvrent l'existence de la liberté religieuse et permettent à ladite Eglise de retrouver sa place au sein du patriarcat de Moscou. D'ailleurs, les diocèses des territoires qui font l'objet de revendications territoriales de la part de la Russie (Crimée et Donbass) n'ont pas participé à ladite "indépendance" qui n'aurait eu aucun sens dans leur cas. (Le gouvernement ukrainien n'est plus en mesure d'interférer dans les affaires religieuses ou de se livrer à des pressions sur les organisations religieuses en Crimée depuis 2014, et dans le Donbass depuis quelques semaines.)

Bien que n'ayant un statut qui n'existe pas en droit canonique, l'Eglise ukrainienne "indépendante" sera donc sans doute considérée comme aussi canonique que l'exarchat du groupe Wagner en Afrique (pardon, l'exarchat du patriarcat de Moscou sur le territoire du patriarcat d'Alexandrie), puisque c'est la position du patriarcat de Moscou qui est devenue le seul critère de la canonicité.

D'ailleurs, l'Eglise ukrainienne "indépendante" considère toujours l'Eglise autocéphale comme schismatique et refuse la communion avec Constantinople et Alexandrie qui ont reconnu l'Eglise autocéphale...

... ce qui l'a amené à annoncer à grand renfort de publicité la création d'une paroisse à Bruxelles, où je doute qu'il y ait beaucoup de fidèles ukrainiens...

.. mais qui a surtout l'avantage de montrer que l'on n'est pas en communion avec Constantinople, puisque chacun sait que les paroisses orthodoxes d'origine ukrainienne en Europe occidentale, dans les Amériques et en Océanie sont organisées en diocèses qui se trouvent dans la juridiction du patriarcat de Constantinople. Comme l'un de ces diocèses a son siège à Genk (province de Limbourg, en Région flamande), depuis de nombreuses années, il était naturel que l'Eglise "indépendante" créât sa première paroisse à l'étranger en Belgique: peu importe qu'il y ait, ou pas, des fidèles, c'était une occasion inespérée de montrer qu'elle poursuit sa guerre contre Constantinople.
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Re: Ukraine: de la vérité des chiffres

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Nikolas a écrit : sam. 22 déc. 2018 15:10 Ukraine: de la vérité des chiffres (suite)
Rapport du 01.01.2018 source officiel
https://risu.org.ua/ua/index/resourses/ ... 018/70440/

Extrait
Eglise orthodoxe d’Ukraine 12 348 paroisses / 211 monastères / 10 424 prêtres / 4 721 moines / 18 écoles de théologies /....
(liée au Patriarcat de Moscou)

Patriarcat de Kiev (Philarète) 5 167 paroisses / 62 monastères / 3 640 prêtres / 216 moines / 18 écoles de théologies / ....

Eglise autocéphale ukrainienne 1 167 paroisses / 12 monastères / 693 prêtres / 15 moines / 8 écoles de théologies / ....
(Macaire)
Même en regroupant Philarète et Macaire, la nouvelle structure schismatique érigée par Constantinople et Porocheko fait pâle figure face à l'Eglise orthodoxe d'Ukraine.

Ce qui est frappant par rapport au sondage évoqué plus haut, c'est la disparité entre le soi-disant nombre de fidèle et les réels force vive clairement recensés, à savoir les moines et le clergé, des schismatiques.
Si l'on compare les schismatiques avec les catholiques ukrainiens, même ces derniers ont 7 fois plus de moines, et ont autant de clercs que les Philaristes.
De quoi relativiser l'importance réel des schismatiques.
Par contre comme le soulignait Claude ont voit bien l'importance des groupes néo-protestants.

Je pense que votre méthode de calcul était la plus appropriée et je fais mon mea culpa.

En effet, absolument toutes les sources que j'ai trouvées mentionnent toujours un rapport de 2 à 1 ou de 3 à1 en faveur des autocéphalistes ukrainiens par rapport à l'Eglise d'Ukraine du patriarcat de Moscou, aujourd'hui "indépendante".

Cette proportion s'expliquait peut-être aussi par la présence plus forte du patriarcat de Moscou dans les régions les plus totalement déchristianisées de l'Ukraine (Donbass, Zaporojia) et par la présence plus forte des autocéphalistes dans des régions moins marquées par le communisme.

Toutefois, aucune de ces sources ne dit clairement combien de fidèles, ou quelle proportion de la population, représente l'addition des deux groupes (autocéphalistes + Moscou). En clair, quel pourcentage, même approximatif, représentent les orthodoxes au sein de la population ukrainienne? 30%, 10%, plus, moins ?

Qui plus est, je commence quand même à m'étonner que les seuls orthodoxes ukrainiens que je rencontre sont des descendants de personnes qui ont émigré au Canada entre 1890 et 1950, et que presque tous les Ukrainiens d'Ukraine que j'ai croisés au cours de ma vie étaient protestants quand ils n'étaient pas athées militants / communistes postsoviétiques.

Je pense que, même si ce pays restera a priori à majorité athée postsoviétique, la minorité croyante basculera de manière irrésistible de l'Orthodoxie et de l'uniatisme vers le protestantisme, si ce n'est pas déjà fait. (Comme le basculement de la majorité confessionnelle du catholicisme romain vers le protestantisme en Amérique latine est a priori irrésistible.) C'est en effet le moyen le plus direct de vivre le rêve américain.

Il y a quelques semaines, je croisais au bord d'un lac de l'agreste commune alpine où j'ai décidé de me réfugier après avoir fui les miasmes de Piogre, une famille ukrainienne (pas de réfugiés, d'immigrés), qui me sont apparus comme l'incarnation même de l'Ukraine contemporaine: installés à demeure dans une commune où le français est la seule langue officielle, ils ne parlaient qu'anglais, car, fidèles en cela à une tradition des Postsoviétiques qui vivent parmi nous, ils n'allaient pas s'abaisser à apprendre la langue des indigènes; et pour le reste, baptistes. Pas orthodoxes, ni même catholiques romains pour s'intégrer dans un canton de tradition catholique romaine; non, baptistes. Anglophones et baptistes, le rêve ukrainien. Mais vécu ni en Ukraine, ni aux Etats-Unis, mais chez moi. (Désolé, je ne suis pas encore totalement rééduqué par le wokisme et j'ai encore le sentiment d'être chez moi chez moi.) Leur rêve, mon cauchemar. Aussi n'ai-je voulu communiquer avec eux qu'en russe et n'ai-je répondu qu'en russe à ce qu'ils me disaient en anglais. Après tout, s'ils refusent d'apprendre la langue de l'endroit où ils vivent, de quel droit peuvent-ils m'imposer le patois globish plutôt que le russe ou l'allemand ? Donc, j'ai résisté à l'impérialisme à ma façon, en m'accrochant à la langue russe. Au passage, je ne serais pas gêné plus que ça s'ils allaient vivre leur rêve américain dans l'Anglosphère plutôt qu'en terre francophone.

Je me demande donc quel est l'état réel de la survivance orthodoxe en Ukraine après 70 ans d'athéisme forcené et 35 ans d'américanisation. Je ne serais pas surpris d'apprendre qu'il y a en fait d'ores et déjà beaucoup plus de protestants que d'orthodoxes en Ukraine.

D'où l'intérêt de renoncer à ma méthode erronée qui consistait à accorder de l'importance à des sondages et à suivre la méthode plus juste de Nicolas en s'appuyant sur la statistique des lieux de culte.
Les effectifs du clergé, en eux-mêmes, ne disent rien. Avec des subventions diverses, on peut bien avoir un prêtre pour 100 baptisés tandis qu'une autre juridiction aura un prêtre pour 1'000 baptisés. Impossible de savoir.
En revanche, ce qui est pertinent, c'est le nombre de lieux de culte.

D'autant plus qu'au vu des effectifs probablement déjà très faibles et en déclin rapide des orthodoxes en Ukraine, et dans la mesure où je n'entends parler d'aucun effort missionnaire de la part de quelque diocèse orthodoxe que ce soit dans ce pays, je suis de plus en plus convaincu que la rivalité entre les autocéphalistes et le patriarcat de Moscou porte sur des bâtiments beaucoup plus que sur des âmes. Je suis de plus en plus enclin à penser que cette interminable schisme en Ukraine est une tragédie qui n'a plus de spectateurs (ceux-ci ayant rejoint depuis longtemps les rangs des
baptistes et pentecôtistes) et qui porte sur la possession de bâtiments prestigieux et de monuments historiques, avec tout ce que cela implique.

Je ne plaisante pas: même en Europe occidentale, je sais d'expérience que lorsqu'une paroisse est propriétaire d'un monument historique, elle se trouve dans une situation plus favorable.
Claude le Liseur
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Re: Ukraine: de la vérité des chiffres

Message par Claude le Liseur »

En fin de compte, les vrais chiffres, je les avais. Ils ne sont naturellement pas en anglais et pas sur Internet, mais bien en français et dans un livre sérieux.

Bien entendu, puisque l'on me reproche déjà d'aller chercher des chiffres chez les uniates ukrainiens, on me reprochera encore plus cette source, puisqu'il s'agit d'un auteur polonais et catholique romain, Jerzy Kloczowski.

Source: Jerzy Kloczowski, "Les christianismes dans l'Europe du Centre-Est", in Histoire du christianisme, tome 13, Desclée, Paris 2000, pp. 385-425.

Ces chiffres ont été publiés en 2000, mais ils reposent sur des enquêtes menées dans les années 1995 à 1998.

Il soulignait la relative force de l'Orthodoxie roumaine et la relative faiblesse de l'Orthodoxie bulgare, ce qui n'a fait que se confirmer avec le passage du temps.

Rapportant (page 414) les chiffres d'une enquête de Z. Żuchowska, il arrivait à 2 millions d'orthodoxes en Biélorussie et 10 millions en Ukraine en 1995. Donc des proportions de l'ordre de 20%.

Mais une enquête spécifique à l'Ukraine, menée par J. Stocki en 1998 et citée page 415, faisait apparaître des proportions réelles beaucoup plus basses: il y avait 92% d'athées dans la ville de Kiev et 94,5% dans l'oblast de Donetsk, qui constitue en gros la moitié du Donbass et fait l'objet d'une revendication territoriale de la part de la Fédération de Russie.
Cela ne veut bien entendu pas dire que les 8% de croyants de la ville de Kiev ou les 5,5% de l'oblast de Donetsk étaient des orthodoxes. Il y avait aussi, dans cette population, des catholiques romains, des protestants, des juifs, des musulmans, des bouddhistes, des hindous, des néo-païens, etc.
En revanche,
D'après J. Stocki, il y avait en Ukraine en 1998 7,6 millions d'orthodoxes (6 millions dans le patriarcat de Moscou et 1,6 millions d'autocéphalistes), face à 2'900'000 catholiques romains (dont 2'500'000 uniates) et déjà 800'000 protestants (page 416).

Conclusion: les chiffres que l'on trouve sur Internet en anglais, les 17 millions d'orthodoxes en Ukraine, ou le chiffre délirant de 78% d'orthodoxes (30 millions!), sont complètement bidons quelque soit leur source, uniate ou pas.

Je ne suis pas assez idiot pour croire que les 94,5% d'athées militants de l'oblast de Donetsk en 1998 se sont transformés en 2022 en 51% d'orthodoxes comme on l'écrit sur Wikipédia. Mensonge et désinformation.

Et pourtant l'intoxication marche, elle marche à fond. Depuis la guerre du 24 février et le passage de l'Ukraine au premier rang de l'actualité, j'ai vécu des épisodes qui relève du délire. Un déjeuner où un convive, pourtant catholique romain et averti, m'a sorti que l'Ukraine était le pays le plus orthodoxe d'Europe (plus orthodoxe que la Grèce ou la Roumanie, vraiment?). Un prêtre de paroisse orthodoxe francophone se mettant à mettre un panneau en ukrainien dans l'espoir d'accueillir des fidèles qui ne sont jamais venus (et pour cause: ceux qui ne sont pas athées militants sont protestants). Un vaste enfumage visant à nous faire accroire la thèse d'une Ukraine européenne et chrétienne face à une Russie stagnant dans le postsoviétisme.

Pourtant, moi, la Russie, je l'ai un peu pratiquée, et j'ai vu les églises reconstruites et les chapelles dans les gares et les aéroports. Je doute fort de la propagande visant à nous présenter l'Ukraine comme un pays plus christianisé (et donc moins postsoviétique) que la Russie.

Qui plus est, même si les orthodoxes se trouvaient réunis dans une seule Eglise autocéphale en Ukraine, cela n'arrêtera sans doute pas la dégringolade. Le désir d'être Américain se couplera au rejet de tout ce qui est russe (et l'Orthodoxie sera forcément assimilée à la Russie) pour entraîner définitivement dans le néo-protestantisme anglo-saxon (baptistes, pentecôtistes, etc.) la minorité croyante de la population. Ce mouvement s'étendra inévitablement aux uniates et aux protestants historiques.

Bref, vers 1998, on avait 7,6 millions d'orthodoxes en Ukraine, soit 15% de la population de l'époque. Rien ne dit combien, parmi eux, fréquentaient l'église de temps en temps. Tout laisse supposer que la proportion et les effectifs se sont effondrés depuis, au profit des baptistes et des pentecôtistes. Tous ceux qui ont cru aux statistiques d'origine ukrainienne qui circulaient sur Internet ont déchanté quand on a vu arriver les réfugiés de la guerre de 2022. Un quotidien comme Le Temps - il est vrai un des journaux les plus bêtes de toute la Francophonie - avait fantasmé sur les Ukrainiens qui allaient devenir une "diaspora orthodoxe importante en Suisse" (Le Temps du 26 mars 2022). On a vu ce qu'on a vu.

Je pense quand même qu'il y a beaucoup plus que 10% d'orthodoxes en Russie (même s'ils ne sont là-bas aussi qu'une minorité face à l'athéisme postsoviétique), alors cette histoire d'une Ukraine qui serait moins marquée par le soviétisme que la Russie.

Kloczowksi est Polonais et catholique romain, mais ces chiffres à lui sont vrais.

Alors, laissons le patriarcat de Moscou et les autocéphalistes se disputer leurs églises-musées sans fidèles, et concentrons-nous sur les pays où l'Orthodoxie est encore vivante... et en premier lieu chez nous, en Europe francophone.
Claude le Liseur
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Re: Ukraine: de la vérité des chiffres

Message par Claude le Liseur »

Dans le canton rural et alpin où je me suis réfugié parce que je ne voulais pas voir mes enfants grandir dans la capitale du wokisme, de surcroît vouée à une expérience socialiste de grande ampleur, 300 enfants ukrainiens arrivés depuis le 24 février ont fait leur première rentrée scolaire.

Pas un seul ne fréquente l'église orthodoxe.

Voilà ma réponse aux "enquêtes" de l'institut Razumkov, aux déclarations des "orthodoxes" professeurs dans des universités uniates, aux articles de Wikipédia. Voilà ce qu'il en est de l'Orthodoxie ukrainienne. Avait beau mentir qui venait de loin. Maintenant, on a pu voir de près. Nous savons désormais à quoi nous en tenir.

Il est évident, dans de telles conditions, que l'Eglise autocéphale ne peut avoir d'existence réelle, mais que l'on est aussi en droit d'exprimer les plus grands doutes quant à l'existence réelle des milliers de paroisses que le patriarcat de Moscou s'attribue dans ce pays.

J'ai tout lieu de penser qu'en guise de paroisses, il s'agit dans l'écrasante majorité des cas de monuments historiques rendus à l'Eglise, mais qui n'ont vraisemblablement pas de fidèles.

Maintenant que j'ai pu voir de mes propres yeux, je pense que tout ceci n'est que du vent, une immense mystification.

Et j'ai toutes les raisons de penser que le patriarche œcuménique de Constantinople a lui aussi été trompé.

Je n'avais jamais vu un mensonge aussi martelé à l'échelle d'un pays de cette importance. Oui, comment peut-on mentir avec une telle effronterie ?

Je me demande combien d'autres mensonges nous allons découvrir.
Claude le Liseur
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Re: Ukraine: de la vérité des chiffres

Message par Claude le Liseur »

De toute façon, si à l'issue de la guerre actuelle, l'Ukraine est rattachée à la Russie, il me paraît probable que l'Eglise autocéphale soit dissoute sur le territoire actuellement ukrainien et que l'Eglise "indépendante" retourne sous la juridiction directe du patriarcat de Moscou.

Comme les paroisses ukrainiennes hors d'Ukraine (elles sont relativement nombreuses en Amérique du Nord) dépendent du patriarcat de Constantinople, l'Eglise autocéphale ukrainienne n'aura plus d'existence aucune. Une brève destinée de quatre ans (si l'Etat ukrainien ne passe pas l'année).
Claude le Liseur
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Re: Ukraine: de la vérité des chiffres

Message par Claude le Liseur »

Un très intéressant article de Catherine Wanner, de l'université de Pennsylvanie, sur la manière dont, dès 2006, le protestantisme supplantait l'Orthodoxie en Ukraine. Elle se félicite que les luttes de pouvoir entre le patriarcat de Moscou et les autocéphalistes aient retiré toute autorité morale au clergé orthodoxe et ainsi permis le triomphe du protestantisme.

https://www.ucis.pitt.edu/nceeer/2006_8 ... Wanner.pdf

Elle parle aussi de l'alignement culturel de l'Ukraine sur les USA.

Bon, félicitations pour cette paroisse pentecôtiste de Kiev qui a 20'000 fidèles à chaque culte, mais, à mon avis, j'aimerais savoir ce que ce protestantisme pèse réellement en Ukraine face à l'athéisme marxiste-léniniste.
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