Ainsi parlait Georges Florovsky

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Claude le Liseur
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Ainsi parlait Georges Florovsky

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Par le Symbole de la foi, par l’ensemble de son témoignage dans la prière et la liturgie, l’Église orthodoxe affirme le mystère de Dieu fait homme, dans l’esprit et le sens du dogme de Chalcédoine. Elle confesse l’union ineffable de la plénitude de la Divinité et de la plénitude humaine dans toute la vie terrestre du Sauveur : dans sa naissance mystérieuse de la Toujours Vierge Marie par la descente sur elle de l’Esprit Saint, dans Ses tentations, Son abaissement et Ses souffrances « jusqu’à la mort, même jusqu’à la mort de la Croix » [Phil 2,8], Sa résurrection le troisième jour et Son ascension divine avec Sa chair toute pure. Ce sont là des événements réels et historiques qui ont eu lieu dans ce monde, et dont ce monde est trouvé éclairé. « Le Verne S’est fait chair et Il a habité parmi nous » [Jn 1,14] ; cela eut lieu à Bethléem, ville de Judée, sous le règne de Hérode, et cet événement historique est au centre de la foi chrétienne. La foi chrétienne est essentiellement historique, historiquement concrète car elle a sa source dans des événements historiques.


RP Georges Florovsky (1893-1979), « La maison du Père », in Jean-Claude Larchet, En suivant les Pères... La vie et l'œuvre du Père Georges Florovsky, Editions des Syrtes, Genève 2019, p. 155.

Le texte a été publié à l’origine en russe sous le titre Дом очий dans la revue Путь, 7, 1927, pp. 63-86, et a été traduit en anglais et publié sous le titre "The House of the Father" dans The Collected Works of Georges Florovksy, vol. 13, Ecumenism I : A Doctrinal Approach, Büchervertriebsanstalt, Vaduz 1989, pp. 58-80. Traduction française anonyme, faite à partir du texte russe, parue dans le Messager de l’exarchat du Patriarche russe en Europe occidentale, t. XXX, n° 109-112, 1982, pp. 35-58, et revue et corrigée par Jean-Claude Larchet à l’occasion de la publication du livre de 2019.
Claude le Liseur
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Les dogmes sont des témoignages, « dignes de Dieu », de l’esprit humain sur ce qui a été perçu et éprouvé, révélé et découvert dans l’expérience catholique de la foi, sur les mystères de la vie éternelle révélés par l’Esprit Saint. Avec une sobre netteté, ces mystères sont découverts dans l’expérience catholique de la foi, dans un contact réel avec « les choses invisibles » ; dans l’Église, il n’est donc pas possible de douter, d’ « admettre » d’autres dogmes : d’autres dogmes révéleraient ou dissimuleraient une vie autre, une autre expérience, un contact différent. Les décisions dogmatiques reflètent et décrivent « la vie dans le Christ », la présence du Seigneur dans les fidèles. La vérité éternelle, a dit le Sauveur, est la connaissance parfaite de Dieu ; le Seigneur n’est pas visible à tous – il n’est visible qu’aux cœurs purs -, mais Il est visible toujours, sans différence des époques et des temps, d’une manière identique, bien que de façons diverses.
Aucune « nouvelle révélation » n’est possible dans l’Église, et toute attente de « nouvelle prophéties » et de nouvelles « alliances » ont été une fois pour toutes rejetées et condamnées depuis les montanistes, comme étant en contradiction directe et certaine avec le contenu essentiel de la Révélation néotestamentaire et niant l’essence même du dogme christologique. Dans le christianisme, il ne peut y avoir aucune nouvelle révélation en dehors du Second Avènement, lorsque l’Histoire prendra fin et « qu’il n’y aura plus de temps », lorsque sera accompli le Jugement Dernier et commencera le Règne de Gloire. Par l’Incarnation et la Résurrection du Fils de Dieu, « tout est accompli » ; après l’Ascension du Seigneur, l’Esprit Saint demeure dans le monde et Se révèle continuellement dans les saints de Dieu. Cette glorification qui enrichit le monde par la grâce, ne modifie pas la nature de la vie historique qui demeure totalement uniforme depuis la Pentecôte et jusqu’au « Jugement du Grand Jour ».
RP Georges Florovsky (1893-1979), « La maison du Père », in Jean-Claude Larchet, En suivant les Pères... La vie et l'œuvre du Père Georges Florovsky, Editions des Syrtes, Genève 2019, p. 175.

Le texte a été publié à l’origine en russe sous le titre Дом очий dans la revue Путь, 7, 1927, pp. 63-86, et a été traduit en anglais et publié sous le titre "The House of the Father" dans The Collected Works of Georges Florovksy, vol. 13, Ecumenism I : A Doctrinal Approach, Büchervertriebsanstalt, Vaduz 1989, pp. 58-80. Traduction française anonyme, faite à partir du texte russe, parue dans le Messager de l’exarchat du Patriarche russe en Europe occidentale, t. XXX, n° 109-112, 1982, pp. 35-58, et revue et corrigée par Jean-Claude Larchet à l’occasion de la publication du livre de 2019.
Claude le Liseur
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On peut également dire que les « confessions » divergentes ne peuvent d’aucune manière être unies, car chacune d’elles est une entité fermée, et une mosaïque d’éléments hétérogènes n’est pas possible dans l’Église. Ce qui se trouve en opposition, ce ne sont pas des « confessions » égales, mais d’une part l’Église et d’autre part le schisme, lequel est un dans son esprit d’opposition même s’il est varié dans ses manifestations. Le schisme ne peut être guéri que par sa liquidation, par le retour à l’Église. Il n’y a pas de christianisme « partiel » - « le Christ se serait-il divisé ? » Il n’y a que l’Église une, sainte, catholique et apostolique – l’unique maison du Père ; et les fidèles, disait saint Cyprien de Carthage, « n’ont d’autre maison que l’unique Église ».
RP Georges Florovsky (1893-1979), « La maison du Père », in Jean-Claude Larchet, En suivant les Pères... La vie et l'œuvre du Père Georges Florovsky, Editions des Syrtes, Genève 2019, p. 183.

Le texte a été publié à l’origine en russe sous le titre "Дом очий" dans la revue Путь, 7, 1927, pp. 63-86, et a été traduit en anglais et publié sous le titre "The House of the Father" dans The Collected Works of Georges Florovksy, vol. 13, Ecumenism I : A Doctrinal Approach, Büchervertriebsanstalt, Vaduz 1989, pp. 58-80. Traduction française anonyme, faite à partir du texte russe, parue dans le Messager de l’exarchat du Patriarche russe en Europe occidentale, t. XXX, n° 109-112, 1982, pp. 35-58, et revue et corrigée par Jean-Claude Larchet à l’occasion de la publication du livre de 2019.

Dans la citation, j'ai fermé les guillemets après le point d'interrogation, ce qui manque dans l'exemplaire du livre que j'ai entre les mains.
Claude le Liseur
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Re: Ainsi parlait Georges Florovsky

Message par Claude le Liseur »

En tout cas, le Nouveau Testament, en tant qu’Écriture, est postérieur à l’Église ; c’est la chronique de l’expérience et de la foi ecclésiales, c’est la foi de l’Église enregistrée par écrit. Et cela concerne en premier lieu les Évangiles. Les Évangiles tracent et fixent pour nous l’image du Sauveur qui, dès le début, était gardée dans la mémoire vivante de l’Église, dans l’expérience de la foi : non seulement dans la mémoire historique, mais aussi dans la mémoire charismatique de la foi. L’Évangile n’est pas seulement un livre de souvenirs historiques : c’est aussi une « prédication » - κήρυγμα – ou un témoignage. Et dans l’Église, nous connaissons le Christ non seulement d’après ses souvenirs ou des récits des autres ; il n’y a pas que Son image qui reste vivante dans la mémoire des fidèles : Lui-même demeure parmi eux et avec eux, Lui-même Se tient toujours à la porte de chaque âme. Dans cette expérience de communion vivante avec le Christ, les souvenirs historiques eux-mêmes sont transfigurés : le cœur reconnaît dans Jésus de Nazareth le Dieu-Homme, son Sauveur.
RP Georges Florovsky (1893-1979), « Fragments théologiques », in Jean-Claude Larchet, En suivant les Pères... La vie et l'œuvre du Père Georges Florovsky, Editions des Syrtes, Genève 2019, p. 192.

Le texte a été publié à l’origine en russe sous le titre Богословские отрывки dans la revue Путь, 31, 1931, pp. 3-29. Traduction française anonyme, faite à partir du texte russe, parue dans le Messager du Patriarche russe en Europe occidentale, n° 105-108, 1980-1981, pp. 51-68, et revue et corrigée par Jean-Claude Larchet à l’occasion de la publication du livre de 2019.
Claude le Liseur
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L’hellénisme, forgé dans le feu d’une nouvelle expérience et d’une nouvelle foi, est renouvelé ; la pensée hellénique est transformée. Habituellement, nous ne percevons pas suffisamment la pleine signification de cette transformation que le christianisme a introduite dans le domaine de la pensée. Il en est ainsi, en partie parce que nous restons trop souvent, philosophiquement, des Grecs anciens, n’ayant pas encore connu le baptême de pensée par le feu, et en partie, au contraire, parce que nous sommes trop habitués à la nouvelle vision du monde, en la percevant comme une « vérité innée » alors que, en réalité, elle ne nous a été donnée que par la Révélation. Il suffit de donner quelques exemples. Premièrement l’idée du caractère créé du monde, non seulement dans son aspect transitoire et périssable, mais aussi dans ses principes primordiaux : pour la pensée grecque, le concept d’ « idées créées » était impossible et offensant. Deuxièmement, en lien avec cela, l’intuition chrétienne que l’histoire était un processus créateur unique, la sensation d’un mouvement issu d’un « commencement » effectif allant jusqu’à un but final, le sentiment d’une histoire qui ne s’autorise d’aucune façon à être liée au pathos statique de la pensée grecque ancienne. Troisièmement, la compréhension de l’homme en tant que personne : le concept de personnéité était totalement inaccessible à l’hellénisme que ne considérait comme personne que le masque. Dernier exemple : le message de la Résurrection dans une chaire glorifiée mais réelle était une pensé qui ne pouvait qu’effrayer les Grecs qui vivaient dans l’espoir d’une future dématérialisation de l’esprit.


RP Georges Florovsky (1893-1979), « Révélation, philosophie et théologie », in Jean-Claude Larchet, En suivant les Pères... La vie et l'œuvre du Père Georges Florovsky, Editions des Syrtes, Genève 2019, pp. 220-221.

Le texte a été publié à l’origine en allemand sous le titre „ Offenbarung, Philosophie und Theologie“ dans la revue Zwischen den Zeiten, 6e cahier, Munich, 1931, et a été repris en traduction anglaise sous le titre "Revelation, Philosophy and Theology" dans The Collected Works of Georges Florovsky, vol. 3, Creation and Redemption, Nordland Publishing Company, Belmont, Massachusetts, 1976, pp. 21-40. Traduction française de Jean-Claude Larchet à l’occasion de la publication du livre de 2019.
Claude le Liseur
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Re: Ainsi parlait Georges Florovsky

Message par Claude le Liseur »

En tant que membre et prêtre de l’Église orthodoxe, je crois que l’Église dans laquelle ‘ai été baptisé et élevé est en toute vérité l’Église, c’est-à-dire la vraie Église et la seule Église véritable. Je crois cela pour de nombreuses raisons : par conviction personnelle, par le témoignage intérieur de l’Esprit qui souffle dans les sacrements de l’Église, et par tout ce que je peux apprendre de l’Écriture et de la Tradition universelle de l’Église. Je suis donc obligé de considérer toutes les autres Églises chrétiennes comme déficientes et, dans de nombreux cas, je peux identifier ces lacunes avec précision. Par conséquent, pour moi, la réunion des chrétiens est simplement une conversion universelle à l’Orthodoxie. Je n’ai pas une fidélité confessionnelle ; ma fidélité appartient uniquement à l’Una Sancta.
RP Georges Florovsky (1893-1979), « La véritable Église », in Jean-Claude Larchet, En suivant les Pères... La vie et l'œuvre du Père Georges Florovsky, Editions des Syrtes, Genève 2019, p. 352.

Extrait de "Confessional Loyalty in the Ecumenical Movement", paru dans The Student World, vol. XLIII, n° 1, 1950, pp. 59-60. Repris sous le titre "The True Church" dans The Collected Works of Georges Florovksy, vol. 13, Ecumenism I: A Doctrinal Approach, Büchervertriebsanstalt, Vaduz 1989, pp. 134-135. Traduction française de Jean-Claude Larchet à l’occasion de la publication du livre de 2019.
J-Gabriel
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Re: Ainsi parlait Georges Florovsky

Message par J-Gabriel »

Dans l’introduction du livre En suivant les Pères... La vie et l'œuvre du Père Georges Florovsky, il y a ce passage, à propos des doctrines sophiologiques du père Boulgakov, que je trouve admirable :
« Nous n’étions pas opposants. Ce sont nos positions qui étaient opposées. Le premier terme signifie un combat personnel entre deux ennemis, tandis que la rencontre de différents pôles de pensée est inhérente à la théologie elle-même et à toutes les écoles de théologie »

op. cit. p.30, note 2.
Car comme indiqué dans l’introduction, les deux gardaient de bonnes relations malgré la Controverse sur la Sophia.


Je dois également dire que l’introduction du livre en question m’a finalement aidé à y voir plus clair dans cette théorie sur la Sophia cf. viewtopic.php?f=1&t=564&p=16068&hilit=Boulgakov#p16090
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Re: Ainsi parlait Georges Florovsky

Message par J-Gabriel »

La première fois que j’ai eu connaissance du RP Florovsky ce fut à travers le livre La Tradition de la collection La pensée orthodoxe à L’Age d’Homme. C’est son article sur lequel j’avais prêté le plus d’attention Révélation, Expérience, Tradition (Fragments théologiques). Ensuite ce fut l’article du RP Meyendorff.

Par la suite j’ai trouvé plusieurs de ses articles (de Nikos Nissiotis aussi d’ailleurs) dans des ouvrages genre Confrontation œcuménique, dont je ferai une liste, et aussi sur le web dont voici déjà deux :

CRÉATION ET RÉDEMPTION

La tradition des Pères et l’ethos de l’Église orthodoxe
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Re: Ainsi parlait Georges Florovsky

Message par J-Gabriel »

TENEBRAE NOCTUM position d’un chrétien de l’église orthodoxe russe p.251-264 dans LE MAL EST PARMI NOUS par Paul Claudel, coll. Présence, Plon, 1948, dont voici un extrait de p.260-261 :
Le mal nous est révélé dans le monde d’abord sous l’aspect de la souffrance et de douleur. Le monde est vide, froid, indifférent (cf. « la nature indifférente » chez Pouchkine). C’est un désert sans réponse… Nous souffrons tous à cause du mal. Le mal disséminé partout dans le monde, tel que nous le connaissons, nous fait souffrir. Et la contemplation de cette souffrance universelle porte parfois jusqu’au confins du désespoir. La souffrance universelle n’a pas été découverte par Schopenhauer pour la première fois. Elle était attestée déjà par saint Paul (Rom., 8, 20-22) et il a donné une explication très clair : le mal est introduit dans la créature par le péché… Toute la créature souffre. Il y a une souffrance cosmique. Le monde entier est empoisonné par les énergies mauvaises et malfaisantes, et en souffre… Le problème épineux de la Théodicée était inspiré en premier lieu par ces faits de souffrance. C’était une des premières questions de Dostoïewski. Le monde est dur, cruel, et sans pitié… Et le monde est terrible et effrayant : terror antiquus. Il y a des chaos dans le monde, des orages souterrains, un désordre élémentaire. Et l’homme se sent fragile et perdu dans ce monde inhospitalier… Mais le mal ne nous rencontre pas seulement en dehors de nous, dans un milieu extérieur, mais aussi en dedans, dans notre existence propre. Nous sommes malades aussi, nous-mêmes, et nous en souffrons… Et puis, c’est une découverte bien inattendue, nous ne souffrons pas seulement du mal, nous faisons du mal. Et parfois on se réjouit du mal et des malheurs. On est ravi parfois de Fleur du mal. On rêve parfois d’un « idéal de Sodome ».Il y a un appel sinistre de l’abîme. On aime parfois les choses ambiguës. On en est enchanté. Faire du mal est plus facile que faire du bien.

R.P. Georges FLOROVSKY
Si vous êtes familier avec les écrits du RP Florovsky, cet article, à mon avis, sort de l'ordinaire. En mettant à part ses articles propres aux situations en Russie, je trouve qu'il a fait principalement dans l’ecclésiologie et aussi dans notre histoire.
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Re: Ainsi parlait Georges Florovsky

Message par J-Gabriel »

La revue FOI et VIE de novembre-décembre 1954 (200fr. anciens à l'époque, pour l'histoire) propose le texte intégral des conférences de l'Assemblée d'Evanston, parmi lesquels "Le défi de la désunion" p.500-508 dont voici un extrait :
Très souvent, les chrétiens de diverses confessions, lorsqu’ils se rencontrent, se traitent plutôt comme des étrangers. Les années que nous venons de vivre de « mouvement œcuménique » moderne ont peut-être amélioré cet état de choses, mais le progrès n’est sûrement pas considérable, pour la simple raison que le « mouvement » lui-même s’est limité en fait à une minorité plus avancée au sein des Eglises. Les Eglises restent divisées.
Le sujet de nos discussions a été formulé comme suit :

Notre unité en Christ et notre désunion en tant qu’Eglises.

Quel est le sens exact de cette formule ? On y dit des chrétiens qu’ils seraient « un en Christ » et pourtant « désunis en tant qu’Eglises ». Cette assertion peut avoir toute une série de sens différents.
Elle peut signifier en premier lieu que les chrétiens sont unis par le Christ, par Son amour rédempteur dont aucun être humain n’est exclu, car le Christ est mort pour tous les hommes et toute l’humanité. Jésus-Christ est le Seigneur de tous, de toute la création, et Son Empire englobe le ciel comme la terre. Tel est, bien sûr, l’enseignement clair et net du Nouveau Testament. Mais, et ce qui suit est dit aussi clairement dans le Message apostolique, l’homme peut manquer le jour de sa visitation et le dessein rédempteur de Dieu peut être contrecarré ou rendu vain par l’obstination ou l’aveuglement humain, par l’absence de réponse humaine. La volonté de Dieu n’est pas encore faite sur terre comme elle l’est au ciel.
En second lieu, cette expression peut signifier que les chrétiens sont effectivement un dans leur allégeance commune au même Seigneur. Certes, ce lien de commune allégeance est très réel, et c’est en plus un lien « surnaturel », car aucun homme ne peut confesser que Jésus est le Seigneur, si ce n’est par le saint Esprit. Nous devons reconnaître dans la gratitude l’existence de ce « lien de paix », de cette communauté d’espérance et d’allégeance, qui seule rend possible notre fraternité œcuménique de recherche. Cependant, cette allégeance même est interprétée et comprise de façons si diverses et si divergentes dans la « chrétienté divisée » qu’elle n’assure pas un fondement suffisant pour notre unité « en tant qu’Eglises ». Même lorsque des chrétiens sont prêts à « demeurer ensemble », dans la charité et l’amour, ils risquent de se trouver dans une épreuve inextricable de séparation des consciences. En dépit de leur commune allégeance, en dépit de ce fondement commun que tous les chrétiens possèdent dans l’Evangile du Christ et dans la Prédication des Apôtres, ils risquent de ne pas pouvoir se rejoindre, avec sincérité et conviction, dans une profession de foi commune.
Lorsque des chrétiens de diverses traditions et confessions se rencontrent dans un « un cadre œcuménique », comme cela a été le cas, par exemple, à Amsterdam, en 1948, ils doivent toujours faire face au fait de leur désaccord de conscience, en dépit même de leur souhait sérieux de se trouver « d’accord », c’est-à-dire de recouvrer l’unité. Le résultat le plus grand du « Mouvement œcuménique » moderne a été d’avoir le courage de reconnaître qu’il y a un désaccord majeur, « notre différence la plus profonde » (comme on a dit à Amsterdam), qui ne peut réellement pas être exorcisée par un appel quel qu’il soit à l’unité et à a tolérance.

Georges FLOROVSKY, (Prof. de théol. Orthodoxe, New-York).

FOI et VIE No 6, NOVEMBRE-DECEMBRE 1954 p.500-502
Pour l'instant je me borne à diffuser que des extraits. Mais j'ai envie de recopier l'entier du texte, parce que l'auteur selon moi, parle entre les lignes...
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