Thierry-VCO a écrit :
Vous avez raison dans un sens. Mais l'important pour un valaisan orthodoxe ce n'est ni la fraternité Pie X, ni le p.d.c. agonisant et encore moins le néo-celtisme monophysite. D'ailleurs M.Mottier refuse le terme de monophysite, cela le mine.
Cela le mine, mais il n'a qu'à assumer ses choix.
En effet, nous lisons dans la profession de foi de l'Eglise celtique de Saint-Dolay, Lettre encyclique de paix, rédigée à Saint-Dolay le 3 juillet 1995, pp. 6 s. (ce texte est disponible sur le site Internet de l'Eglise celtique,
www.orthodoxie-celtique.net/index_eoc.html ; aller sous "présentation", puis sous "lettre encyclique de paix"):
"Et, de la même manière, nous déclarons recevoir comme de pures expressions de la foi apostolique les écrits de : (...) Dioscore pape d'Alexandrie (454), Vincent de Lérins en Provence (474), Philoxène de Mabbough (523), Sévère patriarche d'Antioche (544), (...) Pierre de Mâlig en Egypte (XIIIe s.), Abou'l Barakât Ibn Kabar (1324), Jean ibn Sabbâ (XIVe s.)"
Vous connaissez Abou'l Barakât Ibn Kabar? Moi, non. Si des Occidentaux sont partis à la découverte de l'oeuvre d'Abou'l Barakât Ibn Kabar et ont estimé qu'elle exprimait mieux la foi apostolique que celle de son contemporain saint Grégoire Palamas, c'est quand même le signe qu'ils ont fait un choix qu'il ne m'appartient pas de juger, mais qui reste un choix et qu'ils doivent assumer!
Quant à "Dioscore pape d'Alexandrie" et "Sévère patriarche d'Antioche", voilà ce qu'en dit l'Eglise orthodoxe dans sa liturgie (
lex orandi, lex credendi) dans l'office du dimanche des Saints Pères des six premiers conciles oecuméniques, que l'on fête entre le 13 et le 19 juillet, et que je cite dans la traduction de celui sans qui l'Orthodoxie francophone n'existerait pas, le hiéromoine Denis Guillaume:
Après les Apostiches de l'Octoèque des vêpres:
"Scrupuleusement, Pères saints, *vous avez gardé l'apostolique tradition; * selon la vraie foi vous avez enseigné* la doctrine de la consubstantielle Trinité; * réunis en concile, vous avez rejeté le blasphème d'Arius, *réfuté Macédonius, l'adversaire de l'Esprit, *condamné Nestorius, Eutychès, *
Dioscore, Sabellius et
Sévère le sans-chef. * Nous vous prions d'intercéder pour que, sauvés de leurs erreurs, nous puissions garder, toute notre vie, la pureté de la vraie foi."
A la quatrième ode des matines:
"Dis-nous,
Sévère, est-il bien vrai * qu'une seule nature est le Verbe éternel, * le reflet du Père et son propre Fils? *Or, si tu parles ainsi, c'est une autre nature que tu as désignée: *la chair et le Verbe, en effet, * ne sont pas une, mais deux substances, malheureux!"
A la cinquième ode des matines:
"Le quatrième concile rejeta *
Sévère et
Dioscore, qui blasphémaient contre le Christ, * et confirma le tome de Léon, * évêque de Rome, définissant * bel et bien les deux natures du Sauveur qui ne se peuvent diviser."
A la sixième ode des matines:
"Les deux lettres que Cyrille * jadis a envoyées * à Succensus, évêque d'Orient, * dénoncent l'erreur de
Sévère en prêchant, * selon la vraie doctrine, le Christ.
En deux natures et deux énergies * Cyrille prêche le Christ * et de
Sévère renverse l'hérésie; * c'est pourquoi nous nous en tenons * aux enseigenements du docteur alexandrin.
Nous les fidèles, à juste titre, ô Marie, * nous te proclamons à la fois * Vierge et pure Mère de Dieu, * fermant ainsi la bouche à Nestorius et de
Dioscore rejetant l'hérésie."
A la huitième ode des matines:
"Le quatrième Concile, * celui de Chalcédoine, a rejeté *
Dioscore,
Sévère et Eutychès, * et banni pour toujours * les ronces de leurs hérésies confondant les natures du Sauveur * loin de la sainte Eglise du Christ, avec laquelle nous proclamons la vraie foi."
On voit ainsi, à travers nos textes liturgiques, que l'Eglise orthodoxe tient en piètre estime les écrits de Dioscore d'Alexandrie et Sévère d'Antioche, considérés par l'Eglise celtique de Saint-Dolay comme de "pures expressions de la foi apostolique". Il y donc un problème.
Il n'est pas question de faire ici le procès des vieilles Eglises orientales, dont les fidèles actuels ne savent en général même plus pour quelles raisons leurs ancêtres se sont séparés de l'Eglise orthodoxe, encore moins dans le cas des Malankars du Kérala qui ne sont monophysites qu'à la suite d'un hasard et se sentent orthodoxes (même s'il ne faut pas se faire d'illusions sur l'hostilité à notre égard du clergé de certaines de ces Eglises). La seule remarque que je veux faire, c'est que lorsque des Occidentaux, qui ont accès à des moyens d'information dont ne disposent pas les paysans de Haute-Egypte, font le choix de rejeter Chalcédoine, ils font un choix conscient. Il n'y a jamais eu d'influence monophysite en Occident, alors qu'il y a eu de fortes tentations nestoriennes comme le montre l'épisode malheureux du patriarcat d'Aquilée. Nos ancêtres ont été orthodoxes chalcédoniens; ce n'est pas une pente naturelle pour un Occidental de devenir anti-chalcédonien.
De surcroît, lorsqu'il s'agit, comme à Sion, d'une paroisse qui se trouvait dans la juridiction d'un synode vieux-calendariste grec, et d'un prêtre ordonné par un évêque à la retraite du patriarcat de Moscou, lorsqu'il s'agit ainsi de gens qui connaissent les textes liturgiques que j'ai cités et l'enseignement de la liturgie orthodoxe sur Dioscore et Sévère, le choix de rejeter Chalcédoine et de se rallier à l'Eglise celtique de Saint-Dolay qui considère les écrits de Dioscore et Sévère comme de "pures expressions de la foi apostolique", est encore plus crucial et "militant".
Je peux supposer que le fidèle copte ou éthiopien moyen ne s'est jamais posé la question de savoir si son Eglise a tort ou raison de rejeter la doctrine des deux natures. Mais je pense que lorsqu'une communauté orthodoxe en Suisse décide en bloc de rejoindre une Eglise qui rejette Chalcédoine, c'est qu'elle a pris cette décision en connaissance de cause et qu'elle estime bien que la doctrine monophysite est plus apostolique que la doctrine orthodoxe.
Je l'ai déjà dit: je ne suis pas là pour juger ce choix. J'estime simplement que lorsque l'on a fait un pareil choix, étonnant de la part d'un Occidental, encore plus étonnant de la part d'un orthodoxe, on doit l'assumer.