Poids de la chrétienté orthodoxe dans le monde.Quel avenir

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teddy6424
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Poids de la chrétienté orthodoxe dans le monde.Quel avenir

Message par teddy6424 »

J'aimerais bien savoir quel est le poids réel de la chrétienté orthodoxe dans le monde (millions de fidèles, dynamique, perspectives d'avenir), face aux deux autres pôles chrétiens occidentaux que sont le catholicisme romain et son milliard de fidèles et le protestantisme et ses 600 millions de pratiquants?
Depuis le désastre que constitua pour les orthodoxes l'effondrement de l'empire byzantin , nous paraissons bien divisés , avec nos églises autocéphales, et bien affaiblis, coincés entre le prosélytisme d'autres église et la poussée de l'islam.
Pourtant l'orthodoxie résiste et, parfois, semble marquer des points là où on ne l'attendait pas, en des lieux des plus exotiques, comme au Ghana , en Afrique subsaharienne, où une communauté de près de 5000 fidèles s'est constituée en une décennie.
La Croix est la volonté prête à toutes les douleurs.
Isaac le Syrien

Le silence est le mystère des siècles futurs.
Id.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Un embryon de réponse en ce qui concerne les chiffres. D'abord l'Eglise orthodoxe, ensuite les Eglises préchalcédoniennes.

J'essaie de donner dans la mesure du possible des chiffres justes, pas les estimations gonflées que publient la plupart des Eglises orthodoxes locales en faisant comme si le communisme ou l'uniatisme n'étaient pas passés par là.

Eglise orthodoxe

Turquie 5'000
Afrique 150'000 (Egypte 18'000, Afrique du Sud 50'000, Ghana 5'000, Afrique orientale 30'000, RDC 20'000, quelques millliers dans plusieurs autres pays)
Syrie 450'000
Liban 250'000
Israël 30'000
Palestine 20'000
Jordanie 35'000
Russie 35'000'000
Ukraine 19'000'000
Biélorussie 2'000'000
Moldavie 1'500'000
Reste de la CEI 1'000'000
Serbie-Monténégro 2'000'0000
Bosnie-Herzégovine, Croatie et Slovénie 500'000
Ex-république yougoslave de Macédoine 1'000'000
Roumanie 19'000'000
Bulgarie 2'000'000
Géorgie 2'000'000
Chypre 450'000
Grèce 9'000'000
Pologne 500'000
Albanie 175'000
Tchéquie et Slovaquie 100'000
Finlande 58'000
Hongrie 35'000
Allemagne 1'000'000
Scandinavie 200'000 ?
Royaume-Uni 300'000 ?
Italie 250'000
France 100'000
Belgique 40'000
Espagne et Portugal 100'000 ?
Suisse 130'000 (chiffre officiel extrêmement surévalué...)
Autriche, Pays-Bas, Irlande moins de 100'000
Amérique du Nord 2'000'000
Amérique latine 300'000?
Océanie 400'000
Corée 5'000
Japon 30'000

Total: au moins 100'973'000, disons 101 millions


Eglises préchalcédoniennes (je tente de donner les estimations par Eglise, et non plus par pays, en raison de la diaspora vraiment planétaire de certaines de ces Eglises)

Eglise copte environ 5'000'000
Eglise syriaque moins de 300'000
Eglise d'Ethiopie au moins 25'000'000
Eglise d'Erythrée 2'000'000
Eglise de l'Inde 2'000'000 (dont la moitié rattachés à l'Eglise syriaque et l'autre moitié autocéphale)

Catholicossat arménien d'Etchmiadzine 5'000'000
Catholicossat arménien de Sis 250'000
Patriarcat arménien de Jérusalem 3'000
Patriarcat arménien d'Istanbul 60'000

Eglise catholique apostolique de l'Orient (dite assyrienne ou nestorienne) entre 180'000 et 550'000 selon les estimations

Total des Eglises préchalcédoniennes: au moins 39'730'000, disons 41 millions


Embryon de réponse sur l'autre point: je ne crois pas beaucoup au milliard de fidèles que revendique le catholicisme romain et je ne pense pas qu'une dynamique joue en sa faveur, sauf cas exceptionnels comme en Ukraine.
En revanche, le protestantisme, ou plutôt les protestantismes, est en pleine expansion, mais ce qui gagne du terrain, ce sont des Eglises qui sont plutôt "non-romaines" que vraiment réformées. En tout cas, il est des plus probables que la majorité confessionnelle en Amérique latine passe dans un avenir proche du catholicisme romain au protestantisme, mais il s'agit d'un protestantisme pentecôtiste parfois très éloigné de ce qu'auraient pu imaginer Luther et Calvin. Ces réflexions valent aussi pour l'Afrique noire (sauf que l'Islam y joue les trouble-fête).

Le pentecôtisme gagne aussi beaucoup de terrain en Roumanie et en Ethiopie.

Pour l'instant, la survie de l'Orthodoxie apparaît surtout comme liée à sa capacité de résistance en Grèce, en Roumanie, en Ukraine et en Russie. Dans ces quatre pays, les perspectives démographiques sont lamentables, la natalité y étant inférieure à la mortalité depuis des années. Mais les conversions d'athées en Ukraine et en Russie aboutissent à une très forte remontée de la population orthodoxe depuis la chute du communisme.

Je suppose que, si les communautés orthodoxes émigrées en Occident s'occupaient un peu plus de leur héritage religieux et un peu moins de politique, et si les fidèles orthodoxes de souche sortaient de temps en temps dans la rue pour constater que la France "catholique" ne compte plus guère que 3 ou 4% de catholiques pratiquants ou que l'Europe toute entière connaît une crise spirituelle de grande ampleur à laquelle l'Orthodoxie pourrait apporter la réponse, la question se poserait en d'autres termes...
Dernière modification par Claude le Liseur le jeu. 27 mai 2004 12:09, modifié 1 fois.
eliazar
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Message par eliazar »

Une fois de plus, un très vif remerciement à Claude pour ce que ce tableau suppose de travail préalable.

Maintenant, un brin de critique amicale. Ou plutôt quelques questions.

Puisque l’ordre choisi pour l’énumération « orthodoxe » n’est pas l’ordre alphabétique des États, le classement serait-il par « régions » mondiales (ou zones continentales) ? Mais dans ce cas :
1. Pourquoi la Turquie toute seule et en tête ?
2. Pourquoi tous les États de l’Afrique dans un seul « panier » ?
3. J’ai cru deviner une pointe de polémique de type politique dans le groupement de Chypre (qui autrement aurait dû se trouver avec les États du Moyen-Orient) avec la Grèce. Si je ne me suis pas abusé, je confirme que j’en suis jubilatoirement d’accord – mais ce groupement-là me ferait douter de l’hypothèse d’un groupement général par zones/régions… à moins que ce ne soit l’exception qui confirme la règle ?
4. Estimer l’ensemble de l’ex-Yougoslavie à 3 millions 500 mille orthodoxes – et la seule Roumanie à 19 millions – cela tient-il vraiment d’une prise en compte pragmatique des mêmes critères de déperdition de la foi (dûe au marxisme, etc.), appliquée de manière rigoureusement égale à chacune de ces deux Églises ?

Venons-en au catholicisme romain. Je ne crois pas du tout, moi non plus au « milliard » de ktos revendiqués par Rome. Déjà parce que les chiffres trop ronds m’amusent : je suis d’une génération qui a été bercée par la « Paix de Mille Ans » qu’annonçait le nazisme, et les « Lendemains qui chantent » qu’annonçait de son côté le communisme. Et vivant dans un des peuples qu’elle revendique au plus haut point, je constate comme tout le monde que mes amis « catholiques » sont dans une quasi-totalité de parfaits hérétiques vis à vis des critères encore affirmés par le Vatican. Je crois que l’immense majorité des francophones qui s’étiquettent d’eux-mêmes comme « catholiques » le sont moins que ceux qui, à la Réforme, se déclarèrent (avec un tout autre héroïsme) « réformés ».
Pour la majorité, leur « catholicisme » a surtout une signification sociétale, pour ne pas dire « raciste » (religieusement parlant) : « je suis catholique » veut le plus souvent dire : je ne suis pas athée, ou je ne suis pas juif, ou je ne suis pas musulman, ou je ne suis pas bouddhiste – et dans beaucoup de cas de foyers mixtes : « moi, je ne suis pas comme lui » (ou « comme elle »). Et dans ce dernier cas, cela déguise très souvent un « j’y crois vaguement, mais je ne mets pas les pieds à l’église ». Il serait piquant de comparer le nombre de « catholiques » revendiqués en France par l’Église catholique romaine… et le nombre de formulaires de « denier de St Pierre » retournés aux évêchés chaque année !

Ceci dit :

Crois-tu que les orthodoxes admis par toi sont tous « pratiquants » - en parallèle avec ce que je constate d’une appartenance sociétale, ou de façade, chez les kto ? J’ai constaté plus d’une fois, chez des orthodoxes fréquentant assez régulièrement leur paroisse, un « j’en prends et j’en laisse » identique à celui des ktos, et parfois même un « presque athéisme » tout à fait comparable, et tranquillement affiché. C’est ce qui m’a fait considérer trop souvent certaines paroisses orthodoxes comme « la simple annexe liturgique du Consulat » de tel ou tel pays officiellement orthodoxe.

Alors, quid de notre commune contestation du « milliard du Vatican » ?!

Dernière et plus inquiétante question :

Si nous considérons la balance entre le chiffre global théorique de chrétiens orthodoxes sur la planète, d’une part – et le même chiffre pour l’ensemble des chrétiens non-orthodoxes – n’arrivons-nous pas à une disparité comparable à celle des orthodoxes « canoniques », d’une part, et des orthodoxes « VCO » de l’autre ?
Comment ne pas penser à l’image indienne du chien qui pour se débarrasser de ses puces, entre dans la rivière à reculons, pour finalement noyer en plongeant sa truffe dans l’eau toutes celles qui s’étaient peu à peu réfugiées sur ce modeste promontoire nasal ?

Je veux dire par là que si nous considérons (ce que je fais) les seuls Orthodoxes comme fidèles (dans le monde chrétien) à la foi des Apôtres, et comme constituant de ce fait la seule Église du Christ, dispensant les seuls mystères valides – comment pouvons-nous être choqués par les VCO qui se considèrent comme les seuls Orthodoxes fidèles (dans le monde orthodoxe) à la foi des Pères et comme constituant la seule Église du Christ, dispensant les seuls mystères valides ?

La constatation de ce phénomène de "poupées russes" à l'intérieur du Christianisme (considéré dans ce cas comme l'ensemble de ceux qui reconnaissent et aiment le Christ) ne conduit-elle pas à remettre en cause notre attitude envers ce que j'appelle "l'oecuménisme au nom trompeur"?

Quelque chose comme : A / ...ou bien nous les admettons tous comme nos frères, malgré la myopie (ou la cécité) du plus grand nombre sur les problèmes de "doctrine juste" - B / ...ou bien, à l'intérieur de la seule Orthodoxie, ne serons-nous pas inéluctablement amenés à rejoindre un ensemble également infinitésimal (mais par rapport aux Églises canoniques, cette fois) dénommé "VCO" - avec la seule restriction mentale qui consisterait à ne pas accorder la même importance aux disputes "juridiques" sur les conditions pratiques de leur filiation apostolique qu'à l'exactitude de leur foi (disons : son "orthodoxie", pratique et théorique) par rapport à la tradition - universellement et toujours reconnue par tous - de la seule Église du Christ ?
< Demeurons dans la Joie. Prions sans cesse. Rendons grâce en tout... N'éteignons pas l'Esprit ! >
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

eliazar a écrit :Une fois de plus, un très vif remerciement à Claude pour ce que ce tableau suppose de travail préalable.

Maintenant, un brin de critique amicale. Ou plutôt quelques questions.

Puisque l’ordre choisi pour l’énumération « orthodoxe » n’est pas l’ordre alphabétique des États, le classement serait-il par « régions » mondiales (ou zones continentales) ? Mais dans ce cas :
1. Pourquoi la Turquie toute seule et en tête ?
2. Pourquoi tous les États de l’Afrique dans un seul « panier » ?
3. J’ai cru deviner une pointe de polémique de type politique dans le groupement de Chypre (qui autrement aurait dû se trouver avec les États du Moyen-Orient) avec la Grèce. Si je ne me suis pas abusé, je confirme que j’en suis jubilatoirement d’accord – mais ce groupement-là me ferait douter de l’hypothèse d’un groupement général par zones/régions… à moins que ce ne soit l’exception qui confirme la règle ?
4. Estimer l’ensemble de l’ex-Yougoslavie à 3 millions 500 mille orthodoxes – et la seule Roumanie à 19 millions – cela tient-il vraiment d’une prise en compte pragmatique des mêmes critères de déperdition de la foi (dûe au marxisme, etc.), appliquée de manière rigoureusement égale à chacune de ces deux Églises ?

L'ordre me semble évident, puisqu'il suit la taxis canonique dans laquelle on désigne les Eglises locales (1. Constantinople, 2. Alexandrie, 3. Antioche, 4. Jérusalem, 5. Moscou...) avec indication de la population orthodoxe des pays qui correspondent à leur territoire canonique. Je ne vois pas la polémique à placer la Grèce derrière Chypre, dans la mesure où c'est la taxis canonique qui le fait, l'Eglise de Grèce, autocéphale mais non-patriarcale depuis 1850, venant derrière l'Eglise de Chypre, autocéphale mais non-patriarcale depuis 431. Ce n'est pas ma faute si la taxis canonique ne connaît pas la notion de Moyen-Orient.

Pour l'Afrique, j'ai un chiffre global avec une ventilation pour seulement quelques pays.

Pour la comparaison entre la Yougoslavie et la Roumanie, j'applique rigoureusement les mêmes critères à tout le monde.

Les observateurs s'accordent en général à penser que la Pologne, la Roumanie, le Portugal, la Grèce et l'Irlande sont les pays les plus religieux d'Europe, et que la Bulgarie, la Serbie-Monténégro, les Pays-Bas, la Tchéquie et l'Albanie sont les moins religieux et les plus déchristianisés.

Cela peut paraître paradoxal, mais l'on s'accorde à trouver que la Russie, qui a subi 74 ans de régime communiste, est moins sécularisée que la Serbie-Monténégro, qui en a subi 56. C'est sans doute parce que le régime titiste s'attaquait à une Eglise qui avait déjà été très affaiblie par les événements douloureux des siècles précédents. (En ce qui concerne la Bulgarie, il est évident qu'une Eglise qui était tombée hors de l'Orthodoxie pendant 73 ans en enseignant l'hérésie du phylétisme ne pouvait guère opposer de résistance orthodoxe au communisme.)

A la chute du communisme, une enquête américaine avait classé la Roumanie comme le troisième pays le plus religieux au monde derrière la Pologne et l'Inde. Même si la sécularisation y progresse beaucoup sous l'influence de la civilisation du Coca-Cola, elle reste très faible par rapport à ce qu'elle est en Europe occidentale.

A défaut de faire un voyage en Roumanie, l'observation du nombre de paroisses pour la récente immigration roumaine en Occident et du nombre de paroisses pour la diaspora serbe devrait déjà te donner une idée de la situation. Si tu veux des chiffres, sache par exemple qu'il y a 8'000 moines et moniales en Roumanie alors qu'il doit y en avoir à peu près 500 en Yougoslavie (300 en Bulgarie). On sait que seuls un Serbe sur trois, un Monténégrin sur quatre son baptisés, contre 99,9% des Roumains.

Je ne peux tout de même pas aller plus loin que le patriarcat de Serbie, qui ne revendique que 30% de la population de la Serbie-Monténégro (cf. Foi transmise n° 123, p. 6)!

Je te ferai aussi remarquer que la Roumanie (tout comme la Suisse ou le Canada) est un des rares pays qui tiennent des statistiques confessionnelles, ce qui limite les possibilités de raconter n'importe quoi.


La Roumanie est un pays très religieux (d'ailleurs pas seulement pour ce qui est des orthodoxes, mais aussi des protestants et des catholiques-romains), chose qui frappe souvent les voyageurs étrangers, et le régime communiste a été forcé de tenir compte de cela en laissant les églises paroissiales fonctionner. Ah! mais c'est vrai, l'Eglise de Roumanie n'a pas le "vrai calendrier"! Non, mais elle a des fidèles...

Pour ce qui est du nombre des pratiquants, cela ne sert à rien de dire qu'en Grèce il y a 15% des baptisés orthodoxes qui vont à la liturgie chaque dimanche, que ce chiffre monte à 20% en Roumanie, qu'il descend à 5% en Serbie, etc. D'abord parce que la pratique dominicale n'est pas obligatoire chez nous. Ensuite, parce qu'il y a dans l'Orthodoxie beaucoup de pratiques de piété individuelle et familiale tombées en désuétude dans d'autres confessions chrétiennes, ce qui fait que la comparaison "15% des orthodoxes de Grèce vont à la liturgie chaque dimanche / 5% des catholiques-romains de France vont à la messe en dehors des quatre plus grandes fêtes" ne rend pas la réalité que le poids de la religion orthodoxe dans un pays comme la Grèce est cent fois supérieur au poids de la religion catholique-romaine dans un pays comme la France, ce qui est une chose aussi presque palpable, j'allais dire presque respirable dans l'air, pour le voyageur.

Tes réflexions sur les vieux-calendaristes méconnaissent à mon avis qu'une forte proportion d'entre eux (les vieux-calendaristes roumains du synode de Slatiora et les vieux-calendaristes grecs du synode de Phyli) reconnaissent les sacrements de l'Eglise de Grèce et de l'Eglise de Roumanie. Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai déjà écrit à propos de la position illogique d'un certain nombre de synodes vieux-calendaristes grecs qui tirent en partie leur épiscopat de l'évêque roumain Mgr Théophile (Ionescu), lequel observait le calendrier corrigé, et qui affirment néanmoins que les Eglises nouvelles-calendaristes n'ont pas de sacrements valides, tombant ainsi sous le coup de leurs propres anathèmes. Sans compter ceux qui n'ont même pas de succession apostolique formelle, etc.

Plutôt que d'entrer dans un débat long et stérile, je te recommande la lecture de n'importe quel livre sur l'histoire du Raskol et des Vieux-Croyants en Russie. Cela répondra à toutes les questions que tu peux te poser sur les "VCO".
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

eliazar a écrit :4. Estimer l’ensemble de l’ex-Yougoslavie à 3 millions 500 mille orthodoxes – et la seule Roumanie à 19 millions – cela tient-il vraiment d’une prise en compte pragmatique des mêmes critères de déperdition de la foi (dûe au marxisme, etc.), appliquée de manière rigoureusement égale à chacune de ces deux Églises ?
Premièrement, une réponse à Eliazar qui trouvait mes chiffres trop optimistes pour la Roumanie.

Trouvé sur le site Internet athée http://atheism.about.com/library/irf/ir ... omania.htm , une information qui va dans le sens de ce que j'ai pu observer sur le terrain et confirme ma réponse à Eliazar. Il s'agit des résultats d'un sondage fait en Roumanie en novembre-décembre 2001.

According to a nationwide poll conducted in November/December 2001, 1 percent of those polled said they go to church on a daily basis; 10 percent of those polled said that they go to church several times per week; 35 percent claim to go several times per month; 38 percent attend services once a month or less; and 15 percent do not go to church at all. The same poll shows that 88 percent of citizens say that church is the institution they trust most.

Ma traduction:
D'après un sondage national effectué en novembre/décembre 2001, 1% de l'échantillon disait aller à l'église chaque jour; 10% plusieurs fois par semaine; 35% plusieurs fois par mois; 38% une fois par mois ou moins; 15% ne vont pas du tout à l'église. Le même sondage montre que 88% de la population disent que l'Eglise est l'institution en laquelle ils ont le plus de confiance.

Donc, on arriverait à 46% de pratiquants réguliers (vont à l'église au moins 2 fois par mois), ce qui corrobore ce que j'ai pu observer sur le terrain. Il suffit de séjourner dans des grandes villes comme Cluj, Jassy, Sibiu, Timisoara, pour constater que les grandes églises sont fréquentées à tout moment de la journée, pour la vénération des reliques et des icônes, les confessions, les services de bénédiction, les parastases, etc. Evidemment, il y a beaucoup plus de pratiquants en Transylvanie et en Moldavie que dans le Banat et la Valachie, fait que ce sondage n'indique pas, mais cela va dans le sens de ma précédente réponse à Eliazar. Notons cependant qu'une proportion de 46% de pratiquants réguliers par rapport à la population totale laisse bien supposer que l'écrasante majorité de celle-ci est au moins baptisée.

Maintenant, puisque l'interrogation d'Eliazar appelle une comparaison avec les pays des Balkans, je donne l'exemple intéressant de la Bulgarie, magistralement analysé par le professeur Jerzy Kloczowski dans le tome 13 de l'Histoire du christianisme, Desclée, Paris 2000, p. 419.
On comptait officiellement (mais pas sur la base d'un recensement, sur celle d'estimations) 85% d'orthodoxes en Bulgarie en 1991-1992 , pour 0,8% de sans confession. Or, en 1990 (donc, après la chute du communisme), une enquête européenne sur les valeurs, citée par Jean-Paul Willaime p. 260 du même ouvrage, trouvait 66% de personnes sans religion (dont 8% d'athées convaincus) en Bulgarie, et 34% de personnes appartenant à une religion, groupe dans lequel il n'y avait pas seulement des orthodoxes, mais aussi des musulmans (13% de la population, dit-on) et d'autres chrétiens (plus ou moins 1% à l'époque), ce qui laisserait 20% d'orthodoxes. Joseph Longton, dans son très sérieux Fils d'Abraham, Brepols, Turnhout 1987, donnait une estimation de 25,6% d'orthodoxes en Bulgarie en 1987. Serait-on passé de 20-25% en 1990 à 85% en 1992? Bien sûr que non. Cela veut simplement dire que dans les estimations de 1991-1992, on a plus ou moins compté comme orthodoxes tous les Bulgares qui n'appartenaient pas à une autre religion, selon l'équation, qui n'est plus vérifiée en pratique de nos jours, ethnie = religion. Les vrais chiffres, ce sont ceux de l'enquête sur les valeurs. L'Orthodoxie représente en réalité quelque 25% de la population de la Bulgarie, et j'espère ainsi avoir justifié les chiffres que j'ai donnés dans mon premier message de ce fil.

Puisqu'Eliazar me demandait aussi une comparaison entre les effectifs des pratiquants et non seulement entre les effectifs des baptisés, je signale que Kloczowski cite un sondage effectué en Bulgarie en 1996 qui aboutit à 2% de pratiquants réguliers (à comparer avec 46% en Roumanie en 2001). Or, dans les deux pays, le communisme a commencé en même temps et s'est écroulé en même temps: 1944-1989. Il est donc évident que le communisme n'a pu complètement détruire la religiosité que dans les pays où le passé récent (schisme de 1870 et hérésie phylétiste dans le cas de la Bulgarie) avait déjà très affaibli l'Eglise. Je sais que cette explication paraîtra irrationnelle à certains; et pourtant, je crois fermement que la grâce affermit et unit et que le schisme et l'hérésie affaiblissent et dispersent.

Sur un autre fil, M. Ni Hao Ma a aussi contesté mes chiffres sur la Biélorussie et la Moldova, avec des arguments pertinents qui méritent que je défende mon point de vue. Pour ce qui est de la Biélorussie, les mêmes estimations "optimistes" de 1991-1992 qui aboutissaient à 85% d'orthodoxes en Bulgarie, en trouvaient 25,2% pour la Biélorussie (contre 63,4% de sans confession). Le même enquêteur, Madame Zuchowska, faisant une estimation plus fine en 1995, arrivait à 2 millions d'orthodoxes en Biélorussie, soit 20%. Or, comme on sait que la Biélorussie fonctionnait comme "laboratoire de l'athéisme" sous le régime soviétique et que l'Ukraine, en revanche, connaissait un régime un peu plus libéral (surtout dans l'ouest), une proportion de 20% d'orthodoxes en Biélorussie serait cohérente avec les estimations de 25% en Russie et 34% en Ukraine.
Quant à la Moldova, l'estimation de 1991-1992 était de 34,7% d'orthodoxes pour 61,7% de sans confession. Comme, au sein de l'Union soviétique, la situation religieuse de la Moldova était plus proche de celle de l'Ukraine que de celle de la Biélorussie, il est probable qu'il doit y avoir aujourd'hui 35 à 40% d'orthodoxes dans cette ancienne province roumaine et ex-république soviétique.

Notons aussi que je donnais, sous réserve, une estimation de 300'000 orthodoxes en Grande-Bretagne, et que Mgr Kallistos (Ware), évêque de Dioclée en résidence à Oxford, vient de publier une estimation de 280'000 dans un article commandé sur le site religion.info de notre frère Jean-François Mayer. On concédera que je me suis trompé de peu... et à la hausse.

J'ai conscience que le chiffre de quelque 101 millions d'orthodoxes auquel j'arrive dans mes estimations peut paraître très inférieur aux 200, voire 300 millions, parfois annoncés par nos hiérarques dans les réunions oecuméniques où il est bon d'aligner des divisions fantômes. Ce genre de surévaluations est à mettre dans le même panier que la revendication de la diaspora copte selon laquelle l'Eglise copte représenterait 20% de la population égyptienne: le recensement de 1996 en trouvait 5,7%, et, de l'avis général, était fiable; alors pourquoi le contester?
Il faut bien admettre que le communisme a existé, que le schisme bulgare a existé, que le génocide oustachi a existé, que les pays de tradition orthodoxe ont une démographie étale depuis plusieurs décennies, et que tout cela joue. Continuer à avancer des chiffres de 200-300 millions, c'est nier ces quelques réalités dérangeantes que je viens de rappeler.
Je dois pourtant signaler que mon estimation de 101 millions de baptisés orthodoxes dans le monde se situe entre celle du gouvernement des Etats-Unis actuellement (96 millions) et celle des éditeurs du Liturgicon publié à Beyrouth en 1990 (106'106'900, mais les effectifs pour les Balkans et le patriarcat de Constantinople apparaissent visiblement gonflés).
Je sais que ces chiffres vont déplaire à beaucoup de mes coreligionnaires qui aimeraient bien que nous soyions les 200 ou 300 millions revendiqués, mais ce sont bien eux qui dessinent l'image la plus fidèle de la réalité.
Et ne serait-il pas plus utile d'avoir une action apostolique jusqu'à atteindre ces 200 ou 300 millions de fidèles dans la réalité que de les revendiquer en paroles sans faire la moindre mission?
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