Violence en Orthodoxie

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Antoine
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Message par Antoine »

mais à quoi bon tenir une aussi macabre comptabilité?
Parce que la finalité de l'acte est souvent plus importante que l'acte lui-même.
Ce n'est donc pas une comptabilité des violences qu'il faut tenir mais de leurs finalités. Ce sont leurs finalités qu'il faut étudier et analyser.
Condamner la violence c'est bien. Tout le monde ou presque sera d'accord. Le repentir public est à la mode et inversement proportionnel à sa couverture médiatique. Mais dans l'histoire ce sont les relations entre les faits que nous étudions. L'histoire n'est rien d'autre que ces relations que nous établissons nous mêmes. De là éclate la vérité ou le mensonge.
Jean Starynkévitch
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Message par Jean Starynkévitch »

Antoine a écrit :
mais à quoi bon tenir une aussi macabre comptabilité?
Parce que la finalité de l'acte est souvent plus importante que l'acte lui-même.
Ce n'est donc pas une comptabilité des violences qu'il faut tenir mais de leurs finalités. Ce sont leurs finalités qu'il faut étudier et analyser. [...]
Je ne suis pas d'accord. Pour moi, l'Évangile - sus-citée - pourrait nous servir d'exemple pour le comportement à adopter lorsque l'Église est menacée.
Et voici, un de ceux qui étaient avec Jésus, portant la main à son épée, la tira, frappa le serviteur du grand-prêtre et lui trancha l'oreille. Alors, Jésus lui dit : « Remets ton épée à sa place, car tous ceux qui prennent l'épée périront par l'épée. Penses-tu que je ne puisse faire appel à mon Père, qui mettrait aussitôt à ma disposition plus de douze légions d'anges ? [...] » (Mat, 26:51-53)
Nous n'avons pas à sauver l'Église. Tout au plus pouvons-nous nous sauver nous-même. Pour l'instant, je ne vois pas un seul exemple de crime qui puisse être en lui-même une source de salut de l'âme.
Antoine
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Message par Antoine »

1) Personne n'a parlé de "sauver l'Eglise"

2) Personne n'a dit qu'un "crime puisse être en lui-même une source de salut de l'âme."

3) Il s'agit simplement d'étudier l'histoire de l'Eglise et cette histoire passe hélas aussi par un décompte de ses crimes. Et dans ce décompte la finalité est importante parce qu'elle met en jeu des pouvoirs très importants.
C'est cette finalité qu'il convient d'étudier et ce sont dans les relations que nous établissons entre les actes et leur finalité que s'écrit l'histoire.

4) Je ne vois pas la relation entre le passage évangélique cité à des fins "d'exemple pour le comportement à adopter lorsque l'Église est menacée" et le fait d'étudier quelles violences les Eglises ont perpétrées, la raison et la finalité de ces violences. Il ne s’agit pas de justifier mais d’établir les faits dans leur historicité, c’est à dire de mettre en relation les évènements entre eux.

5) Comme ce avec quoi vous n’êtes "pas d’accord" n’est contenu dans aucun des messages de cette rubrique , nous ne saurons pas avec qui vous n’êtes "pas d’accord" ni à vrai dire avec quoi, mais nous prenons acte que vous n’êtes "pas d’accord".
Jean Starynkévitch
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Message par Jean Starynkévitch »

Antoine a écrit :Comme ce avec quoi vous n’êtes "pas d’accord" n’est contenu dans aucun des messages de cette rubrique , nous ne saurons pas avec qui vous n’êtes "pas d’accord" ni à vrai dire avec quoi, mais nous prenons acte que vous n’êtes "pas d’accord".
D'accord.

Je n'avais pas remarqué qu'il s'agissait d'une précision de démarche d'étude historique de l'Église. J'avais lu (de travers) un argument qui me semblait justifier les violences perpétrées par l'Église.

Bref, dans le fond, vous aussi êtes "d'accord" avec l'essentiel du message de théodore.

Donc je referme une parenthèse inutile.
GIORGOS
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Message par GIORGOS »

L’Eglise n’est pas coupable de violence aucune.
Des hommes de l’Eglise, peut être.
C’est la vérité.
Nous n’avons pas de la langue à bois propre aux papistes toujours prêts à demander pardon et à recommencer avec son sournoise violence et infiltration.
J’exclue bien évidemment la guerre, et je crois que cette exclusion n’a pas nécessité d’être expliquée.
Mais plusieurs fois, sans doute, des orthodoxes ont été injustes face aux autres orthodoxes, vers d’autres chrétiens et même contre des hommes d’autres religions ou sans religion aucune.
Mais jamais l’Eglise a élevé au rang des principes ni la persécution ni la violence. Elle n’a pas eu d’Inquisition comme le «papisme », ni des bûchers comme les « protestantisme ».
Et si violence a eu, elle a été á son insu et n’a pas pu être cautionnée par sa Doctrine .
Giorgos
SEÑOR JESUCRISTO, HIJO DE DIOS, TEN PIEDAD DE MÍ PECADOR.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Ceux qui prônent - je l'espère sans réfléchir à ce qu'ils disent - la persécution des vieux-calendéristes, ceux qui prétendent nous interdire de publier un texte du Dr Kalomiros parce que celui-ci était membre de l'Eglise russe hors frontières, feraient bien de méditer l'exemple que je vais donner ici.

Cela fait plusieurs mois que je voulais écrire ce message.

Si je jette un regard sur l'histoire, les seuls qui ont été persécutés par l'Eglise - ou plutôt, pour parler comme Giorgos, par des hommes de l'Eglise -, ce sont des orthodoxes dissidents, les Vieux-Croyants de Russie.

Or, à l'heure actuelle, maintenant que le patriarcat de Moscou (au concile de Zagorsk en 1971) et l'Eglise russe hors frontières (en 2000) ont levé tous leurs anathèmes contre les Vieux-Croyants, le seul obstacle au retour de ceux-ci dans le sein de l'Eglise reste le souvenir des persécutions endurées. L'Eglise russe hors frontières est même allé jusqu'à écrire une demande de pardon aux Vieux-Croyants. Or, dans les faits, on ne constate guère de défections parmi les Vieux-Croyants (qui ne seraient plus que quelque 2 millions en Russie, le soviétisme ayant anéanti le monde rural dans lequel ils étaient le mieux implantés). Au contraire, le 3 mars 2002, pour la première fois dans l'histoire de ce schisme, une des factions de la Поповщина a franchi le pas en élisant son propre patriarche de Moscou et de toute la Russie, Sa Béatitude Alexandre (Kalinine). Il me semble d'ailleurs que l'événement a été passé sous silence par les media orthodoxes francophones. Il y a donc désir de rapprochement de la part de l'Eglise, et refus de tout rapprochement de la part de ces enfants abandonnés de l'Eglise que sont les Vieux-Croyants. Probablement parce que le poids du passé est trop lourd à porter.

Voici, dans le seul livre sérieux publié en Europe occidentale sur le sujet des Vieux-Croyants, la confirmation de cette intuition.

Peter Hauptmann, Rußlands Altgläubigen (Les Vieux-Croyants de Russie), Vandenhoeck & Ruprecht, Gottingue 2005, pp. 273 s.:


„Schließlich hat die Russisch-Orthodoxe Kirche auch Hierarchen kanonisiert, die bei der Unterdrückung und Verfolgung der Altgläubigen keine geringe Rolle gespielt haben: so schon 1757 bzw. 1763 den Metropoliten Dimitrij (Tuptalo, 1651-1709) von Rostov und noch 1994 den Metropoliten Filaret (Drozdov, 1782-1867) von Moskau und Kolomna. Patriarch Aleksij II. (Ridiger) von Moskau und ganz Rußland verneinte bei einem Treffen mit Rundfunkjournalisten am Vorabend des Jahreswende 2002/03 die von russischen Nationalisten aufgeworfene Frage nach der Möglichkeit einer Kanonisation Ivans des Schrecklichen mit der Gegenfrage: „Ist es möglich, zu ein und derselben Zeit sowohl die Märtyrer als auch ihre grausamen Verfolger im Gebet zu preisen?“ So wenig man den Moskauer Metropoliten Filipp gleichzeitig mit Ivan Groznyj, der ihn umbringen ließ, verehren kann, so wenig ist etwa auch eine gleichzeitige Verehrung des Stifters der altgläubigen Hierarchie von Belaja Krinica, des von ihr 1996 kanonisierten Metropoliten Amvrosij, und seines erbitterten Verfolgers, des russischen-orthodoxen Metropoliten Filaret (Drozdov) von Moskau und Kolomna, denkbar.“

Ma traduction:

"Enfin, l'Eglise orthodoxe russe a aussi canonisé des hiérarques qui ont joué un rôle non négligeable dans l'oppression et la persécution des Vieux-Croyants: déjà, en 1757, respectivement en 1763, le métropolite Démètre (Tuptalo, 1651-1709) de Rostov et encore en 1994 le métropolite Philarète (Drozdov, 1782-1867) de Moscou et Kolomna. La veille du Nouvel An de 2003, lors d'une rencontre avec des journalistes de la radiodiffusion, le patriarche Alexis II (Ridiger) de Moscou et de toute la Russie a opposé à la question soulevée par des nationalistes russes de la possibilité d'une canonisation d'Ivan le Terrible une contre-question: "Est-il possible de louer dans nos prières à la fois les martyrs et leurs cruels persécuteurs?" De même qu'on peut difficilement vénérer le métropolite Philippe de Moscou en même temps qu'Ivan le Terrifiant qui le fit assassiner, de même on peut difficilement envisager une vénération simultanée du fondateur de la hiérarchie starovère de la Blanche- Fontaine, le métropolite Ambroise, canonisé en 1996 par la hiérarchie qu'il avait fondée, et de son amer persécuteur, le métropolite russe-orthodoxe Philarète (Drozdov) de Moscou et de Kolomna."

Ceux qui, confortablement installés à Paris, prônent une espèce de persécution contre nos dissidences vieilles-calendéristes (qui se limiterait, fort heureusement, à la censure, puisque nos apprentis persécuteurs n'ont, Dieu merci, pas les moyens d'aller plus loin), devraient penser que cela reviendrait à mettre, dans quelques décennies, les Eglises de Constantinope, de Roumanie, de Bulgarie, de Chypre et de Grèce dans les mêmes difficultés que celles qu'évoque Peter Hauptmann pour l'Eglise de Russie. Une fois de plus, je répète que ce n'est que par la voie de la discussion que l'on mettra fin à ces dissensions. Si le patriarcat oecuménique avait persécuté les paléohimérologites au lieu de discuter avec eux, il n'aurait jamais obtenu, en 1998, le retour des évêques Païssios, Vincent et de 30'000 de leurs fidèles des Amériques.
Renaud
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Re:

Message par Renaud »

Claude le Liseur a écrit : Le seul cas de persécution que je connaisse dans le cadre de l'Empire byzantin après les conquêtes arabes concerne les Pauliciens manichéens,
Excusez moi de remonter ce fil mais je profite de ce sujet pour poser une question sur la position byzantine à l'égard des hétérodoxes et apporter une précision à la remarque de Claude. J'ai eu l'occasion de travailler longuement durant mes études sur les relations entre les Byzantins et les Syriaques jacobites entre le Xe et le XIe siècle. Ces derniers s'étaient retrouvés en grand nombre dans l'empire à la suite de la reconquête par les Byzantins de la Haute-Mésopotamie et de la Syrie du Nord. Immigrés appelés par l'empereur pour repeupler ces territoires ravagés par des siècles de guerres ou simples autochtones ces populations prospérèrent rapidement dans l'empire byzantin.

De manière générale les Syriaques vécurent en paix dans l'empire, sauf à Antioche où ils connurent de violentes persécutions de la part de la population et du patriarcat melkite.

En revanche, les deux Églises différaient grandement dans leur conception des relations à avoir avec les autres communautés chrétiennes et c'est sur ce point que je m'interroge.

Les jacobites, qui certes ne disposaient pas de pouvoir temporel, appelaient ainsi à une certaine unité entre chrétiens, unité qui se ferait, selon les mots de l'évêque jacobite Bar Salibi « avec la compréhension que chacun doit suivre ses propres convictions théologiques »[1]. Le même évêque déplorait en revanche que les « Grecs » au lieu d'aimer les Arméniens et les Syriens les accusent de ne pas être chrétiens.

De la même façon le patriarche syriaque Jean VII déclara à l'empereur byzantin qui souhaitait le contraindre à adhérer au concile de Chalcédoine « Votre autorité n'a pas le droit de forcer quiconque à abandonner sa religion, ainsi nous avons deux rois, soit, le roi d'Abyssinie et le roi de Nubie, et ils ne forcent aucun des gens de ta religion qui résident parmi eux à changer sa foi. Voici, je supplie le Seigneur Christ d'affermir ton royaume sans tumultes et de nous préserver tous selon ce qui lui a été révélé » [2].

Je pourrais continuer les citations mais je résumerais en disant avoir perçu dans les écrits et les actions des Syriaques de cette époque des choses semblables à celles que je trouve dans les écrits des Pères : une distance envers les valeurs du monde, une charité envers tous, une volonté de se conformer au Christ, un respect du choix spirituel de l'homme...

A l'inverse, même en mettant de côté les persécutions locales que durent subir les jacobites autour de Mélitène (Malatya) et surtout d'Antioche, comment comprendre les positions du patriarcat de Constantinople ? Pardonnez ma question mais où est la charité quand le synode de Constantinople dépose et exile la patriarche syriaque et qu'il demande en supplément aux évêques de surveiller, réprimander voir de « dénoncer aux gouverneurs des éparchies pour obtenir leur punition[3] » les hérétiques.

Certes, cet édit ne fut sans doute pas appliqué car neuf années plus tard le synode dut rappeler au sujet des Syriaques que les hérétiques n'avaient le droit ni de témoigner ni d'hériter ni de se marier. Le document se termine d'ailleurs en menaçant d'excommunication les évêques et archontes enfreignant ces lois[4].

Les actes suivants, qui sont sans doute à mettre en relation avec le début des incursions turques dans la région, allèrent plus loin en demandant l'expulsion des hérétiques de Mélitène et la destruction par le feu de « tous les livres et les saints mystères des Syriens et des Arméniens »[5].

Je suis bien conscient que l'on atteint pas le niveau des persécutions religieuses que connut l'Occident avec ses bûchers et ses croisades. J'ai bien vu qu'au niveau local les populations des deux communautés connurent ; d'après ce que nous laisse voir les source ; des relations iréniques. Mais enfin, on a là une Église pacifique, dont on a guère de raison de douter de sa loyauté, appelée dans l'empire par le basileus lui-même et dont les membres se retrouvent persécutés pour ne pas s'être intégrés pleinement au monde byzantin. Comment comprendre que l’Église orthodoxe, du moins sa tête, ait pu appeler à une persécution si dure de ces populations et ce, au nom d'une universalité politco-religieuse de l'empire byzantin qui nous paraît aujourd'hui fort dépassée ?

[1] Bar Salibi's treatise against the melchites, p. 61, 62.
[2] Abba Michaël, A.D. 880-1066, History of the Patriarchs of the Coptic Church of Alexandria, chapitre 217-218
[3] Les regestes des Actes du patriarcat de Constantinople, N°839, Mai 1030
[4] Ibid, N°846, septembre 1039, document synodal concernant les mariages, les héritages et les témoignages des hérétiques
[5] Ibid, N° 890-891-892 1063-1064
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