Balamand

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Antoine
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Balamand

Message par Antoine »

Date : 15.05 18h01
auteur : Liza


Quelqu'un aurait-il des informations précises au sujet des accords de Balamand ?
En particulier sur les questions d'unité de l'Eglise (ou non..), d' « Eglises
sœurs », d'encouragement au mariages mixtes, et de refus du baptême pour entrer
dans l'Eglise orthodoxe. ? Surtout, les signataires orthodoxes se sont-ils bien
rétractés ?
Et quelle tournure ont pris les rencontres postérieures à celles-ci ?
Merci de votre aide.
Antoine
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Message par Antoine »

Date : 16.05 00h27
auteur : François


texte paru dans le SOP
Dialogue entre l'Eglise catholique romaine et l'Eglise orthodoxe.

BALAMAND (1993)

La commission internationale pour le dialogue théologique entre l'Eglise
catholique romaine et l'Eglise orthodoxe a connu d'importantes divergences lors
de la session de Balamand au Liban en 1993 qui l'ont conduit à longue
interruption, marqué seulement par des réunions du comité de coordination. Les
conversations ont repris lors de la 8ème session à Baltimore, mais elles sont
restées dans une impasse.

La précédente rencontre avait eu lieu à Freising (Allemagne), en 1990. Freising
et Balamand (Liban), en 1993. avaient eu toutes deux pour thème l'uniatisme, un
sujet plutôt pénible qui est devenu plus particulièrement d'actualité à la fin
des années 80 jusqu'au début des années 90, à la suite de la résurgence des
structures "uniates" en Ukraine occidentale, en Roumanie, en Pologne et dans
d'autres régions.

À Freising et à Balamand des documents communs furent signés dans lesquels
l'uniatisme était reconnu comme une méthode inacceptable. Il n'y a pas de
différence de principe entre ces documents, cependant celui de Freising ne fut
pas officiellement ratifié par la partie catholique, tandis que celui de
Balamand le fut.

Néanmoins, sur certains points, le document de Balamand s'est heurté à
l'opposition d'une partie des grecs-catholiques ainsi qu'aux objections de
certains orthodoxes qui ont contesté l'usage dans ce document du terme
d'"Églises-soeurs" pour désigner les relations entre les Églises catholique et
orthodoxe.

Le document de Balamand a été finalement rejeté dans son ensemble et de manière
officielle, d'une part, par l'Église grecque-catholique de Roumanie et, d'autre
part, par l'Église orthodoxe de Grèce.

Toutefois, la majorité des Églises orthodoxes considère ces documents, tant
celui de Freising que celui de Balamand, comme une étape importante vers la
solution du problème uniate. Pour la première fois depuis plusieurs siècles,
l'Église catholique romaine reconnaît officiellement que l'"union" est une
méthode inadéquate pour atteindre l'unité.

Après la rencontre de Balamand, il n'a pas été possible de se réunir en session
plénière durant plusieurs années. Il y a eu seulement des réunions du comité de
coordination, à Rome, en 1997, et à Ariccia (Italie), en 1998.
Antoine
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Message par Antoine »

Date : 16.05 13h31
auteur : lecteur Claude



Le SOP présente les choses d'une façon bien particulière en affirmant que seule
l'Eglise de Grèce a rejeté le document de Balamand dans sa totalité.

Bien loin d'engager l'ensemble de l'Eglise orthodoxe, le document de Balamand
n'avait été signé que par les représentants de neuf Eglises locales sur quinze.
Ont refusé de signer la fausse union de Balamand non seulement l'Eglise de Grèce,
mais aussi le patriarcat de Jérusalem, le patriarcat de Serbie, le patriarcat
de Bulgarie, le catholicossat de Géorgie et l'Eglise de Tchéquie et Slovaquie.
Sans même parler de l'OCA, de l'Eglise du Japon, de l'EORHF, des Vieux-Croyants
ou des vieux-calendaristes, que l'on persiste à ne jamais consulter dans ce
genre de réunions.

Je n'ai pas trop d'informations sur la réception de l'accord de Balamand parmi
les neuf Eglises signataires, ou du moins pas des informations assez sûres pour
pouvoir les reproduire ici. Je crois cependant savoir que c'est au sein du
patriarcat de Moscou que l'accord a été le plus vivement contesté. Au sein du
patriarcat de Constantinople, les monastères de l'Athos ont tous refusé le
document de Balamand.

Pour le reste, il semble que l'accord de Balamand soit resté lettre morte.

Pour plus de documentation, la revue la Lumière du Thabor, n° 41-42, Paris 1994,
pp. 139-162, a reproduit les protestations de la Sainte Montagne et la
réfutation du texte de Balamand par le père Jean Romanides, professeur à la
Faculté de Théologie de Thessalonique. Au début de son livre remarquable
"Omologho en vaptisma" (Editions Tinos, Athènes 1996 - la première édition
remonte à 1983), le protopresbytre Georges Métallinos, professeur à la Faculté
de Théologie d'Athènes, souligne les dangers de Balamand. La traduction anglaise
"I confess one baptism", publiée par le monastère athonite de Saint-Paul en 1994,
peut être commandée sur Internet, à l'adresse www.stnectariospress.com.
Métallinos écrit que l'accord de Balamand ignore les conciles oecuméniques, les
dogmes, et l'Histoire (cf. p. 10 de la dernière édition grecque et p. 12 de
l'édition anglaise).
Antoine
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Message par Antoine »

Date : 19.05 02h27
auteur : Liza



Merci pour ces informations.

Ce que je ne comprend pas, c'est que malgré la contestation au sein du
patriarchat de Moscou, qui porte à mon avis sur la terminologie d' « Eglises
sœurs », on enseigne dans les académies de théologie (du moins à St Petersbourg)
que l'église romaine possède la succession apostolique. C'est en tout cas ce que
j'ai pu constater en discutant avec quelques étudiants là-bas, et s'il s'avérait
que ce n'est pas réellement le cas, je serai la 1e à m'en réjouir.

J'avais connaissance effectivement de la lettre de protestation envoyée par
l'ensemble de la communauté du Mont Athos au Patriarche Bartholomée, une lettre
qui condamne la politique œcuménique et syncrétiste (c'est le terme employé
dans la lettre) menée par Constantinople sans complaisance, mais sans non plus
directement incriminer le patriarche lui-même. Mais d'après le peu d'information
que j'ai, et qui ne demande qu'à être complété ou rectifié, la réaction du
Patriarchat a été violente, et il n'a jamais été question de remettre en cause
ce qui avait été signé : les signataires de la lettre ont été sommés de faire
repentance pour leur acte de rébellion sous peine de se voir privés de
l'autonomie du Mont Athos. Quelques têtes récalcitrantes ont été déposées et
remplacées, et la crainte d'une perte de liberté aidant, les autres ont fait ce
qui était exigé d'eux, il y a eu « réconciliation », et la polémique au sujet
de Balamand a été enterrée.
Et après, concrètement, les articles de Balamand sont appliqués ici en France,
en tout cas en ce qui concerne la réception des hétérodoxes dans l'Orthodoxie
(c'est-à-dire pas de baptême), les mariages mixtes, et la propagation de la «
nouvelle » ecclésiologie.
Qu'ils aient étés plus ou moins réfutés ou non, les accords font sentir leurs
conséquences réellement, en actes.
Je ne sais plus trop à quoi m'en tenir, avec des décisions engageant toute
l'Eglise prises par des têtes dirigeantes de manière non synodale, puis des
rejets de ces mêmes décisions officieux ou avortés, et une pratique on ne peut
plus floue.
Et encore, il ne s'agit que de Moscou et Constantinople, qu'en est-il des 7
autres ? Je suis pas sûre que ce soit vraiment lettre morte en ce qui concerne
la praxie.
Antoine
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Message par Antoine »

Date : 19.05 12h41
lecteur Claude



Cela fait malheureusement très longtemps que l'idée que les catholiques romains
avaient la succession apostolique s'est répandue en Ukraine, puis en Russie, dès
l'époque de Pierre Moghila, et cela n'a rien à voir au départ avec l'oecuménisme,
mais vient de la pénétration dans l'Orthodoxie d'une théologie scholastique,
d'inspiration augustinienne et totalement éloignée de l'expérience de la
déification. Il est très intéressant de lire à ce propos la somme du père
Georges Florovsky, "Les voies de la théologie russe", récemment publiée en
traduction française à L'Âge d'Homme.

Une fois de plus, nous trouvons chez Augustin d'Hippone une théologie absurde où
les sacrements des hérétiques seraient valides tout en menant leurs fidèles à la
damnation éternelle! Via l'engouement irréfléchi pour tout ce qui était
occidental, le rejet de l'hellénisme et la fondation de l'Académie de Kiev sur
pur modèle catho-luthérien (avec le latin comme langue d'enseignement! à Kiev!),
de telles idées ont pu se répandre en Ukraine au XVIIème siècle et en Russie au
XVIIIème siècle. Les mêmes causes ayant les mêmes effets, la théologie
scholastique a à son tour envahi la Grèce germanisée du XIXème siècle (quand un
Danois luthérien succédait à un Bavarois papiste sur le trône des Hellènes
orthodoxes), puis la Roumanie (elle aussi affligée jusqu'en 1927 d'un roi
papiste et d'une reine anglicane). Il me semble encore que c'est la Serbie qui a
le plus échappé au phénomène.

Mais la pénétration d'idées hétérodoxes dans l'Eglise de Russie n'avait pas tant
que cela influencé sa praxis au XIXème siècle: quand, en 1839, les uniates de
Biélorussie sont retournés à l'Orthodoxie, les fidèles furent reçus par simple
confession de foi pour des raisons pratiques (gain de temps, car ils étaient
très nombreux), mais leur évêque fut baptisé et "réordonné" (pour qu'il soit
clair qu'il n'y avait pas de reconnaissance de la succession apostolique).

De nos jours, je ne vois que la Grèce où il y ait un mouvement de retour à la
théologie des Pères, qui se manifeste par des positions claires sur les
sacrements des hérétiques et par la redécouverte tardive de l'enseignement de
saint Grégoire Palamas. Quand, en 1979, le père Georges Métallinos a reçu trois
étudiants allemands dans l'Orthodoxie par le baptême, les oecuménistes lui sont
tombés dessus; mais il a lui-même raconté qu'il avait bien pris soin d'avoir le
soutien préalable du synode de l'Eglise de Grèce pour procéder de la sorte et
que cela a entraîné l'échec de la cabale.

Les rapports avec les Eglises hétérodoxes et l'oecuménisme ne sont à mon avis
qu'un aspect de la situation anormale de l'Orthodoxie en Europe occidentale, à
côté du phylétisme, de l'absence de témoignage, du dédain du monachisme, d'un
esprit de scissiparité sans limites, etc., et tout ceci me semble constituer un
tout.
Antoine
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Message par Antoine »

Date : 19.05 13h03
auteur : Antoine




XB!
Claude,
Alors il n'y a que les matthéistes qui sont sérieux et justifiés dans leur
approche.
Antoine
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Message par Antoine »

Date : 19.05 20h20
auteur : lecteur Claude


Alithos anesti!

Antoine,

Ce n'est pas parce que la position des matthéistes a le mérite de la clarté que
je la partage pour autant.

Je me sens beaucoup plus proche de l'Eglise de Grèce.

J'ai aussi bon espoir que les évolutions positives à l'oeuvre en Grèce grâce à
des gens comme feu le père Jean Romanidhis, Mgr Hiérothée de Naupacte ou le père
Georges Métallinos s'étendent de proche en proche à la Serbie, puis à la
Roumanie.

Je peux vous assurer que quand je vois la résurrection de l'Orthodoxie en
Maramures, où elle fut frappée à mort par le missionnaire botté Bukow, ou quand
je vois réapparaître des vraies icônes orthodoxes dans des endroits où il n'y
avait plus que des chromos protestants, je me dis que l'Orthodoxie va peut-être
prendre à bras-le-corps des problèmes beaucoup plus anciens et beaucoup plus
profonds que l'oecuménisme (mais qui sont la source de l'oecuménisme): les
influences augustiniennes importées à partir du XVIIème siècle, le phylétisme,
le complexe d'infériorité vis-à-vis de la théologie occidentale à prétentions
scientifiques, les liaisons dangereuses avec l'Etat, l'abandon de la tradition
hésychaste, etc.
Antoine
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Message par Antoine »

Date : 19.05 22h17
auteur : Éliazar



En Vérité, Il est ressuscité, Antoine !
Vous écrivez : « Alors il n'y a que les matthéistes qui sont sérieux et
justifiés dans leur approche. »

J'ai envie de vous répondre : c'est évident !

Un jour nous regretterons tous, enfin sincèrement, cet ostracisme que nos
églises « canoniques » professent et nous font professer à leur égard (et pas
seulement des matthéistes, du reste). Car ces Orthodoxes sont notre conscience.
Même s'ils ont trop concscience, justement, d'en être le noyau dur – et ne se
soucient pas suffisamment de la fragilité des dentitions des « oecuménistes » …
qui n'ont plus en bouche les moyens de manger un pain un peu trop dur pour eux…

Car les oecuménistes aussi, ne sont-ils pas nos frères ? Et qui convaincra
d'erreur le frère auquel il refuse de parler ?

« Ils sont semblables à des enfants qui sont assis sur une place et qui
s'interpellent les uns les autres, disant :
« Nous vous avons joué de la flûte
« Et vous n'avez pas dansé…
« Nous nous sommes lamentés
« Et vous n'avez pas pleuré… »

C'est dans saint Luc, bien sûr : 7, 32…

Post-scriptum ! J'écrivais cette réponse à Antoine pendant que Claude en
faisait une autre. Je viens de la découvrir, et je ne vois rien à ajouter
d'autre.
Ce mot est donc autant pour Antoine que pour Claude...
Ne me dites pas que je ne suis, finalement, qu'un oecuméniste aussi !

Ah! la vie est dure, et l'orthodoxie est chère!
Antoine
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Message par Antoine »

Date : 20.05 00h12
auteur : Antoine



XB!

Claude, vous dîtes ;
<<je me dis que l'Orthodoxie va peut-être
prendre à bras-le-corps des problèmes beaucoup plus anciens et beaucoup plus
profonds que l'oecuménisme (mais qui sont la source de l'oecuménisme): les
influences augustiniennes importées à partir du XVIIème siècle, le phylétisme,
le complexe d'infériorité vis-à-vis de la théologie occidentale à prétentions
scientifiques, les liaisons dangereuses avec l'Etat, l'abandon de la tradition
hésychaste, etc.>>


Je ne pense pas qu'on puisse réduire les matthéistes à la lutte contre
l'oecuménisme qu'ils ne sont d'ailleurs pas les seuls à mener ou aux problèmes
du 20 ème siècle. Ils rejettent tout ce qui est étranger à l'orthodoxie comme ce
que vous énumérez. Mais eux n'ont a priori pas ce retour à faire mais je suis
sûr qu'ils se réjouissent de chaque pas fait en ce sens dans une juridiction
patriarcale. Leur histoire orthodoxe commence aux apôtres jusqu'à aujourd'hui
sans rupture. C'est peut être l'orthodoxie de la nôtre qui s'arrête en 1923...Et
vous soulignez aussi la clarté de leur position.

Quant à vous Eliazar, lorsque vous écrivez:
"Car les oecuménistes aussi, ne sont-ils pas nos frères ? Et qui convaincra
d'erreur le frère auquel il refuse de parler ?"
vous me surprenez. Je ne vois pas en quoi les anciens calendaristes refusent le
dialogue: ils refusent toute compromission sur la foi , la doctrine , les saints
canons, la Tradition. Ce sont nos juridictions patriarcales qui les ont
physiquement persécutés pour cela. Et leurs souffrances sont les miennes. Ils
sont muselés, baillonnés pour que la vérité ne puisse éclater. Et la propagande
bat son plein. Que voulez vous, les juriditions patriarcales historiques n'ont
pas compris qu'en coupant la langue à St maxime leurs ancêtres dans la
persécution avait obtenu le contraire de ce qu'ils voulaient.
Méfiez vous de ceux qui tuent au nom de Dieu et qui cachent leurs crimes
derrière "l'amour du prochain" mis à toutes les sauces.
Antoine
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Message par Antoine »

Date : 20.05 11h53
auteur : Éliazar



Christos anesti ek nekrôn…

Antoine, vous avez raison. En évoquant le refus de parler, je pensais surtout à
ce Concile Pan-Orthodoxe qu'on recule sans cesse, en grande partie parce qu'on
ne veut pas envisager d'y admettre les paléo qui risqueraient d'y venir donner
des leçons – et parce qu'on a peur de la contagion, s'ils ouvraient la bouche.
Ce qu'ils ne manqueront évidemment pas de faire - et ce jour-là, combien les
sauces astucieuses des "happy few" du Club de Paris paraîtront fadasses à côté
de leur rude et savoureux brouet!

Mais il est vrai aussi que du côté paléo, les consignes de silence données par
les oecuménistes ont fini par produire un effet pervers qui conduit à ne plus
s'adresser, finalement, qu'aux non-orthodoxes qui ont encore soif de l'Église et
ne savent où la trouver… C'est sans doute une chance pour eux – mais c'est
surtout l'immense troupeau des orthodoxes fourvoyés par leurs maîtres à penser
qu'il faudrait ramener au bercail.

Sinon, l'Orthodoxie va prendre lentement la dérive qui fut celle du patriaracat
de Rome, il y aura bientôt mille ans.
Et pendant ce temps, les paléo risquent de se fractionner sans cesse davantage,
à l'image de ce qui devint le protestantisme protéiforme de la dérive latine.

Tout le monde n'a pas la persévérance pugnace d'une Hongroise – pour continuer
imperturbablement à dialoguer avec nous, même lorsque nous la traitons de haut
(ou… de sectaire).
Antoine
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Message par Antoine »

Date : 20.05 18h42
auteur : Catherine


Cher Éliazar,
Vous dites :
— Tout le monde n'a pas la persévérance pugnace d'une Hongroise –
pour continuer imperturbablement à dialoguer avec nous, même lorsque
nous la traitons de haut (ou… de sectaire).
• Avant de vous quitter temporairement pour cause de santé, je dois vous
dire que ma présence sur ce Forum est due à ce que d'aucuns
appelleraient un "hasard". Je suis tombée dessus en automne dernier en
passant en revue tout ce qu'il y avait d'orthodoxe sur le Net, à la recherche
d'un renseignement sur la psaltique, et m'y suis intéressée vivement,
pour obtenir ultérieurement la bénédiction de mon père spirituel d'y
participer.
Les "matthéistes" ne font pas de démarchage, mais tâchent de
témoigner, SI L'OCCASION SE PRÉSENTE, par leur confession de la
vraie foi orthodoxe dans toute sa pureté et leur garde pieuse de la Sainte
Tradition, ainsi que par leur vie (qui est invisible, évidemment, sur
Internet). N'importe quel "matthéiste" est parfaitement ouvert au dialogue
avec tout le monde, mais ils n'ont ni l'indiscrétion ni les moyens
financiers que possèdent par exemple les Témoins de Jéhovah et
d'autres sectes, ce qui leur vaut d'être peu connus, certes, en France.
Mais nous avons un site bien riche, créé par un hiéromoine qui accueille
toutes les questions que posent ceux qui cherchent et y répond.
Il n'est vraiment pas difficile d'y faire un saut, par Internet ou en personne
pour ceux qui peuvent et surtout veulent. Vouloir, c'est pouvoir, n'est-ce
pas ?
Je dois ajouter que ma "pugnacité" vient de ma conviction absolue que
nous ne sommes pas ce que beaucoup croient de nous et que Dieu fera
éclater la Vérité à notre sujet, du moins pour ceux qui la cherchent d'un
cœur droit. C'est à ce Dessein divin que je me crois "bénie" de coopérer.
Maintenant, je crois qu'il faut préciser qc de très important :
Les "matthéistes" en Grèce se disent entre eux simplement "orthodoxes";
en face des nouveau-calendaristes, ils sont obligés de se dire VCO et en
face des autres VCO, ils devraient s'appeler V VCO en réalité.
Car ceux qui, lors du schisme de 1937, se sont coupés des "matthéistes"
ont cessé de l'être et se sont fragmentés depuis sans vergogne et sans
scrupules, en changeant leur profession de foi, pour des raisons souvent
purement humaines, alors que les "matthéistes" sont restés unis
jusqu'en 1995.
Toutes les fragmentations VCO proviennent donc du schisme de
Chrysostome de Florina de 1937 et les "matthéistes" n'ayant pas de
communion avec eux, ne peuvent donc être mis dans le même panier.
C'est pourquoi je conseillerais à ceux qui, comme vous, Éliazar, n'ont
connu que les VCO issus du schisme de 1937 (ex. les florinéens =
Sébastopol) de ne pas nous assimiler à eux, mais admettre notre
différence, qu'ils sont d'ailleurs à même de vérifier, s'ils le souhaitent.
Une dernière chose.
Vous avez dit dans un de vos posts :
— Je ne suis pas certain, du reste, que ceux auxquels je pense (ceux de
notre frère et ami Romane – pas le Russe, mais le Breton) n'aient pas
été un moment matthéistes eux-mêmes.

• Question de mise à jour : vous êtes en retard pour vos informations,
cher Éliazar. Il n'y a aucun ex-matthéiste chez les florinéens. Ceux qui s'y
étaient égarés un moment par faiblesse ou erreur de jugement, en sont
revenus depuis et clament haut et fort qu'ils s'étaient trompés
amèrement, que "ceux de Romane", comme vous dites, ne sont, hélas,
pas de vrais VCO. Sans les juger aucunement sur le plan moral, ils ont
appris que ce sont les tristes héritiers du schisme de Chrysostome de
Florina et ont reconnu également que ni l'orthodoxie ni l'orthopraxis de
'Sébastopol" n'étaient celles, droite et conséquente, des "matthéistes". Ils
ont beau s'appeller VCO, ils ne le sont que de nom, hélas.
Antoine
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Message par Antoine »

Date : 21.05 14h12
auteur : Éliazar

Christos anesti, Catherine!

Merci de vos précisions,si nécessaires en effet.

Lors de mon entrée chez l'évêque Photios, à l'époque évêque de Lyon et du reste
seul évêque français "VCO", j'avais protesté contre l'abus qui résultait, selon
moi, de cette appellation "incontrôlée". Je ne pouvais pas admettre cette
enflure, qui consistait à se gargariser du nom de Vrais Chrétiens Orthodoxes.

Il est déjà assez difficile, pensais-je, d'être orthodoxe, et même d'être tout
simplement chrétien dans le monde actuel, sans qu'on se colle des épaulettes
supplémentaires, et un képi de "petit chef" en prime. Ou on est orthodoxe, ou on
ne l'est pas.

Naturellement, j'ai appris très vite qu'à se dire simplement orthodoxe, dans la
société déchristianisée d'Occident, on risque de passer pour judaïsant, voire
même musulman - et qu'il est parfois nécessaire d'ajouter "chrétien" pour éviter
les confusions. Mais s'auto-proclamer "Vrai Chrétien Orthodoxe" en arrivait à
gêner même ma vanité personnelle, pourtant blindée!

J'ai hélas pu constater que mes craintes (quant à l'état d'esprit qu'une telle
dénomination ne pouvait que développer chez les membres de cette petite église
du boulevard de Sébastopol) n'étaient que trop prémonitoires - et j'ai bien été
obligé de quitter des gens (comme Romane) que j'aimais, quand leur évêque a
"pété les plombs" pour le dire sans emphase doctrinale excessive.

Mais ce que vous dites, hélas, de leurs sempiternelles fragmentations m'avait si
fort écoeuré que je me suis contenté, à l'époque, de revenir la tête basse dans
le bercail de Constantinople. Cependant je garde dans ma mémoire et dans mon
coeur ce que j'ai acquis au cours de ce passage, et notamment mon nouveau nom
d'Éliazar, et ce Baptême par immersion qu'un évêque constantinopolitain un peu
idiot a voulu me faire "expier" par ... la re-chrismation: ce qui finalement ne
faisait qu'ajouter grâce sur grâce!

J'en ai gardé aussi une grande affection personnelle pour le second de leurs
évêques, celui qui a remplacé Photios à la suite de ce "clash" désolant. Mais
c'est une simple histoire humaine, sans autre intérêt théologique: j'ai la même
affection pour plusieurs prêtres kto que j'ai connus pour de bons et honnêtes
prêtres - même si je me suis écarté de leur théologie.

Devenir orthodoxe dans ce pays, chère Catherine, est une longue, longue quête.
L'avantage, c'est qu'on a pas besoin de chercher à se faire une réputation de
fol-en-Christ : on l'acquiert d'office, même si les amis et connaissances
n'osent pas vous le dire ouvertement. Sauf qu'ils se limitent au premier des
trois mots.

Patience ! j'y ai déjà gagné de ne plus jamais oser me croire "vrai orthodoxe";
peut-être arriverai-je un jour au port de l'humilité - s'il n'est pas trop
ensablé d'ici là ?

En toute fraternité dans le Christ (qui doit bien souvent hocher la tête en nous
regardant!)
Antoine
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Message par Antoine »

Date : 21.05 17h52
auteur : Antoine


XB!
Eliazar, vous savez donc mieux que personne que l'apeelation "VCO vrais chrétien
orthodoxes" a été prise par les anciens calendariste en grèsce parce que l'état
et la hiérarchie néocalendariste au pouvoir leur avait interdit la dénomination
d'Eglise orthodoxe.
Maintenat qu'à Sébasto l'appellation VCO n'ait pas été "contrôlée" c'est un
problème qui ne vient pas de l'appellation elle même.

Quant à Photios, gardons de tout jugement. Il a quitté sa fonction d'évêque pour
des raisons humaines et ce en respect des canons. Ce qui est une attitude bien
différente de celle adoptée par le pseudo évêque de l'Ecof, Germain. Je
n'accuserai la paroisse du bd Sébastopol de rien quand on connait la difficulté
que représente la vie en résistance dans un pays où la destruction de
l'orthodoxie est puissamment organisée.

Nous devons à Photios une excellente contestation et remise en cause du
"cathéchisme" papal qu'il a été le seul à ecrire avec l'archimandrite philarète
qui lui succède.
Cet ouvrage de défense de la foi et de la dogmatique Orthodoxe face à une telle
propagande de l'hérésie catholique romaine lui vaudra mémoire éternelle.

[Et n'oublions pas dans ce domaine le travail du Père Cassien. Ce sont des gens de cette envergure (je pense aussi à Romanides et d'autres ) qui maintiennent l'Orthodoxie dans l'Esprit Saint.]
Antoine
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Message par Antoine »

Date : 21.05 20h02
auteur : Éliazar


Alithos anesti, Antoine !
Vous avez parfaitement raison. Vous vous doutez bien (même si accessoirement)
que ce n'était pas sans raisons profondes que j'avais rejoint le hiéromoine
Philarète, et que je m'étais fait baptiser par l'évêque Photios… J'avais moi
aussi été scandalisé que ni les Grecs, ni les Russes (ni le Père Placide)
n'aient RIEN FAIT pour ouvrir les yeux des orthodoxes et des autres sur ce
cynique « Catéchisme » papiste. Ce livre, et la Lumière du Thabor, n'ont pas peu
fait pour me décider – et ces raisons demeurent. Vous avez bien fait de les
souligner « ad usum delfini ».
Reste qu'en France (Dieu soit loué ! et n'en déplaise aux intégristes kto du «
Christ Roi » !) l'État est laïque, que personne au ministère n'oblige le «
Sébasto » (comme vous dites) à s'affubler d'un titre qui ne peut que provoquer,
et choquer - sans aucun intérêt pour la prédication de la Foi. Il m'aurait
semblé beaucoup plus normal que par exemple, nous nous contentions de faire
référence aux initiales grecques « légales », pour simplement signaler sous
quelle obédience s'était placée la branche francophone.
Mais c'est déjà de l'histoire ancienne – et sans doute ces trois initiales
ambiguë vont-elles bientôt disparaître, par exemple en cas de rattachement à une
autre Église.

PS - Maintenant, ne serait-il pas temps de clore cette rubrique ? Elle n'a plus
rien à voir avec les accords de Balamand et s'est transformée en une très
intéressante discussion autour des VCO (Matthéistes et autres) que
malheureusement ceux qu'elle pourrait intéresser n'auront jamais l'idée d'aller
consulter sous le titre actuel!
Antoine
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Inscription : mer. 18 juin 2003 22:05

Message par Antoine »

Date : 23.05 14h54
auteur : Antoine
XB!
Lecteur Claude dans son message de la rubrique "Balamand" nous indiquait que la
revue la Lumière du Thabor, n° 41-42, Paris 1994, pp. 139-162, avait reproduit
les protestations de la Sainte Montagne et la réfutation du texte de Balamand
par le père Jean Romanides.
Pour ceux qui ,n'ont pas cette revue , et plus particulièrement pour Liza qui
demandait des éclaircissements sur cette trahison de l'orthodoxie, en voici le
texte:
[Les Chiffres entre ( ) renvoient aux notes en fin de document.]

Bonne lecture
Antoine
-------------------------------------------------------
REACTIONS ORTHODOXES
A LA FAUSSE UNION DE BALAMAND




La septième session plénière de la Commission mixte internationale pour le
dialogue théologique entre l'Eglise catholique et l'Eglise orthodoxe, s'est
réunie dans l'Ecole Théologique de Balamand, au Liban, du 17 au 24juin 1993.
Nous avons déjà rendu compte de cette réunion, au cours de laquelle les délégués
«orthodoxes» ont reconnu que leur Eglise n'était pas la seule Eglise Une, Sainte,
Catholique et Apostolique du Credo, comme l'Eglise orthodoxe l'a toujours cru
et confessé.
Le texte (1) signé par l'Eglise catholique et par les Patriarcats orthodoxes de
Constantinople, d'Alexandrie, d'Antioche, de Moscou, de Roumanie, ainsi que par
les Eglises de Chypre, de Pologne et de Finlande, déclare en effet que l'Eglise
catholique et l'Eglise orthodoxe sont des Eglises soeurs (§ 14) car «De part et
d'autre, on reconnaît que ce que le Christ a confié à son Eglise - profession de
foi apostolique, participation aux mêmes sacrements, surtout à l'unique
sacerdoce célébrant l'unique sacrifice du Christ, succession apostolique des
évêques- ne peut être considéré comme la propriété exclusive d'une de nos
Eglises» (S 13).
L'union est donc faite entre Constantinople et Rome, comme elle le fut à Lyon en
1274 et à Florence en 1439. Le caractère de cette union est, du reste, très
semblable à celui des deux autres:
1) comme elles, mais de façon plus nette encore, cette union est a-dogmatique,
c'est-à-dire qu'elle n'est pas fondée sur une unité réelle de sentiment, les
orthodoxes ayant conservé leurs opinions et les catholiques les leurs, sur tous
les points de divergen?

2) 2) la vraie Eglise orthodoxe est restée en dehors, non touchée par cette
union, ou plutôt cette «discorde plâtrée» qu'elle refuse absolument.

Dans lesEglises mêmes qui, quoique en communion avec Constantinople, n'ont pas
signé l'union, se développe maintenant une opposition théologique importante.
Nous publions ici
a) la lettre du Mont Athos au Patriarche, où l'on voit les Pères athonites
demander au Patriarche de dénoncer la fausse union ;
b) b) l'artide de J.Romanides, professeur de Dogmatique à l'Université de
Thessalonique, qui s'inscrit ici en faux contre l'accord anti-orthodoxe de
Balamand.

La Société des Erudits pour la Défense du monachisme athonite publie dans son
bulletin du 28 février 1994, la lettre envoyée au Patriarche Bartholomée par la
Sacrée Communauté de la Sainte Montagne: «Conformément à des sources sérieuses
de la Sainte Montagne, la tentative faite par le Patriarcat pour restreindre la
liberté des Athonites a pour but principal de bâillonner une puissante voix
d'opposition qui se lève contre les compromis qui ont lieu de nos jours, au
détriment de notre foi orthodoxe (2). Les Hagiorites ne cessent de protester
contre la position oecuméniste du Patriarcat et contre les efforts qu'il déploie
pour se rapprocher des catholiques et autres hérétiques. Ils lui ont
dernièrement adressé une lettre étendue pour protester contre les accords passés
entre les représentants de certaines Eglises orthodoxes et les catholiques à la
réunion de Balamand du Liban.
La réunion s'est tenue du 17 au 24 juin 1993, sous la co-présidence de
l'archevêque Stylianos d'Australie et du Cardinal Edward Cassidy.
Du côté orthodoxe, les Eglises que voici avaient envoyé des représentants:
Constantinople, Alexandrie, Antioche, Moscou, la Roumanie, Chypre, la Pologne,
l'Albanie et la Finlande,
tandis que les suivantes avaient refusé de participer: Jérusalem, la Serbie,
la Bulgarie, la Géorgie, la Grèce et la Tchécoslovaquie.

La lettre de protestation des hagiorites a provoqué l'ire du Patriarcat et
conduit à la récente ingérence. Voici le texte de la lettre


Caryès, le 8 décembre 1993.

A Sa très divine Toute Sainteté, le Patriarche oecuménique Notre Père et Maître,
le Seigneur Bartholomée. Ville impériale.

Très Saint Père et Maître,

L'union des Eglises ou, pour parler plus précisément, la réunion des hétérodoxes
à notre Eglise Une, Sainte, Catholique, Apostolique et orthodoxe est certes
l'objet de nos désirs, pour la réalisation de la prière du Seigneur: «Afin que
tous soient un» (Jn 17, 21), que nous recevons et embrassons totalement selon le
sens orthodoxe. Comme le rappelle le Professeur J. Romanides : «Le Christ prie
ici pour que ses disciples et les disciples de ses disciples soient un dans la
vision de Sa gloire, dès cette vie terrestre, comme membres de son Corps, c'est-
à-dire de l'Eglise...»

C'est pourquoi, toutes les fois que des chrétiens hétérodoxes nous visitent, les
accueillant avec amour en Christ et leur offrant l'hospitalité, nous prenons
douloureusement conscience de notre séparation dans la foi et de l'impossibilité
où nous sommes donc de nouer aussi avec eux des relations ecclésiales.

Le schisme, la division, entre les orthodoxes et les anti-chalcédoniens d'abord
puis, plus tard, entre les orthodoxes et les occidentaux, constitue réellement
une tragédie, à laquelle nous ne devons pas nous accoutumer et dont nous ne
saurions accepter tranquillement l'idée les bras croisés.

Par suite, nous comprenons les efforts tentés dans la crainte de Dieu et en
accord avec la tradition orthodoxe, qui visent à l'union, laquelle ne saurait en
aucun cas résulter d'une occultation ou d'un amoindrissement des dogmes
orthodoxes, ni non plus d'une indifférence tolérante à l'égard des cacodoxies
des hétérodoxes, parce qu'une telle union ne serait pas une union dans la Vérité
et comme telle ne saurait jamais être ni véritablement acceptée par l'Eglise ni
bénie de Dieu, dans la mesure où, selon le mot des Pères: «Le bien n'est bien
que s'il est bien fait».

Tout au contraire, une telle fausse union provoquerait de nouveaux schismes et
de nouvelles douleurs et divisions pour le corps à présent uni de l'orthodoxie.
A ce sujet, nous dirons que, face aux grands changements qui se sont produits
dans les pays de tradition orthodoxe, et face au violent courant multiforme qui
se manifeste à l'échelle mondiale, l'Eglise orthodoxe, qui est l'Eglise Une,
Sainte, Catholique et Apostolique, se devrait d'une part, de renforcer la
cohésion des Eglises locales en donnant tous ses soins à ses membres blessés et
en pourvoyant à leur rétablissement spirituel, d'autre part, dans la conscience
qu'elle a d'elle-même, de prêcher haut et clair à l'humanité déchue, la force
salvifique, la grâce unique qui est la sienne.

Dans cet esprit nous suivons, autant que nous le permet notre engagement
monastique, les développements et les dialogues du mouvement dit oecuménique,
constatant tantôt que la parole de vérité est fidèlement dispensée, tantôt
qu'ont lieu des compromis et des concessions sur les questions fondamentales de
la foi.

1

Ainsi, des actes et déclarations des représentants d'Eglises orthodoxes ont
suscité chez nous un très profond chagrin, car ce sont des choses inouïes
jusqu'à ce jour, et totalement contraires à notre foi.

Nous citerons d'abord le cas de Sa Béatitude le Patriarche d'Alexandrie, lequel,
en deux occasions au moins, a déclaré que nous, chrétiens, devions reconnaître
Mahomet comme un prophète! et personne jusqu'à ce jour n'a repris ce Patriarche
si cruellement égaré, qui a continué à présider aux destinées de son Eglise
comme si de rien n'était. Nous quittons ici les limites du syncrétisme pan-
chrétien pour entrer dans le syncrétisme de toutes les religions.

En second lieu, nous rapporterons le cas du Patriarcat d'Antioche qui, sans
l'aveu orthodoxe unanime, est entré en communion liturgique avec les anti-
chalcédoniens d'Antioche, sans qu'on ait apporté la moindre solution au très
grave problème de leur acceptation des Conciles oecuméniques postérieurs au
IIIème Concile, et surtout du IVème, celui de Chalcédoine, lequel constitue une
base immuable de l'orthodoxie.

Malheureusement, dans ce cas aussi, nous n'avons pas vu de protestation de la
part d'aucune des autres Eglises orthodoxes.

Cependant, le sujet d'inquiétude le plus sérieux vient du revirement
inadmissible des orthodoxes, tel qu'il ressort du contenu de la déclaration
commune émise à Balamand en juin 1993 par la Commission mixte pour le dialogue
entre les orthodoxes et les catholiques romains, qui adopte des thèses anti
orthodoxes et sur lequel nous tenons particulièrement à appeler l'attention de
Votre Toute Sainteté.

Pour commencer, il convient de reconnaître que les déclarations auxquelles Votre
Toute Sainteté se livrait de temps à autre au sujet de l'uniatisme, qu'elle
considérait comme un obstacle incontournable à toute poursuite du dialogue entre
orthodoxes et catholiques romains, nous rassuraient.

Le texte en question donne toutefois l'impression que vos déclarations ont été
éludées et que l'uniatisme bénéficie de l'amnistie et se voit même appelé à la
table du Dialogue Théologique, malgré le rejet formel que la Conférence
panorthodoxe de Rhodes lui avait opposé: «C'est pourquoi on a jugé bon d'exiger,
comme condition préalable à toute reprise du dialogue, que tous les agents et
propagandistes de l'uniatisme du Vatican s'éloignent définitivement des pays
orthodoxes, et que les Eglises dites uniates soient soumises et incorporées à
celle de Rome, parce que 'uniatisme et dialogue sont tout-à-fait incompatibles
(3) '». Que nos inquiétudes soient justifiées, nous en voulons pour preuve,
entre autres, l'article du Révérendissime Métropolite Démétriados K. Christodule,
paru dans L 'Eglise du Pirée, dont nous citerons quelques extraits. (4)

2

Cependant, les thèses ecclésiologiques de ce document suscitent encore, Toute-
Sainteté, un bien plus grand scandale. Nous mentionnerons les déviations les
plus criantes.

Au paragraphe 10, nous lisons: «Par réaction -contre l'Eglise catholique qui, se
prétendant unique dépositaire du salut, exerçait ses efforts missionnaires au
détriment des orthodoxes- l'Eglise orthodoxe, à son tour, en vint à épouser la
même vision, selon laquelle chez elle seule se trouvait le salut. Pour assurer
le salut des «frères séparés», il arrivait même qu'on rebaptisât des chrétiens,
et qu'on oubliât les exigences de la liberté religieuse des personnes et de leur
acte de foi, perspective à laquelle l'époque était peu sensible (5)».

Nous ne saurions, nous orthodoxes, admettre un tel point de vue, étant donné que
notre Sainte Eglise Orthodoxe n'a nullement commencé de se croire seule
dépositaire du salut par réaction à l'uniatisme, mais bien avant l'uniatisme,
dès l'époque qui vit, pour des raisons de dogme, le schisme s'instaurer.
L'Eglise orthodoxe n'a point attendu les uniates pour savoir, dans la conscience
qu'elle a d'elle-même, qu'elle constitue la continuité authentique de l'Eglise
Une Sainte Catholique et Apostolique du Christ, parce qu'elle a toujours
conscience d'être telle, de même qu'elle a toujours eu conscience que le papisme
se trouve dans l'hérésie. Si elle ne s'est pas servi souvent de ce dernier terme
pour le désigner, c'est pour la raison expliquée par saint Marc d'Ephèse : «Les
Latins ne sont pas simplement schismatiques, mais hérétiques et si notre Eglise
ne l'a pas proclamé tout haut, c'est que leur nation était beaucoup plus
nombreuse et plus puissante que la nôtre... nos prédécesseurs n'ont pas voulu
écraser les Latins en les bafouant et en les flétrissant du nom d'hérétiques,
parce qu'ils attendaient leur retour et faisaient tous leurs efforts pour
ménager leur amitié (6)».

Cependant, lorsque les uniates et les missionnaires de Rome s'abattirent sur
notre Anatolie, pour convertir, surtout par des moyens douteux, les orthodoxes
qui se trouvaient alors affaiblis par les épreuves -tactique toujours en usage
chez eux aujourd'hui- l'orthodoxie se dut alors de prêcher la vérité, non pour
s'engager dans un prosélytisme à la romaine, mais pour protéger son troupeau.

C'est ainsi que saint Photios, à plusieurs reprises, dénonça le Fiioque comme
une hérésie, et ses partisans comme des cacodoxes (7).

Saint Grégoire Palamas dit de l'occidental Barlaam que, venu à l'orthodoxie, il
n'a montré «pour ainsi dire aucune trace de sanctification reçue de notre Eglise,
qui eût pu effacer les taches contractées là-bas( 8)».

Il est clair que saint Grégoire considère Barlaam comme un hérétique qui a
besoin de la grâce sanctifiante pour entrer dans l'Eglise orthodoxe.

La formule utilisée dans le paragraphe 1 rejette indûment la culpabilité sur
l'Eglise orthodoxe, pour atténuer celle des papistes. Quand les orthodoxes ont-
ils rebaptisé les catholiques romains et les uniates indépendamment de leur
volonté, en foulant aux pieds leur liberté religieuse? Et s'il existe des
exceptions, les orthodoxes qui ont signé ce texte n'auraient pas dû oublier que
ceux qui furent rebaptisés «indépendamment de leur volonté» étaient les
descendants d'orthodoxes qui avaient été uniatisés de force, comme ce fut le cas
en Pologne, en Ukraine et en Moldavie! (voir § 11)

Au § 13, nous lisons: «En effet, surtout depuis les conférences panorthodoxes et
le deuxième Concile du Vatican, la redécouverte et la remise en valeur, tant par
les orthodoxes que par les catholiques, de l'Eglise comme communion, ont changé
radicalement les perspectives et donc les attitudes fondamentales. De part et
d'autre, on reconnaît que ce que le Christ a confié à son Eglise -profession de
la foi apostolique, participation aux mêmes sacrements, surtout à l'unique
sacerdoce célébrant l'unique sacrifice du Christ, succession apostolique des
évêques- ne peut être considéré comme la propriété exclusive d'une seule de nos
Eglises. Dans ce contexte, il est évident que tout rebaptême est exclu (9)».

La redécouverte de l'Eglise comme communion a assurément un sens pour les
catholiques romains qui, face à l'impasse où ils se trouvaient du fait de leur
ecclésiologie absolutiste, furent contraints de se retourner, par le jeu de la
dialectique, vers le caractère de communion que possède l'Eglise. Ainsi, à côté
d'un extrême, celui du pouvoir absolu, ils mettent un autre extrême, celui du
pouvoir collégial, tablant toujours dans leur va-et-vient sur la même base
anthropocentrique. L'Eglise orthodoxe, au contraire, a toujours eu et conserve
la conscience d'être, non pas simplement une communion, mais une communauté
théandrique ou, comme le dit à la lettre saint Grégoire Palamas dans son Traité
sur la Procession du Saint Esprit (2, 78), une «communion de déification». Or la
communion de déification n'est pas simplement inconnue, mais elle est
théologiquement incompatible avec la théologie catholique- romaine qui refuse
d'accepter les énergies incréées de Dieu, par lesquelles seules cette communion
s'édifie.

Cela étant, nous constatons avec la plus grande tristesse que, dans le
paragraphe en question, notre sainte Eglise orthodoxe est mise à égalité avec
l'Eglise catholique romaine, laquelle se trouve dans la cacodoxie.

On passe l'éponge sur les graves différences théologiques -le Filioque, la
primauté pontificale, l'infaillibilité, la grâce créée, etc- et on fabrique une
union artificielle sans le moindre accord sur les dogmes.

Ainsi se révèlent véridiques les prévisions qui annonçaient l'union planifiée
par le Vatican et dans laquelle vont, bon gré mal gré, se trouver embarqués les
orthodoxes -comme le disait saint Marc d'Ephèse. Ces derniers se trouvent en
effet, aujourd'hui encore, dans des situations politiques et nationales
extrêmement difficiles, et soumis à des Etats professant d'autres religions.
L'union va donc être accélérée et réalisée sans accord sur les différences
dogmatiques. Le plan en question consiste à sceller l'union sans tenir compte
des divergences, par une reconnaissance mutuelle des sacrements et de la
succession apostolique de chaque Eglise, et la mise en place de l'intercommunion,
dans un premier temps, de façon limitée, et ensuite, élargie. Après quoi, il
restera à poser la question des différences dogmatiques, envisagées comme des
théologouména.

Or, si l'union se fait, quel sens cela aura-t-il encore de discuter des
divergences théologiques?

Rome sait pertinemment que les orthodoxes n'accepteront jamais sa doctrine
hétérodoxe. L'expérience des tentatives d'union qui ont eu lieu jusqu'ici l'a
montré. En conséquence, elle met sur pied une union hors les différences,
espérant qu'avec le temps l'élément dominant (humainement parlant: ici, comme
toujours, le point de vue catholique-romain est purement humain et
anthropocentrique) absorbera le plus faible, c'est-à-dire l'orthodoxie.

Le professeur Jean Romanides avait prévu cette méthode dans un article paru en
février 1966 dans The Orthodox Witness sous le titre: «Le mouvement vers l'unité
et l'oecuménisme populaire».

Nous voudrions demander aux orthodoxes signataires de Balamand:
Le Fiioque, la primauté, l'infaillibilité, le feu purgatoire, l'immaculée
conception, la grâce créée appartiennent-ils à la confession de foi des Apôtres?
Se peut-il que nous les orthodoxes reconnaissions aux catholiques romains une
foi et une confession apostoliques, malgré toutes ces choses?
Ces graves déviations théologiques de Rome sont-elles, oui ou non, des hérésies?
Si oui, comme les Conciles et les Pères orthodoxes en ont jugé, ne s'ensuit-il
pas que les sacrements et la succession apostolique de tels hétérodoxes sont
absolument invalides?
La plénitude de la grâce peut-elle se trouver où la plénitude de la Vérité n'est
pas?
Peut-on séparer le Christ de la Vérité du Christ des sacrements et de la
succession apostolique?

La succession apostolique a été d'abord alléguée par I'Eglise comme une
confirmation supplémentaire et historique de la maintenance et de la sauvegarde
de sa Vérité à travers le temps. Toutefois, lorsque la vérité même se trouve
altérée, quel sens peut bien avoir la conservation d'une succession apostolique
purement formelle et extérieure? Les grands hérésiarques n'avaient-ils pas, pour
la plupart, une telle succession (10)? Or comment croire un instant qu'ils aient
eu la grâce?

Et comment peut-on considérer deux Eglises comme des «Eglises soeurs», non du
fait de leur commune origine d'avant le schisme, mais bien à cause de leur
prétendûment commune confession, grâce sanctifiante et sacerdoce d'à-présent,
nonobstant le fossé dogmatique qui les séparent?
Quel orthodoxe peut accepter l'infaillibilité, la primauté, le pouvoir
juridictionnel du pape «qui s'étend à toute l'Eglise», et le chef politico-
reigieux de l'Etat du Vatican comme successeur authentique des Apôtres?
Ne serait-ce pas la négation de la foi et de la tradition des Apôtres?
Ou bien les signataires de ce texte ignorent-ils que beaucoup de catholiques
romains d'aujourd'hui gémissent sous la semelle du pape et de son système
ecclésial scolastique et anthropocentrique, et qu'ils désirent se rapprocher de
l'orthodoxie?

Et comment se pourrait-il que ces âmes spirituellement tourmentées, qui désirent
le saint baptême, ne soient pas reçues dans l'orthodoxie, sous le faux prétexte
que la même grâce se trouverait ici et là ? Ne convient-il point en cette
occurrence, de respecter leur liberté religieuse, comme le réclame ailleurs et à
un autre propos, la déclaration en question, et de leur conférer le baptême
orthodoxe? Quelle défense présenterons-nous devant le Seigneur pour avoir refusé
la plénitude de la grâce à des âmes qui, après de longues années de lutte et de
recherche personnelle en sont venues au désir du saint baptême de notre Eglise
orthodoxe, Une, Sainte, Catholique et Apostolique?

La Déclaration cite au § 14 les paroles du Pape Jean-Paul II:
«L'effort oecuménique des Eglises soeurs d'Orient et d'Occident, fondé dans le
dialogue et la prière, recherche une communion parfaite et totale qui ne soit ni
absorption ni fusion, mais rencontre dans la vérité et l'amour(1)1» (cf Siavorum
Apostoli, n.27).

Comment l'union peut-elle avoir lieu dans la vérité lorsque les différences
dogmatiques sont contournées et que les deux Eglises sont qualifiées d'Eglises
soeurs malgré ces différences?
La Vérité de l'Eglise est sans partage, parce qu'elle est le Christ Lui-même. Où
subsistent des divergences de dogme, il ne peut exister d'unité en Christ.

L'histoire de l'Eglise nous apprend que seules les Eglises orthodoxes ont
toujours été soeurs entre elles, mais jamais l'Eglise orthodoxe ne l'a été avec
les Egilses hétérodoxes, quel que fût le degré de leur cacodoxie.

Nous sommes fondés à nous demander si le syncrétisme religieux et le minimalisme
dogmatique, produits de la sécularisation humano- centrique n'ont pas influencé
la pensée de ceux qui ont signé un tel texte.

Il est évident que ce document, pour la première fois peut-être de la part des
orthodoxes, adopte la thèse que les deux Eglises, orthodoxe et catholique-
romaine, constituent l'Eglise Une et Sainte ou forment deux expressions
légitimes de celle-ci.
C'est malheureusement aussi la première fois que les orthodoxes reconnaissent
officiellement une forme de la théorie des branches.

Qu'il nous soit permis d'exprimer notre profond chagrin devant ce fait, dans la
mesure surtout où cette théorie entre en conflit criant avec la tradition de
l'orthodoxie et la conscience de soi qu'elle a toujours eue jusqu'ici.
En témoignage de cette conscience de soi orthodoxe, selon laquelle notre Eglise
constitue l'Eglise Une et Sainte, nous avons beaucoup d'autorités ratifiées et
reconnues par l'ensemble de l'orthodoxie.
Ainsi les Conciles:
1) de Constantinople en 1722
2) de Constantinople en 1727
3) de Constantinople en 1838
4) l'Encyclique des quatre Patriarches d'Orient et de leurs Synodes
respectifs en 1848
5) le Concile de Constantinople en 1895
ont confessé que seule notre Sainte Eglise orthodoxe constitue
l'Eglise Une et Sainte.
Le Concile de 1895 à Constantinople résume tous les synodes antérieurs: «Ainsi
l'Eglise Orthodoxe d'Orient se glorifie justement dans le Christ d'être l'Eglise
des Sept Conciles Oecuméniques et des neuf premiers siècles du Christianisme et,
en conséquence, l'Eglise Une, Sainte, Catholique et Apostolique du Christ,
'colonne et fondement de la vérité'. L'Eglise Romaine, elle, est l'Eglise des
innovations, de la falsification des écrits des Pères de l'Eglise, de la fausse
interprétation de la Sainte Ecriture et des décrets des Saints Synodes. C'est
pourquoi c'est en toute justice et pour de bonnes raisons qu'elle a été rejetée
et qu'elle le restera tant qu'elle persistera dans son égarement. Car comme le
dit le divin Grégoire de Nazianze: 'Mieux vaut une guerre louable, qu'une paix
qui sépare de Dieu(12)'».

Telle est aussi la doctrine que prêchaient les représentants des Eglises
orthodoxes aux assemblées du C.O.E., auxquelles participaient d'éminents
théologiens orthodoxes, tels le Père George Florovsky. Ainsi, à la Conférence de
Londres (1952), il a été déclaré: «Nous sommes venus ici non pour critiquer les
autres Eglises, mais pour les aider à voir la vérité, pour éclairer leur
réflexion d'une manière fraternelle, les informant sur la doctrine de l'Eglise
Une, Sainte, Catholique et Apostolique qui est l'Eglise grecque orthodoxe,
inchangée depuis l'époque apostolique(13)».

Et à Evanston en 1954, les délégués orthodoxes proclamèrent:
«En conclusion, nous devons déclarer notre persuasion profonde, que seule la
sainte Eglise orthodoxe a gardé la foi transmise une fois pour toutes aux saints
dans toute sa plénitude et dans toute sa pureté ; et cela, non pas à cause de
notre mérite humain, mais parce qu'il plaît à Dieu de conserver 'ce trésor dans
des vases de terre, afin que la surabondance de la force vienne de Dieu (14)'».

A New Dehli, en 1961, même écho: «L'unité a été déchirée et doit être regagnée.
En effet, l'Eglise orthodoxe n'est pas une confession parmi d'autres, ni une sur
une multitude. Pour les orthodoxes, l'Eglise orthodoxe est, en soi, l'Eglise.
L'Eglise orthodoxe est profondément consciente que son assise intérieure et son
enseignement coïncident avec le message apostolique et la tradition de l'Eglise
antique non divisée. L'Eglise orthodoxe se situe dans la continuité
ininterrompue et jamais brisée du sacerdoce des mystères (sacramental ministry),
de la vie et de la foi dans les mystères. La succession apostolique de la
dignité épiscopale et du ministère sacramentel est réellement, pour les
orthodoxes, essentielle et constitutive et, pour cette raison, représente un
critère indispensable de l'existence de l'Eglise en généraL Selon sa persuasion
intime et en connaissance de sa constitution propre, l'Eglise orthodoxe
considère qu'elle occupe une place particulière et exceptionnelle au sein de la
chrétienté désunie: à savoir, qu'elle est porteuse et témoin de la tradition de
I'Eglise antique indivise, de laquelle proviennent par réduction ou séparation
toutes les confessions chrétiennes existantes (15)».

Nous pourrions encore exposer ici bien des témoignages des théologiens
orthodoxes les plus distingués et les plus généralement reconnus. Nous nous
contenterons de l'un d'entre eux, feu le Père Dumitru Staniloae, théologien
connu non seulement pour sa science, mais encore pour sa largeur de vue et sa
perspective d'un oecuménisme entendu dans un sens orthodoxe.

En plusieurs points de son livre estimable, intitulé Pour un oecuménisme
orthodoxe, (Le Pirée, 1976), le Père Dumitru fait allusion à des thèmes abordés
par la Déclaration Commune, mais qu'il traite selon le témoignage orthodoxe. Nos
citations feront apparaître la discordance entre les thèses de la Déclaration
qu'on vient de rapporter, et notre foi orthodoxe.
«Sans l'unité de la foi et sans la communion au même Corps et Sang du Verbe
Incarné, il ne saurait y avoir d'Eglise au plein sens du terme (16)». «En
d'autres termes, l'économie permet de valider un sacrement accompli hors de
l'Eglise, pour celui qui entre en pleine communion de foi avec les membres de
l'Eglise orthodoxe et en devient membre(17)». «Pour la conception catholique-
romaine, l'Eglise n'est pas tant un organisme spirituel dont la tête est le
Christ C'est plutôt une organisation juridique qui ne vit pas dans la dimension
divine, mais, au mieux, sur le plan du «surnaturel» et de la grâce créée (18)».
«L'unité de foi joue un rôle indispensable pour la conservation de cette unité,
parce qu'elle lie absolument tous les membres de l'Eglise avec le Christ et
entre eux (19)».
«Tous ceux qui ne confessent pas le Christ intégralement, mais seulement des
parcelles déterminées du Christ, ne peuvent pas réaliser de communion totale, ni
avec l'Eglise, ni entre eux (20)». «Comment les catholiques pourraient-ils
s'unir dans une eucharistie commune avec les orthodoxes, du moment qu'ils
pensent qu'ils sont davantage unis par le Pape que par la divine Eucharistie ?
L'amour pourrait-il jaillir du pape vers le monde? Cet amour qui jaillit du
Christ de la Divine Eucharistie (21) ?»
«Il suffit de reconnaître le fait que l'orthodoxie, comme corps plénier du
Christ, vise à recevoir dans son sein, concrètement, les parties qui s'en sont
séparées (22)...»
Il ne peut exister, cela va de soi, deux corps pléniers du Christ!

3

On peut justement trouver stupéfiant, Toute Sainteté, de voir les orthodoxes se
lancer dans ces concessions au moment où les catholiques romains, non seulement
maintiennent leur ecclésiologie papocentrique, mais la renforcent même.

Le Concile de Vatican II, on le sait, loin de diminuer la primauté et
l'infaillibilité, les a encore augmentées. Selon feu le Professeur Jean
Karmiris: «Les prétentions latines bien connues sur la monarchie absolue du pape
non seulement n'ont rien perdu de leur force lorsqu'elles ont été recouvertes,
lors du Concile de Vatican II, sous le manteau de la collégialité des évêques :
tout au contraire, elles se sont, par cela même, considérablement renforcées, et
le pape actuel n'hésite pas à les mettre en avant à temps et à contretemps, avec
beaucoup d'emphase (23)».
Or, le texte de l'Encyclique papale du 28 mai 1992, «Aux Evêques de l'Eglise
Catholique» reconnaît comme seule Eglise «catholique» celle de Rome et son Pape
comme le seul évêque catholique, universeL L'Eglise de Rome et son évêque
constituent «l'essence» de toute Eglise. Toute autre Eglise locale et son évêque
représentent simplement des expressions de la «présence» et du «pouvoir»
immédiats de l'Evêque de Rome et de son Eglise, laquelle détermine «de
l'intérieur le caractère de I'ecclésialité de toutes les Eglises locales (24)».

Les Eglises orthodoxes, selon ce texte du Pape, du fait qu'elles ne sont pas
soumises à ce dernier, ne comportent aucunement le caractère ecclésial, mais ne
doivent être considérées que comme des «Eglises partielles» (Verdienen den Titel
« Teilkirchem »», «Elles méritent le titre d'Eglises partielles»).

Le Directoire pour l'application des principes et des normes sur l'oecuménisme
reprend explicitement la même ecclésiologie. Ce Directoire de l'Eglise
catholique-romaine a été présenté par le Cardinal Cassidy lors de la réunion des
évêques catholiques-romains (10-15 mai 1993) en présence de non-catholiques et
d'orthodoxes. Dans ce document, il est souligné que les catholiques-romains
«gardent la ferme conviction que l'unique Eglise du Christ subsiste en l'Eglise
catholique qui est 'gouvernée par le successeur de Pierre et par les Evêques qui
sont en communion avec lui' (Lumen Gentwm, 8)» (§ 17), dans la mesure où le
«collège des Evêques» «a à sa tête I'Evêque de Rome, comme successeur de Pierre»
(§ 14).

Dans le même texte, on trouve beaucoup de belles paroles sur la nécessité de
développer les dialogues oecuméniques, la formation oecuménique, évidemment pour
«troubler les eaux» et prendre les orthodoxes naïfs au piège de la méthode
unioniste planifiée par le Vatican et suivie par lui avec succès, c'est-à-dire
la soumission à Rome.

Cette méthode est ainsi décrite par le texte dont nous parlons:
«Comme critères pour le travail oecuménique en commun ont été posés, d'une part
la reconnaissance réciproque du baptême, et l'introduction des symboles communs
de la foi dans l'expérience liturgique, d'autre part, la collaboration pour la
formation oecuménique, la prière commune et le travail pastoral commun, de façon
à ce que nous passions du conflit à la coexistence, de la coexistence à la
coopération, de la coopération à la participation et de la participation à la
communion (26)».
Le plus grave est que de tels textes pleins d'hypocrisie sont estimés par
l'orthodoxe en général comme positifs (27).
Nous sommes affligés de constater que c'est sur la logique catholique romaine de
ce texte que se fonde aussi la déclaration commune de Balamand.
Nous nous demandons donc si ces derniers développements ne justifient pas tout-à-
fait ceux qui prêchaient que, sous de telles conditions, les dialogues aux noms
multiples se déroulent, en dernière analyse, au détriment de l'orthodoxie.

Très Saint Père et Maître,
à vue humaine, les catholiques-romains ont, par ce texte, obtenu la
reconnaissance, de la part de certains orthodoxes, de leur Eglise comme
continuation légitime de l'UNA SANCTA, avec la plénitude de la Vérité, de la
Grâce, du Sacerdoce, des Mystères, de la Succession Apostolique.
Ce succès toutefois se retourne contre eux, parce qu'il leur enlève toute
possibilité de faire pénitence, de reconnaître et de surmonter leur grave
faiblesse ecclésiologique et dogmatique.
C'est pourquoi les concessions faites par les orthodoxes ne sont pas non plus,
en essence et en réalité, le produit de l'amour. Elles ne contribuent au bien ni
des catholiques ni des orthodoxes.

Elles font passer de l' «esperance de l'Evangile» (CoL 1, 23) du seul Christ le
Dieu-Homme à l'idole de l'homme-dieu, du Pape de l'humanisme occidental.
Nous sommes obligés, pour les catholiques-romains comme pour tout l'univers,
pour lesquels l'orthodoxie immaculée est le dernier espoir, de ne jamais
accepter l'union, ni la reconnaissance de l'Eglise Catholique-Romaine comme
«Eglise soeur» ou du Pape comme évêque canonique de Rome, ou de l'Eglise de Rome
comme possédant une succession apostolique canonique, le Sacerdoce et les
sacrements, sans qu'ils aient rejeté explicitement le Filioque, l'infaillibilité,
la primauté, la grâce créée et les autres cacodoxies que nous ne regarderons
jamais comme des différences insignifiantes ou comme des théologouména, parce
qu'elles altèrent irrémédiablement le caractère théandrique de l'Eglise et
constituent des blasphèmes.

Caractéristiques sont encore ces affirmations de Vatican II:

- «Le Pontife romain, comme successeur de Pierre, est le principe perpétuel et
visible, le fondement de l'unité tant des évêques que de la masse des fidèles
(28) ».
- «Cette obéissance religieuse de la volonté et de l'intelligence doit se
manifester d'une manière particulière à l'égard du magistère, de l'autorité
enseignante authentique du Pontife Romain, même lorsqu'il ne prêche pas ex
cathedra (29)».
- «Cette infaillibilité, le Pontife romain, Chef du collège des évêques, la
possède en vertu de son office lorsque, en sa qualité de pasteur et de docteur
suprême de tous les fidèles qui confirme dans la foi ses frères (cf. Lc 22, 32),
il proclame, en la définissant, une doctrine de foi ou de morale. Voilà pourquoi
ses définitions sont dites à juste titre irréformables par elles-mêmes et non
par suite du consentement de l'Eglise; elles sont en effet prononcées avec
l'assistance du Saint-Esprit, qui lui fut promise en la personne du bienheureux
Pierre, elles n'ont besoin d'aucune autre approbation et ne tolèrent aucun appel
à une autre instance. C'est que le Pontife romain se prononce alors non pas à
titre privé, mais expose ou défend la foi catholique comme docteur suprême de
l'Eglise universelle, en qui réside d'une façon particulière le charisme de
l'infaillibilité de l'Eglise elle-même(30)».
- «Le Pontife romain, en vertu de son office qui est celui de Vicaire du Christ
et de Pasteur de toute l'Eglise, a sur celle-ci un pouvoir plénier, suprême et
universel, qu'il peut toujours exercer en toute liberté... Il n'y a aucun
Concile oecuménique qui n'ait été confirmé ou du moins accepté comme tel par le
successeur de Pierre; et c'est une prérogative du Pontife romain de convoquer
ces Conciles, de les présider et de les confirmer(31)».

Toutes ces paroles ne sonnent-elles pas, Toute-Sainteté, aux oreilles des
orthodoxes, comme un blasphème contre le Saint Esprit et contre le divin
bâtisseur de l'Eglise, Notre Seigneur Jésus Christ, seule tête éternelle et
infaillible de l'Eglise, desquels seulement jaillit l'unité de l'Eglise? Ne
renversent-elles pas de fond en comble l'ecclésiologie évangélique, divino-
humaine et spirituelle de l'orthodoxie? Ne soumettent-elles pas le Dieu-Homme à
l'homme?
Comment composerons-nous ou coexisterons-nous avec cet esprit, sans perdre notre
foi et notre salut?

C'est pourquoi, restant fidèles aux traditions que nous avons reçues de nos
Saints Pères, nous ne recevrons jamais l'Eglise romaine, telle du moins qu'elle
existe à présent, comme personnifiant avec la nôtre l'Eglise Une, Sainte,
Catholique et Apostolique du Christ
Nous considérons d'autre part comme nécessaire que, parmi les différences
théologiques, soit également souligné le thème de la distinction entre l'essence
et les énergies en Dieu et le caractère incréé des énergies divines, parce que
si la grâce est créée, comme le prêchent les catholiques-romains, le salut est
rendu vain, ainsi que la déification de l'homme, et l'Eglise cesse d'être une
communion de déification, pour tomber dans une organisation légalo-canonique.

Pour tout ce qui précède, l'âme affligée, nous nous réfugions vers vous, notre
Père Spirituel, et avec une profonde vénération nous vous prions et supplions de
prendre en main, dans la prudence et sensibilité pastorales qui vous distinguent,
ce très grave sujet, de ne pas accepter le texte de Balamand et, plus
généralement, de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour prévenir les
conséquences fâcheuses qu'aurait, pour l'unité panorthodoxe, l'adoption
éventuelle de ce texte, fût-ce par quelques Eglises seulement.
Nous demandons aussi vos saintes prières en Dieu, afin que nous- mêmes, humbles
moines et ermites de la Sainte Montagne, nous puissions, dans cette époque de
confusion spirituelle, de compromissions avec le monde et d'affaiblissement du
sens orthodoxe et dogmatique, demeurer fidèles jusqu'à la mort dans la «règle de
doctrine» (Rom. 6, 17) que nous avons reçue de nos Saints Pères, quoiqu'il
puisse nous en coûter.
En outre, nous embrassons votre sainte droite, avec la plus profonde vénération.

Tous les représentants à la Sainte Synaxe
et les higoumènes des vingt monastères
de la Sainte Montagne de l'Athos.

Note : La présente lettre a aussi été envoyée aux Eglises qui prennent part au
dialogue théologique, comme directement intéressées, et aux autres pour
information.

Orthodoxos Typos n°1067 du 18 mars 1994


REPONSE DU PROFESSEUR J. ROMANIDES

Neuf Eglises orthodoxes ont signé avec des représentants du Vatican un accord
contenu dans un texte intitulé: «L'uniatisme, méthode d'union du passé et la
recherche actuelle de la pleine communion».
Ce texte a été composé par les membres du dialogue entre les orthodoxes et le
Vatican lors de leur session plénière du 17 au 24juin 1993 à Balamand du Liban.
Cinq Eglises orthodoxes ne s'y trouvaient pas.

1. Le prétendu schisme

1) a. Derrière cet accord se trouvent quelques érudits latins, familiarisés avec
la recherche contemporaine sur la nature stratégique et politique du schisme,
dont les représentants à Balamand se sont pourtant gardé de souffler mot Les
orthodoxes à Balamand se sont accordé avec les Latins pour penser le schisme
dans le cadre mis en place par la propagande franko-latine du Moyen-Age,
propagande qui s'est installée depuis un temps considérable dans les écoles
orthodoxes. En tout état de cause, cet accord passe sous silence le fait que,
depuis le VIIème siècle, les évêques franko-latins ont reçu d'ordinaire leur
succession apostolique en Gaule, en Germanie, en Angleterre, en Italie et en
Espagne, en massacrant les Romains occidentaux qui tenaient précédemment les
évêchés. Dès 794 et 809 ils avaient condamné les Romains d'Orient comme
hérétiques. Cela eut lieu quelques deux cent soixante ans avant la date
«officielle» du schisme de 1054. Durant l'intervalle entre 1008 et 1046, les
Franko- latins achevèrent d'éloigner les Romains de l'Etat papal et de prendre
totalement leur place.
b. Les Franko-latins avaient entamé leur marche vers l'hérésie en persécutant
les Romains d'Orient dès le VIllème siècle, à une époque où ils n'étaient eux-
mêmes que des barbares illettrés. La papauté romaïque fit alors entendre sa
protestation. Les papes romains n'avaient pas encore condamné officiellement les
Franks, parce qu'ils désiraient alléger les peines que souffraient les Romains
asservis au joug frank et qu'ils songeaient à garantir leur survie personnelle.
La papauté romaïque prit finalement part au VIllème Concile Oecuménique de 879
dans la Nouvelle Rome, concile qui condamna les hérésies franques relatives aux
icônes et au Fiioque, sans toutefois désigner nommément les hérétiques, par peur
des représailles. Vers 850, les papes romains commencèrent à rappeler les Franks
à l'ordre de façon pressante, leur demandant de se conformer aux règles communes
du comportement civilisé. Ces tentatives des papes échouèrent cependant. Les
Franko-latins répliquèrent en éliminant par la violence les papes, les évêques
et les higoumènes romains, dont ils prirent la place. Ils tinrent la même
conduite lorsqu'ils s'emparèrent de l'Italie du Nord, de la Germanie, de
l'Angleterre, de l'Italie du Sud, de l'Espagne, de l'Europe Orientale et du
Moyen Orient. Leur politique : exterminer autant que faire se pouvait.
Papes et évêques franko-latins n'eurent jamais, ni à cette époque, ni plus tard,
la moindre notion de la guérison de la personnalité humaine, ni ne manifestèrent
le moindre signe d'intérêt pour cette guérison qui s'effectue par le moyen de la
purification, de l'illumination du coeur et de la glorification. Ils avaient et
ils ont encore une conception magique de la succession apostolique, conception
également embrassée par beaucoup d'orthodoxes depuis les prétendues réformes de
Pierre le Grand. Or c'est cette conception qui se trouve à la base de l'accord
de Balamand (32).

2) Ce texte rejette ou ignore les événements qu'on vient de rappeler et implique
l'acceptation de la théorie franko-latine du prétendu schisme. Aux yeux des
historiens des deux partis, orthodoxes ou non, qui ont enfin redécouvert ou
découvert le dessous des manigances latines autour du schisme, le texte de
Balamand paraît pour le moins paradoxal.

2. Ecclésiologie

3) L'accord de Balamand se fonde sur une interprétation de la prière de Notre
Seigneur rapportée dans le chapitre 17 de saint Jean, interprétation absolument
étrangère à la tradition orthodoxe. Le Christ prie alors pour que Ses disciples
et ceux qui seront leurs disciples deviennent un dans la vision de Sa gloire,
dès cette vie terrestre, comme membres de Son Corps, c'est-à-dire de l'Eglise,
qui se constitue à la Pentecôte et s'étend à l'illumination et à la déification
de tous les saints de l'Histoire. Les disciples ont vu la gloire incréée du
Christ avant la Pentecôte, mais non comme membres de Son Corps qui est l'Eglise.
La déification survenue lors de la Pentecôte constitue le noyau réel de
l'histoire de l'Eglise. La prière du Christ au chapitre 17 de saint Jean vise
l'accomplissement des prophéties, de ses enseignements et de ses promesses, plus
particulièrement de toutes celles que rapporte l'Evangile de Jean, notamment au
chapitre 16, verset 13. C'est de cette manière-là que les Pères comprennent
cette prière. Elle ne concerne pas l'union des membres du Corps du Christ avec
ceux qui ne se trouvent pas sur le stade de la purification, de l'illumination
et de la déification, mais vise leur entrée dans ces étapes de la thérapie. Il
est au moins curieux de voir quelqu'un dire que le chapitre 17 de Jean peut
s'appliquer à des Eglises et à des Chrétiens qui n'ont pas la moindre idée de la
déification et de la manière d'entreprendre, dès cette vie, cette cure médicale.

4) Ce texte trouve des défenseurs parmi les orthodoxes naïfs qui demeurent
persuadés qu'ils constituent une «Eglise soeur» face à l'Eglise soeur» vaticane.
A Balamand, les orthodoxes, non contents de se faire prendre à leur propre piège,
sont aussi tombés dans celui que leur avait tendu le Concile de Vatican II, en
décidant unilatéralement de reconnaître les sacrements orthodoxes. Autrement dit,
les orthodoxes, à Balamand, sont tombés dans ce double piège en reconnaissant
eux-mêmes les sacrements des Latins, chose que seuls les Conciles Orthodoxes ont
le pouvoir de faire. On pourrait soutenir qu'un orthodoxe peut, sans enfreindre
la loi ni son devoir, prier et souhaiter par charité que les sacrements des
Latins, de même que ceux des protestants, soient réellement valides et
efficaces; mais il doit en laisser la décision aux mains de Dieu. Toutefois,
prétendre que les sacrements des Latins sont valides, alors que les Latins eux-
mêmes n'enseignent pas que la déification en cette vie constitue le noyau
central de la tradition apostolique, voilà qui sonne vraiment le paradoxe! La
doctrine latine officielle des sacrements, du point de vue historique, n'est pas
simplement non orthodoxe, mais bien anti- orthodoxe. Ajoutons que beaucoup de
protestants sont d'accord, dans le principe, pour dire que la grâce transmise
est incréée. L'hérésie latine qui enseigne que la grâce communiquée est créée,
n'a toujours pas été rejetée par le Vatican.

3. L'uniatisme n'a plus de raison d'être

5) Le fait que les représentants du Vatican aient proposé cette thèse, laquelle
a été également acceptée par les orthodoxes présents, signifie que les premiers
ont leur propre solution à l'uniatisme: le maintien du dogme latin sur le Pape.

6) A l'époque du Concile de Vatican II, le New York Times avait publié, en
première page, que le schisme entre le Vatican et les orthodoxes avait pris fin.
La raison de cette annonce, c'est que les Latins avaient compris la levée des
anathèmes de 1054 comme une levée de la non-communion, tandis que Constantinople
n'avait levé, semble-t-il, que les anathèmes. Du point de vue des Latins, la
décision de Vatican II, qui reconnaît la validité des sacrements orthodoxes,
s'inscrit dans cette logique. Ainsi, il est devenu possible aux Latins de
communier dans les Eglises orthodoxes et inversement. Les orthodoxes, jusqu'à
présent, avaient des difficultés à refuser la Communion aux Latins.

7) A présent qu'existe le document de Balamand, le prochain pas sera
d'encourager, chez les Latins et chez les Uniates, la pratique de la communion
dans les Eglises orthodoxes, conformément au Concile de Vatican II. Le fait
essentiel que les orthodoxes, à Balamand, soient allés jusqu'à la pleine
reconnaissance des sacrements latins, implique qu'il sera désormais facile de
soutenir que seule la haine peut expliquer un refus d'intercommunion et de
concélébration.

8) On peut aussi présumer que le Pape, à titre d'essai, va omettre de désigner
le successeur d'au moins un de ses archevêques uniates actuellement en poste,
voire d'un de ses patriarches, pour placer les fidèles uniates du lieu sous la
juridiction spirituelle de l'archevêque ou du patriarche orthodoxe locaL Un
refus orthodoxe, auquel on peut s'attendre, rentrera ipso facto dans le cadre de
la tactique visant à présenter les orthodoxes comme intolérants et ennemis de
leurs frères chrétiens, au point de refuser l'intercommunion.

9) Le Conseil Oecuménique des Eglises a cultivé soigneusement et avec grand
succès cette image des orthodoxes, au moins depuis la Conférence Générale de
Nairobi en 1975.

10) Balamand venant à présent continuer Vatican II, et l'uniatisme n'ayant plus
de raison d'être, les orthodoxes se voient confrontés aux conséquences de leur
constant refus de communier avec les Latins et les Uniates. En vertu de l'accord
de Balamand, la validité des sacrements est acquise, et ne dépend pas de la
réception de sept ou de vingt-deux Conciles Oecuméniques, de leurs actes et de
leurs enseignements. Dès lors, on peut faire valoir l'impression que seul le
manque de charité explique le refus persistant, chez les orthodoxes, de
l'intercommunion et des concélébrations avec le Vatican.

4. Question ultime

Oui ou non, le dogme est-il un garde-fou qui protège des faux- médecins et un
guide qui conduit à la guérison de la purification, de l'illumination du coeur
et de la glorification?

Orthodoxos Typos n° 1068 du 25 mars 1994.


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Notes


1 Intégralement reproduit dans Episkepsis n°496 du 30 septembre 1993

2 En février 1994, une délégation patriarcale s'est rendue au Mont Athos, pour y
discuter du statut juridique des moines d'origine non-grecque et décider
l'expulsion des moines zélotes qui refusent de commémorer le Patriarche. Devant
les protestations des moines, la délégation a destitué de leurs fonctions le
supérieur de Xéropotamou et les délégués des monastères de Simonospétra,
Philothéou et Dionysiou. Treize monastères ont refusé cette décision. A Pique
1994, une réconciliation est intervenue: les treize monastères, sans renier leur
volonté de sauvegarder l'autonomie de l'Athos, ont envoyé une lettre d'excuse au
Patriarche, qui a levé les sanctions anticanoniques qu'il avait prises.

3 Jean Karmiris, Monuments Dogmatiques et Symboliques de l'Eglise catholique
orthodoxe, t.2, Autriche, 1968, (en grec) p. 1007-1008.

4 Révérendissime Métropolite Démétriados K. Christodule, «L'uniatisme, seule
méthode dépassée pour l'union ?», L 'Eglise du Pirée, 32, octobre 1993, p.36-37.

5. Texte de la Septième session plénière de la Commission mixte internationale
pour le dialogue théologique entre l'Eglise catholique et l'Eglise orthodoxe
(Balamand, Liban, 17-24 juin 1993) «L'uniatisme, méthode d'union du passé et la
recherche actuelle de la pleine communion», Episkepsis, n°496, du 30/9/93, p. 27

6 J.Karmiris, Monuments Dogmatiques et Symboliques de I'Eglise catholique
orthodoxe, t.1, Athènes 1960 (en grec), p. 419.

7 Voir Lettre 5, au Métropolite d'AquiIée, Lettres de Photios (en grec), éd.
J.Valettas, Londres 1864, p.189, 191, 192, 196. Voir aussi le texte suivant:
«Enfin, et par-dessus tout, leur blasphème contre l'Esprit, ou plutôt contre
toute la Sainte Trinité, quand bien même ils n'auraient rien osé des choses que
j'ai rapportées, ce blasphème insurpassable les place, à lui seul, sous
plusieurs millions d'anathèmes !» (Lettre Encyclique aux sièges épiscopaux
d'Orient, 33, dans : J. Karmiris, op. cit., t.1, p. 327). e lecteur français
trouvera une traduction de ces textes dans: Saint Photios, Oeuvres Trinitaires 1,
Fraternité St Grégoire Palamas, Paris, 1989 (N.d.T.)].

8 Saint Grégoire Palamas, Triades, 3, 15.

9 Episkepsis, Ibid, p. 27-28

10 Ils devaient leur ordination à des évêques orthodoxes (N.d.T.).

11 Episkepsis 496, 30/9/1993, p. 28/18. D'une manière caractéristique, la
déclaration se réfère par quatre fois aux paroles du Pape et ne cite qu'une fois
le Patriarche Oecuménique.

12 J. Karmiris, op. cit., t. 2, p. 942. traduit en français dans Encycliques des
Patriarches Orthodoxes de 1848 et 1895, Fraternité Orthodoxe Saint Grégoire
Palamas, Paris, p. 67].

13 J. Karmiris, Ibid, p. 971.

14 Id., Ibid., p. 974.

15 Id., Ibid., p. 978.

16 P. Dumitru Staniloae, Pour un Oecuménisme Orthodoxe, Le Pirée, 1976, p. 28.

17 Ibid., p. 32.

18 Ibid, p. 35.

19 Ibid., p. 38.

20 Ibid., p. 75.

21 Ibid., p. 103.

22 Ibid., p. 105.

23 J. Karmins, L 'Orthodoxie et le Catholicisme romain, t. 2, p. 162.

24 M. Farantou, dans Orthodoxos Typos, n° 1030, du 2juillet 1993, p. 1. [Voir
sur cette Encyclique, rédigée avec l'aide du Cardinal Ratzinger, le commentaire
de Père Patric dans La Lumière du Thabor, n° 35].

25 Episkepsis, n° 493, du 30juin 1993, p. 15.

26 Texte cité, p. 14.

27 Ibid., p. 17-18.

28 The Documents of Vatican II, New York, 1966,44,48. Texte françats: Valican II,
Les seize documents conciliaires, Fides, Montréal et Pans, 1967, p. 45.

29 [Texte français cité, p. 48.]

30 [Edition française, p. 48-49].

31 [Texte français cité, P. 44]. Cité par Archim. Sp. Bilali, Orthodaiie et
Papisme, t. 1, p. 323, 325. «Le texte juge que l'uniatisme est une méthode du
passé qui est rejetée de nos jours... Nous remarquons néanmoins qu'on évite de
condamner ouvertement l'uniatisme comme une méthode de prosélytisme visant les
orthodoxes, tout en proclamant légitime l'existence des Eglises dites
«catholiques d'Orient»... Mais comment des uniates sans «uniatisme» pourraient-
ils exister? Et si l'on condamne l'uniatisme en tant que méthode d'unité, à quel
titre pourrait-on bien le justifier ?...
Loin de désapprouver la présence des Eglises catholiques orientales.., on leur
donne le droit de prendre place au dialogue pour l'unité. Mais la condition sine
qua non posée par les orthodoxes pour entamer le dialogue avec les catholiques
était que les uniates n'y soient pas présents. Maintenant, avec l'accord des
deux partis, le conflit est résolu comme le veulent les uniates. Je doute que
cette décision soit reçue par les Eglises orthodoxes...
On souligne dans le texte l'affirmation que l'Eglise catholique aidera les
uniates à comprendre la nécessité de leur concours pour le rétablissement de la
pleine unité entre catholiques et orthodoxes. L'Eglise orthodoxe fera de même...
Mais tout cela intervient après des violences qui viennent de s'abattre en
Europe orientale, et qui ont pour premiers auteurs les uniates. Après que les
orthodoxes ont subi des violences, après qu'ils se sont vu chasser de leurs
églises, après qu'ils ont été privés de leur lieux de culte, voilà que les
Eglises orthodoxes sont invitées à persuader leurs fidèles de ne pas se plaindre
des uniates. Les signataires de ce texte, où vivent-ils? Hors du monde?
Le texte ne rappelle pas l'histoire des persécutions et des vicissitudes du
passé auxquelles orthodoxes et uniates furent mêlés. Ainsi, on évite
substantiellement de parler de tous ces maux, qu'ont surtout soufferts les
orthodoxes de la part des uniates... dans un passé lointain et récent. Un clair
exposé des responsabilités de chacun contribuerait au rétablissement des
relations entre les chrétiens.
D'autre part, la nécessité du rétablissement de la pleine liberté religieuse
cache un piège, car sous le prétexte de cette liberté, l'Eglise catholique et
les uniates continueront d'agir sur l'entourage orthodoxe de ceux qui ont vécu
durant des années sous la coupe de l'athéisme et du matérialisme et chez qui on
ne peut naturellement s'attendre à trouver un sens dogmatique aigu des
différences entre les Eglises. Le principe selon lequel chacun décide librement
de l'Eglise à laquelle il appartiendra est, dans certains cas, suspect, joint à
la persistance de la propagande de Rome par l'organe des uniates, qui
ressemblent extérieurement aux orthodoxes. II est difficile pour des hommes qui
ne sont pas habitués à la vie ecclésiastique de les distinguer d'avec la vraie
orthodoxie».
(Extrait de l'article du Rév. Métropolite Dimitriados K. Xristodoulou,
«L'uniatisme, méthode d'union seulement dépassée ?», L 'Eglise du Pirée, n° 32,
octobre 1993.)


32 Voir J. Romanides, Franks, Romans, Feudalism and Doctnne, Holy Cross Orthodox
Press, Brookline, 1982 ; Id., «Church Synods and Civilisation», Theologia,
Athènes, t. 63, p. 3, 1992, p. 423-450.
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