Noël, votre message appelle de nombreux commentaires. J’essaie de faire de mon mieux.
Lorsque j'écrivais qu'il faut à la fois rester catholique et orthodoxe je voulais dire qu'il faut, dans la recherche de compréhension des textes anciens, rester ouverts aux enseignements des autres traditions et, en même temps, cadrés sur la doctrine afin de ne pas s'égarer sous l'action de la " folle du logis ".
Nous ne considérons pas seulement les textes des 7 saints Conciles œcuméniques comme de vénérables “textes anciens”. Les Conciles et les Pères n’ont jamais fait autre chose que de tenter d’exprimer ce qui devait encore être précisé dans la Tradition que le Seigneur, qui est le Fondateur de l’Église, a remis à ses Apôtres afin que ceux-ci, parcourant toute la Terre pour annoncer la Bonne Nouvelle, puissent la transmettre aux premiers évêques de chacune des Églises locales. La “folle du logis” est précisément ce qui a conduit certains hommes à s’écarter de cette Tradition pour fonder des fausses traditions différentes. Toujours présent dans l’Église, l’Esprit saint lui permet de “recevoir”, parfois au prix de luttes extrêment vives, ce qui est l’expression de la Tradition unique et antique. On ne peut donc pas parler “d’enseignements des autres traditions”. Si ce sont “d’autres traditions”, ce ne sont pas
la Tradition de la catholicité de l’Église apostolique et orthodoxe. Les autres sont le fruit néfaste de “la folle du logis”. C’est en vain que l’Église romaine se pare du titre de “catholique”. Seules les Églises canoniques membres de la communion des Églises apostoliques et orthodoxes peuvent revendiquer le privilège de la catholicité.
Certes vous avez mille fois raison d'écrire que la véritable traditions hébraïque ne s'est sans doute pas tenue à quelques jeux " de chiffres et de lettres ". D'autant que la fameuse Kabbale ne date en gros que du début de notre millénaire (comme d'ailleurs beaucoup de grands textes chrétiens).
Beaucoup de grands textes chrétiens ont été écrits au cours du second millénaire, mais la grande majorité des plus grands des Pères de l’Église ont vécu écrit durant le premier millénaire, en particulier aux IIIème, IVème et Vème siècles : les "Trois saints Docteurs”, Grégoire le Théologien, Basile le Grand et Jean Chrysostome, ainsi qu’Athanase le Grand, Cyrille d’Alexandrie, Grégoire de Nysse. Je suis trop paresseux pour allonger la liste.
Ma remarque sur la tradition hébraïque concernait certes la Kabbale, mais je pensais avant tout au texte de l’Ancien Testament, qui est le témoignage le plus authentique de la Tradition de ce que l’Église orthodoxe appelle parfois “l’Église de l’Ancienne Alliance”.
Là où je ne comprends plus c'est lorsque vous écrivez qu'on aboutit qu'à des " principes abstraits "??? Faut-il comprendre que la " matière " de la création est un principe abstrait? Que la Lumière en serait un autre? Mais alors comment comprendre l'Evangile de Jean dit " Evangile de la Lumière "? Ou son premier Epître " Marcher dans la Lumière ". Comment comprendre le 3ème verset de la Genèse? " Dieu dit que la Lumière soit.... " Dès le premier jour? Sont-ce là des principes abstraits? Si oui quel est le sens du reste? De tout le reste?
Le Dieu de la Révélation (à commencer dès la Genèse) est avant tout Quelqu’un, et Quelqu’un qui dialogue avec les hommes. Dès le début il parle avec Adam, puis avec Noé, puis avec Abraham, Isaac et Jacob. Il se montre à Abraham en lui révélant qu’Il est Trois et qu’Ils sont Un. Il se montre à Moïse, mais de dos, et lui confie la Loi. Il dialoguera encore avec Élie, avec Isaïe, avec Job (qui n’est pas un israëlite) etc. “La Vérité”, ou “la Lumière” sont des noms qu’on peut donner à la Tri-Unité divine, car notre langue humaine est trop pauvre pour pouvoir définir d’un seul mot Celui qui a créé l’homme à son Image.
Ce qui est typiquement occidental est de prétendre pouvoir
partir de notions comme “l’Etre”, l’essence et l’existence, ou de faire lde “la Lumière” le principe de toute chose (réécoutez le début de “La Création” de Haendel), ou de tout expliquer par le progrès, l’évolution spontanée de la matière etc. Toute la réalité du Monde ne peut se comprendre que comme un don que nous a fait le Créateur au “Bereshit Bara”, puis qu’il a modifié après la déchéance d’Adam, afin de nous permettre de nous amender.
Dois-je aussi comprendre que tout le travail des exégètes chrétiens, hébraïsans, musulmans... de tous les siècles n'est " qu’une tentative de justification de la métaphysique et du rationalisme occidental par des méthodes d’apparence hébraïsante ". Bigre!!!
Il n’y a pas de travail d’exégèse hors de la Tradition révélée à l’Église. Sur la route d’Emmaüs le Seigneur ressuscité se montra à deux de ses disciples qui ne le reconnurent pas. Puis
partant de Moïse [[/î], c’est-à-dire de la Genèse] et de tous les Prophètes, il leur interprêta dans les Écritures tout ce qui Le concernait. Autrement dit toute l’exégèse rabbinique avait été impuissante à comprendre qu’il fallait que le Messie souffrît, mourût et ressuscitât. L’exégèse “littérale” de la science moderne est tout aussi incapable de révéler aux hommes de notre temps le mystère de l’Église et de transmettre la Tradition non-écrite qui a été remise à celle-ci. Cette exégèse n’est capable que d’enseigner les principes moraux (c’est-à-dire le “faire) qu’avaient les exégètes déjà en eux lorsqu’ils ont entrepris leur travail. Ce n'est pas l'exégèse qui construit la foi. Ce rôle revient à la Tradition. et quand on a une foi conforme à la Tradition, on comprend ce que veut dire l'Écriture et les autres textes sacrés.
Les Septantes, dites-vous, traduisirent en grec le texte hébreu et " peut être le modifièrent sous l'inspiration de l'Esprit ". Soit! Mais alors comment comprendre la conclusion du " Prologue de l'Ecclésiastique " qui nous invite " ... à être bienveillants, indulgents là ou malgré tous nos efforts nous pourrions avoir semblé avoir échoués.... il n'y a pas d'équivalent entre les chose exprimées en hébreu et leur traduction... la Loi, les Prophètes et les autres Livres, leur traduction diffère considérablement de ce qu'exprime le texte original... ". Ou encore cette conclusion du second livre des MKB " Si la composition (des livres) est bonne et réussie c'est aussi ce que j'ai voulu. A-t-elle peu de valeur, ne dépasse-t-elle pas la médiocrité... c'est tout ce que j'ai pu faire... de même c'est l'art de disposer le récit qui charme l'entendement du lecteur... ". Est-ce là langue divine ou langue d'hommes???? L'Esprit pourrait-il faire dans l'à-peu-près et/ou avouer ne pas connaître les connections à établir entre l'hébreu et le grec ou toute autre langue??? Bigre, bigre
Je crois deviner que vous identifiez l’inspiration de l’Esprit saint à une dictée de mode coranique. Il n’en est rien. Rien de ce qui a été la personnalité historique des Pères et des Conciles, leur contexte culturel, l’éducation philosophique qu’ils avaient reçue, l’environnement politique, les traits personnels de leur caractère, leur parcours personnel, rien de ce qui est humain n’est ni oublié ni effacé. On le voit bien à leurs écrits. Mais ils ont su écouter la voix de l'Esprit, et de même c’est également l’Esprit qui vit dans l’Église qui a su, parfois par des Conciles œcuméniques, mais parfois aussi par un lent et implicite profond mouvement d’adhésion des fidèles, fait recevoir ce que des Conciles précédents avaient décidé et ce que les Pères avaient écrit.
Reste que la Tradition de l’Église orthodoxe est une. L’Église reconnaît le texte des Septante comme texte authentique de l’Écriture sainte, et sa tradition manuscrite est excellente (rappelez-vous que le Codex Sinaïticus est le plus ancien livre de l’histoire de l’humanité). Mais la Tradition de l’Église est plus vaste. Des textes comme la formule baptismale, la doxologie trinitaire, l’anaphore (qui comprend l’épiclèse), le Symbole de Nicée (dont des copies authentiques étaient parvenues dès 325 dans un grand nombre d’Églises locales), les Canons apostoliques, mais aussi une foule de décisions conciliaires, dogmatiques et canoniques, de poémes hymnographiques etc. font partie de la Tradition de l’Église orthodoxe, et donc de la Révélation divine. Sur plusieurs points (par exemple en oubliant l’épiclèse, ou en modifiant le rite de l’ordination épiscopale) l’Église romaine s’en est écartée, et ne peut donc pas revendiquer le titre de “catholique”.
Autre question? Comment sait-on que les anges étaient experts en numérologie (qui par ailleurs rentre dans la catégorie des sciences occultes condamnées par le Magistère)?
Le seul “Magistère“ que connaisse l’Église orthodoxe est celui de la Tradition de nos Pères dans la foi. Ils n’ont jamais rejeté comme invention diabolique le symbolisme des nombres. J’avoue ne pas y faire trop attention, et d’ailleurs ce symbolisme ne joue pas un rôle très important. Je me rappelle avoir lu des commentaires des Pères sur le nombre de poissons péchés aux différentes pêches miraculeuses. Ce n’est pas ma tasse de thé. Mais on n’a pas le droit de rejeter a priori ce type de commentaire, “Magistère” ou pas.
J’ai écrit que les Anges sont experts en numérologie parce que ce sont eux qui surveillent le bon déroulement des lois cosmiques. Ce n’est d’ailleurs pas leur seul rôle, voir les “Hiérarchies célestes” de Denys l’Aréopagite. Et les lois cosmiques ne sont pas seulement les lois physiques, ce sont aussi les lois de l’histoire humaine, que nous ne savons pas “déchiffrer”.
8ème jour = Résurrection = Jour où le péché fut lavé définitivement. Jour où la Gloire du Père se manifesta comme jamais dans (par) la Gloire du Fils. 8 = lettre hébraïque 'Heth (notez le Yod et le Hé = présence et vie) qui a pour sens "péché" et et "réservoir" et valeur 8 soit " très divisé " (cube de 2) ou " très matériel " (double de 4).
Sur ce point, les Pères sont revenus à maintes reprises, et en premier saint Basile qui dit que c’est un des points de la Tradition apostolique, la Tradition de nos Pères dans la foi, de célébrer chaque premier jour de la semaine comme huitième jour, car c’est ce jour qui accomplit la Création du monde : le huitième jour est un perpétuel recommencement du premier. C’est le Dimanche, jour de la Résurrection comme disent les Slaves (Voskresenije[/ï]). Et les Slaves ont aussi raison de donner le nom de “deuxième” (vtornik) au mardi, et non au lundi comme le font les Grecs (deutera). Quant aux valeurs propres au chiffre huit, je n’ai jamais vu de telles choses chez les Pères, qui ne font de la numérologie qu’une science très auxiliaire, et non une méthode herméneutique ésotérique.
Dès lors, le lieu dans lequel s'opère le " lavage " du péché par le Baptème peut-il avoir une autre forme qu'octogonale? Dès lors le luminaire par lequel se manifieste la lumière physique sacralisée, préfiguration de la Lumière Divine, peut-il avoir un autre nombre que 8. Peuvent-ils être généralement placés sous une coupole (cercle) construite sur une base carrée (terre)? Et pourquoi pas ailleurs?
Pensez-vous vraiment que la forme des églises et des temples réponde seulement à des considérations bassement utilitaires destinées à un spectacle de masse? Bigre, bigre, bigre
La forme des temples chrétiens et des baptistères de la régénération n’est pas une nécessité absolue. Progressivement la pratique de l’Église a délaissé (mais jamais totalement) la forme basilicale qui prévalait dans l’Église constantinienne au profit d’un plan carré surmonté d’une coupole sphérique. Ce qui a d’ailleurs posé un problème technique aux architectes : comment poser l’équateur d’une demi-sphère sur une croix formée de bâtiments orthogonaux ? La solution a été trouvée pour l’église de la Sagesse divine avec un système de quatre triangles sphériques. (Il ne faut pas traduire “église de la Sagesse”, c’est-à-dire sainte Sophie, par “église du saint Esprit”comme le croient généralement les occidentaux, c’est “l’église du Verbe”) C’est le modèle pour les églises orthodoxes. C’est un heureux mariage de cubes, de sphères, et l’octogone y apparaît au moins deux fois: dans la forme du baptistère, et dans la forme du grand cercle central suspendu sous la coupole et portant des luminaires. Je ne vois là rien de bassement utilitaire.
Mais le symbolisme n’est pas tout. Je connais beaucoup de paroisses orthodoxes qui se satisfairaient de pouvoir célébrer dans une église occidentale.