Starets français

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Steve G
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Starets français

Message par Steve G »

Trouve-t-on sur notre territoire un ou des starets, ou considérés comme tels ? Je sais qu'il y en a eu par le passé (le Starets Serge Chévitch).
Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, prends pitié de moi, pêcheur.
Steve G
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Avez-vous déjà rencontré un starets ?

Message par Steve G »

Il semble ne pas y avoir de Starets en France, ce qui est bien compréhensible.

J'ai une autre question sur le même thème:

L'un d'entre-vous aurait-il rencontré un starets ?
Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, prends pitié de moi, pêcheur.
Claude le Liseur
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Re: Starets français

Message par Claude le Liseur »

Steve G a écrit :Trouve-t-on sur notre territoire un ou des starets, ou considérés comme tels ? Je sais qu'il y en a eu par le passé (le Starets Serge Chévitch).
Si par starets vous entendez un père spirituel expérimenté, il y en a plus d'un, et il y a au moins l'archimandrite Placide (Deseille).
Sylvie
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Message par Sylvie »

Si je me fie à l'éclat de rire unanime que j'ai provoqué lorsque j'ai posé la question s'il y avait un starets au Québec, je pense que c'est plus grand qu'un père spirituel.

Amicalement

Madeleine
Steve G
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Message par Steve G »

Chère Madeleine, oui c'est vrai je situe le starets au-dessus du guide spirituel
expérimenté. C'est le "grade" juste au-dessus (rires)

Est-ce indiscret de vous demander pourquoi avoir choisi le prénom de Madeleine ?
Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, prends pitié de moi, pêcheur.
Sylvie
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Message par Sylvie »

Est-ce indiscret de vous demander pourquoi avoir choisi le prénom de Madeleine ?
Oui (rires)

En l'honneur de Marie Madeleine qui a pleuré ses péchés et qui a beaucoup aimé car elle a été beaucoup pardonnée. Elle qui était présente à la Crucifixion de Jésus avec Marie et Saint-Jean ainsi que d'autres saintes femmes. Celle qui a vu Jésus Ressuscité dans le jardin et qui l'a annoncé aux apôtres ce qui lui a valu le titre d'apôtre des apôtres.

Pour être starets, puisque c'est le sujet de ce fil, il me semble qu'il faut qu'il ait vécu toutes les étapes et combats spirituels. Il ne peut pas être considéré starets s'il a des connaissances seulement intellectuelles de la mystique. J'entends par mystique, la vie spirituelle en général soit l'ascèse, jeûne, prière, silence, etc. et pas uniquement les expériences mystiques.

Amicalement

Madeleine
isidore
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Message par isidore »

Je continue sur ce fil sur le thème des staretz!!
Un staretz serait donc un Père spirituel? un prêtre donc ?
A mon sens ,je croyais qu'il s'agissait d'une personne qui avait la grâce d'être tres proche de DIEU et que par son intermédiraire il agissait pour aider son prochain !!
Dans le monde ,l'eglise orthodoxe reconnait-elle quelques vrais staretz que l'on peut consulter? A moins que cela soit réservé à quelques privilégié!!
merci de votre aide
Antoine
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Message par Antoine »

Un Père spirituel n'est pas forcément prêtre et un prêtre n'est pas non plus de par sa simple prêtrise, Père spirituel.
Un confesseur n'est pas un Père spirituel. (Et dans l’orthodoxie, tous les prêtres ne sont pas confesseurs).
La paternité spirituelle est quelque chose de typiquement monacal, même si l'on peut trouver de rares exemples de Laïcs qui ont un Père spirituel.
Le Père Spirituel est quelqu'un qui vous engendre spirituellement dans une relation de paternité spirituelle. Cela suppose que vous puissiez vivre un abandon total de votre volonté propre au profit de la sienne qui elle s'exerce sous la forme de cet engendrement. Cela est très difficilement compatible avec une vie laïque dans le monde. L'abandon de sa volonté propre suppose un renoncement total au monde, une vie de prière continue et un examen incessant des pensées.
Un starets au sens où vous l'entendez vraisemblablement jouit en plus de certains charismes. Mais ces charismes ne font pas la fonction de starets. On ne "devient " pas starets, ce sont les disciples qui font de leur Père spirituel un starets. Disons qu’un starets est un Père spirituel dont la sainteté et la puissance de la paternité ont été manifestées à plusieurs disciples, atteignant ainsi une certaine autorité spirituelle qui atteint ensuite une certaine renommée. Consulter un starets n'est pas un privilège pré réservé à certains et interdits à d'autres. La question n'est pas là. St Séraphim de Sarov recevait énormément de visiteurs. Mais l'higoumène Syméon du monastère orthodoxe du Mans disait: <<On ne va pas voir un "Père spirituel" comme on va chez Christian Dior ou chez Cardin. Ce dont on manque le plus, c'est de vrais enfants spirituels".>> Si vous voulez le consulter il n'est pas loin de chez vous puisque vous êtes à Rennes . Mais vous devriez aussi fréquenter la paroisse orthodoxe de votre ville. Disons d’une façon générale, qu’il y a quelque chose de très malsain à vouloir s'afficher dans une relation avec telle ou telle "grande marque" de starets. Sans humilité il n'y a aucune vie spirituelle.
Antoine
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Message par Antoine »

Sans humilité il n'y a aucune vie spirituelle
Pour faire le lien avec la rubrique "prêtre orthodoxe et divorce" dans laquelle vous affirmiez à tort : « Simplement je voulais dire que pour le sacerdoce on acceptera des personnes de diverses tendances », on peut dire à ce propos, que s’il n’est pas question de condamner l’homosexuel, en revanche l’homosexualité, elle, est condamnée par l’Ecriture comme l’a rappelé Anne Geneviève.
On ne peut pas revendiquer des prétentions à la prêtrise au nom de l’homosexualité afin de la mettre sur un pied d’égalité avec le «une seule chair» de la genèse.
Par ailleurs l’Eglise ne refusera pas un fidèle à la communion sous prétexte qu’il est homosexuel, mais elle peut refuser la communion à tout fidèle qui a des rapports sexuels en dehors des liens du mariage.
Ceci pour dire qu’on ne peut pas revendiquer son homosexualité comme un droit et avoir en même temps une vie spirituelle. La vie spirituelle ne connaît pas de "droit à". Il n’y a pas une vie spirituelle-homosexuelle, et une vie spirituelle-hétérosexuelle. Cela n’a aucun sens. L’hétérosexualité n’est pas non plus un "droit": Pour les Pères, la sexualité est une "permission" consécutive à la chute. La prêtrise ne peut pas faire l’objet d’une revendication sociale. Je pèse mes mots qui sembleront violents, mais ceci en vertu du fait que l’humilité est la condition nécessaire à toute vie spirituelle. On ne peut donc qu’inclure son homosexualité dans une démarche de métanoïa et porter cette souffrance et ce péché devant le Christ. On ne revendique pas un droit à la prêtrise au nom du péché.

Dans la façon dont nous tournons nos questions ne mettons pas tout dans ce même sac du « droit à ». Droit de voir un starets, droit d’être homosexuel et prêtre etc…

Il n’ y a pas de droit à voir un starets, ou de privilège. Mais il faut être dans une démarche d’humilité et de metanoïa si l’on en rencontre un, et avoir cette même crainte qui s’appelle la crainte de Dieu. Cela s'apprend.
Dernière modification par Antoine le sam. 11 mars 2006 2:21, modifié 1 fois.
jaune
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Message par jaune »

Cher Isidore,je lisais justement hier soir une lettre du Père Sophrony(un starets),j'éspére qu'elle t'éclairera un peu sur le rôle du starets.

Je cite un extrait:-

" Voilà à quoi sert un starets:

1- à couper court chez son disciple-novice à toute manifestation de volonté personnelle et pécheresse-charnelle-et à diriger cette dernière conformément à la volonté de Dieu ;
2-à faire progresser son disciple des degrés inférieurs[de la vie spirituelle]vers des degrés plus élevés,grâce à son enseignement(ses instructions).A lui donner des travaux qui correspondent à son âge spirituel et à ses forces.Le premier point est remplacé pour vous par le fait de retrancher votre volonté devant Monseigneur et les moines du monastère.
Le deuxième,par la lecture des oeuvres ascétiques des Pères de l'Eglise(de saint Jean Climaque,de saint Dorothée,des saints Barsanuphe et Jean,et autres ouvrages que vous possédez déjà).Mais cela ne peut pas complètement remplacer un starets(idéal,parfait),qui fut cependant,toujours et de tout temps difficile à trouver.De plus les novices actuels(qui agissent de leur propre chef,sont présomptueux,raisonneurs,impatients,arrogants,omniscients)sont incapable de vivre sous l'autorité d'un (vrai)starets.
C'est aussi une aide considérable que de s'entretenir avec des gens du même esprit que nous(qui cherche le salut).Lorsque,malgré tout,les questions embarrassantes et les difficultés s'accumulent à un tel point que l'homme se retrouve dans une réelle impasse,alors(si de par la disposition de son coeur et sa préparation il s'en montre digne)le Seigneur lui enverra un homme(un starets)ou un interlocuteur capable de l'aider et de le remettre sur la voie." (fin de l'extrait -lettre à David Balfour;Buisson Ardent 11,page 23)
isidore
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Message par isidore »

merci pour toutes ces précisions !!
Sur le confesseur ,n'avez-vous pas dis une erreur ,sur le fait qu'il ne soit pas forcément prêtre ? Car seul le prêtre ou l'éveque (ou DIEU directement ) peuvent absoudre les pêchés ? non?
Antoine
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Message par Antoine »

Je ne vous ai pas dit qu'un confesseur n'était pas prêtre, mais qu'un prêtre n'était pas forcément confesseur.(je me cite: <<Et dans l’orthodoxie, tous les prêtres ne sont pas confesseurs>>)
Confesseur était une charge précise confiée à un prêtre par l'Evêque. Il confessait de paroisse en paroisse. Aujourd'hui encore tous les prêtres ne sont pas confesseurs.

Quant à Dieu directement oui et non. Dans l'orthodoxie, ce n'est pas le prêtre qui absoud, c'est Dieu qui pardonne: "Tout ce que tu as dit à mon humble personne et tout ce que tu as manqué de dire , par ignorance ou par oubli, quoi que ce soit, que Dieu te pardonne dans ce monde et dans l'autre". C'est le Christ invisiblement présent qui pardonne; le prêtre est le témoin qui invoque l'Esprit Saint. La confession est épiclétique tout comme l'eucharistie. Le prêtre orthodoxe n'opère jamais "in personna Christi".
Makcim
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Not dead ? But it smells funny…

Message par Makcim »

Un peu de disponibilité m’a permis de lire les derniers messages des forums ici et là et de renouer proportionnellement
Pour faire écho ici à la fois à la question de l’existence de starets en France et à un message récent d’un autre forum orthodoxe d’Emilie van Taack :

1. Tout d’abord la France n’est pas un pays orthodoxe.
2. La France objectivement, de par les faits, (non par les personnes très minoritaires qui en maintiennent uniquement la culture) n’est d’ailleurs plus un pays très chrétien.
3. La vie chrétienne qui y subsiste y est donc très disséminée dans l’espace, très édulcorée dans sa vérité, très discontinue dans le temps liturgique, très divisée dans son organisation, donc faible...
4. Des points précédents on ne peut malheureusement qu’en déduire par simple constat que la vie spirituelle dans ce pays, à notre époque, ne peut être d’un niveau très élevé, car la tradition n’y est pas (ré) installée depuis assez longtemps ni en assez de lieux, ni de façon très profonde pour qu’une synergie, par interdépendance produise beaucoup de fruits.

En effet, quoi qu’en pensent ceux qui mettent tout leur espoir dans la vie ecclésiale avant tout, s’il n’y a pas dans un pays une tradition monastique qui s’occupe moins d’enseigner en académie ou de faire de la représentation médiatique, comme c’est bien souvent le cas chez nous, que de rayonner en vivant de tout son être la Vie en Christ, je crains bien que pendant un certain temps – l’impatience n’est pas le moindre de mes défauts, pardonnez-moi – nous n’attirions beaucoup trop souvent que des personnes qui ne recherchent dans l’Orthodoxie que ce qu’elles n’ont guère de chances d’y trouver…

Je vois mal comment les prêtres pourraient vivifier et répandre par leurs charismes la foi orthodoxe dans ce pays. Je n’écrirai point sur les Despotes ni sur les Vladikes car ce sont les mêmes, avec leurs propres préoccupations de carrière en plus…

Il y a donc ceux dont la foi est profonde et la tradition réelle et authentique mais qui sont harcelés quelquefois jusqu’à la persécution par leurs paroissiens orthodoxes d’origine les prenant pour de simples « popes » pourvoyeurs avant tout d’offices pour les morts (exactement comme les « prêtres » des temples zen au Japon bizarrement) et dont on se demande quelle tradition anticléricale primaire, désuète et inappropriée les pousse à un tel comportement méprisant et dominateur comme si « le personnel » leur appartenait avec l’église qu’ils ont eu, il est vrai, le mérite de faire construire mais dont on a quelquefois le sentiment qu’elle sert plus de centre culturel que d’édifice cultuel… Il arrive même en outre que des paroissiens « convertis » oubliant pourquoi ils ont quitté leur lieu de culte et leur religion d’origine, ou bien ne parvenant pas à se détacher de leurs fâcheuses anciennes habitudes, à moins qu’ils n’aient la vaine conviction qu’ils pourraient faire là ce qu’ils ne pouvaient faire ailleurs tout simplement – bref dans tous les cas répétant le même partout où c’est différent – se permettent non seulement de donner péremptoirement leur avis et des leçons sur tout et sur rien, sur le plus anodin comme sur l’essentiel, et qu’ils se liguent même jusqu’à imposer leur volonté propre au clergé voire avec succès mais qu’en outre ils finissent par obtenir, on ne sait comment – mais peut-être bien pourquoi en revanche – une place dans le clergé… avec des ambitions d’avancement de surcroît.

Il y a ceux qui ne sont là que pour s’occuper de leurs compatriotes immigrés. Ben les autres, « cela m’interpelle », ils sont français non ? Comment se fait-il qu’ils ne soient pas catholiques ?

Il y a les prêtres d’origine française qui, disons-le, ont d’abord pour noble ambition de réaliser leur vocation irrépressible et devenir enfin les pères spirituels, et de guider les âmes – pas moins – en négligeant d’apprendre tout simplement, patiemment et humblement, à célébrer correctement – ce qui est proprement scandaleux. Et qui sont évidemment volontiers moralistes et ont tendance encore une fois à répéter le même, c'est-à-dire leur éducation catholique ou protestante sous un vernis orthodoxe. Ils ont tendance à accorder au rituel une place secondaire – « l’intention vaut l’action » – comme à mépriser les traditions populaires pour faire de l’Orthodoxie une chose intellectuelle à étudier ou une morale à suivre plutôt qu’un mode de vie dont il y a lieu de s’imprégner par tous les moyens « économiques » mis à notre disposition sans tomber dans l’écueil du folklore, bien sûr, chers pourfendeurs des « traditions »…

Il y a des prêtres « d’origine orthodoxe » nés en France et pleins de bonne volonté pour ressembler à leurs « frères séparés » et qui veulent à tout prix enlever à leurs fidèles – surtout ceux qui veulent trouver de toute leur âme l’église encore vivante des origines – tout désir de se singulariser par rapport à leurs frères des autres confessions. On se demande ce qu’ils attendent pour devenir catholiques romains et se placer dans la juridiction de celui qui n’a pourtant sûrement plus depuis longtemps pour ambition de n’être qu’un Patriarche d’Occident.

Il y a ceux – de l’Exarchat pour ne pas les nommer – qui veulent rester russes sans l’être tout en l’étant et en rejetant le reste de leurs semblables – Hors frontières = « intégristes », Moscovites = « (ex)soviétiques », etc. (?) – et qui, tout en prétendant vouloir construire l’Eglise locale (sic), ne cessent de contredire leur soi-disant projet par le rappel qu’ils font sans cesse de leurs origines – dont ils peuvent être légitimement fiers certes … Ils veulent maintenir ce qu’ils appellent « la tradition », bizarrement dans le même esprit hégémonique malgré leurs dénégations que ceux du Patriarcat de Moscou.

Bon, à la grâce de Dieu !

À mon avis – un peu pessimiste je vous l’accorde – il n’y a guère à espérer « et pourtant … elle tourne »… et pourtant moi j’aime beaucoup mon prêtre et j’ai en outre la conviction que plus on respecte et plus on aime son prêtre et plus il fait bien son travail et plus il devient exigeant vis-à-vis de lui-même et donc meilleur pour tous : il y a tout à y gagner.

On pourrait peut-être dire que nous en sommes au stade premier et nécessaire de la quantité – de ce côté finalement cela n’a pas l’air d’aller si mal malgré tout vu surtout l’afflux de migrants de pays naguère ou encore « orthodoxes » – peut-être bien que déjà le stade de la qualité a commencé...
Excusez-moi, je ne l’ai pas vu mais il est possible qu’un misérable pécheur de mon acabit ne voit que ce qu’il est capable de voir, c'est-à-dire la projection de son propre péché. Un moine zen se promenait en tout lieu en s’indignant que cela sentît si mauvais partout jusqu’à ce qu’un autre moine lui fasse remarquer que l’origine de la puanteur en question se trouvait posée sur le bout de son nez…Plaise à Dieu que j’ouvre alors les yeux à l’occasion de ce saint Carême que je souhaite fructueux à toutes et à tous !
Makcim
Antoine
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Message par Antoine »

Pour faire écho ici à la fois à la question de l’existence de starets en France et à un message récent d’un autre forum orthodoxe d’Emilie van Taack :
Pourquoi ne pas intégrer ce message et ses références dans votre réponse ? Cela nous permettrait de faire le lien...
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

La France n’est pas un pays orthodoxe
Je dirais plutôt qu’elle ne l’est plus. Elle a mis d’ailleurs longtemps pour se détacher complètement de l’Orthodoxie. Mais il est vrai aussi que c’est Paris qui a été le berceau de la Scolastique. On pourrait parler longuement de cette longue histoire, on l’a déjà fait longuement ici et je crois qu’on le fera encore beaucoup.

Mais je crois que la France est profondément travaillée aujourd'hui par une lancinante crise spirituelle et que de plus en plus nombreux sont les Français qui se tournent vers l’Église orthodoxe parce qu’ils n’accordent plus aucun crédit à l’Église catholique. Évidemment ils ont du mal à intégrer l’Orthodoxie, qui implique un renversement de certaines valeurs qui leur ont été inculquées. Mais je crois que l’Orthodoxie est l’unique bouée de sauvetage pour tant de gens en détresse.
La France objectivement, de par les faits, (non par les personnes très minoritaires qui en maintiennent uniquement la culture) n’est d’ailleurs plus un pays très chrétien.
Elle n’est plus un pays très catholique certes. Mais il faut discerner ce que recouvre cette constatation. Les élites intellectuelles (?), politiques, médiatiques, sont convaincues que “la religion” est un phénomène “communautariste”, qui conduit à un repliement sur soi et sur le passé et à des conflits quasi-raciaux. D’autre part il y a des gens qui ne peuvent s’intéresser à la “religion” que si elle vient d’une origine orientale, voire extrême-orientale. Mais une grande majorité voudrait bien ne pas désespérer du christianisme.

Connaissez-vous les études sur ce point de Danièle Hervieu-Léger ? Restant personnellement catholique, elle donne une analyse extrêmement lucide et rigoureuse des attitudes spirituelles des Français d’aujourd’hui.

Combien profondément le christianisme a marqué la mentalité collective des Français on peut le constater en comparant leur attitude devant la mort à celle des peuples qui ont connu une “autre religion”. Ici les gens veulent absolument après une catastrophe collective (ex. aérienne ou tsunami) retrouver les corps de leurs défunts et les honorer. Les musulmans ne s’en soucient guère.

Je ne pense pas qu’il y ait un abandon total, massif, du christianisme au profit “d’autres religions”. Par contre il y a je crois une lente infiltration d’un spiritualisme philosophico-religieux très anti-chrétien sans le dire tout haut. On le voit en particulier, toujours sur le même terrain, à la mode des incinérations.
La vie chrétienne qui y subsiste y est donc très disséminée dans l’espace, très édulcorée dans sa vérité, très discontinue dans le temps liturgique, très divisée dans son organisation, donc faible...
S’il s’agit des Églises traditionnelles de l’Occident, là je crois qu’il faut parler d’un véritable effondrement, qui a seulement réussi à n’être pas encore spectaculaire. Certains ont parlé de “Catholicisme : la fin d’un monde”. Je crois que c’est vrai.

S’il s’agit de l’Orthodoxie telle qu’elle est présente en Occident, je crois qu’elle est très en-dessous de ce qu’elle devrait et pourrait être pour répondre aux besoins spirituels du public occidental. Les “juridictions” sont très occupées par leurs rivalités, et les Français néo-orthodoxes se désintéressent de ce type de problèmes. Cependant je crains qu’on en arrive un jour à des événements dramatiques entre le PM et la rue Daru.

Et sur la vie spirituelle des émigrations, je suis d’accord avec ce qu’en dit Makcim (et il n’y a pas que l’émigration russe, il y en a plusieurs, qui d’ailleurs sont pour nous des “immigrations”). J’ai écrit quelque chose où je parle d’un “club”, mais il y a plusieurs clubs, tous aussi fermés les uns que les autres.

Nous arrivons à une situation très malsaine, où les prêtres d’origine “indigène” — qui doivent former à peu près la moitié du clergé, toutes juridictions confondues — sont tenus à l’écart de la vie des “juridictions” qui est monopolisée par un petit cercle “d’origine orthodoxe” (mais que signifie une origine au troisième degré ou plus ?). Et quant au clergé “indigène”, il n’est en grande majorité orthodoxe que d’importation, il a été ordonné soit dans l’Église catholique, soit dans une secte.

Mais sur le comportement et sur les orientations des néo-orthodoxes indigènes, ceux que Makcim appelle les “nouveaux convertis”, je suis moins totalement pessimiste que lui. Il y a un véritable zèle pour la découverte, l’étude et l’approfondissement de l’Orthodoxie.

Le premier travail d’un évêque qui prendrait à cœur sa tâche missionnaire serait de former un clergé indigène. Il y a dans le passé de l’Église orthodoxe de glorieux exemples. Malheureusemernt ce travail n’a jamais été entrepris en France (précision : depuis le départ de l’évêque Jean Maximovitch). Nous payons aujourd’hui le prix de cette carence.

Dans le tableau de Makcim il y a à mon avis une catégorie qu’il oublie, ce sont les clercs orthodoxes qui sont mal dans leur peau dans leur pays d’origine, pour des raisons très diverses, et qui essaient de refaire leur vie en Occident. Le résultat est très variable.
Des points précédents on ne peut malheureusement qu’en déduire par simple constat que la vie spirituelle dans ce pays, à notre époque, ne peut être d’un niveau très élevé, car la tradition n’y est pas (ré) installée depuis assez longtemps ni en assez de lieux, ni de façon très profonde pour qu’une synergie, par interdépendance produise beaucoup de fruits.
Non, je ne suis pas Makcim ici. Je pense qu'il y a une véritable vie spirituelle, qu'elle est en fait spontanée mais que c'est une recherche ardente et obstinée.

Je ne sais ce que nous réserve l’avenir. Mais nous devons nous souvenir que l’Esprit souffle partout, et que le Seigneur n’abandonnera pas son Église. Il suffira de peu de choses pour que la situation change. Gardons-nous de ne comprendre la situation de l’Église qu’en termes sociologiques ou historiques ou politiques. Il y a des Églises qui sont nées sans enracinement, et d'ailleurs en fait c'est le cas de toutes les Églises locales.
Jean-Louis Palierne
paliernejl@wanadoo.fr
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