Père Georges Calciu-Dumitreasa

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GIORGOS
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Père Georges Calciu-Dumitreasa

Message par GIORGOS »

Mémoire éternelle au Révérend Père Georges Calciu-Dumitreasa, prêtre fidèle a la Foi des Pères, guide des séminaristes orthodoxes et Confesseur de la Foi dans l’Eglise Roumaine , persecuté et emprisonné par l’Etat communiste.
Il est né aux Cieux le 21 novembre, 2006.


MÉMOIRE ÉTERNELLE !
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Giorgos
SEÑOR JESUCRISTO, HIJO DE DIOS, TEN PIEDAD DE MÍ PECADOR.
Yiannis
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Message par Yiannis »

Père George Calciu était un vrai homme de Dieu. J'avais lu sur lui dans le livre du père Damascène Christiensen "Christ the Eternal Tao". Le fait qu'il est né dans les cieux le jour de l'Entrée de la Mère de Dieu au Temple, tout comme père Iakovos Tsalikis en Grèce, il y a 15 ans, c'est significatif.
Que sa mémoire soit éternelle.
Antoine
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Message par Antoine »

Mémoire éternelle.
Faites nous connaître davantage ce confesseur de la foi.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Mémoire éternelle!

La documentation sur le père Calciu, en français et en anglais, est abondante. Outre le numéro (numéro 97) que le Messager orthodoxe lui avait consacré en 1985 avec la traduction de ses Sept paroles pour les jeunes, le père Calciu est un des personnages principaux de Pitesti de Virgile Ierunca (décédé récemment), du Calvaire de la Roumanie chrétienne de Serge Grossu (source douteuse car de tendance Oastea Domnului), et surtout de Christ The Eternal Tao du hiéromoine Damascène (Christensen). Il apparaît aussi dans Les Dictateurs du XXe siècle de l'ancien ministre SFIO français Arthur Conte comme victime de la mégalomanie du couple Ceauşescu et il est brièvement mentionné dans le Livre noir du communisme comme un des individus les plus persécutés par le communisme en Europe centrale (prison de 1948 à 1964 - et quelles prisons! Deux ans à Piteşti, la pire de toutes! - et de 1979 à 1984).
Il passe pour le seul contemporain à avoir eu une expérience des énergies divines incréées, en prison à Pâques 1981, me semble-t-il.
Il y aurait en effet beaucoup à raconter et, bien qu'on ait déjà parlé du père Calciu sur le présent forum, j'y reviendrai. En particulier sur ce qu'il a vécu à Piteşti et ensuite.
Yiannis
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Message par Yiannis »

lecteur Claude a écrit : Il passe pour le seul contemporain à avoir eu une expérience des énergies divines incréées.
Ceci n'est pas correcte. Je cite quelques noms d'hommes contemporains dont on sait, directement ou indirectement, qui ont eu l'expérience des énergies divines incréées (il y a des livres là-dessus, dont la plupart en Grec seulement). Ils ont tous décédé dans la deuxième moitié du XXe s. ou au tout debut du XXIe s.:
Pères Joseph l'Hésychaste, Iakovos Tsalikis du monastère Hosios David, Porphyrios, Ephraim de Katounakia, Paissios du Mont-Athos, Sophrony d'Essex, Timotheos du monastère Saints-Théodores à Crète, Nicéphore le lépreux, Damaskinos du monastère Saint-Jean à Mégara (+2001), l'abbesse Christonymphe du monastère de Loukou, dans le Péloponnèse, Sophie et Tarso (deux folles en Christ, l'une provenant de Pontos et l'autre de l'île d'Andros), etc.
Je ne cite que peu de noms, je ne me rappelle pas tous. Evidemment, il y en a beaucoup plus dont les noms ne sont connus qu'à Dieu. Il y a même des laïcs qui ont eu cette expérience; j'ai entendu le témoignage de pères spirituels très sérieux là-dessus et j'ai lu récemment l'histoire d'un épicier en Macédoine grecque, d'un véritable saint caché, décédé en 2005, je crois. Jusqu'à la fin des temps il y aura des saints dans l'Eglise...Il va de soi qu'en général, les gens qui ont eu cette expérience de la Grâce n'en parlent qu'à leur père spirituel. C'est pourquoi, si l'on l'apprend, ce n'est qu'après leur mort... Les saints de l'Orthodoxie ne sont pas des gourous.
Une expérience vécue par père Timotheos de Crète est très semblable à celle vécue par père George Calciu et décrit dans le livre du hiéromoine Damascène Christensen. La biographie du père Timotheos - un prêtre marié, devenu moine après la mort de sa femme - publiée par les soeurs de son monastère, est très bien écrite.
Claude le Liseur
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Georges Calciu dans l'enfer des vivants

Message par Claude le Liseur »

1948 fut l'année de la soviétisation de la Roumanie. Une fois le roi banni et la République proclamée (31 décembre 1947), tout fut soviétisé.

Un petit rappel des principaux événements de cette année-là:

4 février 1948 Signature à Moscou du traité qui assujettit officiellement la Roumanie à l’Union soviétique.
12 février 1948 Sur ordre de Moscou, les portraits des dirigeants de la Yougoslavie de Tito disparaissent en Roumanie.
21 février 1948 Le parti social-démocrate est contraint à la fusion avec le PC pour former le parti ouvrier roumain (PMR).
24 février 1948 Lucreţiu Pătraşcănu, accusé de nationalisme et de titisme, est chassé de son poste de ministre de la Justice.
27 février 1948 Constitution du Front de la Démocratie populaire, qui regroupe le PMR, le MNSZ (parti de la minorité hongroise), le Front des Laboureurs et le parti national populaire (ces deux dernières formations étant des émanations du PC).
Le même jour, le Code pénal est révisé sur modèle soviétique, afin de détruire les concepts liés à la légalité et de transformer la législation pénale en expression de l’idéologie marxiste.
Le même jour, mort suspecte du patriarche Nicodème de l’Eglise orthodoxe roumaine.
1er mars 1948 Nouvelle loi d’organisation judiciaire.
28 mars 1948 Elections à la Grande assemblée nationale : le Front de la Démocratie populaire « obtient » 405 sièges et en abandonne 9 à « l’opposition » (PNL Tătărescu et PPD).
3 avril 1948 Mort mystérieuse, au monastère d’Agapia, du métropolite déposé de Moldavie, Mgr Irénée.
13 avril 1948 Constitution (totalitaire) de la République populaire de Roumanie, surnommée par Virgile Georghiu la République pénitentiaire de Roumanie.
6 mai 1948 Arrestation de Me Titel Petrescu, l’ancien secrétaire général du PSD. Il sera maintenu en prison jusqu’au 13 septembre 1955.
14-15 mai 1948 Grande rafle des anciens de la Garde de Fer.
22 mai 1948 Le roi Michel est déchu de la nationalité roumaine.
9 juin 1948 Création de l’Académie de la République populaire de Roumanie afin de donner un cadre officiel à l’asservissement des intellectuels.
11 juin 1948 Nationalisation des compagnies d’assurances, des entreprises de transport, des mines et des industries. Liquidation totale de la bourgeoisie.
2 juillet 1948 Création d’une Commission du Plan.
17 juillet 1948 Dénonciation du Concordat avec le Vatican.
27 juillet 1948 Grande rafle des anciens policiers.
3 août 1948 Loi scolaire qui réorganise l’enseignement. Le russe devient langue étrangère obligatoire dès l’école primaire. L’enseignement du français est supprimé. Epuration de tout le personnel enseignant. Révision des manuels scolaires. De 1948 à 1954, 13 millions d’exemplaires des œuvres de Lénine et Staline sont imprimés en Roumanie. En même temps, l’orthographe sera modifiée et on introduira des mots slaves dans la langue roumaine, afin d’éloigner le pays de ses racines latines.
4 août 1948 Loi sur les cultes particulièrement restrictive (mais moins restrictive que le décret russe de 1918 qui servait de base à la législation soviétique sur les cultes). Fermeture de toutes les écoles confessionnelles.
18 août 1948 Décret qui intensifie la répression contre les anciens membres de la gendarmerie et des services de renseignement de la monarchie.
22 août 1948 Début de l’entreprise d’extermination du personnel politique d’avant-guerre à la prison de Sighet où 47 anciens ministres seront emprisonnés.
Parmi les hommes politiques de la monarchie qui passeront par la prison de Sighet, on peut citer : Jean Gigurtu, ancien président du Conseil en 1940, Constantin Giurescu, historien et ancien ministre de l’Information en 1940, Jean Mihalache, ancien chef du parti national paysan et ancien ministre de l’Intérieur, Titel Petrescu, ancien chef du parti social démocrate, et Georges Tătărescu, ancien président du Conseil en 1934-37. Parmi les hommes politiques qui mourront à la prison de Sighet, on peut citer Constantin Bratianu, ancien chef du parti libéral, Georges Bratianu, ancien chef du parti libéral georgiste, Alexandre Lapedatu, ancien ministre des Cultes et académicien, et Jules Maniu, ancien président du Conseil en 1928-30.
Le même jour, suppression de l’aumônerie militaire. L’armée ne sera désormais plus soumise à une autre influence idéologique que celle du communisme.
24 août 1948 Arrestation du docteur Lucreţiu Pătraşcănu, figure historique du PC et seul membre communiste du gouvernement du 23 août 1944. Pătraşcănu sera abattu d’une balle dans la nuque le 16 avril 1954. Début réel de l’épuration du PMR et des luttes entre les différents clans communistes.
30 août 1948 Création officielle de la Securitate.
21 novembre 1948 Décision officielle de purger le PMR, dont 192'000 membres sur 800'000 seront exclus en vingt mois.
1er décembre 1948 Interdiction de l’Eglise uniate gréco-catholique.

C'est dans cette atmosphère particulièrement répressive que Georges Calciu, né le 23 novembre 1925 (et non en 1921 comme l'indiquait le numéro 97 du Messager orthodoxe dans sa notice biographique) , étudiant en 3e année de médecine, et qui n'avait sans doute jamais songé qu'il serait prêtre un jour, fut arrêté. Comme on avait déjà arrêté tant et tant d'anciens adhérents du parti national paysan, du parti national libéral, du parti social-démocrate et de la Garde de Fer, le communisme roumain s'était mis, cette année-là, à arrêter les étudiants.

Un peu plus d'un an plus tard, les communistes organisèrent, à partir du 6 décembre 1949, sous la conduite du colonel de la Securitate Alexandre Nikolski (de son vrai nom Boris Grünberg), sans doute le criminel le plus démoniaque que le monde ait connu, la fameuse expérience Piteşti, destinée à transformer les prisonniers politiques en robots totalement déshumanisés. Piteşti, mesure de toutes choses dans l'univers du communisme. Encore mieux que les Khmers rouges. Marx-Engels-Lénine-Trotsky-Staline-Buffet.

Piteşti, enfer des vivants, lieu où l'ex-étudiant en médecine Georges Calciu allait connaître le fond de l'enfer, et ensuite la rédemption. Mais laissons la parole à Virgile Ierunca dans son livre Pitesti, laboratoire concentrationnaire (1949-1952) , Editions Michalon, Paris 1996, pp. 72-76 (traduction du roumain en français par Alain Paruit):

"Un autre cas, beaucoup plus compliqué: Gheorghe Calciu, ancien étudiant en médecine. Tout dépend de la période envisagée: avant la rééducation, après sa propre rééducation ou après la fin de toute l'opération. Avant Pitesti, il était l'un des prisonniers les plus intransigeants; après sa rééducation, l'un des tortionnaires les plus cruels; après la fin de l'expérience, à l'époque du procès des boucs émissaires, il redevint celui d'avant, courageux et loyal. Il ne fut pas jugé avec le groupe de Turcanu parce qu'il avait annoncé qu'il ne répondrait à aucune question si le tribunal n'entendait pas comme témoin le véritable instigateur de l'expérience, le général Nikolski.
Dumitru Bacu connut Gheorghe Calciu à la prison de Gherla, lorsqu'ils y étaient incarcérés ensemble. Il écrit:
"Parmi les rééduqués de notre chambrée, le plus dangereux était à cette époque un ancien étudiant en médecine, Gheorghe Calciu, surnommé "l'éminence grise" de Goiciu, le directeur; Calciu était l'un des indicateurs les plus zélés issus de la rééducation, il remplaçait en quelque sorte Turcanu."
Mais Dumitru Bacu ajoute, quelques pages plus loin:
"Il fut emmené de Gherla au ministère de l'Intérieur, pour enquête. Au départ, il était encore un rééduqué convaincu. J'ignore combien de temps il le resta mais, exactement deux ans plus tard, j'eus l'occasion vraiment unique d'apprendre de première main ce qu'on lui préparait lors de sa détention au ministère. En 1956, dans le centre de Bucarest, dans une cellule du dépôt principal du ministère, celle qui se trouve en face de la pièce de l'officier de service, également appelé "chef de dépôt", je découvris, inscrite en morse avec une aiguille, la phrase suivante, qui me fit frémir: "Calciu Gheorghe - on m'a amené ici pour me tuer - je ne suis pas coupable"."

Il ne fut pas condamné à mort (ou, s'il le fut, on commua sa peine) et, après son procès - distinct de celui du groupe Turcanu -, il fut incarcéré à la section d'extermination de la prison de Jilava, la tristement célèbre Chambrée 53, où il prouva qu'il avait changé du tout au tout. Ses camarades de détention relatèrent par la suite qu'il se comportait avec eux comme un saint, allant jusqu'au sacrifice. Au cours d'une épidémie de dysenterie, il se taillada les veines pour donner son sang à boire aux malades. A sa sortie de prison, il était profondément religieux; il entra au séminaire, et, ses études achevées, y devint professeur. Ses sermons étaient suivis non seulement par ses étudiants, mais également par ceux des écoles de sciences exactes. Révoqué en 1977, il fut ensuite l'objet d'une surveillance constante, de menaces et de chantages ayant pour but de le faire taire. Il ne se tut pas. Aidé par un groupe de fidèles qui s'était formé pour le défendre, entre autres en s'adressant au patriarche, Calciu ne céda pas. Il fut arrêté le 10 mars 1979, condamné à dix ans de prison commués en sept ans et demi et écroué à la prison d'Aiud, où régnait un régime d'extermination.

Qu'ils se soient repentis, et, sans craindre le martyre, aient expié une faute qui n'était pas la leur, comme le fit le père Calciu, ou qu'ils n'aient pas pu recomposer leur ancienne personnalité, certains frôlant la folie et d'autres végétant dans l'apathie, ou encore qu'ils aient persévéré dans le mal, comme Paul Caravia, tous les anciens torturés-tortionnaires, rééduqués-rééducateurs, victimes-bourreaux pourraient faire leurs ces mots inscrits en morse par Calciu sur un mur de son cachot: Je ne suis pas coupable. Tous, excepté la majorité de ceux qui constituèrent le premier groupe de Turcanu, et, bien entendu, les autorités communistes auxquelles, à tous les niveaux, incombe l'entière responsabilité de la rééducation."
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

On sait qu'en 1961, Gheorghiu-Dej se fâcha avec son maître Khrouchtchev et eut alors la soudaine prétention d'exister par lui-même. Pour ce faire, il commença en janvier 1962 à vider les prisons de la République pénitentiaire, et, à sa mort début 1965, il ne restait, dans ce qui avait été un vaste camp de concentration à l'échelle d'une nation (un Roumain sur huit fut arrêté à un moment ou à un autre entre 1944 et 1961), plus que "quelques" centaines de prisonniers politiques. Et oui, même le fidèle Gheorghiu-Dej était à son tour devenu "titiste".

C'est dans ce nouveau contexte, et suite à une amnistie, que Georges Calciu fut libéré en 1964, après seize ans de prison. Il fit des études de lettres et fut nommé professeur dans un lycée de Bucarest. En parallèle, il mena des études de théologie (mais ne put jamais obtenir le doctorat à cause de l'opposition des autorités communistes). Ordonné prêtre, il fut nommé en 1973 professeur de Nouveau Testament et de français au séminaire patriarcal de Bucarest (cf. Le Messager orthodoxe, n° 97, Paris 1985, p.10).
Claude le Liseur
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le paradis en enfer

Message par Claude le Liseur »

Avec ses Sept paroles pour les jeunes, le RP Calciu avait franchi la ligne rouge de ce que le régime communiste roumain pouvait accepter en matière de tolérance religieuse: il avait prêché à des étudiants des écoles polytechniques. Il se retrouva donc une seconde fois en prison, en 1979, condamné à une peine de dix ans de prison commués en sept ans et demi; il devait être libéré après cinq ans, suite aux pressions de l'opinion publique allemande.

C'est au cours de ce second emprisonnement qu'il fit une expérience des énergies divines incréées que je me propose de traduire ici pour la première fois en français.

Source: Hiéromoine Damascène (Christensen), Christ the Eternal Tao, Valaam Books, Platina (CA) 1999, pp. 416 ss.


Je n'ai pas le temps de saisir le texte anglais. Le lecteur intéressé pourra se reporter directement à la version originale, le livre pouvant être facilement acheté. Ceux qui l'ont déjà pourront toujours corriger ma traduction sur les points où elle ne les satisfait pas.

Ma traduction

Pendant son deuxième séjour en prison, le Père Georges eut deux autres expériences de la Lumière. La première eut lieu en 1980, quand il se trouvait à la prison d'Aiud dans le nord de la Transylvanie. C'était une vieille prison avec de très mauvaises conditions d'internement, et il fut isolé dans une cellule pendant sept mois. Il ne voyait personne en dehors des gardiens, qui avaient reçu l'instruction de le battre et de l'insulter tout le temps. Il y avait un gardien dont le Père Georges disait qu'il était l'homme le plus sadique qu'il eût jamais rencontré dans sa vie; il ne pouvait pas faire son tour de garde de huit heures sans battre et torturer les détenus.
C'était la nuit de Pâques, la radieuse fête de la Résurrection du Christ. A minuit, les cloches des églises voisines commencèrent à sonner. "Le son des cloches arriva très légèrement dans ma cellule", rappella le Père Georges. "C'était si beau - c'était comme au Paradis. Etant seul dans la cellule, je compris pour la première fois à quel point le son des cloches était beau. Je ne dormis pas cette nuit-là. J'étais étendu sur mon lit et je me souvenais de Pâques du passé: une fête de Pâques quand j'étais enfant, une autre quand j'étais étudiant, une autre fête de Pâques que j'avais vécue en prison. Pendant tout ce temps je chantais: "Le Christ est ressuscité des morts / Par sa mort il a terrassé la mort / Et à ceux qui gisaient au tombeau / Il a fait don de la vie". J'étais si heureux!

A sept heures, il y avait le changement de garde. Les nouveaux gardiens rentraient dans le couloir et ouvraient les portes. Nous étions obligés de leur montrer le dos, de nous mettre face au mur et de ne pas les regarder jusqu'à ce que nous entendions la porte se refermer. Mais, en ce jour de la résurrection de Jésus-Christ, je ne me tournai pas face au mur. Le jeune gardien, celui qui était particulièrement cruel, rentra dans la cellule - et je le regardai directement dans les yeux, lui disant: "Christ est ressuscité!" Il me regarda, sans colère, et ensuite il regarda les autres gardiens, parce qu'il était interdit de ne pas se tenir face au mur. Alors il se retourna vers moi, et il dit: "En vérité Il est ressuscité!" Je fus très surpris. Je ne pouvais pas bouger. Comment avait-il pu me dire "En vérité Il est ressuscité!" Je compris que ce n'était pas lui - c'était son ange.
Il referma la porte et je fus pétrifié à cause de ce qu'il avait dit. Et, petit à petit, je me vis rempli de Lumière. Le bureau contre le mur rayonnait comme le soleil; tout, dans ma cellule, était rempli de soleil. Les mots me manquent pour exprimer la joie qui m'envahit alors. Je ne peux rien expliquer. C'est arrivé, c'est tout. Je n'ai aucun mérite. J'étais peut-être le plus grand pécheur dans cette section de la prison, mais Dieu m'a quand même donné la Lumière. Peut-être qu'Il me l'avait donnée dans mon enfance parce que j'étais innocent, mais pourquoi Dieu m'avait-il choisi, et pas un autre? Dans mon village, il y avait une centaine d'enfants, peut-être plus innocents que moi. Alors, ne me demandez pas pourquoi Dieu m'avait choisi, moi, et pas un autre.
La Lumière disparut très vite, mais la joie demeura bien des heures."

(Récit du RP Calciu à Forestville, Californie, en juillet 1997; à suivre.)
Claude le Liseur
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le paradis en enfer (suite)

Message par Claude le Liseur »

Suite du récit du prêtre Georges Calciu, pages 418-422 du livre du hiéromoine Damascène, Christ the Eternal Tao.

Ma traduction

LA SECONDE EXPÉRIENCE EN PRISON

J'eus mon expérience suivante de la Lumière Incréée un an et demi plus tard.

Ceauşescu était très fâché contre moi et il voulait me tuer en prison. Il ne pouvait pas me condamner à mort parce que mon cas était connu dans le monde entier, et, de ce fait, il ordonna de me jeter dans une cellule en compagnie de criminels sadiques. Je fus donc enfermé avec deux criminels de ce type. Un d'entre eux avait tué sa propre mère. Il ne s'était pas contenté de la tuer; il l'avait torturée – pendant des jours et des jours, en l'amputant des doigts et en taillant en pièces son corps. L'autre avait tué deux jeunes hommes de la même manière sadique…

Dès le début, mes deux codétenus se mirent à me persécuter, mais pas si méchamment. Ils avaient quand même quelque humanité en eux. J'ai remarqué que tous ces gens qui n'avaient rien dans leur âme – criminels, voleurs, etc. – avaient en eux quelque chose de très précieux, et même de saint.

Chaque jour l'administration convoquait ces deux hommes. Je pense qu'ils étaient blâmés parce qu'ils ne m'avaient rien fait. Je pense qu'on leur a demandé de me tuer. Un jour, après trois mois, ils furent de nouveau convoqués par l'administration. Quand ils revinrent, ils étaient très troublés. Nous avions la permission de sortir deux fois par semaine dans une petite cour de cinq mètres sur sept. Nous sommes sortis et ils m'ont dit: "Reste ici". Ils partirent dans l'autre coin de la cour et ils parlèrent ensemble. J'étais sûr que l'heure était venue où j'allais être tué. Je priais, confessant mes péchés à Dieu. Après dix minutes – nous n'avions que dix minutes à disposition pour la promenade ils vinrent vers moi et me dirent: "Mon père – c'était la première fois qu'ils me donnaient du "mon père" – mon père, nous avons décidé de ne pas te tuer. Que les gardiens te tuent." Je me mis à pleurer. J'avais été certain que j'allais mourir. Nous rentrâmes dans la cellule et, maintenant, nous parlions ensemble. Je leur ai parlé de moi et de tout le reste. Ils me racontèrent leurs expériences, et qu'ils se rendaient maintenant compte que j'étais un homme bon. Le lendemain, ils m'autorisèrent à célébrer la sainte Liturgie dans la cellule.

Ils étaient curieux de voir ce que j'entendais par "Liturgie". Pour eux, le prêtre était une espèce d'individu qui exploitait les gens et leur extorquait de l'argent. A moins qu'ils n'aient vu le prêtre comme un magicien. Ils ne savaient rien de la foi. Peut-être savaient-ils quelques petites choses sur la religion et l'église, mais je suis sûr qu'ils ne savaient rien de la Liturgie.

Ainsi, le dimanche, je commençai à préparer mon pain, mon eau et ma serviette. Ils me regardaient. Ce dimanche-là, ils arrêtèrent de travailler, et nous eûmes ainsi un jour férié ecclésiastique. Ils me regardaient avec beaucoup de férocité, pensant peut-être qu'ils étaient des composants de mon opération magique. Je commençai mes prières à voix très basse parce que les gardiens ne permettaient pas de célébrer à voix haute. Mes codétenus s'approchèrent, uniquement pour entendre ce que je disais. Le temps passant et la Liturgie avançant, le feu de ma foi et le transport de mon âme les émurent – de cela je suis sûr. Il n'y avait aucun mouvement. Ils ne bougeaient pas. Ils ne parlaient pas. Ils étaient avec moi jusqu'au bout. Je ne me suis même pas tourné vers eux, mais après la transformation des saints Dons, après la communion, je me suis tourné vers eux et je suis resté stupéfait. Je les ai vus à genoux, priant avec moi, et encerclés par la Lumière. Ils étaient dans cette Lumière, Lumière visible, Lumière Incréée, mais visible… Dieu n'avait ouvert mes yeux que pour voir cette Lumière, et ils étaient encerclés par elle. Je me suis rendu compte que la cellule entière était pleine de Lumière. Je ne savais pas alors, et je ne sais toujours pas, quand cette Lumière est apparue. Peut-être que la Lumière était autour de nous quand j'ai commencé la Liturgie, mais, à ce moment-là, je n'étais concentré que sur l'office. Peut-être que la Lumière est apparue au moment où j'ai prononcé l'épiclèse – et que la Lumière s'est répandue dans la cellule depuis le Corps et le Sang de Jésus-Christ. Ou peut-être que la Lumière est apparue seulement au moment où je me suis tourné vers eux, ou peut-être qu'ils avaient été entourés par la Lumière pendant tout ce temps.

Cette Lumière a transformé leur âme! Pas mes prières, ni ma célébration de la sainte Liturgie. Dieu a transformé leur âme en déversant sur elle cette Lumière incréée. Cette Lumière les rendait capables de s'aimer l'un l'autre, de prier, et de comprendre qu'ils avaient quelque chose en commun. C'était la présence de Dieu, de Jésus-Christ.

Le reste de la journée, nous l'avons passé dans l'amitié et l'amour, à parler du Christ. Pour la première fois, j'avais l'autorisation de leur parler du Christ, de la foi, de l'amour. Un des deux m'a demandé: "Le Christ peut-il m'aimer? J'ai tué ma mère. Comment le Christ peut-il m'aimer?" L'autre m'a dit: "Le Christ peut-il m'aimer alors que j'ai tué deux jeunes hommes? Peut-être que je sortirai de prison et que j'en tuerai d'autres. Jésus-Christ peut-il me pardonner le crime que j'ai commis?" J'ai répondu: "Il le peut. La justice humaine ne peut peut-être pas vous pardonner, mais Jésus vous pardonnera, si vous vous repentez. Il vous donnera Son Corps et Son Sang, si vous vous repentez et que vous décidez de ne pas commettre d'autres crimes." Ils croyaient et ne croyaient pas à la fois. C'était quelque chose qu'ils avaient beaucoup de peine à comprendre, parce qu'ils avaient passé toute leur vie dans un conflit permanent avec la société. Ils avaient essayé de tuer, de voler, de tromper la société, et la société avait essayé de les prendre. C'était un combat permanent, et, dans ce combat, il n'y avait pas de place pour l'amour. Le premier n'aimait pas sa mère – et il avait tué sa mère. L'autre n'aimait pas ses amis – et il les avait tués. Ils n'avaient pas eu un moment d'amour. Leur père et leur mère les avaient peut-être aimés dans leur enfance, mais, quand ils étaient devenus adultes, il n'y avait plus de place pour l'amour dans leur vie. Mais je me suis rendu compte qu'ils étaient fascinés par l'amour. Ils ne comprenaient pas exactement quelle était la signification de l'amour – l'amour de Jésus – mais l'amour était pour eux un mot fascinant. Ce jour-là, j'ai mis l'accent sur l'amour, et je leur ai dit: "Jésus a dit: "Aimez-vous les uns les autres… C'est à cela que l'on reconnaîtra que vous êtes mes disciples, si vous avez de l'amour les uns pour les autres… Aimez vos ennemis. Bénissez ceux qui vous maudissent. Faites du bien à ceux qui vous persécutent."" Ils me répondirent: "Mais c'est impossible! Ce n'est pas humain!" Je leur ai répondu: "Vous avez raison. Ce n'est pas humain. Mais un tel amour existe dans ce monde – j'en suis un vivant exemple pour vous." Le lendemain, on nous sépara. L'administration avait compris qu'elle ne pourrait rien me faire et que ces hommes refusaient de me tuer. Alors on me laissa seul dans ma cellule.

Je ne sais pas si ces hommes se sont rendus compte de la présence de la Lumière que j'avais vue dans la cellule, mais cette Lumière avait agi dans leur âme et en avait fait mes frères. L'Energie de Jésus-Christ les transforma peut-être, de criminels qu'ils étaient, en saints. Je ne peux pas penser qu'ils soient redevenus des criminels après cela. Je suis convaincu qu'ils ont été sauvés, et je prie pour eux tout le temps; encore aujourd'hui, je prie pour eux. Dans mes prières, je ne les vois jamais comme des criminels. Je suis sûr qu'ils ont été sauvés.

LE DON DE LA LUMIÈRE

Ce que je voulais vous dire, c'est que Dieu ne donne pas seulement Sa Lumière comme Il le fait à certains moines qui ont fait de longues pratiques, assis et concentrés dans la solitude de leur cellule, unissant l'esprit et le cœur, soumettant l'esprit au cœur. Il donne aussi Sa Lumière en cadeau à ceux qui n'ont aucun mérite, sans rien exiger de celui qui reçoit. Il m'a donné cette Lumière sans aucun mérite de ma part, sans me demander de rien faire pour lui.

Les dons de Dieu ne sont pas une récompense pour nous. Nous recevons des dons de Dieu rien que du fait de Son amour pour nous. Comme je l'ai dit, j'étais le plus grand pécheur dans ce couloir, et néanmoins Dieu m'a choisi. Pourquoi? Il n'y a pas d'explication. Ces deux types étaient des criminels, et pourtant Dieu les a aimés dans la Lumière. Pourquoi? Peut-être parce qu'Il voulait transformer leur âme – et je suis sûr qu'Il les a transformés."


Mon commentaire

Le 17 mai 2006, un lecteur catholique romain nous a fait sur le présent forum un copier coller d'un texte du professeur toulousain Jugnet, destiné à nous expliquer que la distinction entre l'essence divine (οuσία) et les énergies (ενέργειες) était inopérante (je cite: "le palamisme est hétérodoxe, l’Église Romaine ne saurait l’accepter, voici pour l’aspect théologique") et qu'une expérience du type de celles que le RP Calciu décrivait dans sa conférence de 1997 – je cite encore – "sous-estime le caractère direct et immédiat de notre élévation surnaturelle, et c’est grave". D'un caractère pragmatique et non touché par la grâce du thomisme, je me demande, et j'en demande par avance pardon aux mânes du professeur Jugnet, si, pour un être humain, il ne serait pas plus utile de consacrer son temps à acquérir le Saint-Esprit qu'à nier qu'une telle acquisition soit possible. J'espère que les lecteurs du texte du RP Calciu, traduit ici pour la première fois en français, consacreront quelques secondes de leur précieux temps à se poser la même question. Parler contre l'hésychasme ou vivre une vie hésychaste? Hors de toute polémique, c'est une question intéressante quant à l'utilisation que chacun a envie de faire du temps qui lui a été imparti sur cette terre. Le hiéromoine Séraphin (Rose) avait l'habitude de dire: "Il est plus tard que vous ne le pensez", et nous savons que "c'est à l'heure que vous ne pensez pas que le Fils de l'homme va venir" (Mt 24,44).
Glicherie
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Inscription : ven. 18 juin 2004 14:41

Message par Glicherie »

Merci Claude pour ces textes en français du Père Gheorghe, dont je ne découvre la traduction que maintenant.
C'est très émouvant de (re-) découvrir cette expérience de la Lumière Incréée, dans ce contexte proprement infernal de la Roumanie pénitentiaire.
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