caractère provisoire du monachisme?

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Claude le Liseur
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Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

caractère provisoire du monachisme?

Message par Claude le Liseur »

Dans la remarquable thèse déjà citée de l'archimandrite Grégoire (Papathomas), Le Patriarcat oecuménique de Constantinople (y compris la Politeia monastique du Mont Athos) dans l'Europe unie, Editions Epektasis, Katerini 1998, p. 156, je lis une citation intéressante du RP Georges Florovsky:

""On oublie trop souvent le caractère provisoire du monachisme. St Jean Chrysostome avouait que les monastères sont nécessaires parce que le monde n'est pas chrétien. Qu'on le convertisse, et le besoin d'une séparation monastique disparaîtra."

(Georges FLOROVSKY, "Le corps du Christ vivant", in La Sainte Eglise universelle, Paris 1948, p. 56, n° 1)."

Quelqu'un pourrait-il me dire de quel passage des oeuvres de saint Jean Chrysostome le RP Florovksy avait-il tiré cette affirmation du caractère provisoire du monachisme?
Antoine
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Inscription : mer. 18 juin 2003 22:05

Message par Antoine »

Si le monde était chrétien , il n'y aurait effectivement plus de sens à y renoncer.
Mais le monde ne sera jamais chrétien. Le Christ lui même en semble bien convaincu dans son interrogation prophétique:<<Mais le Fils de l'homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre?>> Luc 18,8.
Alors dans ce cas, le caractère provisoire du monachisme ne prend-il pas nécéssairement un aspect définitif...
Jean-Louis Palierne
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Inscription : ven. 20 juin 2003 11:02

Message par Jean-Louis Palierne »

Je ne sais pas d’où vient cette citation de saint Jean Chrysostome. Ce n’est pas le monachisme qui est provisoire, c’est le monde qui fait que le monachisme y est une n”cessaire protestation. Dès que le christianisme est devenue une réalité de ce monde — et très tôt, bien avant les premières persécutions de Dioclétien, les lettres de Pline le Jeune, gouverneur de la province d’Adie, à l’empereur Trajant vou ùpntrent le christianisme y faisait déjà partie de la vie quoyidienne du peuple — Dès cette époque très anciennes des ascètes ont mené une vie qui les plaçait à l’écart de la vie du monde, une vie de retraite, de solitude et d’ascèse, renonçant et aux joies et aux “succès” de la vie mondaine, et même à l’estime et ) la compréhension de leurs concitoyens. Paul écrivait envore ses Épîtres que nous voyons y apparaître l’ordre des vierges et l’ordre des veuves — choses impensables pour la paideia de la poliyeia antique. Ces gens fuyaient la vie sociale et se faisaient marginaux et méprisés et l’Église ressentit le besoin de les proyéger. Un peu plus tard Antoine se retira pour aller vivre dans un fort abandonné où Satan lui-même vint l’attaquer cruellement (et, n’en doutons, avec la permission divine). Des Syriens l’imitèrent très tôt. Puis il se retira au désert (où se trouvait d’ailleurs déjà un autre ascète, Paul de Thèbes), puis de jeunes disciples vinrent rejoindre Antoine et se grouper autour de lui.
Puis naquit le cœnobitisme, puis lapparurent les déserts peuplés d’ermites (Scété). L’Église reconnaissait que ce phénomène constituait une part essentielle de son existence, qui marquait le refus par l’Église de faire partie des valeurs de ce monde éphémère, car ce monde passera, mais l’Église restera. C’est ce monde présent qui est provisoire et illusoire£. Au jour du Seigneur, l’Église apparaîtra dans toute sa splendeur, la splendeur du corps du Christ, et les ascètes de toute espèce ne vivront plus une vie séparée, il apparaîtra clairement qu’ils avaient été des pierres d’attente du monde à venir.

Au cours des siècles, les moines sont apparus dans l’histoire de l’Église comme un élément de contestation, de turbulence, d’anarchie, mais aussi de nécessaire renouvellement, et l’Église reconnut la nécessité de choisir parmi eux ses évêques afin d’échapper aux interminables querelles intra-communautaires que des évêques issus de l’élitisme ne parvenaient pas à maîtriser et à apaiser. Mais pour arriver à une définition satisfaisante des rapports entre les épiscopies des Églises vivant en ce monde et le mouvement monastique, il fallut d’abord la tentative du Concile Quinisexte, tentative qui ne connut pas le succès escompté, puis la reprise en main par le VIIIème Concile œcuménique et par le Concile local Prime-Second de Constantinople.
Jean-Louis Palierne
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hilaire
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Inscription : mer. 19 janv. 2005 12:26

Message par hilaire »

Peut être que cette analyse est un écho de "contre les détracteurs de la vie monastique"?

on peut y lire notamment :

Quoi donc, me direz-vous, ces vertus si nécessaires au salut, ne peut-on pas les pratiquer en restant dans sa maison? — Je le voudrais comme vous, plus que vous. J’ai toujours souhaité que les monastères devinssent inutiles; si la vie était assez bien réglée, assez bonne dans les villes pour que nul n’eût besoin de se réfugier au désert, mes voeux seraient comblés. Mais puisque tout est renversé dans le monde, puisque les villes, où il y a tant de lois et de tribunaux, voient partout l’infraction de ces lois et le règne de l’injustice, pendant que la solitude produit en abondance les fruits sacrés de la plus haute vertu, dès lors ne vous en prenez plus à nous. N’accusez pas ceux qui retirent les autres du milieu des orages où ils sont exposés à périr, n’accusez pas ceux qui conduisent au port les navigateurs battus par les vagues furieuses; accusez ceux qui font du monde une mer où l’on ne voit que tempêtes et naufrages, en un mot ceux qui rendent la ville inhabitable pour la vertu: ce sont eux qui nous obligent à fuir dans les déserts.
Dites-moi, je vous prie, si quelqu’un s’armant d’une torche au milieu de la nuit venait mettre le feu à une maison spacieuse et habitée par une nombreuse famille, pour faire périr toutes ces personnes pendant leur sommeil, quel serait le criminel, de celui qui réveillerait promptement ces gens endormis et les ferait sortir au plus tôt de cette maison embrasée, ou de celui qui aurait allumé l’incendie, et mis tout le monde dans cette extrême nécessité? Je suppose une ville en proie à la tyrannie, ravagée par la peste et la discorde, que diriez-vous de l’homme qui persuaderait à autant d’habitants qu’il pourrait de quitter cette ville désolée et de s’enfuir sur les montagnes pour y chercher du repos, et qui faciliterait même leur retraite par toutes sortes de secours et de moyens? Lui feriez-vous son procès parce qu’il aurait arraché à la tempête les malheureux qui étaient les jouets et qui allaient être les victimes de ses violences et de ses fureurs? ou n’attaqueriez-vous pas plutôt celui qui aurait causé ces dangers et ces naufrages?

Ne croyez pas que l’état du monde soit meilleur que celui d’une cité dominée par un tyran cruel; il est encore pire. Ce n’est pas un homme, c’est le démon qui tyrannise toute la terre, déchaînant partout contre les âmes ses phalanges meurtrières. Je le vois campé comme dans une citadelle qui domine le monde. Il donne à tous ses ordres impies, rompt les mariages, arme les meurtriers, et muet partout la corruption et le désordre. Chose plus triste encore, il sépare l’âme d’avec son Dieu; il rompt l’alliance qu’elle a contractée avec lui, et l’arrache de ses saints et chastes entretiens; il la livre ensuite de force et la prostitue à ses impurs satellites. Ceux-ci s’emparent de l’infortunée, assouvissent sur elle leur brutale passion et l’abreuvent des outrages qu’on peut attendre de ces méchants démons, dont l’infernale fureur convoite si ardemment notre perte et notre déshonneur. Après l’avoir dépouillée de tous les atours de la vertu, ils jettent sur elle les baillons sales, déchirés et infects du vice, et la mettent dans un état plus honteux que la nudité même. Même quand ils lui ont communiqué tout ce qu’il y a en eux de souillures, ils ne laissent pas pour cela de l’outrager encore, parce qu’ils trouvent leur gloire dans son infamie. Ils ne connaissent ni lassitude ni dégoût à cet impur et abominable commerce. Comme des ivrognes prennent feu en buvant, et s’échauffent d’autant plus qu’ils avalent plus de vin, de même les esprits immondes, animés contre l’âme chrétienne d’une fureur toujours croissante, fondent sur elle avec plus de violence et de rage à mesure qu’ils ont plus abusé d’elle : ils la harcellent, la mordent de tous côtés, lui insinuent leur propre venin, et ne lui laissent pas de relâche qu’ils ne l’aient amenée à leur propre état, ou qu’ils ne la voient, dépouillée de son enveloppe corporelle, devenir pour toujours la proie de l’enfer.

Quelle tyrannie, quelle captivité, quel bouleversement, quel esclavage, quelle guerre, quel naufrage, quelle famine ne serait préférable aux maux que je viens de décrire? Quel est l’homme si cruel, si barbare, si stupide et si inhumain, si impitoyable et si insensible qui ne désire dans la mesure de ses forces, arracher à cette fureur impie, à cet ignominieux état, une âme à ce point souillée et déshonorée, et qui consente à la laisser au milieu de telles misères? Et si c’est là le fait d’un coeur impitoyable et dur comme la pierre, comment qualifier, dites-moi, les hommes qui, non contents d’abandonner leurs frères, font encore un mal bien autrement grave, lorsque, voyant de courageux chrétiens se jeter au milieu du péril, plonger pour ainsi dire leurs mains dans la gueule du monstre, braver la peste du vice et ses exhalaisons meurtrières, pour arracher de la gorge du démon les âmes qu’il a presque déjà dévorées, non-seulement ne louent ni n’encouragent pas de si beaux dévouements, mais les proscrivent et les persécutent de tout leur pouvoir?

8. Quoi donc, dira quelqu’un, tous les habitants des villes sont-ils perdus ou à la veille de faire naufrage? et faut-il que laissant leurs maisons et désertant les villes, ils se rendent au désert et habitent les sommets des montagnes? Est-ce là ce que vous nous ordonnez, ce que vous nous prescrivez? — Loin de là! Je désire même tout le contraire, comme je l’ai déjà dit. Ce que je souhaite par-dessus fout, ce que j’appelle de tous mes voeux, c’est que la vertu puisse établir son règne paisible dans les villes, sur les ruines de la tyrannique domination du mal; qu’il en soit ainsi, et alors non-seulement il ne sera plus nécessaire de quitter les villes pour se retirer dans les montagnes; mais les habitants du désert pourront rentrer dans les cités, comme des exilés longtemps privés du séjour de la patrie. Mais dans l’état où je vois le monde, puis-je y rappeler ceux qui l’ont quitté? Je craindrais trop, en voulant les rendre à leur patrie, de les jeter dans les griffes de ces bêtes infernales, et, en désirant les affranchir de la solitude et de l’exil, de leur faire perdre leur tranquillité en même temps que leur vertu.
Vous allez peut-être m’objecter l’immense multitude qui peuple les villes, et tenter de m’intimider , de m’effrayer par là, dans la pensée que je n’aurai pas le courage de condamner toute la terre. Usez de ce moyen, et à mon tour, armé de la sentence de Jésus-Christ, j’oserai me dresser en face de votre objection. Car vous ne ferez pas une action si téméraire que de résister en face à celui qui doit un jour nous juger. Que dit Notre-Seigneur? Ecoutez : Elle est étroite la porte, elle est resserrée la voie qui conduit à la vie, et peu la trouvent. (Matth. VII, 14.) S’il y en a peu qui la trouvent, il y en a encore moins qui y marchent jusqu’à la fin du voyage; tous ceux qui l’ont prise dans le principe n’ont pas la force d’en atteindre le terme; les uns échouent dès les commencements, d’autres au milieu, un grand nombre à l’entrée même du port. Le divin Sauveur dit encore qu’il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. (Matth. XX, 16.) Puis donc que Jésus-Christ nous enseigne que le grand nombre se perd et que le salut est le lot du petit nombre, pourquoi me contredisez-vous? Vous faites absolument comme si, rappelant la catastrophe dont Noé fut témoin, vous vous étonniez que tout le genre humain y ait péri à l’exception de deux ou trois hommes qui échappèrent au châtiment, et que vous eussiez la prétention de nie fermer ainsi la bouche, dans la crainte où je serais de condamner tous les hommes. Je n’en suis pas là, je tiendrai toujours pour la vérité même contre le grand nombre. Ce qui se commet maintenant de crimes ne le cède pas en gravité à ce qui se faisait alors; j’oserai même dire que la malice de notre siècle est pire que celle des contemporains de Noé; ceux-ci ne bravaient que le déluge; nous c’est l’enfer qui nous attend, et cette menace n’arrête nullement parmi nous les progrès du mal.
Dites-moi, qui est-ce qui ne traite pas son frère de fou? Or, cela rend passible du feu de l’enfer. Qui est-ce qui n’a pas jeté sur une femme des regards impudiques? Or, c’est là un adultère consommé; et le feu éternel est le lot inévitable de l’adultère. Qui est-ce qui n’a pas juré?Or, jurer vient du mauvais, et ce qui vient du mauvais s’en va droit au châtiment. Qui est-ce qui n’a pas porté envie à son ami? Or, cela rend un homme pire que les païens et les publicains; et ceux qui en sont là, il est de toute évidence qu’ils ne peuvent échapper au supplice. Qui est-ce qui a banni de son coeur tout ressentiment, et a pardonné les torts de tous ceux qui l’avaient offensé? Or, celui qui ne pardonne pas, il faut qu’il soit livré aux bourreaux: nul de ceux qui ont ouï la parole de Jésus-Christ ne niera cela. Qui est-ce qui n’a pas servi Mammon? Or, celui qui sert Mammon, a nécessairement renié le service du Christ, et en le reniant, renoncé à son propre salut. Qui est-ce qui n’a pas secrètement calomnié? Or, l’ancienne loi ordonne de tuer et d’étrangler ces coupables.
Comment tous ces pécheurs se consolent-ils chacun de leurs maux personnels? C’est en voyant tous les hommes tomber, par une espèce de convention, dans le gouffre du mal : marque certaine de la grandeur du mal qui règne aujourd’hui, lorsque ce qui devrait le plus- nous affliger est au contraire ce qui nous console! Nos complices, quel que soit leur nombre, ne diminuent pas nos fautes, non plus que nos châtiments, en les partageant avec nous. Si mes paroles vous impressionnent déjà, attendez un moment, elles vous ébranleront bien mieux quand j’aurai nommé des péchés plus graves, les parjures, par exemple. Si le serment, en effet, est chose diabolique, quels châtiments ne nous attirera pas le parjure? Si la qualification de fou mérite le feu éternel, que ne mériterons-nous pas en chargeant de mille outrages un frère qui ne nous a jamais fait de mal? Si le ressentiment est digne de punition, quelles tortures ne sont pas réservées à la vengeance?
Mais ne parlons pas de cela maintenant, réservons-le pour sa place naturelle; car, pour ne rien dire autre chose, ce qui nous a forcé à descendre à ces détails, n’est-il pas suffisant, lui seul, pour vous montrer le danger de la maladie qui nous possède? En effet, si c’est pousser la malice jusqu’à la dernière extrémité que d’être insensible à ses fautes, et de pécher toujours sans remords, à quel degré en sont donc venus tous ces nouveaux auteurs d’une législation étrange, qui persécutent les maîtres de la vertu avec plus de violence que les autres ne poursuivent les maîtres du vice, et qui font une guerre plus acharnée à ceux qui veulent se corriger qu’à ceux qui ont péché : bien mieux, ils se plaisent avec ceux-ci, ne les accusent jamais, tandis qu’ils dévoreraient bien les premiers, criant presque et par leurs paroles, et par leurs actes, qu’il faut s’attacher fermement au vice, ne jamais retourner à la vertu, et se garder, non-seulement de ceux qui la pratiquent, mais même de ceux qui osent élever la voix en sa faveur.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

hilaire a écrit :Peut être que cette analyse est un écho de "contre les détracteurs de la vie monastique"?

Pourriez-vous avoir la gentillesse de nous donner la référence exacte du texte?

Merci d'avance.
hilaire
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Message par hilaire »

SAINT JEAN CHRYSOSTOME, OEUVRES COMPLÈTES, TRADUITES POUR LA PREMIÈRE FOIS SOUS LA DIRECTION DE M. JEANNIN, licencié ès-lettres professeur de rhétorique au collège de l'Immaculée-Conception de Saint-Dizier. Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, éditeurs, 1864,

Tome II
LIVRE PREMIER CONTRE LES ENNEMIS DE LA VIE MONASTIQUE.

on peut télécharger les oeuvres complètes de Saint Jean Chrysostome sur le site :
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saint ... /index.htm
Jean-Louis Palierne
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Message par Jean-Louis Palierne »

Très bien, les traductions de Jeannin sont bonnes, mais ce qui intéresserait les lecteurs du Forum, ce serait d'avoir les références au sein des œuvres de saint Jean Chrysostome (qui sont immenses) : Homélie n° x, classée dans tel goupe, prononcée à l'occasion de…
Jean-Louis Palierne
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