La prise de Jérusalem par les Sassanides (614)

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Claude le Liseur
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Re: La prise de Jérusalem par les Sassanides (614)

Message par Claude le Liseur »

J-Gabriel a écrit : Voilà c’est juste une esquisse sans prétention, et le sujet n’est pas clos, bien-entendue. Je veux juste apporter ma modeste contribution à votre remarquable travail ci-dessus.
Mais votre contribution est très utile, n'en doutez pas, et elle vaut bien la mienne.
Claude le Liseur
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Re: La prise de Jérusalem par les Sassanides (614)

Message par Claude le Liseur »

J-Gabriel a écrit : Maintenant je vais vous exposer brièvement comment je perçois la chose. Et, pour éviter les contre-sens dans les termes, je vais dénommer mahométane la religion que prêchait Mahomet et Islam la religion qui suit après la mort de Mahomet, et musulmans ceux qui s’appuient sur cette dernière.

A partir de 622, Mahomet commença à fonder plus solidement les bases d’une religion avec sa compréhension personnel d’éléments chrétiens, quoiqu’hérétiques, et juifs et tout ça corsé par une vision d’un ange. Comme ce fut une religion composée sur les croyances personnelles de Mahomet, et vu que celui-ci n’eu rien prévu quant à la succession de son autorité, on peut dire que le mahometanisme est quasiment mort-né, à la mort de son fondateur en 632.
Donc tout ce qui s’ensuit est une sorte de Protestantisme de fait ! Non ? Vu que personne ne fut désigné pour poursuivre l’enseignement, chacun était libre d’interprétés le mahometanisme à sa guise. Témoin : les zaydites, sunnites, chiites, alaouïtes, druzes, kharidjites, béhaïstes etc.. que l’on regroupe à tort sous :Islam. Et si maintenant on veut nous faire croire à "une seule et grande communauté musulmane", il faut voir que certaines de ces sectes non plus de l’Islam que la dénomination, ainsi que vous le remarquez avec la secte des Alaouïtes, par exemple.

Je trouve votre point de vue fort intéressant, même si je ne le partage pas entièrement.

Maintenant, deux petites anecdotes à propos de ces schismes islamiques, toutes deux en rapport avec un schisme pakistanais qui eut son heure de gloire dans le monde germanique et anglo-saxon.

La plus ancienne mosquée de Suisse (qui plus est avec minaret!), la mosquée Mahmoud, fut construite au numéro 323 de la Forchstrasse à Zurich en 1962-1963 par la dissidence d'origine pakistanaise Ahmadiyya (voici leur site Internet: http://www.ahmadiyya.ch/cms/ ). La mosquée fut inaugurée le 22 juin 1963 en présence du président de la 17e session de l'Assemblée générale des Nations-Unies, le Pakistanais Sir Muhammad Zafrulla Khan, et du maire de Zurich Dr Emil Landolt (site Internet de la mosquée Mahmoud: http://www.ahmadiyya.ch/mahmud_moschee.htm ).
Manque de pot, depuis 1973, l'Organisation de la conférence islamique a décrété - de quel droit ? - que la secte Ahmaddiya (groupe d'ailleurs particulièrement hostile au christianisme, soit dit en passant) n'était plus musulmane et a interdit aux Ahmadis de faire le pélerinage à La Mecque.
La mosquée Mahmoud, la plus ancienne de Suisse, ne figure même plus sur la liste publiée par le site officiel - officiel au nom de qui? - islam.ch (cf. http://www.islam.ch/typo3/index.php?id= ... 46e67d7ae5)!

Le physicien pakistanais Mohammed Abdus Salam (1921-1996), prix Nobel de physique en 1979, était un Ahmadi. On avait gravé sur sa pierre tombale: «premier Prix Nobel musulman». Mais comme le Parlement pakistanais avait décidé en 1974 que les membres de la Ahmaddiya n'étaient plus des musulmans, les autorités locales ont ensuite ordonné d'effacer la mention «musulman» de sa pierre tombale, pour ne plus laisser subsister qu'un «premier Prix Nobel» qui ne veut rien dire.

Bien sûr, tout le monde a ses problèmes, et là où il y a de l'homme, il y a de l'hommerie. Certes. Mais quand on voit cette somme de schismes et d'excommunications réciproques au sein de cette «seule et grande communauté» , il est affligeant, parce que contraire à la vérité, de voir qu'un des arguments utilisés par certains missionnaires islamiques auprès d'Européens de l'Ouest complètement déculturés est que les divisions du christianisme le priveraient de toute crédibilité...
Claude le Liseur
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Re: La prise de Jérusalem par les Sassanides (614)

Message par Claude le Liseur »

Claude le Liseur a écrit :
Encore quelques mots à propos de cette Shirin, chrétienne qui eut une influence si néfaste sur les destinées du christianisme en Anatolie.

À propos du prénom d'abord, de ce prénom beau comme une nuit d'Orient. Et aussi parce que l'épouse préférée du roi des rois a laissé une trace profonde dans la littérature persane, longtemps après que le dernier Sassanide a disparu dans l'immensité de l'Empire chinois où il s'était réfugié, longtemps après que le triomphe de l'Islam a réduit à peu de choses le christianisme et le mazdéisme en Iran.
Chirin شیرین est un prénom féminin qui signifie doux et sucré et qui évoque une belle princesse apparatenant au paysage littéraire iranien. La princesse Chirin شیرینet le roi Khosrow خسر وsont les amoureux légendaires d'une histoire qui a été contée par maints poètes iraniens, entre autres par Firdoussi (Xe s.) et surtout par Nizâmi (XIIe s.) Les plus célèbres épisodes de leurs amours ont donné lieu à de nombreuses illustrations dans les manuscrits persans. (Dominique Halbout et Mohammad-Hossein Karimi, Le Persan, Assimil, Chennevières-sur-Marne 2003, p. 267).
(Après tout, la transformation de cette concubine syriaque du roi des rois en princesse persane relève du mécanisme même de l'épopée: qu'étaient vraiment Achille ou Roland dans la réalité ?)

Le prénom a été portée par une sainte persane du calendrier orthodoxe, un des martyrs de Perse qui tombèrent sous les coups des Sassanides pour avoir quitté le mazdéisme pour le christianisme, à la manière de saint Anastase le Persan dont on trouvera l'icône sur le présent forum viewtopic.php?f=7&t=1722 :
Sainte SHIRINE (SIRÉE) de Perse, native de Kirkouk au Kurdistan, zorastrienne convertie, martyre à Séleucie par la main des zoroastriens (559). (Claude Laporte, Tous les saints de l'Orthodoxie, Xenia, Vevey 2008, p. 362.)
Il existe donc une forme francisée du prénom, naturellement à travers le truchement du grec qui ignore les chuintantes.

Il apparaît que cette sainte Chirine, en français Sirée, martyre de Perse, est connue chez les nestoriens sous le nom syriaque de sainte Meskintā.
Les fidèles y vénèrent toujours une relique de Meskintā, aussi apelée Shirin. (Herman Teule, Les Assyro-Chaldéens, Brepols, Turnhout 2008, p. 116).
Nous savons que le prénom persan Chirin شیرین signifie «doux et sucré». Je me suis demandé si le nom donnée par les Syro-orientaux à cette sainte, Meskintā, était une traduction littérale. Je n'ai aucune notion de syriaque, mais, à chaque fois que j'ai rencontré cette langue, j'ai remarqué qu'elle était très proche de l'arabe. Même si comparaison n'est pas raison, il peut être intéressant de constater que «sucrée» se dit en arabe مُحلا ة mu'hal:a(t), ce qui sonne éloigné de Meskintā. En revanche, ce prénom Meskintā sonne de manière étonnament proche de l'adjectif féminin arabe pour «pauvre» مسكينة miskīna(t) (cf. le nom monastique du célèbre spirituel copte contemporain Matta-el-Maskîne, c'est à dire Matthieu le Pauvre, dont au moins deux livres sont traduits en français, et le mot français «mesquin» qui découle du mot arabe).
Je suis d'autant plus enclin, malgré mon ignorance du syriaque, à rapprocher l'adjectif arabe et le nom de la sainte en syriaque que je suppose que l'adjectif arabe doit être issue d'une vieille racine sémitique MSK donnant l'idée de pauvreté, puisque, comme tout juriste qui se respecte, je me souviens de notre plus ancien législateur dont nous ayons gardé le souvenir, le vieux roi Hammourabi de Babylone (règne de ~1792 à ~1750 environ), grand roi qui fit régner la justice voici près de quatre mille ans, et de son code de lois, ancêtre de tous les codes:
La population se répartit en trois catégories: les hommes libres, les muškenū et les esclaves. Parmi les hommes libres, quelques-uns relèvent directement du monarque et veillent aux principaux rouages du royaume, d'autres exercent une profession indépendante, médecin, maçon, artisan, et se fixent à leur gré; tous les postes de l'état, armée, administration, cadastre, finances, justice, clergé, ravitaillement, commerce, police, des fonctions les plus hautes aux charges subalternes, sont aux mains des hommes libres. Ils sont payés en nature ou reçoivent l'usufruit des terres de la couronne. Les muškenū sont plus proches des hommes libres que des esclaves; leur situation précise dans la société babylonienne est celle d'un «fellah», d'un «colon». (André Finet, Le Code de Hammurabi, Le Cerf, Paris 2002, pp. 13 s.)
Le code Hammourabi était rédigé en akkadien, langue sémitique. Je me sens d'autant plus autorisé à faire le rapprochement entre le mot akkadien désignant les plus humbles des hommes libres et l'adjectif arabe correspondant au français «pauvre», à supposer une racine sémitique commune, et à m'autoriser à faire des comparaisons avec le syriaque, que les chrétiens syro-orientaux d'aujourd'hui revendiquent le glorieux héritage du roi de Babylone. L'association des Assyro-Chaldéens de France ne publiait-elle pas dans les années 1990 un bulletin intitulé Hammurabi, dont je ne sais s'il existe encore?

Là encore, je ne prétends pas avoir la science infuse, et je serais reconnaissant à toute personne connaissant le syriaque de bien vouloir corriger mes erreurs. Mais, faute d'information supplémentaire, l'instinct me pousse à rapprocher le nom syro-oriental de sainte Chirine, sainte Meskintā, de l'adjectif arabe مسكينة miskīna(t) et à me demander si, d'une manière qui m'est incompréhensible, sainte «Douce» serait devenue sainte «Pauvre» en passant du milieu persan au milieu sémitique.
Claude le Liseur
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Re: La prise de Jérusalem par les Sassanides (614)

Message par Claude le Liseur »

Claude le Liseur a écrit :La plus ancienne mosquée de Suisse (qui plus est avec minaret!), la mosquée Mahmoud, fut construite au numéro 323 de la Forchstrasse à Zurich en 1962-1963 par la dissidence d'origine pakistanaise Ahmadiyya (voici leur site Internet: http://www.ahmadiyya.ch/cms/ ). La mosquée fut inaugurée le 22 juin 1963 en présence du président de la 17e session de l'Assemblée générale des Nations-Unies, le Pakistanais Sir Muhammad Zafrulla Khan, et du maire de Zurich Dr Emil Landolt (site Internet de la mosquée Mahmoud: http://www.ahmadiyya.ch/mahmud_moschee.htm ).
Manque de pot, depuis 1973, l'Organisation de la conférence islamique a décrété - de quel droit ? - que la secte Ahmaddiya (groupe d'ailleurs particulièrement hostile au christianisme, soit dit en passant) n'était plus musulmane et a interdit aux Ahmadis de faire le pélerinage à La Mecque.
La mosquée Mahmoud, la plus ancienne de Suisse, ne figure même plus sur la liste publiée par le site officiel - officiel au nom de qui? - islam.ch (cf. http://www.islam.ch/typo3/index.php?id= ... ectory_pi1[mode]=liste&tx_spdirectory_pi1[modifier]=country&tx_spdirectory_pi1[value]=ZH&tx_spdirectory_pi1[pointer]=2&cHash=46e67d7ae5)!

Le physicien pakistanais Mohammed Abdus Salam (1921-1996), prix Nobel de physique en 1979, était un Ahmadi. On avait gravé sur sa pierre tombale: «premier Prix Nobel musulman». Mais comme le Parlement pakistanais avait décidé en 1974 que les membres de la Ahmaddiya n'étaient plus des musulmans, les autorités locales ont ensuite ordonné d'effacer la mention «musulman» de sa pierre tombale, pour ne plus laisser subsister qu'un «premier Prix Nobel» qui ne veut rien dire.
Comme je me doute bien que ce groupe, qui n'a sans doute guère prospéré en terre francophone, ne dit pas grand-chose à la plupart d'entre nous, y compris à d'éventuels lecteurs musulmans, je me permets de donner quelques précisions.

Depuis 1914, les Ahmadis sont eux-même divisés en deux groupes: les Lahoris, proches de l'Islam moderniste, et les Qadiyanis, qui considèrent Mirza Gulam Ahmad (1839-1908), qui fonda cette dissidence en 1891,comme un prophète. Dans son ouvrage Fils d'Abraham, Brepols, Turnhout 1987, p. 20, Joseph Longton estimait le nombre des Lahoris à quelques dizaines de milliers et celui des Qadiyanis à 4,5 millions, dont 2,2 millions au Pakistan, 900'000 au Ghana (!), 500'000 au Nigéria, 130'000 en Inde, 120'000 en Indonésie, 70'000 au Bangla Desh. Il soulignait le prosélytisme des Qadiyanis - qui explique, soit dit en passant, que la première mosquée de Suisse ait éé construite par ce groupe. Quant à leur doctrine, Longton la résumait de la manière suivante:
Les Lahoris tiennent Gulam Ahmad en haute estime mais ne le considèrent pas comme un prophète; ils sont proches des milieux islamiques modernistes. Pour les Qadiyanis, Gulam Ahmad est un envoyé de Dieu, à l'instar de Mahomet, et tous ceux qui rejettent l'autorité de sa doctrine (parfois très syncrétique) et de ses successeurs sont traités de kāfir, "mécréants". (Longton, op. cit., p. 21) [NdL: arabe كافر, d'òù, en français, Cafre et guèbre]
J-Gabriel
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Message par J-Gabriel »

Claude le Liseur a écrit :Même si comparaison n'est pas raison
Au contraire dans ce cas il faut faire la comparaison. Et je pense sérieusement si vous connaissez bien une des langues dites sémitiques vous allez pouvoir disposez de toutes les autres. Pour prendre mon cas : par un concours de circonstance j’ai appris le croate et ainsi, j’ai remarqué que je peux m’arranger dans toutes les langues slaves.

Sur ce fil on y mentionne les Melkites. Or le mot melkite nous vient de melk en araméen, en syriaque melek et malik en arabe, tout ça pour dire roi. Vous voyez donc que l'on peut aisément comparer.

A relire viewtopic.php?f=1&t=751&p=16246&hilit=a ... 9en#p16246 , et il y aussi un livre qui a une introduction bien faite sur ces idiomes: "Grammaire Hébraïque élémentaire. Suivie de notions d'araméen biblique." Chez Letouzey et Ané avec les frais de port est de 17,92 euro (ça m'a amusé cette décimale).

Sur ce fil, y est aussi mentionné l’empereur Héraclius. Je ne connais pas bien ce personnage, mais, hormis ce présent forum, avec quelques lectures, par-ci par-là, de ces derniers jours, j’ai pu apprendre que c’est la figure la plus intéressante de cette période, on l’assimile aussi à Job à cause de ses péripéties –perses puis arabes. Aussi j’ai eu vent d’une thèse écrite de façon très vivante sur Héraclius, d’un historien du nom de Drapeyron , Paris, 1869, et je vous en donne l’information.

PS : j’ai tenté de faire des recherches sur cette thèse. Je n’ai trouvé que ce lien où elle y est mentionnée : http://remacle.org/bloodwolf/historiens ... aclius.htm
Claude le Liseur
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Re: La prise de Jérusalem par les Sassanides (614)

Message par Claude le Liseur »

J-Gabriel a écrit :
Claude le Liseur a écrit :Même si comparaison n'est pas raison
Au contraire dans ce cas il faut faire la comparaison. Et je pense sérieusement si vous connaissez bien une des langues dites sémitiques vous allez pouvoir disposez de toutes les autres. Pour prendre mon cas : par un concours de circonstance j’ai appris le croate et ainsi, j’ai remarqué que je peux m’arranger dans toutes les langues slaves.

Sur ce fil on y mentionne les Melkites. Or le mot melkite nous vient de melk en araméen, en syriaque melek et malik en arabe, tout ça pour dire roi. Vous voyez donc que l'on peut aisément comparer.

A relire viewtopic.php?f=1&t=751&p=16246&hilit=a ... 9en#p16246 , et il y aussi un livre qui a une introduction bien faite sur ces idiomes: "Grammaire Hébraïque élémentaire. Suivie de notions d'araméen biblique." Chez Letouzey et Ané avec les frais de port est de 17,92 euro (ça m'a amusé cette décimale).

Sur ce fil, y est aussi mentionné l’empereur Héraclius. Je ne connais pas bien ce personnage, mais, hormis ce présent forum, avec quelques lectures, par-ci par-là, de ces derniers jours, j’ai pu apprendre que c’est la figure la plus intéressante de cette période, on l’assimile aussi à Job à cause de ses péripéties –perses puis arabes. Aussi j’ai eu vent d’une thèse écrite de façon très vivante sur Héraclius, d’un historien du nom de Drapeyron , Paris, 1869, et je vous en donne l’information.

PS : j’ai tenté de faire des recherches sur cette thèse. Je n’ai trouvé que ce lien où elle y est mentionnée : http://remacle.org/bloodwolf/historiens ... aclius.htm

Merci beaucoup pour vos informations.
C'est curieux, mais je n'ai trouvé aucun manuel de syriaque en français, alors qu'il y en a plusieurs en anglais. La seule chose qui s'apparenterait est un manuel de soureth (la forme d'araméen actuellement encore parlée au Kurdistan iraqien), mais, curieusement, aucun manuel de syriaque liturgique. Claude Guérillot signale toutefois dans ses livres sur le patriarcat syriaque jacobite la publication récente, au Liban, d'un dictionnaire syriaque-français.
J'ignorais que le malheureux empereur Héraclius avait été comparé à Job. J'aurais plutôt pensé à Sisyphe!
Claude le Liseur
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Re: La prise de Jérusalem par les Sassanides (614)

Message par Claude le Liseur »

Claude le Liseur a écrit :Signalons aussi un autre mérite du livre du RP Lammens: dès 1926, il était l'un des rares à parler de la dernière minorité religieuse qui ait conservé une existence réelle dans la Turquie «laïque» et grande persécutrice de chrétiens: les alévis, alawis ou Ahl-i-Haqq, qui semblent plutôt être une résurgence du chamanisme des anciens Turcs sous un habillage chiite qui leur permettait de s'opposer au sunnisme professé par les sultans ottomans. Le RP Lammens souligne qu'il n'y a rien de commun entre alaouites et alévis, si ce n'est la parenté de nom (nom d'ailleurs choisi pour donner une apparence plus chiite, et donc plus acceptable pour l'environnement musulman). Il est d'autant plus méritoire qu'il ait fait cette remarque qu'il y a encore aujourd'hui beaucoup de gens pour croire que les alévis de Turquie et de la minorité kurde de Syrie professent la même foi que les alaouites de Syrie.
La confusion est aussi entretenue par le fait que le sandjak d'Alexandrette (aujourd'hui province de Hatay), cédé de manière illégale et arbitraire par la France à la Turquie en 1939, au mépris des devoirs que la France, puissance mandataire, avait à l'égard de la Syrie dont l'administration lui avait été confiée par la société des Nations, contenait une très forte proportion d'alaouites, n'étant qu'un prolongement de la région alaouite de Lattaquié et Tartous. Cette trahison de la France à l'égard de la Syrie, jamais oublié, n'a pas joué un rôle négligeable dans l'engagement nationaliste arabe de beaucoup d'alaouites syriens. (Dès 1946, à seize ans, Hafez el-Assad adhérait au Ba'ath.)

Le professeur Geneviève Gobillot, spécialiste de l'Islam chiite, revient sur cette confusion fréquente entre les alaouites (nosayris) de Syrie, du Liban et du sandjak d'Alexandrette, qui sont tous (à ma connaissance) des Arabes, et les alévis (ahl-i-haqq, kizilbach) de Turquie et de Syrie, qui sont tous (à ma connaissance) des Turcs et des Kurdes.
Les Nusayris sont actuellement installés en Syrie où leur nombre s'élève à plus d'un million, soit 12% de la population, et au Liban. L'actuel président de la république Hafez al-Assad est l'un de leurs fidèles. En Turquie ils sont environ 100'000 installés surtout dans la province de Hatay. La confusion les concernant et tendant à les assimiler à l'importante minorité Qizilbach, pratiquant les rites des derviches Bektachis, qui porte aussi le nom d'alaouite et reprsésente 20% de la population turque, a encore augmenté récemment du fait que les Nusayris de Syrie ont fait, dans les années 1970, une demande auprès des autorités religieuses chiites libanaises pour être considérées comme faisant partie du groupe des Chiites duodécimains. (Geneviève Gobillot, Les Chiites, Brepols, Turnhout 1998, p. 24.)
J'apporterais quelques nuances à ce texte. Si les alaouites constituent bien 12% de la population de la Syrie, il y a longtemps que ce chiffre représente plus de deux millions de personnes, la Syrie comptant aujourd'hui plus de 20 millions d'habitants. Je ne crois pas non plus qu'on puisse faire une assimilation complète entre les alévis de Turquie et le bektachisme; il y a des bektachis qui ne sont pas alévis. (Signalons au passage que l'un des évêques de l'Église orthodoxe d'Albanie, Mgr Jean [Pelushi], métropolite de Korçë, est un converti issu d'une famille bektashie.) Enfin, le rapprochement entre les alaouites nosaïris et les chiites duodécimains du sud du Liban est très ancien; il a en fait été déclenché et voulu par la France à l'époque du Mandat. Les alaouites étaient probablement la population la plus opprimée du Levant, et le colonisateur décida de leur donner un statut équivalent à celui des autres communautés religieuses de la région, donc avec leurs propres tribunaux pour le statut personnnel; c'est à cette époque que la France fit venir chez les alaouites des religieux chiites libanais pour mettre en place les premiers tribunaux de cette communauté et former les futurs magistrats alaouites. (Le colonisateur alla jusqu'à créer un État des Alaouites, qui ne fut réintégré dans l'unité syrienne qu'en 1937, et ce malgré les protestations d'un certain nombre de personnalités alaouites, dont le grand-père du futur président Hafez el-Assad.) D'un autre côté, le rapprochement avec les chiites connaît aussi des limites nettes sur le plan institutionnel: depuis les accords de Taëf, en 1989, la communauté alaouite - qui n'avait pas de sièges réservés auparavant - dispose de 2 sièges sur 128 au parlement libanais, bien distincts des 27 sièges réservés aux chiites - pour mémoire, les orthodoxes ont 14 sièges.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Claude le Liseur a écrit :Les alaouites étaient probablement la population la plus opprimée du Levant
Cette oppression trouvait sa justification dans une fatwa d'Ibn Taymiyya (1268-1328):
«La guerre sainte est légitime et agréable à Dieu contre ces sectateurs du sens caché, plus infidèles que les chrétiens et les juifs, plus infidèles encore que bien des idolâtres et qui ont fait plus de mal à la religion de Mahomet que les infidèles belligérants, Francs, Turcs et autres...» (cité in Daniel Le Gac, La Syrie du général Assad, Complexe, Bruxelles 1991, pp. 61 s.)
La fatwa ci-dessus fut annulée par une autre fatwa du 3 avril 1937, proclamant que les alaouites étaient musulmans (cf. Joseph Azzi, Les nousairistes alaouites, Publisud, Paris 2002, p. 63).

Une des formes de l'oppression dont les alaouites étaient victimes est décrite par William Gervase Clarence-Smith dans son livre Islam and the Abolition of Slavery ( L'Islam et l'abolition de l'esclavage), Oxford University Press, New York 2006, p. 182, décrivant la situation après la première pseudo-abolition de l'esclavage en Arabie séoudite par Abd el-Aziz Ibn Séoud en 1936:
Saudi Arabia sucked in Baluchi children from the Iran-Pakistan borderlands, Nusayri girls from the Syrian mountains "sold like cattle", and even local Arabs.
Ma traduction:
L'Arabie séoudite engloutissait des enfants baloutches des confins irano-pakistanais, des filles nousairies des montagnes syriennes «vendues comme du bétail», et même des Arabes indigènes.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Claude le Liseur a écrit :le colonisateur décida de leur donner un statut équivalent à celui des autres communautés religieuses de la région, donc avec leurs propres tribunaux pour le statut personnnel; c'est à cette époque que la France fit venir chez les alaouites des religieux chiites libanais pour mettre en place les premiers tribunaux de cette communauté et former les futurs magistrats alaouites
Récit de cet épisode chez Daniel Le Gac, op. cit., pp. 77 s.:
Les tribunaux religieux n'existant pas à l'arrivée des Français, la puissance mandataire décide, pour régler les différends entre personnes, d'en créer sur le modèle de l'islam sunnite. Chose étonnante, les lettrés faisant cruellement défaut, les fonctionnaires français font venir des cadis -juges chiites - du ... Liban-Sud. Ils repartiront quelques années plus tard après avoir formé une première promotion de cadis alaouites.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Claude le Liseur a écrit :(Le colonisateur alla jusqu'à créer un État des Alaouites, qui ne fut réintégré dans l'unité syrienne qu'en 1937, et ce malgré les protestations d'un certain nombre de personnalités alaouites, dont le grand-père du futur président Hafez el-Assad.)
L'État des Alaouites fut créé le 21 juillet 1922. Il fut séparé de la Syrie le 1er janvier 1925 puis y fut rattaché de nouveau le 5 décembre 1936 (avec, semble-t-il, effet au 1er janvier 1937). En 1927, l'État des Alaouites comptait deux arrondissements (Lattaquié et Tartous) avec 278'000 habitants, dont 176'285 alaouites, 52'148 sunnites, 44'444 chrétiens et 4'457 ismaéliens (chiffres donnés in Azzi, op. cit., pp. 26 s.)

Le texte de la lettre envoyée le 15 juin 1936 à Léon Blum par certains notables alaouites protestant contre le retour de leur territoire dans l'unité syrienne - ils ne représentaient qu'une opinion dans leur communauté, car d'autres alaouites étaient déjà très engagés dans la cause nationaliste - est publié in Azzi, op. cit, pp. 28-30, et in Le Gac, op. cit., pp. 69-71. Peu importe qu'il n'ait représenté qu'une opinion minoritaire dans la communauté. C'est un témoignage éloquent sur le répit qu'avaient apportées aux minorités religieuses du Levant les idées de tolérance religieuse imposées par le colonisateur. On y lit l'angoisse de membres d'une petite communauté religieuse persuadés que l'oppression qu'ils avaient connue pendant des siècles reprendrait une fois le colonisateur parti avec ses canons, ses gendarmes et ses juges:

«Le peuple alaouite refuse d'être rattaché à la Syrie parce que la religion islamique est considérée comme la religion d'État officielle et que l'islam considère le peuple alaouite comme impie. Pour cette raison, nous attirons votre attention sur le destin terrifiant qui serait le sien s'il était rattaché à la Syrie au moment où se terminera le mandat et où la Syrie pourrait alors appliquer les lois et le régime islamiques.»

(De manière curieuse, moins d'un an après cette lettre, une fatwa proclamera que les alaouites sont musulmans et les lois de la Syrie indépendante les considéreront comme une communauté musulmane parmi d'autres - ce qui ne sera pas le cas des druses, considérés comme une religion à part.)

Il est d'ailleurs tout à l'honneur de la Syrie indépendante que les craintes exprimées par les signataires de la lettre du 15 juin 1936 ne se soient jamais réalisées.
J-Gabriel
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Message par J-Gabriel »

Claude le Liseur a écrit : (De manière curieuse, moins d'un an après cette lettre, une fatwa proclamera que les alaouites sont musulmans et les lois de la Syrie indépendante les considéreront comme une communauté musulmane parmi d'autres - ce qui ne sera pas le cas des druses, considérés comme une religion à part.)
Dans le sens "ceci expliquant peut-être cela", pour les druzes il faut aussi remarquer qu'ils vivent dans un endroit à part, le Chouf, région montagneuse à l'ouest de Beyrouth. Ils vivent aussi selon un principe féodal.
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

J-Gabriel a écrit :Dans le sens "ceci expliquant peut-être cela", pour les druzes il faut aussi remarquer qu'ils vivent dans un endroit à part, le Chouf, région montagneuse à l'ouest de Beyrouth.
Certes, mais il ne faut pas oublier qu'ils ont aussi une citadelle en Syrie, la Montagne des Druzes (arabe جبل الدروز jabal-al-drouz) au sud de Damas. Ce territoire avait, lui aussi, été organisé en État autonome par les Français en 1921, avant d'être réuni à la Syrie en 1936 (sous le nom d'État du Djebel druze de 1927 à 1936).

Il ne faudrait pas non plus oublier de mentionner la présence d'une communauté druze dans le nord d'Israël (Galilée). Les druzes sont les seuls Arabes israéliens à servir dans l'armée israélienne (ce que ne font ni les sunnites, ni les chrétiens). La présence d'officiers druzes israéliens dans le corps expéditionnaire israélien envoyé au Liban en 1982 a été un atout pour le chef druze libanais Walid Joumblatt lorsqu'il a liquidé les villages chrétiens (maronites et orthodoxes) du Chouf en 1983 (cf. le livre de Péroncel-Hugoz Une croix sur le Liban).
Claude le Liseur
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Re: La prise de Jérusalem par les Sassanides (614)

Message par Claude le Liseur »

J-Gabriel a écrit :En fait Mahomet était un de ces hanifs qui trouva meilleurs oreilles à Yatrhib la futur Médine, qu’à La Mecque, en proie au polythéisme, où il fut malmené à cause de ses idées monothéiste ni chrétienne ni juive. Et par ces derniers il était considéré comme un "Gentil".

Je viens de recevoir d'Allemagne le livre déjà plusieurs fois évoqué de Christoph Luxenberg (Die syro-aramäische Lesart des Koran, Verlag Hans Schiler, 3e édition, 2007, 356 pages). Il contient (pp. 64-65) une explication particulièrement décapante de ce terme de hanif (arabe حنيف ḥanīf) que vous utilisez dans votre message, avec le sens que la tradition musulmane lui donne aujourd'hui et qui est en effet le seul que nous connaissons aujourd'hui. Luxenberg explique le terme à partir du syriaque ܚܢܦܐ ḥanpā. (Mille grâces soient rendues au site Lexilogos qui met à disposition un clavier syriaque!) J'y reviendrai dans quelques semaines et je vous traduirai ici l'explication de Luxenberg - volontairement ignorée du public francophone. Vous verrez, à travers ce petit exemple, comme il est important de garder un point de vue scientifique (historico-philologique) sur le sujet et de ne pas prendre pour argent comptant certaines traditions forgées plusieurs siècles après les événements.

Pourquoi ce délai avant de poster ici ces deux pages de Luxenberg ? En dehors des considérations liées à l'activité professionnelle, je dois aussi m'imposer des contraintes en matière de production pour le présent forum. Il me serait évidemment très agréable de traduire ce texte de Luxenberg (traduction de l'allemand, donc facile; affinité avec le monde arabe; intérêt marqué pour le sujet). Mais il se trouve que si, je regarde l'utilité du forum plutôt que mes centres d'intérêt personnels, j'ai sous la main un texte russe dont je crois qu'il est de mon devoir de le traduire - bien que la question des origines de l'Islam soit aussi un sujet capital pour un site d'orientation chrétienne. Or, une traduction à partir du russe me demandera autrement plus de temps et d'efforts qu'une traduction à partir de l'allemand. Je dois donc lui donner la priorité, car, sinon, je n'arriverai jamais à la faire. «À tout différer la vie se passe» (Victor Hugo)...
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Re: La prise de Jérusalem par les Sassanides (614)

Message par Claude le Liseur »

Claude le Liseur a écrit :Certes, mais il ne faut pas oublier qu'ils ont aussi une citadelle en Syrie, la Montagne des Druzes (arabe جبل الدروز jabal-al-drouz) au sud de Damas. Ce territoire avait, lui aussi, été organisé en État autonome par les Français en 1921, avant d'être réuni à la Syrie en 1936 (sous le nom d'État du Djebel druze de 1927 à 1936).

Il ne faudrait pas non plus oublier de mentionner la présence d'une communauté druze dans le nord d'Israël (Galilée). Les druzes sont les seuls Arabes israéliens à servir dans l'armée israélienne (ce que ne font ni les sunnites, ni les chrétiens). La présence d'officiers druzes israéliens dans le corps expéditionnaire israélien envoyé au Liban en 1982 a été un atout pour le chef druze libanais Walid Joumblatt lorsqu'il a liquidé les villages chrétiens (maronites et orthodoxes) du Chouf en 1983 (cf. le livre de Péroncel-Hugoz Une croix sur le Liban)
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Pour mémoire, rappelons que, sur le territoire de l'État d'Israël, on comptait en 1985 72'000 druzes (cf. Doris Bensimon et Eglal Errera, Israéliens. Des Juifs et des Arabes, Complexe, Bruxelles 1989, p. 359). Le Golan (territoire syrien occupé par Israël depuis 1967) comptait 14'000 druzes en 1980 (cf. Bensimon et Errera, op. cit., p. 365)- mais ceux-ci, n'ayant pas le passeport israélien, ne font pas le service militaire dans l'armée israélienne. Le service militaire dans l'armée israélienne est obligatoire pour les druses depuis 1955, et ce, à leur propre demande (cf. Bensimon et Errera, op. cit., p. 363.)
Le port des armes, dont les Juifs ont été privés pendant les périodes de persécution - au Moyen Age, par exemple - devient signe de force. A l'exception des bédouins et des Circassiens, les membres des minorités arabes d'Israël n'ont pas l'autorisation de se servir d'armes à feu. Le service militaire ne leur est d'ailleurs pas demandé. Cela est compréhensible, il serait inacceptable pour les Arabes israéliens de se battre pour l'Etat d'Israël, contre d'autres arabes. (Bensimon et Errera, op. cit., p. 364).
En fait, d'autres Arabes israéliens - en l'occurrence les bédouins - sont aussi autorisés à servir dans l'armée israélienne, mais il semble que ce soit moins fréquent que dans le cas des druses.
Contrairement aux paysans et aux citadins musulmans, le bédouin peut se porter volontaire dans l'armée israélienne et effectuer son service militaire. Pourtant, comme pour le Druze, l'intégration du bédouin à la société juive reste limitée et le bédouin va développer un sentiment de frustration face à ses concitoyens juifs. (Bensimon et Errera, op. cit., pp. 430 s.)
Je signale au passage qu'une partie importante des bédouins de Jordanie sont chrétiens (orthodoxes, uniates ou latins). Il semble en revanche que tous les bédouins d'Israël soient musulmans sunnites.

En revanche, il y a sur le territoire de l'État d'Israël une petite minorité qui est de confession sunnite, mais qui n'est pas d'ethnie arabe, et qui fait son service militaire obligatoire dans l'armée israélienne: les légendaires Circassiens ou Tcherkesses, descendants de populations caucasiennes repliées dans l'Empire ottoman en 1864 et dont une partie fut installée par les Turcs en Palestine, en Syrie et en Jordanie. Ils jouent un rôle politique important en Jordanie, où ils font partie des soutiens fidèles du trône hachémite. C'est une population qui a un type physique très différent des autres populations de la région en ce qu'il évoque plutôt le nord de l'Europe. (Le colonel Lawrence, arrêté par les Turcs, réussit à se faire passer pour un Circassien. On sait par ailleurs qu'à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, il y eut plusieurs cas d'esclaves circassiennes qui furent les compagnes de sultans ottomans, de beys de Tunis et de sultans du Maroc.) L'émigration de ces populations circassiennes dans l'Empire ottoman au XIXe siècle était sans doute plutôt la conséquence de leur hostilité à la Russie que d'un amour immodéré pour le sultan-calife ou de convictions panislamistes comme celles qui existaient chez leurs voisins tchétchènes. Même si l'écrasante majorité des Tcherkesses sont musulmans sunnites - on ne rencontre de chrétiens parmi eux que dans leur émigration venue de l'Empire russe en Occident après 1917, ainsi que dans quelques villages tcherkesses sur le territoire de la république d'Ossétie du Nord -Alanie de la Fédération de Russie -, ils semblent être aujourd'hui tout à fait imperméables au wahhabisme comme leurs ancêtres le furent autrefois au mouridisme de l'imâm Chamyl et ne pas manifester d'hostilité particulière à l'égard de leurs voisins chrétiens (dans le Caucase ou au Moyen-Orient) ou juifs (en Israël).

En 1989, Doris Bensimon et Eglal Errera (op. cit., p. 334) estimaient le nombre des Circassiens en Israël à 3'000 personnes, habitant deux villages de Galilée: Kafr Kama et Rihaniyya.

Le lien avec le message que j'avais posté sur le présent fil le 13 janvier 2010 à 15 heures 53 réside dans le fait que des combattants circassiens installés par les Turcs en Syrie aidèrent les Français lors de la pacification du Djebel druze au début des années 1920:
Au cours d'opérations de pacification en Syrie et dans le Djebel druze en 1920, le général français Philibert Collet (1896-1945) s'est appuyé sur des unités de cavalerie tcherkesses qui se sont particulièrement distinguées. (Amjad M. Jaimoukha et Michel Malherbe, Parlons tcherkesse, L'Harmattan, Paris 2009, p. 140.)
Il en résulta la naissance d'escadrons de cavaliers tcherkesses dans l'armée française du Levant, dont l'uniforme on ne peut plus pittoresque apparaît dans un des ouvrages de Liliane et Fred Funcken qui enchantèrent mon enfance (Liliane et Fred Funcken, L'uniforme et les armes des soldats de la guerre 1939-1945, tome 1, Casterman, Tournai 1972, personnage n° 5 de la planche de la page 33). Il est évidemment surprenant de découvrir que l'armée française, voici à peine 70 ans, comptait une unité de cavaliers musulmans non arabes habillés dans ce style caucasien que les Occidentaux associent aux Cosaques parce qu'on l'avait donné comme uniforme à certaines unités cosaques de la cavalerie du Tsar - alors que les Cosaques historiques étaient habillés à l'ukrainienne ou à la russe, pas à la caucasienne. Ainsi que je l'ai déjà dit, le passé colonial de la Grande-Bretagne, de la Russie ou de la France recèle parfois de ces surprises...
Claude le Liseur
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Re: La prise de Jérusalem par les Sassanides (614)

Message par Claude le Liseur »

Le mot kāfir كافر est aussi passé en persan:
Mais sachons également que le Farengéstân فر نگستا ن déisgnait le pays des Farang ou Francs, c'est-à-dire l'Europe et souvent plus précisément la France. Par ailleurs, le

Kâféréstan کا فر ستا ن était le pays des kâfér, les impies ou mécréants. Il désignait pour les musulmans les pays chrétiens ou parfois une région habitée par des musulmans d'une autre secte. (Dominique Halbout et Mohammad-Hossein Karimi, Le Persan, Assimil, Chennevières-sur-Marne 2003, p. 232.)
Un simple rappel sémantique qui ouvre des perspectives significatives sur une certaine vision du monde et qui suffit à anéantir la désinformation si allègrement pratiquée par les Neyrinck et autres... à qui je laisse leur conception très particulière de la «tolérance».
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