La récriture féministe ambiante de la théologie – qui ne vaut pas mieux que la réciture homosexuelle que nous avons vue à l’œuvre dans l’Église de Finlande - contrevient en outre au texte même du rite du mariage :
(…) καί δὀς τῆ παιδίσκῃ ταύτῃ έν πᾶσιν ὑποταγῆναι τῷ ἀνδρί, καί τὸν δοῡλον σου τοῡτον εὶναι εὶς κεφαλὴν τῆς γυναικός, ὃπως βιώσωσωσι κατὰ τὸ θέλημἀ σου (…)
Ce qui, dans la belle traduction de feu l’archimandrite Denis Guillaume, donne :
« (…) donne à cette jeune fille d’être soumise en toutes choses à son mari et à ton serviteur que voici d’être le chef de sa femme, pour qu’ils vivent selon ta volonté. » (Rituel du Mariage, Diaconie apostolique, Rome 1990 [1re édition Rome 1979], pp. 16 s.)
On a récemment reproché à un des lecteurs du présent forum de chercher à augmenter ses connaissances, et en particulier, de chercher à connaître la traduction grecque de certains mots.
Certes, dans une certaine vision du monde, on peut tout à fait voir dans l'ignorance la reine des qualités, et reprocher aux gens de vouloir s'instruire. C'est après tout la vision du monde que défend l'Angsoc dans l'Océania, le monde totalitaire imaginé par George Orwell dans
1984:
"Then the face of Big Brother faded away again and instead the three slogans of the Party stood out in bold capitals:
WAR IS PEACE
FREEDOM IS SLAVERY
IGNORANCE IS STRENGTH."
(George Orwell, Nineteen Eighty-Four, Penguin, Londres 2000, p. 18; 1re édition Londres 1949.)
«Le visage de Big Brother disparut ensuite et, à sa place, les trois slogans du Parti s'inscrivirent en grosses majuscules:
LA GUERRE, C'EST LA PAIX
LA LIBERTÉ C'EST L'ESCLAVAGE
L'IGNORANCE C'EST LA FORCE.»
(George Orwell [traduit de l'anglais par Amélie Audiberti], 1984, Folio n° 822, Gallimard, Paris 2007, [1re édition française Paris 1950] p. 28.)
Certes, je comprends parfaitement que l'on trouve de nos jours des adeptes du slogan «L'ignorance c'est la force» , mais ils ne me font pas rire pour les raisons que je dirai plus loin.
Toutefois, dans un contexte orthodoxe, je préférerais m'en tenir à ce qu'enseignait Théodore Balsamon, expliquant qu'on pouvait traduire les rites dans n'importe quelle langue, à condition de le faire à partir de l'original grec. Je suis désolé pour les émules de ce sénateur étasunien des années 1920 qui proclamait que «si l'anglais était bon pour Jésus-Christ, alors il est bon pour nous aussi», mais l'Évangile n'a pas été écrit en anglais et il n'est pas toujours mauvais d'acquérir quelque culture.
C'est pour cette raison que je félicite et que j'encourage de tout mon coeur tous les francophones qui, par amour pour l'Orthodoxie, cherchent à étudier le grec, langue d'origine de la plupart de nos textes liturgiques, mais aussi le géorgien, le slavon, l'arabe, le roumain, langues dans lesquelles s'exprime une vie orthodoxe intense depuis cinq, dix ou quinze siècles, et bien d'autres langues. Et de mon côté, j'essaierai aussi, même si cela est chronophage et me consomme un temps fou que je pourrais utiliser à regarder TF1, de continuer à reproduire les textes originaux grecs, russes, roumains, etc., et ce d'autant plus que j'ai enfin trouvé sur le site Lexilogos un clavier qui me permet de reproduire les signes diacritiques du grec liturgique qui ont disparu en grec moderne.
Au slogan «L'ignorance c'est la force», on peut préférer ce qu'enseignait au XIXe siècle saint Philarète (Drozdov), métropolite de Moscou: «Dans l'Orthodoxie, il n'est permis à personne de rester ignorant.» Il semble que, d'après ce pasteur expérimenté, on ne soit pas forcé de suivre ce qui se glorifient de leur ignorance volontaire.
De même qu'on peut préférer la «jouissance intellectuelle» aux jouissances de la sotte suffisance.
Certains de mes lecteurs seront choqués par l'intolérance dont je fais preuve tout à coup à l'égard des nostalgiques de la Révolution culturelle et des polpotistes de l'anti-intellectualisme. Après tout, dans un contexte chrétien, cela paraît déjà tellement stupide de se permettre de reprocher à quelqu'un de vouloir acquérir un peu de vocabulaire grec, alors pourquoi épiloguer? Après tout, si certains, faute de «jouissance intellectuelle» , s'éclatent comme ils peuvent en écrivant n'importe quoi sur Internet, pourquoi leur reprocher cette jouissance-là?
Et bien, parce qu'il y a des fois où l'impudence, le fait de tourner en dérision le travail, le savoir, ou la foi des autres, tout ceci finit par hérisser le poil. Ce matin, en allant à l'église, je suis tombé par hasard sur une famille d'Albanais orthodoxes de la région de Tirana qui se trouvaient de passage dans la région et qui cherchaient où se trouvait notre église. Je leur ai servi de guide - nous avions l'italien comme langue commune (je ne parle pas un mot d'albanais, ils ne parlaient pas français). Déjà, on pourrait dire que si tout le monde suivait nos prêcheurs d'ignorance, ces Albanais n'auraient trouvé personne avec qui communiquer en italien. Ensuite, ces fidèles albanais cherchaient à fêter dignement Noël, et pour ce faire, ils se trouvaient dans une situation qui est celle de beaucoup de fidèles orthodoxes en Europe occidentale: pas de paroisse célébrant dans leur langue. Ils sont allés assister à la liturgie en grec, dans notre paroisse. Était-ce par «jouissance intellectuelle» qu'ils faisaient cet effort?
Ou bien parce qu'ils avaient vécu, eux, jusqu'en 1990, sous le règne d'un régime qui savait imposer par de rudes moyens le slogan «L'ignorance c'est la force» et qu'ils savaient le prix de tout cela qu'il est si facile de tourner en dérision quand on est un Occidental qui n'a jamais, lui, couru le risque d'être déporté dans les mines de cuivre de Spaç?
Alors, je suis comme tout le monde: ma patience a des limites, et il y a un moment où cette manière grossière de tout tourner en dérision en allant courageusement «casser de l'orthodoxe» sur son clavier d'ordinateur, cela m'écoeure -surtout en pensant à ce que d'autres ont vécu - même si l'on sait que les souffrances des peuples qui furent jetés dans la fournaise du communisme ne sont qu'un sujet de dérision pour ces gens-là... comme la culture, comme l'étude du grec, etc. Mais il y a un moment où le sentiment de supériorité que rien ne justifie et le mépris pour les souffrances des autres suscitent la révolte, tout simplement la révolte.
Alors, mes biens chers frères, je ne peux que vous encourager à toujours étudier un certain nombre de langues anciennes et modernes qui portent en elle l'expérience de l'Orthodoxie, ce qui est la condition
sine qua non pour pouvoir la traduire dans notre langue et la transplanter dans nos contrées.
Allez, comme c'est Noël, nous pouvons faire quand même un petit cadeau à nos professeurs d'ignorance et imitateurs de ce sénateur étasunien que je citais plus haut: qu'ils se rassurent, le passage du rituel du mariage que j'ai cité dans le précédent message de ce fil a aussi été traduit dans la seule langue étrangère dont ils tolèrent encore l'existence, et ce sera donc mon petit cadeau:
"(...) and grant that this maiden may in all things submit to the man, and that this your servant may be the head of the woman, so that they may live according to your will." (Traduction du grec par le RP Evagoras Constantinides, The Priest's Service Book, 2e édition, Melissa, Thessalonique 1994, p. 115. On voudra bien pardonner à ce prêtre d'avoir traduit un texte grec à partir du grec. On voudra bien pardonner à l'Église d'avoir composé ce texte en grec et de ne pas avoir anticipé l'avènement de Mc World.)