L'orthodoxie en Occident au XVIe siècle?

Échangez vos idées librement ici

Modérateur : Auteurs

patrik111
Messages : 122
Inscription : dim. 03 juil. 2011 18:45

L'orthodoxie en Occident au XVIe siècle?

Message par patrik111 »

Bonjour,

Une autre question qui m'est venue hier en regardant une vieille émission de La caméra explore le temps à propos des guerres de religion en France. Y avait-il des orthodoxes en France à cette époque? Ma question est évidemment valable pour les autres époques antérieures au XIXe siècle.

Merci par avance pour toutes vos réponses.

P.
Patrik111
Claude le Liseur
Messages : 4352
Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Re: L'orthodoxie en Occident au XVIe siècle?

Message par Claude le Liseur »

patrik111 a écrit :Bonjour,

Une autre question qui m'est venue hier en regardant une vieille émission de La caméra explore le temps à propos des guerres de religion en France. Y avait-il des orthodoxes en France à cette époque? Ma question est évidemment valable pour les autres époques antérieures au XIXe siècle.

Merci par avance pour toutes vos réponses.

P.

Il n'y a plus eu d'orthodoxes en France entre le XIIe (siècle au cours duquel les derniers lieux de culte de Provence et de la région parisienne qui restaient fidèles à l'usage traditionnel se sont inclinés et ont inséré le Filioque dans le Credo) et la Restauration (époque au cours de laquelle on a refondé une église orthodoxe à Marseille). Les Grecs de Cargese ont été uniatisés de force très peu de temps après leur immigration en Corse, et cela se passait de toute façon avant la réunion de la Corse à la France.
Les exceptions sont anecdotiques (le prêt de la sainte Chapelle de Paris à l'empereur Manuel Paléologue pour qu'il y fît célébrer la liturgie pendant son séjour parisien - ce fut le seul lieu de culte orthodoxe qui fonctionna en France entre le XIIIe et le XVIIe siècle, et cela ne dura que quelques mois - et la chapelle de l'ambassade de Russie à Paris au XVIIIe siècle, mais qui n'essayait pas de rayonner sur la population autochtone, contrairement aux chapelles luthériennes des ambassades de Danemark et surtout de Suède, qui accueillirent aussi, malgré le climat d'intolérance qui suivit la Révocation, un certain nombre de Français, et furent en fin de compte l'origine de l'inspection luthérienne de Paris organisée sous Napoléon).

Il n'en va pas de même en Italie, où la paroisse orthodoxe Saint-Georges-des-Grecs a pu fonctionner sans interruption à Venise depuis le XVe siècle, où il y a des paroisses orthodoxes à Trieste depuis le XVe siècle également, où la paroisse orthodoxe de Livourne fonctionne depuis le XVIIe siècle. Comme, d'un autre côté, une présence orthodoxe a pu se maintenir en Italie du Sud jusqu'au XVIe siècle (bien que l'Inquisition ait lutté contre les orthodoxes d'Italie du Sud dès le XIIIe siècle), il n'y a jamais eu de disparition totale de l'Orthodoxie sur la totalité du territoire actuel de l'Italie.

Cela procède bien sûr avant tout du morcellement de l'Italie avant le Risorgimento, qui a eu beaucoup d'inconvénients, mais tout de même quelques avantages. Cela procède aussi que, contrairement à l'Italie, à l'Allemagne, à l'Autriche ou même à la Grande-Bretagne, la France, obnubilée par la frontière du Rhin, n'a presque pas cherché, au cours de son Histoire, à entretenir des liens avec les pays restés de tradition orthodoxe après que la Papauté eût imposé une autre orientation au XIe siècle. La francophilie et la francophonie des Grecs n'ont jamais été payées de retour, sauf au cours de l'épisode, aujourd'hui totalement occulté en France, de la guerre d'indépendance grecque, au cours de laquelle des Français jouèrent un rôle significatif (de la défense de l'Acropole d'Athènes par le colonel Fabvier à la destruction de la flotte turco-égyptienne à Navarin par les flottes britannique, française et russe). Les conséquences s'en font encore sentir de nos jours: dans les pays restés d'influence orthodoxe jusqu'à nos jours, c'est-à-dire essentiellement l'Europe du Sud-Est et l'ancien Empire russe, plus quelques excroissances en Europe centrale, il est évident que les langues allemande et italienne sont plus présentes que la langue française (sauf l'exception bientôt close de la Grèce), pour ne pas parler de l'anglais actuellement "mondialisé", mais aussi que la présence économique et l'influence politique de l'Allemagne, de l'Italie ou de la Grande-Bretagne sont démesurées par rapport à celles de la France.

On peut ainsi noter que les deux soeurs latines s'opposent ainsi trait pour trait, la France ayant connu une uniformité politique, linguistique et religieuse que l'Italie n'a jamais connue. Il y a eu des époques où cela a fait la force de la France et la faiblesse de l'Italie. Il n'est pas sûr que cela soit encore le cas. Il est à noter que cette opposition persiste de nos jours à travers la politique d'immigration, la France (comme la Suisse, au demeurant) ayant adopté une politique migratoire qui privilégie les pays de tradition musulmane, tandis que l'Italie a une politique migratoire qui, non seulement cherche à diversifier au maximum les pays d'origine des migrants, mais aussi fait preuve d'une grande ouverture à l'égard de sa zone d'influence culturelle et économique traditionnelle (Europe du Sud-Est, de la Croatie à la Bulgarie et de la Roumanie à Chypre) et de l'ancienne Union soviétique. La présence en Italie, depuis une vingtaine d'années, de très importantes communautés roumaines, moldaves, bulgares, russes ou ukrainiennes, lesquelles sont totalement absentes en France ou en Suisse, ont aussi eu pour conséquence un véritable foisonnement de paroisses orthodoxes: même si la très grande majorité des Moldaves, des Bulgares, des Russes ou des Ukrainiens ne sont plus chrétiens (contrairement aux Roumains peu touchés par la déchristianisation communiste), les minorités orthodoxes à l'intérieur de ces populations immigrées en Italie sont suffisamment importantes pour justifier une floraison de lieux de culte dont on ne saurait trouver l'équivalent en France ou en Suisse. En revanche, la différence majeure est qu'en France, et dans une certaine mesure en Belgique et en Suisse francophones, la petite présence orthodoxe est très largement intégrée dans la vie du pays, d'expression française, enracinée et comptant une proportion importante de convertis ou de descendants de convertis, du moins parmi les pratiquants et le clergé; en Italie, les communautés nombreuses apparues depuis 1990 ne rayonnent pratiquement pas; l'enracinement de l'Orthodoxie en Italie a commencé bien avant, dans d'autres cadres, et il semble que les Italiens orthodoxes ne se rencontrent pratiquement que dans les communautés issues de ces implantations antérieures à la grande vague d'immigration.
patrik111
Messages : 122
Inscription : dim. 03 juil. 2011 18:45

Re: L'orthodoxie en Occident au XVIe siècle?

Message par patrik111 »

Merci, instructif et passionnant!

P.
Patrik111
Claude le Liseur
Messages : 4352
Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Re: L'orthodoxie en Occident au XVIe siècle?

Message par Claude le Liseur »

Claude le Liseur a écrit :[q Les conséquences s'en font encore sentir de nos jours: dans les pays restés d'influence orthodoxe jusqu'à nos jours, c'est-à-dire essentiellement l'Europe du Sud-Est et l'ancien Empire russe, plus quelques excroissances en Europe centrale, il est évident que les langues allemande et italienne sont plus présentes que la langue française (sauf l'exception bientôt close de la Grèce), pour ne pas parler de l'anglais actuellement "mondialisé", mais aussi que la présence économique et l'influence politique de l'Allemagne, de l'Italie ou de la Grande-Bretagne sont démesurées par rapport à celles de la France.
Je peux maintenant confirmer que l'exception de la Grèce est close et qu'il convient désormais de parler de la francophonie grecque au passé. J'y reviendrai à l'occasion.
Répondre