Ave Maria, Angelus et rosaire

Échangez vos idées librement ici

Modérateur : Auteurs

patrik111
Messages : 122
Inscription : dim. 03 juil. 2011 18:45

Ave Maria, Angelus et rosaire

Message par patrik111 »

Bonjour.

Me revoici avec mes questions sans doute naïves ou triviales, mais dont les réponses me seront bien utiles.

Comme vous le savez, les catholiques romains sont, pour la plupart, attachés au culte et à la personne de la Vierge Marie et récitent le Je vous salue, Marie, l'Angelus ainsi que le rosaire et/ou le chapelet.

Ce type de prières et de pratiques existe-t-il aussi chez les orthodoxes?

Merci par avance pour vos réponses.

P.
Patrik111
Claude le Liseur
Messages : 4352
Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Re: Ave Maria, Angelus et rosaire

Message par Claude le Liseur »

patrik111 a écrit :Bonjour.

Me revoici avec mes questions sans doute naïves ou triviales, mais dont les réponses me seront bien utiles.

Comme vous le savez, les catholiques romains sont, pour la plupart, attachés au culte et à la personne de la Vierge Marie et récitent le Je vous salue, Marie, l'Angelus ainsi que le rosaire et/ou le chapelet.

Ce type de prières et de pratiques existe-t-il aussi chez les orthodoxes?

Merci par avance pour vos réponses.

P.
Les orthodoxes connaissent aussi la prière dite de la salutation angélique sous la forme suivante:

Réjouis-toi, enfantrice de Dieu et vierge Marie pleine de grâce, le Seigneur est avec toi, tu es bénie entre toutes les femmes et le fruit de ton sein est béni, car tu as enfanté le Sauveur de nos âmes.

Le chapelet n'est en usage que pour faciliter la concentration lors de la prière. Le rosaire, bien que connu dans certaines paroisses orthodoxes de rit occidental en Amérique du Nord, ne correspond pas à la tradition spirituelle orthodoxe, dans laquelle on évite à tout prix les images mentales.
patrik111
Messages : 122
Inscription : dim. 03 juil. 2011 18:45

Re: Ave Maria, Angelus et rosaire

Message par patrik111 »

Merci, Claude.

Et pour l'Angelus, qui rythme la journée?
Quelque chose d'équivalent?

P.
Patrik111
Claude le Liseur
Messages : 4352
Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Re: Ave Maria, Angelus et rosaire

Message par Claude le Liseur »

Claude le Liseur a écrit : Les orthodoxes connaissent aussi la prière dite de la salutation angélique sous la forme suivante:

Réjouis-toi, enfantrice de Dieu et vierge Marie pleine de grâce, le Seigneur est avec toi, tu es bénie entre toutes les femmes et le fruit de ton sein est béni, car tu as enfanté le Sauveur de nos âmes.

(...)

Pour information, l'original grec de cette prière dite de la salutation angélique est le suivant:

Θεοτόκε Παρθένε, χαῖρε, κεχαριτωμένη Μαρία, ὁ Κύριος μετὰ σοῦ. εὐλογημένη σὺ ἐν γυναιξί, καὶ εὐλογημένος ὁ καρπὸς τῆς κοιλίας σου, ὅτι Σωτήρα ἔτεκες τῶν ψυχῶν ἡμῶν.

Traduction française:

Réjouis-toi, Enfantrice-de-Dieu et Vierge Marie pleine de grâce, le Seigneur est avec toi, tu es bénie entre toutes les femmes et le fruit de ton sein est béni, car tu as enfanté le Sauveur de nos âmes.
Claude le Liseur
Messages : 4352
Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Re: Ave Maria, Angelus et rosaire

Message par Claude le Liseur »

patrik111 a écrit :Merci, Claude.

Et pour l'Angelus, qui rythme la journée?
Quelque chose d'équivalent?

P.

Les heures canoniales, peut-être?
patrik111
Messages : 122
Inscription : dim. 03 juil. 2011 18:45

Re: Ave Maria, Angelus et rosaire

Message par patrik111 »

Claude le Liseur a écrit :Le rosaire, bien que connu dans certaines paroisses orthodoxes de rit occidental en Amérique du Nord, ne correspond pas à la tradition spirituelle orthodoxe, dans laquelle on évite à tout prix les images mentales.
Merci Claude pour le texte grec de la salutation angélique et pour la réponse suggérant les heures canoniales.

Mais je suis intrigué par votre réponse ci-dessus. Pouvez-vous élaborer sur cette idée d'éviter à tout prix les images mentales?

Merci par avance.

P.
Patrik111
Sylvie
Messages : 387
Inscription : lun. 01 août 2005 2:50

Re: Ave Maria, Angelus et rosaire

Message par Sylvie »

patrik111 a écrit :
Claude le Liseur a écrit :Le rosaire, bien que connu dans certaines paroisses orthodoxes de rit occidental en Amérique du Nord, ne correspond pas à la tradition spirituelle orthodoxe, dans laquelle on évite à tout prix les images mentales.
Merci Claude pour le texte grec de la salutation angélique et pour la réponse suggérant les heures canoniales.

Mais je suis intrigué par votre réponse ci-dessus. Pouvez-vous élaborer sur cette idée d'éviter à tout prix les images mentales?

Merci par avance.

P.
Bonsoir Patrick,

Comme vous, j'aimerais quelques précisions de la part de Claude le Lecteur. De mon côté, je ne connais pas de paroisse orthodoxe qui récite le rosaire. Cela me parait étrange...

Autrefois catholique romaine, je récitais le rosaire. Entre chaque dizaine de Je vous salue Marie, il y avait un mystère du rosaire ; mystères joyeux, douloureux et glorieux. À chaque dizaine, nous méditions sur un mystère, par exemple, le premier de tous, l'annonciation. Pendant la récitation des 10 Je vous salue Marie, nous pouvions penser, ou s'imaginer ou regarder une image représentant le mystère.

Malheureusement, je ne suis pas suffisamment spirituelle pour apporter une bonne réponse à votre question pourquoi éviter à tout prix les images mentales.

Je pense que l'image, la plus belle et sainte soit elle, est un obstacle à la vrai prière. Ce genre de prière peut nourrir notre intelligence, notre sensibilité, notre imagination etc. et vice versa, l'imagination et la sensibilité qui nourrissent la "prière". Sur ce chemin, c'est facile de tomber dans l'Illusion. Dans ce genre de prières, nous pouvons penser avoir rencontré Dieu, mais en réalité nous avons été touché par nos propres émotions.

Pourquoi faut-il éviter les images mentales à tous prix ? Claude le Liseur a plus d'expérience que moi pour vous répondre.

Sylvie-Madeleine
patrik111
Messages : 122
Inscription : dim. 03 juil. 2011 18:45

Re: Ave Maria, Angelus et rosaire

Message par patrik111 »

Merci, Sylvie-Madeleine, pour votre réponse.
En fait, celle-ci rejoint les questions que je me pose. Car, dans mon cheminement actuel, puisque, moi aussi, j'ai quitté les pseudo-certitudes de l'Église romaine, pour le moment, je suis bien obligé de faire confiance aux inspirations qui me viennent, tout en me défiant de moi-même et en priant instamment d'être fidèle à l'Esprit-Saint (ne pratiquant que la prière du cœur). Mais comment éviter de prendre ma subjectivité pour la bonne règle?

Et puis, réflexion faite, je me dis que le Seigneur est le Bon Pasteur. Il me l'a prouvé, Il m'a pris sur Ses épaules. Alors, je ne dois penser qu'à Sa miséricorde et ne pas me préoccuper de mon avancement spirituel (quelle dérision que ce terme!).
Patrik111
FABRE
Messages : 113
Inscription : jeu. 24 juin 2010 6:35

Re: Ave Maria, Angelus et rosaire

Message par FABRE »

Sylvie-Madeleine a entièrement raison, aucune représentation d'aucune sorte ! le psychique, l'émotion qui part de nous ne doit avoir aucune place.....s'il en est une, cela viendra d'en Haut....pleurer ses péché, les blessures causées de notre fait, à l'Amour de Dieu,....à d'aucun de nos frères.
mais même dans la prière du coeur, s'il est des visions, il ne faut pas s'attarder dessus mais les laisser passer et disparaitre comme des images, voir des visages fantomatiques circulants devant ou de tous cotés pour disparaitre comme un courant d'air............... laisser passer, laisser passer et se concentrer sur les paroles; la parole (en Dieu) est elle même suffisamment créatrice, " énergisante ".
comme l'ont dit certains pères, parfois quand on pénètre le " spirituel ", souvent, l'on rencontre d'abord " des esprits sous le ciel " ou simplement notre imaginaire corrompu....
Claude le Liseur
Messages : 4352
Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Re: Ave Maria, Angelus et rosaire

Message par Claude le Liseur »

Sylvie a écrit : Bonsoir Patrick,

Comme vous, j'aimerais quelques précisions de la part de Claude le Lecteur. De mon côté, je ne connais pas de paroisse orthodoxe qui récite le rosaire. Cela me parait étrange...

(...)

Sylvie-Madeleine

Je l'ai dit par souci d'exhaustivité, pour qu'on ne puisse pas me prendre en flagrant délit de dissimulation des concessions pas toujours heureuses faites par certains de nos évêques. J'ai en effet connu le cas d'une paroisse de rit occidental, passée de l'anglicanisme à l'Orthodoxie, qui récitait le rosaire. C'était à Denver (Colorado), et cela faisait partie de la grande confusion du vicariat de rit occidental (Western Rite Vicariate) du patriarcat d'Antioche en Amérique du Nord. Evidemment, cela ne correspond pas à la tradition orthodoxe et cela ne devrait pas exister.
J'ai déjà à plusieurs reprises sur ce forum expliqué mes doutes quant à l'utilité pastorale des paroisses de rit occidental, même si leur légitimité de principe ne fait à mes yeux aucun doute. C'est tout simplement qu'à mes yeux, et d'après mon expérience, sur le plan pastoral, ce qui est le plus utile aux âmes, c'est des paroisses utilisant le rit byzantin avec sa tradition ininterrompue et célébrant dans la langue du pays. Vous même, si je me souviens bien, avez pu constater que le rit byzantin célébré en français correspond parfaitement aux besoins des francophones.
Avec l'histoire de ce rosaire récité à Denver, on entre encore dans une autre question: faut-il, pour des raisons pastorales, tolérer chez les convertis récents des pratiques qui ne sont, contrairement au rit occidental, même pas légitimes en principe? Autrement dit, quand une paroisse melkite retourne à l'Orthodoxie, faut-il immédiatement enlever les statues? Dans les faits, on a eu ce genre de tolérances envers des communautés uniates revenues dans le sein de l'Eglise, en attendant la deuxième génération pour faire disparaître statues et symboles hérétiques. Mais, à mon humble avis, des tolérances qui pouvaient avoir un sens sur le plan pastoral à l'égard de communautés uniates n'ont aucun sens s'agissant d'anciens épiscopaliens anglo-saxons dont on peut déjà se demander s'ils se tournent vers l'Orthodoxie pour des raisons de foi ou plutôt par simple conservatisme.
Sans vouloir porter aucun jugement sur les choix qui ont été faits pour l'accueil de ces convertis, je constate simplement qu'il y a eu une paroisse où l'on a toléré la récitation du rosaire, alors que cette récitation, avec la méditation sur des images mentales, ne correspond pas à la spiritualité orthodoxe. Toutefois, ceci reste marginal et anecdotique (une paroisse sur des dizaines de milliers) et vous me voyez désolé d'avoir semé la confusion en voulant faire preuve d'exhaustivité.
patrik111
Messages : 122
Inscription : dim. 03 juil. 2011 18:45

Re: Ave Maria, Angelus et rosaire

Message par patrik111 »

Claude le Liseur a écrit :[...]cette récitation [du rosaire], avec la méditation sur des images mentales, ne correspond pas à la spiritualité orthodoxe.
Cher Claude,

Pouvez-vous développer cette idée ou me renvoyer à des textes où cette idée de non-représentations mentales, préconisée par la «spiritualité orthodoxe» est développée?

Merci par avance.

P.
Patrik111
Sylvie
Messages : 387
Inscription : lun. 01 août 2005 2:50

Re: Ave Maria, Angelus et rosaire

Message par Sylvie »

Claude le Liseur a écrit :
Sylvie a écrit : Bonsoir Patrick,

Comme vous, j'aimerais quelques précisions de la part de Claude le Lecteur. De mon côté, je ne connais pas de paroisse orthodoxe qui récite le rosaire. Cela me parait étrange...

(...)

Sylvie-Madeleine

...
C'est tout simplement qu'à mes yeux, et d'après mon expérience, sur le plan pastoral, ce qui est le plus utile aux âmes, c'est des paroisses utilisant le rit byzantin avec sa tradition ininterrompue et célébrant dans la langue du pays. Vous même, si je me souviens bien, avez pu constater que le rit byzantin célébré en français correspond parfaitement aux besoins des francophones.
Avec l'histoire de ce rosaire récité à Denver, on entre encore dans une autre question: faut-il, pour des raisons pastorales, tolérer chez les convertis récents des pratiques qui ne sont, contrairement au rit occidental, même pas légitimes en principe? Autrement dit, quand une paroisse melkite retourne à l'Orthodoxie, faut-il immédiatement enlever les statues? Dans les faits, on a eu ce genre de tolérances envers des communautés uniates revenues dans le sein de l'Eglise, en attendant la deuxième génération pour faire disparaître statues et symboles hérétiques. Mais, à mon humble avis, des tolérances qui pouvaient avoir un sens sur le plan pastoral à l'égard de communautés uniates n'ont aucun sens s'agissant d'anciens épiscopaliens anglo-saxons dont on peut déjà se demander s'ils se tournent vers l'Orthodoxie pour des raisons de foi ou plutôt par simple conservatisme.
Sans vouloir porter aucun jugement sur les choix qui ont été faits pour l'accueil de ces convertis, je constate simplement qu'il y a eu une paroisse où l'on a toléré la récitation du rosaire, alors que cette récitation, avec la méditation sur des images mentales, ne correspond pas à la spiritualité orthodoxe. Toutefois, ceci reste marginal et anecdotique (une paroisse sur des dizaines de milliers) et vous me voyez désolé d'avoir semé la confusion en voulant faire preuve d'exhaustivité.
Merci Claude le Liseur,

Vous n'avez pas semé la confusion. Au contraire, votre réaction permet d'apporter des pistes de réflexions.

Vous savez mieux que quiconque sur le forum expliquer les choses. Vous avez de telles connaissances et une grande facilité de composition que nous n'osons pas toujours écrire sur le forum. C'est la raison pour laquelle je préférais que vous apportiez vous même quelques précisions.

Je crains d'être encore dans le faux dans mon raisonnement. Je suis consciente que j'ai beaucoup à apprendre encore de l'orthodoxie.

Oui, c'est vrai que j'aime le rit byzantin mais aussi les autres rit en FRANÇAIS. Ce qui n'est pas évident à obtenir, même ici au Québec, dans une province dite francophone. Nous en avons parlé sur le forum.


Pour en revenir au sujet, je pense que ce n'est pas le rosaire par lui-même qui est mauvais. C'était la méthode d'imagerie par la méditation sur les mystère qui nous faisait dévier de la vrai prière.

Un auteur spirituel catholique, Jean Lafrance, d'heureuse mémoire, faisait un parallèle entre la prière de Jésus et la deuxième partie de l'Ave Maria "Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour nous pécheurs."

Dans son livre intitulé Le Chapelet, un chemin vers la prière incessante, au chap. 4 De la prière de Jésus au chapelet, l'auteur dit :
Le but de la prière de Jésus est d'unifier toute notre prière autour du Nom de Jésus, c'est-à-dire de sa personne. Le grand effet de cette pratique est bien sûr la découverte de la prière du coeur.
...
Si on regarde de plus près le chapelet, on voit qu'il est en Occident l'équivalent de la prière de Jésus, la voie de pauvreté et d'humilité dont nous avons besoin pour parvenir à cet engloutissement de la prière incessante.
Sylvie-Madeleine
Emmanuel
Messages : 36
Inscription : jeu. 22 juil. 2004 11:37
Localisation : Paris

Re: Ave Maria, Angelus et rosaire

Message par Emmanuel »

Je suis justement en train de relire l'opuscule du Père Placide Deseille, intitulé "La spiritualité catholique romaine et la tradition orthodoxe" (Editions Monastère Saint Antoine le grand, 1995). Je vous reproduis un passage qui traite des images mentales (p22-27), espérant que ça vous apportera des éléments de réponse.
La prière et la contemplation
Dans l’orthodoxie comme dans le catholicisme romain, les maîtres spirituels (en dehors des milieux anti-mystiques) ont la double conviction que Dieu ne peut être atteint véritablement que par nos facultés transfigurées par la grâce de l’Esprit-Saint, mais que, néanmoins, l’activité normale de ces facultés, éclairées par la simple foi, est nécessaire pour nous disposer à de plus grands dons.
En raison de sa transcendance, Dieu ne peut être atteint réellement ni par des images sensibles, ni par des sentiments que l’homme pourrait éveiller en lui-même par son industrie, ni par nos concepts, ni par des raisonnements. Seule la foi pure, et la contemplation, qui n'est rien d’autre que la foi devenue conscience expérimentale de son objet, lui sont d’une certaine façon proportionnées. Grégoire de Nysse et Denys l’Aréopagite sont ici les inspirateurs principaux des mystiques tant orientaux qu’occidentaux. Saint Grégoire Palamas parle en ces termes de ce dépassement des sens et de l’intellect que requiert la connaissance véritable de Dieu, et que la foi réalise dans une certaine mesure dès ici-bas :
« Personne, homme ou ange, n’a vu Dieu et ne le verra jamais, parce qu’il ne voit que par ses sens ou son intelligence en tant qu’ange ou en tant qu’homme. Au contraire, celui qui est devenu Esprit et qui voit en Esprit, comment ne contemplerait-il pas ce qui est semblable à son mode de contemplation (...) Quant à moi, je considère que notre sainte foi est aussi, d’une certaine façon, une vision de notre cœur qui dépasse toute sensation et toute intellection, car elle transcende toutes les facultés intellectuelles de notre âme. J’appelle ici «foi», non pas la confession orthodoxe, mais le fait de demeurer inébranlablement fidèle à cette confession et aux promesses de Dieu. Comment, en effet, voyons-nous par elle ce qui nous est promis pour ce siècle sans fin qui est à venir ? Par les sens ? Mais la foi est "une ferme assurance des choses que l’on espère", et il n’y a aucun moyen de voir par les sens ce qui est à venir et ce que l’on espère ; c’est pourquoi, l’Apôtre a ajouté :"Une démonstration des choses qu’on ne voit pas"... Il existe donc une vision et une intellection du cœur qui dépasse toutes les activités intellectuelles 24 ».
De ce texte, on rapprochera celui-ci, de Jean de la Croix:
« Si l’entendement s’est dégagé de toutes ses connaissances particulières, soit naturelles, soit spirituelles, il avance, et plus il s’abstiendra de s’occuper de connaissances particulières, ou d’actes de compréhension, plus aussi il s’avancera vers le souverain bien surnaturel... La raison, c’est que Dieu, vers qui se dirige l’entendement, dépasse tout entendement; il est incompréhensible et inaccessible à l'entendement ; voilà pourquoi, quand l'entendement agit, il ne s’approche pas de Dieu ; il s’en éloigne plutôt. Il doit donc cesser ses opérations pour s’approcher de Dieu, suivre le chemin de la foi et croire, mais sans comprendre. De la sorte, l’entendement arrive à la perfection, parce que c’est par la foi et non par un autre moyen qu’il s’unit à Dieu, et il s’en rapproche plus en ne comprenant pas qu’en comprenant... Dès lors que l’entendement ne recule pas, comme cela lui arriverait s’il voulait s'occuper de connaissances distinctes, de raisonnements ou autres actes intellectuels, au lieu de rester dans son repos, c’est qu’il avance ; et, en effet, il se purifie de tout ce qu’il avait en lui-même, car rien de cela n’est Dieu, comme nous l'avons dit, et Dieu ne peut pas occuper un cœur qui n’est pas détache de tout. Par conséquent, dans ce cas de perfection, ne pas reculer, c’est avancer, et avancer, quand il s’agit de l‘entendement, c’est entrer plus avant dans la foi et dans ses ténèbres, car la foi n’est que ténèbres pour l'entendement 25».
Il faut noter que ce qui est en cause ici, ce n’est pas l'exactitude des formules dogmatiques, mais la réalité de la rencontre du Dieu vivant. La connaissance de Dieu sans l‘expérience est comme de l'eau peinte sur un mur : elle représente fidèlement la réalité, mais elle n'étanche pas la soif 26.
Cependant, tant que la prière infuse n’est pas donnée à l’âme, l’activité propre de celle-ci, soutenue par la grâce ordinaire, est nécessaire à titre de préparation; « ne rien faire », sous prétexte de laisser la grâce agir serait du « quiétisme» hétérodoxe 27.
Dans le catholicisme, sans exclure la prière vocale, on invite les débutants à pratiquer la méditation discursive, selon des méthodes parfois très élaborées et très complexes. Il s’agit de réfléchir sur un sujet spirituel donné (épisode de la vie du Christ, vertu à acquérir), pour se former des convictions solides, exciter en soi des sentiments de repentir, d‘amour de Dieu, prendre des résolutions pratiques, et demander a Dieu son aide pour les mettre en œuvre.
Toutefois, les maitres spirituels authentiques conseillent aux progressants de quitter cette forme discursive de prière quand Dieu les met dans l’impuissance de méditer et de produire d’eux-mêmes des sentiments de dévotion.
« Nous disons que tout ce que les sens peuvent recevoir ou fabriquer s’appelle imagination ou fantaisie ; ce sont des formes qui, sous l’image ou la figure d’un corps, se représentent aux sens. Ces formes peuvent être de deux sortes. Les unes sont surnaturelles ; elles n’ont pas besoin du concours des sens pour être représentées et sont représentées en eux passivement ; nous les appelons visions imaginaires qui viennent par la voie surnaturelle, nous en parlerons plus tard. Les autres sont naturelles ; ce sont celles que les sens peuvent produire à l’aide de leur activité personnelle par des formes, figures ou images. C’est à ces deux puissances que se réfère la méditation, qui est un acte discursif aidé par les images, formes et figures qui sont fabriquées et formées dans les sens. Il en est ainsi quand nous nous représentons Notre-Seigneur Jésus-Christ crucifié, attaché à la colonne ou souffrant dans une autre scène de sa Passion, quand nous considérons Dieu assis sur son trône et environné d’une grande majesté, ou encore quand nous nous imaginons la gloire du ciel comme une lumière incomparable, ou quoi que ce soit d'humain ou de divin.
Or l’âme doit rejeter toutes ces imaginations ou représentations et demeurer dans l‘obscurité par rapport à ce sens intérieur si elle veut parvenir à l'union divine. Elles n’ont en effet aucune proportion, aucun rapport immédiat avec Dieu (...) Sans doute les commençants ont besoin de ces considérations, de ces représentations pour enflammer peu à peu leur amour et donner à l’âme un aliment par le moyen des sens, comme nous le dirons dans la suite. Elles leur servent donc comme d'un moyen éloigné de s’unir à Dieu ; c’est par là que passent d’ordinaire les âmes pour arriver au terme et à la demeure du repos spirituel. Mais elles doivent se contenter d’y passer et veiller à ne pas s’y fixer, parce qu’alors elles n’arriveraient jamais au terme qui n’a aucun rapport avec ces moyens éloignés et n’a rien à voir avec eux. Ces moyens sont comme les degrés de l’escalier: ils n’ont rien qui ressemble au terme, à la demeure qui est au sommet; ils ne sont que des moyens pour y monter ; si celui qui monte ne les laisse pas derrière lui, les uns après les autres jusqu’au dernier, il n’arrivera pas, il ne parviendra pas à cette demeure où il n’y a plus à monter et où tout est paisible. De même, l’âme qui, dès cette vie veut parvenir à l’union avec celui qui est notre repos souverain et notre Bien suprême, doit passer par tous les degrés des considérations, des représentations et des connaissances, et s’en défaire, car elles n’ont aucune ressemblance ou proportion avec le terme vers lequel elles conduisent, c’est-à-dire avec Dieu 29 ».
Dans la tradition orthodoxe, on prescrit au débutant de pratiquer la prière vocale simplement en « enfermant son esprit dans les mots», en étant attentif aux paroles que l’on adresse à Dieu avec foi, mais en ne pensant à rien d’autre, en ne formant aucune image, en ne cherchant à produire artificiellement en soi aucun sentiment. Cette méthode implique une beaucoup plus grande sobriété spirituelle que la méditation discursive. De même que l’orthodoxie associe le corps à l'effort ascétique, par le jeûne, les veilles, l’austérité de vie, elle le fait participer à la prière, par le rythme vocal, le chant, les prosternations («métanies ») et les diverses attitudes. Cette participation corporelle favorise l’accès à une vie spirituelle plus directement placée sous la motion de l’Esprit-Saint, parce que moins tributaire de l’activité humaine de nos facultés sensibles et rationnelles.
C’est pour favoriser de cette façon la vie profonde du cœur que les auteurs dont les œuvres sont réunies dans la Philocalie conseillent certains moyens psycho-physiques, comme la concentration de l’attention sur l’emplacement du cœur et la récitation de la prière sur le rythme de la respiration. Ces pratiques ne constituent pas une méthode destinée à produire d'elle-même un résultat, elles ne prétendent pas se substituer à l’action du Saint-Esprit, mais elles peuvent contribuer au recueillement actif des puissances de l'âme et favoriser l’éclosion de la prière du cœur.

24. GRÉGOIRE PALAMAS, Défense des saints hésychastes, Triade Il, 3, 31 et 40 ; Ed. Jean MEYENDORFF, Louvain, 1959, p. 448 et 466.
25. JEAN DE LA CROIX. Vive flamme B, Str. 3, 47-48 ; trad. cit., p. 1516-1517.
26. S. MACAIRE D'EGYPTE. Homélies spirituelles. 17, 12 ; trad. cit., p. 215.
27. Cf. ce qui sera dit plus loin, à propos de la « nuit active de l‘esprit ».
28. Thérèse d'Avila a souligné à diverses reprises que la prière vocale peut « aider l‘esprit à se recueillir beaucoup plus rapidement que toute autre » (Chemin de la Perfection, 30 ; dans (Œuvres complètes, trad. GREGOIRE DE SAINT-JOSEPH, Paris, 1948. p. 722) ; cf. Ibid, 27, p. 708 ; 32, p. 735-736.
29. JEAN DE LA CROIX, Montée du Carmel, 12, 2-5 ; trad. cit., p. 675-677.
patrik111
Messages : 122
Inscription : dim. 03 juil. 2011 18:45

Re: Ave Maria, Angelus et rosaire

Message par patrik111 »

Merci, Emmanuel, pour ce substantiel extrait et merci aussi d'avoir pris le temps de le produire.
Patrik111
Claude le Liseur
Messages : 4352
Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Re: Ave Maria, Angelus et rosaire

Message par Claude le Liseur »

Merci beaucoup de ma part aussi à Emmanuel, car c'est exactement cet opuscule de l'archimandrite Placide que j'aurais voulu recommander sur le sujet...
Répondre