Turquie

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Antoine
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Inscription : mer. 18 juin 2003 22:05

Turquie

Message par Antoine »

Quelques infos extraites du journal La croix de ce mardi 14 décembre 2004.
Le but n'est pas de politiser le forum, mais simplement de donner quelques chiffres et indications qui nous intéressent particulièrement.
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Turquie : le test de la liberté religieuse

À la veille du sommet européen qui doit examiner la candidature de la Turquie, "La Croix" dresse le tableau contrasté des libertés laissées aux différentes religions minoritaires dans ce pays



Les chefs d’État et de gouvernement des 25 États membres de l’Union européenne doivent dire jeudi 16 décembre s’ils acceptent que l’Union ouvre des négociations en vue de l’adhésion de la Turquie. La décision, qui doit être prise à l’unanimité, s’appuiera notamment sur un rapport de la Commission européenne qui, en octobre dernier, avait « recommandé » l’ouverture de ces négociations. La Croix examine la question spécifique de la liberté religieuse.


Quel est l’enjeu des négociations ?


C’est la première fois dans son histoire que l’Union européenne envisage de façon aussi décisive l’adhésion d’un grand pays musulman en son sein. La Turquie compte aujourd’hui 70 millions d’habitants, un nombre qui devrait atteindre 80 millions d’ici à 2015. Elle serait, avec l’Allemagne, le pays le plus peuplé de l’Union.

Sa population est musulmane à 99 %. Toutefois, une très forte minorité ne relève pas de l’islam sunnite, mais de l’alévisme, un culte syncrétique anatolien dérivé de l’islam chiite et nourri d’emprunts au chamanisme. Les alévis ne fréquentent pas les mosquées et ne respectent pas les grandes obligations de l’islam, mais portent une vive dévotion à Ali, le quatrième calife. Ils ont été la cible de violences de la part d’extrémistes musulmans durant les années 1990, tandis que les institutions de l’islam officiel cherchaient à les assimiler. De nombreuses églises de tous rites sont par ailleurs présentes en Turquie, ainsi que le judaïsme.

À terme, lorsque la région des Balkans sera stabilisée, d’autres pays à majorité musulmane frapperont à la porte de l’Union : l’Albanie et la Bosnie.

L’Union se préoccupe-t-elle de la liberté religieuse ?


De façon générale, l’Union européenne ne manifeste qu’un intérêt ténu pour les questions religieuses, la liberté de religion étant perçue comme une composante des libertés fondamentales. Tous les États membres sont considérés comme respectueux de ces principes, même si la Grèce fait l’objet de recours devant la Cour européenne des droits de l’homme, qui relève du Conseil de l’Europe.

Dans son dernier rapport politique et économique sur la Turquie, rendu public le 6 octobre et long de 180 pages, la Commission en a consacré deux à ce sujet. Elle a constaté qu’une circulaire turque de décembre 2003 autorisait le « changement d’identité religieuse », c’est-à-dire le passage d’une confession à une autre, « sur la base d’une simple déclaration ». Mais elle relève de nombreux obstacles dans la vie des communautés chrétiennes : absence de personnalité juridique ; restrictions au droit de propriété ; ingérences dans la gestion des fondations ; impossibilité de former le clergé. Elle note qu’une surveillance policière est exercée sur les chrétiens, surtout les protestants évangéliques.

Dans sa conclusion, la Commission affirme que « la législation appropriée devrait être adoptée afin d’aplanir ces difficultés ». « La Turquie devrait traiter toutes les religions de manière identique et ne devrait pas soutenir une religion en particulier (les sunnites) comme elle le fait actuellement », ajoute-t-elle.

Aux niveaux des États, la plupart des partis démocrates-chrétiens européens ont eux aussi insisté sur cette question. Le premier ministre (démocrate-chrétien) néerlandais, Jan Peter Balkenende, dont le pays préside actuellement l’Union, s’est montré vigilant sur cette question.

Qu’est-ce que la laïcité « à la turque » ?


La Turquie est l’un des très rares pays au monde à avoir intégré dans son vocabulaire le terme très français de « laïcité ». Pourtant, la réalité en est tout autre que celle de l’Hexagone, avec un contrôle très étroit de la religion par l’État.

Ainsi, tous les imams des mosquées officielles turques sont payés par l’État et leurs prônes intègrent les recommandations du Diyanet – la Direction des affaires religieuses, qui relève du premier ministre. Depuis vingt ans, des cours d’islam sont obligatoires à l’école, seuls les élèves relevant des minorités religieuses (non compris les alévis) pouvant en être dispensés.

Depuis les années 1980, l’islam a été réintégré par l’appareil d’État comme élément fondamental de l’identité turque, ce qui correspond au sentiment populaire, très attaché à la religion. Le regard sur les religions non musulmanes s’en trouve affecté : elles sont tolérées, mais perçues comme étrangères.

Quelle est la situation des chrétiens ?


Héritiers de l’Église primitive, les chrétiens de Turquie ne sont plus aujourd’hui qu’une petite poignée, à peine 100 000. Cette situation résulte notamment du génocide arménien de 1915 et de la guerre gréco-turque de 1923, suivie d’un échange de populations qui a conduit à l’expulsion d’Asie Mineure d’un million de chrétiens de langue grecque vers la Grèce.

Les chrétiens, issus de traditions différentes, se répartissent en une grande diversité d’Églises et de rites. Les plus nombreux sont les arméniens qui, pour la plupart, appartiennent à l’Église apostolique et disposent d’un patriarcat à Istamboul. Puis viennent les chrétiens de rite syrien, dont le nombre pourtant ne cesse de diminuer : 55 000 il y a une trentaine d’années, à peine 11 000 aujourd’hui. Les grecs-orthodoxes, quant à eux, ne constituent plus qu’une petite communauté de 2 000 fidèles, avec à leur tête le patriarche œcuménique Bartholomeos Ier de Constantinople, qui jouit d’une primauté spirituelle sur l’ensemble de l’orthodoxie mondiale. à la suite de migrations récentes, les orthodoxes roumains sont maintenant près de 20 000. Les catholiques de rite latin ne seraient plus que 15 000, d’origines nationales très diverses.

La législation turque complique la vie des Églises. « Malgré la bienveillance générale des autorités, on n’a toujours pas pu trouver à l’Église catholique un statut qui lui permette une existence légale et juridique », regrettait devant le Pape Mgr Louis-Armel Pelâtre, vicaire apostolique d’Istamboul, lors de la dernière visite ad limina des évêques de Turquie en février 2001. « Il s’ensuit que la propriété des biens dont l’Église jouissait au moment de l’avènement de la République continue d’être contestée en droit et en fait, ajoutait-il. Il nous est très pénible d’en arriver, ces derniers temps, à porter notre cause devant les juridictions internationales. »


Bernard JOUANNO et Jean-Christophe PLOQUIN


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Les religions en Turquie



Islam (99 %, soit 70 millions de musulmans)

48 millions de sunnites. 18 millions d’alévis, branche dissidente proche du chiisme (ils ont été longtemps persécutés par le pouvoir turc).

2 millions de chiites.

Christianisme (0,15 %, soit 80 000 à 100 000 chrétiens)

Terre des premiers voyages de saint Paul, l’actuelle Turquie était jusqu’à la fin du XIXe siècle la région du Proche-Orient comportant le plus fort pourcentage de chrétiens. C’est aujourd’hui le pays qui en compte la plus faible proportion : 40 000 à 50 000 Arméniens apostoliques. Ils étaient deux millions à la fin du XIXe siècle. Le génocide de 1915 a fait un million et demi de morts. Un patriarcat subsiste à Istamboul, mais le séminaire est fermé depuis 1971.

25 000 protestants de différentes dénominations.

15 000 syriens orthodoxes. Ils étaient plus de 100 000 à la fin du XIXe siècle, 50 000 il y a vingt ans, mais beaucoup ont dû fuir les exactions des rebelles kurdes et de l’armée turque.

15 000 catholiques, dont 5 000 de rite latin, 4 500 de rite chaldéen, 4 000 de rite arménien, 2 000 de rite syrien, et quelques centaines de rite grec.

5 000 grecs orthodoxes. Ils étaient 2 millions en 1922 mais 1,3 million ont dû partir après la guerre gréco-turque. Ils étaient encore 300 000 en 1956. Le patriarcat œcuménique a son siège au Phanar, un quartier d’Istamboul, et le patriarche doit être de nationalité turque. Le séminaire de Halki est fermé depuis 1970.

Quelques milliers d’assyriens orthodoxes.

Judaïsme (0,03 %, soit 25 000 personnes)

Iinstallés en majorité à Istamboul. Il s’agit en grande partie de descendants des juifs séfarades (expulsés d’Espagne en 1492).
Claude le Liseur
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Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Message par Claude le Liseur »

Ce n'est pas politiser le forum que de rappeler quelques vérités premières, surtout quand l'avenir du continent européen et de la religion chrétienne orthodoxe est en jeu.

Souvenons-nous que Smyrne fut une ville grecque, Erzeroum une ville arménienne, Edesse une ville syriaque, Alexandrette une ville arabe. Et pas dans la Préhistoire! En 1914 encore! Et posons-nous la question de ce qui nous attend!

Avez-vous vu le reportage de la télévision chypriote sur le bref voyage de quelques Chypriotes dans leur région d'origine occupée par la Turquie depuis l'invasion de 1974? Les profanations subies par les églises des villages de Lyssi et Vatyli (deux noms que j'ai eu le temps de noter, mais deux noms parmi tant et tant de villages martyrs) en disaient plus long que tous les articles de La Croix et toutes les palinodies des "démocrates-chrétiens" sur la "laïcité" de la République turque.

Plus que jamais, mes frères, nous devons nous confier à la prière des Nouveaux-Martyrs et à leur intercession puissante auprès de Dieu, afin qu'Il dessille les yeux de ce qui nous gouvernent et détourne de nous le très grave péril que nous ont préparé l'impéritie, la lâcheté, la complaisance et le manque de vision à long terme.

Confions-nous en particulier à l'intercession des saints nouveaux-apparus Raphaël, Nicolas, Irène et Ephrem et des patriarches martyrs Parthénios et Grégoire.
Claude le Liseur
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Inscription : mer. 18 juin 2003 15:13

Message par Claude le Liseur »

Les résultats du dernier conseil européen sont proprement ahurissants.

En effet, la porte de l'adhésion à l'Union européenne est ouverte pour la Turquie, sans qu'aucun des points suivants n'ait soulevé la moindre protestation officielle:

* Il y a toujours un article du Code pénal turc qui réprime la critique de feu Mustafa Kemal Atatürk. Cet homme est tout de même le responsable de la disparition de l'Orthodoxie en Asie mineure...

* La République turque refuse toujours de reconnaître Chypre et occupe 38% de son territoire. C'est un fait jamais vu qu'un Etat membre d'une fédération puisse occuper militairement une partie d'un autre Etat membre. Imagine-t-on le canton de Zurich occuper celui d'Argovie, ou le Kentucky occuper le Tennessee? C'est stupéfiant.

* La liberté religieuse n'existe toujours pas en Turquie. Le séminaire de Halki est toujours fermé. Le règlement anachronique qui exige que le patriarche oecuménique soit issu d'une communauté qu'on a réduit à 2'000 âmes est toujours en vigueur. Les deux seules différences positives qui différencient la Turquie des pays arabes à majorité musulmane sont le fait qu'un non-musulman peut y épouser une musulmane sans se convertir lui-même à l'Islam, le mariage civil étant en vigueur depuis Atatürk, et qu'un musulman peut changer de religion par simple déclaration à l'état civil. Rappelons que les seuls pays arabes qui autorisent un musulman à changer de religion sont l'Algérie et le Liban (et sembe-t-il, de facto, la Syrie baassiste). L'apostasie de l'Islam est punie de mort en Arabie séoudite. Le sort des chrétiens étant unanimement considéré comme plus dur en Turquie que dans la plupart des pays arabes, le seul véritable effet positif de la "laïcité" kémaliste pour les minorités religieuses réside dans cette possibilité de faire des conversions. A vrai dire, je doute que ce soit un effet du kémalisme, puisqu'il semble que le dernier martyr exécuté en Turquie pour avoir abjuré l'Islam (il s'agissait en fait d'un Arménien retourné à sa religion d'origine) remonte à 1843 et que les peines du droit musulman contre celui qui quitte l'Islam étaient tombées en désuétude sous les derniers sultans ottomans.

* Il y a toujours un autre article du Code pénal turc dont la rédaction est suffisamment ambigue pour pouvoir poursuivre toute évocation du génocide des Arméniens qu'Ankara s'obstine à nier.

Ce qui en dit long sur les priorités des gouvernements de l'Union européenne, c'est que la dépénalisation de l'homosexualité était une condition sine qua non pour l'adhésion de la Roumanie à cette organisation, tandis qu'aucun des points que je viens de citer ne semble faire problème en ce qui concerne la Turquie. Au nom de l'idéal démocratique, on oblige la Turquie à dépénaliser l'adultère, mais elle peut continuer à interdire la critique de feu Kemal Atatürk? C'est tout de même une drôle de conception des libertés fondamentales.
Yiannis
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Message par Yiannis »

Libérté de changement de religion en Turquie? Oui, du christianisme à l'islam! Aparemment, La Croix ignore qu'il y a des crypto-chrétiens - même orthodoxes - en Turquie. Ce n'est pas un mythe, c'est une réalité. J'ai des renseignements absolument fiables sur ce sujet.
Il y a peu d'années, un Turc s'est marié avec une Grecque à Constantinople-Istanbul, après s'être volontairement converti au Christianisme Orthodoxe. On a mis des explosifs à leur maison et finalement le nouveau couple a dû quitter la Turquie. Ils ne pouvaient pas obtenir une visa de longue durée pour rester à Athènes, car la Grèce évite de donner des permis de séjour aux Turcs (pour cause). Heureusement, ils ont pu finalement s'installer en France. Je sais qu'ils ont beaucoup prié au bienheureux ancien Porphyrios pour les aider, car ils avaient des problèmes pour obtenir une visa de longue durée pour la France. Je note en occurence que la mère du Turc, toujours musulmane, est allée prier au monastère du père Porphyrios pour le problème de son fils!
Je suis sûr que durant les années à venir on va découvrir les crypto-chrétiens de la Turquie. Je doute pourtant que l'Occident s'intéresse au sort du christianisme en Turquie, surtout quand il s'agit de l'Orthodoxie...

L'article de La Croix montre aussi une ignorance à l'égard de la situation religieuse en Albanie. Les chrétiens albanais constituent plus que 30% de la population et il s'agit de l'élément le plus actif et progressé dans la vie du pays. Plus que 20% sont des Orthodoxes. Il y a beaucoup de musulmans qui se convertissent au christianisme. L'actuel métropolite de Korca est un ex-musulman bektashi. Dans l'Albanie du Sud il n'y a pratiquement pas de mosquées, car les musulmans là-bas professent le bektashisme, un secte très proche des alévites turcs. Evidemment, il y a de l'argent versé par l'Arabie Saudite - l'état-source du terrorisme islamique mondial -, mais il est impossible que les Arabes arrivent jamais à faire de l'Albanie un état musulman. En fin de compte, la mentalité des Albanais est beaucoup plus proche de celle des Grecs que de celle des Saudiens wachabites.
Makcim
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Message par Makcim »

Bravo à Antoine, au Lecteur Claude et à Yiannis.
Bravo ! Voilà ce qu'il faut dire ! c'est tout.
Makcim
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