A propos des racines musulmanes de l'Europe
Publié : lun. 10 nov. 2003 15:34
« De Jacques Chirac: «Les racines de l'Europe sont autant musulmanes que chrétiennes.» Le propos, rapporté par Le Figaro, a été tenu, la semaine dernière à l'Élysée, à Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France. »
Ce commentaire de Jacques Chirac suppose pas mal de confusion – sinon dans ses idées, au moins dans les termes qu’il emploie.
D’abord, au sujet de l’Europe elle-même : de quelle Europe parle-t-il ? Si nous gardons pour référence l’excellent travail du lexicographe Pierre Larousse, l’Europe n’est qu’un nom géographique ; comme telle, elle ne peut pas prétendre à de quelconques racines historiques, mais seulement à une existence physique impliquant au mieux des origines de l’ordre de la géologie – et encore.
Pierre Larousse ( Grand Dictionnaire Universel du XIXème siècle) nuance toutefois de la manière suivante : « Sous César et même sous Charlemagne, l'Europe, déjà vieille, avait encore une histoire; alors on était Asiatique, Africain ou Européen. Sous Napoléon 1er, l'Europe a perdu son individualité ; on est Français, Anglais, Italien, Hellène, Russe, etc. ; on n'est plus Européen. La Seine est un fleuve de France, le Rhin est un fleuve allemand , les Alpes sont des montagnes italiennes, le Tage est foncièrement portugais , le Vésuve est italien, la Tamise est anglaise, Sainte-Gudule est belge, le Kremlin est russe, et Potsdam est prussien. »
Or depuis la dernière guerre mondiale, une entité d’ordre politique a été créée sous le nom d’Europe Unie. Comme beaucoup d’entités politiques, elle souhaite non seulement se définir en termes programmatiques, mais encore démontrer le bien-fondé et la respectabilité de son programme en lui trouvant une justification historique. D’où un besoin nouveau, auquel on aurait jamais songé au temps de Pierre Larousse : celui de se trouver des ancêtres. Ce n’est pas sans précédent, car déjà au temps des poètes de la Pléïade, les rois de France avaient prétendu faire reconnaître le héros troyen Énée, fondateur mythique de Rome, comme premier ancêtre de leur famille – et Jules César, qui ne reculait devant aucun ridicule, avait visé plus haut : ilétait descendant de la déesse Vénus elle-même !
Il semble bien que M. Chirac n’ait pas conscience de ce qu’implique une telle problématique. Il mélange visiblement les « racines » avec la religion – éliminant d’un coup les notions élémentaires de racines ethniques, et de racines politiques, c’est à dire historiques. Chose curieuse pour un franc-maçon, il gomme également toute référence à des racines philosophiques : dans le cadre d’une Europe actuellement composée de bien plus d’athées, ou d’agnostiques que de croyants, on se demande si sa petite phrase peut encore faire sens. Son affirmation est non seulement confuse, mais également un peu courte.
Car s’il entend les racines de l’Europe Unie sous le seul angle de la religion (ce qui le mettra en opposition avec une bonne partie des Constitutions athées que les peuples de cette Europe Unie se sont données), les choses se compliquent encore. Tout va dépendre de la date d’origine historique que l’Europe Unie se choisira pour référence de base.
Si l’Europe Unie, par exemple, choisit de fixer ses origines à partir du concept religieux, on devra par force considérer qu’à l’époque du premier empire unificateur de notre continent, c’est à dire de la « lex romana », ses racines religieuses ne pouvaient être que mythologiques, ou « païennes ». L’Europe avait déjà bien dépassé le stade des racines lorsque le christianisme y été annoncé – pour ne rien dire d’une religion musulmane qui n’est encore venue que six siècles plus tard.
Si elle choisit plutôt de prendre date de l’époque de Charlemagne (période où l’Empire Romain avait définitivement cédé la place au Saint Empire Romain Germanique), cela faisait déjà sept cents ans que l’Europe était progessivement devenue chrétienne. Et quand l’Islam a voulu s’y implanter par conquête, il a été partout refusé par les peuples européens autochtones.
Charlemagne est né le 2 avril 742 ; il est devenu le premier empereur du Saint Empire Romain Germanique à la Noël de l’an 800. Même les Franks, qui étaient pourtant restés païens longtemps après les Wisigoths, avaient déjà embrassé l’orthodoxie depuis le baptême de Clovis, soit en 496. Dans la lointaine Arabie, la religion de Mahomet (571 ? – 362) ne commencera qu’à l’hégire, en juillet ou septembre 622 ; ce n’est qu’en 711 qu’une petite troupe de Berbères musulmans traversera le détroit de Gibraltar : leur chef al-Tariq avait été appelé à l’aide par le comte wisigoth Julien, en rébellion contre le roi Rodéric (Rodrigue). Certes ils ont été accueillis à bras ouverts par une partie de la population, mais c’étaient les riches familles juives que les rois Wisigoths persécutaient et qui virent en eux leurs libérateurs. Il fallut plusieurs siècles pour les repousser hors d’Europe, mais ils furent chassés militairement, comme ils étaient venus. Par exemple, les derniers musulmans qui s’étaient installés en Provence vers 840 (les princes orthodoxes les avaient déjà utilisés contre les incursions du Frank Charles Martel, en 736) seront définitivement chassés en 972 (avec l’aide de la flotte byzantine), et la reconquête de la péninsule ibérique se terminera définitivement en 1492, par la prise de Grenade.
Les historiens musulmans ont toujours représenté l’Europe comme une proie à saisir, soit pour la piller au sud comme faisaient à la même époque les vikings au nord, soit pour y organiser une exploitation méthodique, et des fiefs pour leurs chefs de guerre, grâce à la domination de l’Islam. Ils ne réussirent du reste jamais à la « convertir » - et même en Andalousie, les émirs qui essayèrent d’ériger leurs fiefs (de Cordoue, de Grenade ou de Tolède) en « royaumes » à la mode européenne ne furent jamais considérés comme indépendants par leurs suzerains – qui continuèrent à résider dans la lointaine Damas. Pour revenir à l’Histoire religieuse de l’Europe, elle est remplie jusqu’à nos jours de martyrs (pour la plupart orthodoxes) qui ont préféré la mort à la foi de Mahomet.
Quand Jacques Chirac confond ce qu’il ose appeler des racines (religieuses) musulmanes avec la domination politique de l’Islam (par exemple en Grèce ou dans les Balkans, où la résistance héroïque des autochtones orthodoxes n’a jamais faibli un seul siècle) - ou bien il se trompe, ou bien il essaie de nous tromper en noyant le poisson pour des raisons momentanées de basse politique « sécuritaire ». On ne peut pas innocemment confondre le sabre et le goupillon - ou plutôt le cimeterre, le pal et la circoncision !
Sur le plan des idées, l’Europe a ses racines dans la philosophie grecque, sur le plan de la démocratie aussi ; elle a puisé son organisation étatique dans la « lex romana », modifiées par les traditions féodales de ses envahisseurs germaniques et nordiques - qui, eux, ont fini par s’intégrer à l’Europe occidentale au cours des siècles. L’Europe archéologique est couverte de milliers de vestiges de la foi païenne des Celtes, des Gaulois, des Ligures, des Romains, ainsi que de centaines de milliers de monuments de la foi chrétienne : aussi bien de la foi orthodoxe que de la foi catholique romaine et plus tard des autres branches séparées de l’Église d’origine, notamment protestantes. Il n’y a dans toute l’Europe pas un seul vestige de mosquée ou de marabout, sauf dans la partie turque de la Grèce. L’Islam en est réduit, pour appuyer ses prétentions anti historiques (par exemple au Kosovo) à détruire systématiquement toutes les églises orthodoxes pour construire hâtivement à leur place quelques mosquées qui ne subsistent que grâce à la menace constante que fait peser son terrorisme (et sa "police officielle") sur les derniers kosovars chrétiens, isolés et sans défense.
Cela, Jacques Chirac ne peut pas l’ignorer.
Alors la question reste posée : pour qui Jacques Chirac ment-il ?
Et qu'escompte-t-il en retour ? Le salaire de la peur ?
Ce commentaire de Jacques Chirac suppose pas mal de confusion – sinon dans ses idées, au moins dans les termes qu’il emploie.
D’abord, au sujet de l’Europe elle-même : de quelle Europe parle-t-il ? Si nous gardons pour référence l’excellent travail du lexicographe Pierre Larousse, l’Europe n’est qu’un nom géographique ; comme telle, elle ne peut pas prétendre à de quelconques racines historiques, mais seulement à une existence physique impliquant au mieux des origines de l’ordre de la géologie – et encore.
Pierre Larousse ( Grand Dictionnaire Universel du XIXème siècle) nuance toutefois de la manière suivante : « Sous César et même sous Charlemagne, l'Europe, déjà vieille, avait encore une histoire; alors on était Asiatique, Africain ou Européen. Sous Napoléon 1er, l'Europe a perdu son individualité ; on est Français, Anglais, Italien, Hellène, Russe, etc. ; on n'est plus Européen. La Seine est un fleuve de France, le Rhin est un fleuve allemand , les Alpes sont des montagnes italiennes, le Tage est foncièrement portugais , le Vésuve est italien, la Tamise est anglaise, Sainte-Gudule est belge, le Kremlin est russe, et Potsdam est prussien. »
Or depuis la dernière guerre mondiale, une entité d’ordre politique a été créée sous le nom d’Europe Unie. Comme beaucoup d’entités politiques, elle souhaite non seulement se définir en termes programmatiques, mais encore démontrer le bien-fondé et la respectabilité de son programme en lui trouvant une justification historique. D’où un besoin nouveau, auquel on aurait jamais songé au temps de Pierre Larousse : celui de se trouver des ancêtres. Ce n’est pas sans précédent, car déjà au temps des poètes de la Pléïade, les rois de France avaient prétendu faire reconnaître le héros troyen Énée, fondateur mythique de Rome, comme premier ancêtre de leur famille – et Jules César, qui ne reculait devant aucun ridicule, avait visé plus haut : ilétait descendant de la déesse Vénus elle-même !
Il semble bien que M. Chirac n’ait pas conscience de ce qu’implique une telle problématique. Il mélange visiblement les « racines » avec la religion – éliminant d’un coup les notions élémentaires de racines ethniques, et de racines politiques, c’est à dire historiques. Chose curieuse pour un franc-maçon, il gomme également toute référence à des racines philosophiques : dans le cadre d’une Europe actuellement composée de bien plus d’athées, ou d’agnostiques que de croyants, on se demande si sa petite phrase peut encore faire sens. Son affirmation est non seulement confuse, mais également un peu courte.
Car s’il entend les racines de l’Europe Unie sous le seul angle de la religion (ce qui le mettra en opposition avec une bonne partie des Constitutions athées que les peuples de cette Europe Unie se sont données), les choses se compliquent encore. Tout va dépendre de la date d’origine historique que l’Europe Unie se choisira pour référence de base.
Si l’Europe Unie, par exemple, choisit de fixer ses origines à partir du concept religieux, on devra par force considérer qu’à l’époque du premier empire unificateur de notre continent, c’est à dire de la « lex romana », ses racines religieuses ne pouvaient être que mythologiques, ou « païennes ». L’Europe avait déjà bien dépassé le stade des racines lorsque le christianisme y été annoncé – pour ne rien dire d’une religion musulmane qui n’est encore venue que six siècles plus tard.
Si elle choisit plutôt de prendre date de l’époque de Charlemagne (période où l’Empire Romain avait définitivement cédé la place au Saint Empire Romain Germanique), cela faisait déjà sept cents ans que l’Europe était progessivement devenue chrétienne. Et quand l’Islam a voulu s’y implanter par conquête, il a été partout refusé par les peuples européens autochtones.
Charlemagne est né le 2 avril 742 ; il est devenu le premier empereur du Saint Empire Romain Germanique à la Noël de l’an 800. Même les Franks, qui étaient pourtant restés païens longtemps après les Wisigoths, avaient déjà embrassé l’orthodoxie depuis le baptême de Clovis, soit en 496. Dans la lointaine Arabie, la religion de Mahomet (571 ? – 362) ne commencera qu’à l’hégire, en juillet ou septembre 622 ; ce n’est qu’en 711 qu’une petite troupe de Berbères musulmans traversera le détroit de Gibraltar : leur chef al-Tariq avait été appelé à l’aide par le comte wisigoth Julien, en rébellion contre le roi Rodéric (Rodrigue). Certes ils ont été accueillis à bras ouverts par une partie de la population, mais c’étaient les riches familles juives que les rois Wisigoths persécutaient et qui virent en eux leurs libérateurs. Il fallut plusieurs siècles pour les repousser hors d’Europe, mais ils furent chassés militairement, comme ils étaient venus. Par exemple, les derniers musulmans qui s’étaient installés en Provence vers 840 (les princes orthodoxes les avaient déjà utilisés contre les incursions du Frank Charles Martel, en 736) seront définitivement chassés en 972 (avec l’aide de la flotte byzantine), et la reconquête de la péninsule ibérique se terminera définitivement en 1492, par la prise de Grenade.
Les historiens musulmans ont toujours représenté l’Europe comme une proie à saisir, soit pour la piller au sud comme faisaient à la même époque les vikings au nord, soit pour y organiser une exploitation méthodique, et des fiefs pour leurs chefs de guerre, grâce à la domination de l’Islam. Ils ne réussirent du reste jamais à la « convertir » - et même en Andalousie, les émirs qui essayèrent d’ériger leurs fiefs (de Cordoue, de Grenade ou de Tolède) en « royaumes » à la mode européenne ne furent jamais considérés comme indépendants par leurs suzerains – qui continuèrent à résider dans la lointaine Damas. Pour revenir à l’Histoire religieuse de l’Europe, elle est remplie jusqu’à nos jours de martyrs (pour la plupart orthodoxes) qui ont préféré la mort à la foi de Mahomet.
Quand Jacques Chirac confond ce qu’il ose appeler des racines (religieuses) musulmanes avec la domination politique de l’Islam (par exemple en Grèce ou dans les Balkans, où la résistance héroïque des autochtones orthodoxes n’a jamais faibli un seul siècle) - ou bien il se trompe, ou bien il essaie de nous tromper en noyant le poisson pour des raisons momentanées de basse politique « sécuritaire ». On ne peut pas innocemment confondre le sabre et le goupillon - ou plutôt le cimeterre, le pal et la circoncision !
Sur le plan des idées, l’Europe a ses racines dans la philosophie grecque, sur le plan de la démocratie aussi ; elle a puisé son organisation étatique dans la « lex romana », modifiées par les traditions féodales de ses envahisseurs germaniques et nordiques - qui, eux, ont fini par s’intégrer à l’Europe occidentale au cours des siècles. L’Europe archéologique est couverte de milliers de vestiges de la foi païenne des Celtes, des Gaulois, des Ligures, des Romains, ainsi que de centaines de milliers de monuments de la foi chrétienne : aussi bien de la foi orthodoxe que de la foi catholique romaine et plus tard des autres branches séparées de l’Église d’origine, notamment protestantes. Il n’y a dans toute l’Europe pas un seul vestige de mosquée ou de marabout, sauf dans la partie turque de la Grèce. L’Islam en est réduit, pour appuyer ses prétentions anti historiques (par exemple au Kosovo) à détruire systématiquement toutes les églises orthodoxes pour construire hâtivement à leur place quelques mosquées qui ne subsistent que grâce à la menace constante que fait peser son terrorisme (et sa "police officielle") sur les derniers kosovars chrétiens, isolés et sans défense.
Cela, Jacques Chirac ne peut pas l’ignorer.
Alors la question reste posée : pour qui Jacques Chirac ment-il ?
Et qu'escompte-t-il en retour ? Le salaire de la peur ?