¿ Que disent les Pères, que dit la Tradition à propos de la Colère ? Et de son rapport à l’homme ?
Je lis dans l’Exode (11, 8) que « Moïse sortit de chez Pharaon enflammé de colère » : cette colère était contre une société tournée vers la magie, mais surtout contre l’entêtement de son « gouvernement » (Pharaon) à suivre cette voie perverse ; car cela revenait finalement à conforter tous ses peuples dans leurs pratiques démoniaques. Ne fut-ce que par l’exemple maléfique de sa propre soumission à ses magiciens, Pharaon enfonçait encore plus les Égyptiens dans leur curiosité malsaine et leur adoration de faux dieux – et il persévérait malgré les preuves par lesquelles Moïse et Aaron l’avaient forcé à constater combien YHWH détestait la magie, et que la puissance du Dieu d’Israël la réduirait à néant.
Je lis encore dans l’Exode (32, 19) que lorsqu’il redescendit de la montagne, portant les Tables de la Loi, Moïse vit en s’approchant du camp le Veau et les danses et que «la colère de Moîse s’enflamma : il jeta de sa main les tables et les brisa au pied de la montagne ; il prit le Veau u’ils avaient fabriqué ; il le brûla par le feu, le pila jusqu’à ce qu’il fût réduit en poussière qu’il dissémina à la surface de l’eau et il en fit boire aux fils d’Israël » : et là encore, cette colère était contre le peuple qui s’était perverti (Ex. 32, 7) jusqu’à substituer à YHWH une idole d’or fondu, façonnée par celui-là même qui (en l’absence du conducteur que Dieu lui avait donné) était devenu son « gouvernement », mais qui s’était laissé gagner par la soumission au faux dieu de l’or, de la puissance.
Je lis ensuite dans le livre des Juges d’Israël (Jug. 14, 19), à propos de Samson, que « sa colère s’enflamma, et il remonta à la maison de son père ; quant à la femme de Samson elle appartint au compagnon qui lui avait servi de garçon d’honneur » : cette colère, plus complexe, est d’une certaine manière comparable à une colère de « résistant », contre la femme qu’il vient d’épouser par amour (elle représenterait dans cette comparaison anachronique la « collabo » ), qui en a profité pour lui soutirer son secret, puis pour trahir sa confiance livrer son secret au peuple des oppresseurs (Philistins) – dont il vient tout juste (étant envahi par l’esprit de YHWH) de tuer trente hommes pour les dépouiller.
Certes, ces trois colères sont des colères d’homme, de serviteurs de Dieu - non de prêtres, ni d’ascètes, que nous ne sommes pas non plus. J’ai presque envie de voir en elles des colères politiques, en tout cas liées au rapport de la société avec l’Histoire, et à son refus d’accepter que Dieu, qui est pourtant le Maître du Temps, reste et soit reconnu pour le seul véritable Maître de l’Histoire.
Mais ce qui motive ma question « posée à l’Église » est qu’il ne semble pas que Dieu les eut imputées à péché ni à Samson ni à Moïse.
Je fais cette remarque pour bien souligner que ma question ne concerne en rien la Colère de YHWH, qu’il ne m’appartient nullement de chercher à percer : Sa Colère est aussi loin de ma propre colère que le Tout Puissant l’est de ma faiblesse, ou que la créature peut l’être de son Créateur. Loin de moi de vouloir confondre ma colère et celle du Seigneur que je ne puis qu’écouter, et adorer, sans être plus capable de Le comprendre pour autant – moi qui gémis… « …dans cet état, ardemment désireux de revêtir par-dessus l’autre[ l’habitation terrestre] notre habitation céleste, puisque l’ayant revêtue nous ne serons plus trouvés nus …. Car nous qui sommes dans cette tente, nous gémissons accablés ; nous ne voudrions pas en effet nous dévêtir, mais nous revêtir par-dessus afin que ce qui est mortel soit englouti par la vie ». ( II Cor. 5, 2-3).
J’aurai donc une grande reconnaissance à ceux d’entre vous qui pourront me montrer ce qu’en ont dit les Pères ; car ils m’aideront en effet ; à cette fin : « …que ce qui est mortel soit englouti par la vie. »
Question sur la Colère & ce qu'en dit la Tradition
Modérateur : Auteurs
Question sur la Colère & ce qu'en dit la Tradition
< Demeurons dans la Joie. Prions sans cesse. Rendons grâce en tout... N'éteignons pas l'Esprit ! >
... en post-scriptum
A la réflexion, je me demande si certains ne vont pas être choqués par l’analogie que je viens de m’autoriser : entre la colère violente de Samson et la rébellion violente d’un « résistant » moderne.
Pour m’en expliquer, je voudrais faire un parallèle entre ce passage sibyllin du livre des Juges (14, 19) et cette autre « colère politique » de Moïse :
« En ces jours-là, Moïse qui avait grandi se rendit chez ses frères et vit leurs corvées. Il vit un Égyptien qui frappait un Hébreu, un de ses frères. S’étant tourné de tous côtés et voyant qu’il n’y avait personne, il frappa l’Égyptien et l’enfouit dans le sable.
« Il sortit le lendemain et voici que deux Hébreux se querellaient ; il dit à celui qui avait tort : « Pourquoi frappes-tu ton prochain ? ». Celui-ci dit : « Qui t’a établi chef et juge sur nous ? Penses-tu me tuer comme tu as tué l’Égyptien ? » Moïse prit peur et se dit : « A coup sûr, la chose est connue ! ».
« Pharaon apprit cette affaire et il chercha à tuer Moïse – mais Moïse s’enfuit de devant Pharaon et vint habiter au pays de Madian »
(Ex. 2, 11-15)
Là, il n’y a plus trace d’autre « présence de Dieu » que la révolte d'un homme contre l'injustice des hommes – contre l'abus de pouvoir des forts contre les faibles.
Moïse oppose sa violence (sa colère) à celle de l’Égyptien. Et même, sa colère est plus violente que celle de l’oppresseur qu'il frappe. C’est à la fois une colère "pour" (défendre les opprimés) et une colère "contre" leurs oppresseurs.
C’est en ceci que j’y vois une sorte prototype des attentats modernes caractéristiques de l’ère des « mouvements de résistance » à l'oppression, au terrorisme d'État - mais qui deviennent au contraire dans une certaine phraséologie étatique actuelle, l’ère d'une rebellion inadmissible, significative d’un "contre-empire" (qui serait alors celui du Mal) se révoltant contre celui du Bien.
C'est cette interrogation sur l’ambiguïté possible d’un jugement porté sur la colère qui pourrait le mieux, me semble-t-il, expliciter le questionnement engendré par ce passage de l'Exode.
Pour m’en expliquer, je voudrais faire un parallèle entre ce passage sibyllin du livre des Juges (14, 19) et cette autre « colère politique » de Moïse :
« En ces jours-là, Moïse qui avait grandi se rendit chez ses frères et vit leurs corvées. Il vit un Égyptien qui frappait un Hébreu, un de ses frères. S’étant tourné de tous côtés et voyant qu’il n’y avait personne, il frappa l’Égyptien et l’enfouit dans le sable.
« Il sortit le lendemain et voici que deux Hébreux se querellaient ; il dit à celui qui avait tort : « Pourquoi frappes-tu ton prochain ? ». Celui-ci dit : « Qui t’a établi chef et juge sur nous ? Penses-tu me tuer comme tu as tué l’Égyptien ? » Moïse prit peur et se dit : « A coup sûr, la chose est connue ! ».
« Pharaon apprit cette affaire et il chercha à tuer Moïse – mais Moïse s’enfuit de devant Pharaon et vint habiter au pays de Madian »
(Ex. 2, 11-15)
Là, il n’y a plus trace d’autre « présence de Dieu » que la révolte d'un homme contre l'injustice des hommes – contre l'abus de pouvoir des forts contre les faibles.
Moïse oppose sa violence (sa colère) à celle de l’Égyptien. Et même, sa colère est plus violente que celle de l’oppresseur qu'il frappe. C’est à la fois une colère "pour" (défendre les opprimés) et une colère "contre" leurs oppresseurs.
C’est en ceci que j’y vois une sorte prototype des attentats modernes caractéristiques de l’ère des « mouvements de résistance » à l'oppression, au terrorisme d'État - mais qui deviennent au contraire dans une certaine phraséologie étatique actuelle, l’ère d'une rebellion inadmissible, significative d’un "contre-empire" (qui serait alors celui du Mal) se révoltant contre celui du Bien.
C'est cette interrogation sur l’ambiguïté possible d’un jugement porté sur la colère qui pourrait le mieux, me semble-t-il, expliciter le questionnement engendré par ce passage de l'Exode.
Il faut toujours avoir présent à l'esprit que la bible est un récit inspiré certes mais écrit par des hommes et qu'il y a une progression et une pédagogie de la révélation.ma question ne concerne en rien la Colère de YHWH, qu’il ne m’appartient nullement de chercher à percer
Par exemple: On part du polythéisme pour arriver à la Trinité. Si Dieu s'était clairement révélé comme Trinité dans l'Ancien Testament , nous serions encore polythéistes car nous n'étions pas prêt à recevoir 3=1. Il fallait d'abord "assurer" le "1" face à la multiplicité des Dieux environnants.
Autre exemple: L'homme n'était pas capable de recevoir la loi de l'Amour qui dépasse toute loi et qu'il aurait alors perçue comme une permissivité absolue et chaotique. C'est ainsi que la loi du talion est déjà un progrès par rapport aux moeurs de l'époque mais qu'elle est largement dépassée dans la pratique de "l'amour des ennemis" qui aurait été inconcevable en ces temps et qu'il nous est encore si difficile de recevoir aujourd'hui.
Dans les récits bibliques on adapte à Dieu un langage humain de qualificatifs qui servent de support à la transcendance inexprimable mais qui permettent petit à petit d'en saisir l'insaisissable. Ainsi on pourra parler de "Sainte colère" termes antinomiques par excellence qui ne décrivent abolument pas une attitude divine mais qui sont là pour décrire une attitude humaine répréhensible. Cette attitude est décrite par ses conséquences qui étant au-delà de tout sont qualifiées de "colère de Dieu" et mises en scène comme telle.
Il n'y a pas de colère De Dieu ou en Dieu. Il n'a donc rien "à percer" comme tu le formules ci-dessus. Ce terme est ce qu'on appelle un anthropomorhisme biblique.
Bien au contraire, Matthieu 11,29 dit: "je suis doux et humble de coeur". ce qui est l'état absolu de la non-colère. Ce qu'il y a à percer en revanche c'est l'humilité aimante de Dieu. L'humilité, absence de toute passion.
Pour revenir donc spécifiquement à cette question d'Eliazar, beaucoup de Pères traitent de la lutte contre les passions en les décrivant et en insistant sur l'humilité qui les combat.
Les éditions donnent souvent un lexique alphabétique qui permet de retrouver le mot "colère" dans les nombreux passages qui traitent de cette passion.
L'Echelle Sainte de St Jean Climaque par exemple , ed "Spiritualité Orientale n°24"de l'abbaye de Bellefontaine, traduction du Père Placide Deseille, donne dans son lexique ceci:
Colère : La colère est la perversion de l’irascibilité qui nous a été donnée pour combattre le démon, 26, 159; elle trouve un auxiliaire dans notre nature, 8, 21. Elle est un symptôme de suffisanœ, 8, 16,36; un fruit du bavardage, 27, 6; de l’amour de l’argent, 16, 21, 36; de la vaine gloire et de la luxure, 8,36. Elle peut être accrue par l’ascèse et l’hésychia, 8,28. Elle trouble le regard intérieur, 8,26; 24, 12; R 32; cf. 28, 15,42. La vie commune est mieux adaptée à ce combat que la solitude, 4,65, 128; 8, 14, 24, 32; 27, 38. Elle est éteinte par la componction, 5, 16; 7, 6, 33,59, 66; 8, 1,83; par les humiliations, 4, 30; 7; 22; R 9.
Pour ne citer que quelques ouvrages on peur se reporter à:
- Homélies spirituelles de Saint macaire
- Oeuvres spirituelles de Dorothée de Gaza
Oeuvres spirituelles d'Isaac le Syrien
-Introduction à la vie ascétique de l'Eglise d'Orient par Ignace Briantchaninov.
- et bien d'autres encore...
Bonjour Eliazar,
En lisant ce fil, j’ai pensé que vous vous posiez aussi la question du rapport entre l’indignation devant le mal et la colère, et j’ai trouvé ce texte dans les petites règles de saint Basile :
Qu. 68 : Quel est le propre de l'emportement ? le propre de l'indignation raisonnable ? et comment, bien souvent, commençons-nous par nous indigner, mais tombons-nous ensuite dans l'emportement ?
R. : L'emportement est proprement un mouvement de l'âme qui pousse à faire du mal à celui qui l'a provoqué.
L'indignation raisonnable, elle, a pour but la correction du coupable et naît du déplaisir ressenti en présence du péché. Rien d'étrange, cependant, à ce que l'âme, commençant dans le bien, tombe ensuite dans le mal, car on en peut trouver bien des exemples. C'est pourquoi il faut se rappeler les divines Écritures où il est dit : "Ils ont placer des embûches le long de ma route" (Ps 139,6), et : "Si même quelqu'un a combattu, il ne sera couronné que s'il a combattu dans les règles" (2 Tim 2,5). Partout, donc, il faut éviter le manque de mesure, l'inopportunité et le désordre car ce sont des causes pour lesquelles n'importe quoi, fut-il estimé bon, peut devenir mauvais.
En lisant ce fil, j’ai pensé que vous vous posiez aussi la question du rapport entre l’indignation devant le mal et la colère, et j’ai trouvé ce texte dans les petites règles de saint Basile :
Qu. 68 : Quel est le propre de l'emportement ? le propre de l'indignation raisonnable ? et comment, bien souvent, commençons-nous par nous indigner, mais tombons-nous ensuite dans l'emportement ?
R. : L'emportement est proprement un mouvement de l'âme qui pousse à faire du mal à celui qui l'a provoqué.
L'indignation raisonnable, elle, a pour but la correction du coupable et naît du déplaisir ressenti en présence du péché. Rien d'étrange, cependant, à ce que l'âme, commençant dans le bien, tombe ensuite dans le mal, car on en peut trouver bien des exemples. C'est pourquoi il faut se rappeler les divines Écritures où il est dit : "Ils ont placer des embûches le long de ma route" (Ps 139,6), et : "Si même quelqu'un a combattu, il ne sera couronné que s'il a combattu dans les règles" (2 Tim 2,5). Partout, donc, il faut éviter le manque de mesure, l'inopportunité et le désordre car ce sont des causes pour lesquelles n'importe quoi, fut-il estimé bon, peut devenir mauvais.