Diocèse du Canada et Eglise orthodoxe en Amérique

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Sylvie
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Diocèse du Canada et Eglise orthodoxe en Amérique

Message par Sylvie »

Report de trois messages ci-dessous
extraits de la rubrique "Canonicité territoriale"

Antoine

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Je lis attentivement ce fil pour essayer de comprendre le fonctionnement de l'Église Orthodoxe. C'est plutôt compliqué.

J'essaie de comprendre la place dans votre discussion de l'archidiocèse du Canada, Église Orthodoxe en Amérique avec comme Évêque à Ottawa son Excellence Mgr Séraphim.

Est-ce que quelqu'un pourrait m'éclairer ?

Amicalement

Sylvie
Claude le Liseur
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Message par Claude le Liseur »

Sylvie a écrit :Je lis attentivement ce fil pour essayer de comprendre le fonctionnement de l'Église Orthodoxe. C'est plutôt compliqué.

J'essaie de comprendre la place dans votre discussion de l'archidiocèse du Canada, Église Orthodoxe en Amérique avec comme Évêque à Ottawa son Excellence Mgr Séraphim.

Est-ce que quelqu'un pourrait m'éclairer ?

Amicalement

Sylvie
Ce diocèse du Canada fait partie de l'Eglise orthodoxe en Amérique (OCA), lointaine héritière du diocèse d'Alaska de l'Eglise orthodoxe russe qui fut le premier évêché orthodoxe dans le Nouveau monde.
Jusqu'à la révolution russe de 1917, ce diocèse, dont le siège avait été transféré à San Francisco, regroupait tous les orthodoxes des Etats-Unis et du Canada. A la suite du chaos entraîné par la Révolution de 1917, de la difficulté des communications avec la Russie et de la quasi-disparition de l'Eglise russe de la surface de la terre jusqu'en 1941, les différentes paroisses orthodoxes qui existaient en Amérique du Nord se sont tournées vers les Eglises des pays d'origine. Et c'est ainsi qu'au lieu d'un seul diocèse relevant de l'Eglise russe, on a eu plusieurs diocèses relevant des patriarcats de Constantinople, d'Antioche, de Serbie, de Roumanie et de Bulgarie, tandis que les communautés qui restaient dans l'Eglise russe ont commencé à se fragmenter sur des bases essentiellement politiques entre l'Eglise russe hors frontières, le patriarcat de Moscou (après 1945) et la Métropole, héritière de l'ancien diocèse de San Francisco. De toutes ces juridictions orthodoxes en Amérique, trois seulement gardaient le caractère multi-ethnique qui avait été celui de l'ancien diocèse de San Francisco: Constantinople, avec des Grecs, des Ruthènes, des Estoniens et des Biélorussiens; Antioche, avec des Arabes et des convertis anglo-saxons dont beaucoup purent célébrer dans des versions orthodoxisées du rite anglican ou du rite tridentin; la Métropole, avec des Russes, des Ruthènes, des convertis anglo-saxons ou amérindiens (la plupart des Amérindiens de l'Alaska sont en effet de confession orthodoxe). Les Ruthènes, qui constituaient le noyau des fidèles de la Métropole ainsi qu'un diocèse "carpatho-russe"sous juridiction de Constantinople, étaient presque tous d'anciens uniates que la politique d'anglicisation à outrance menée par les évêques irlandais nommés par le Vatican aux Etats-Unis avait remis sur le chemin de la foi de leurs ancêtres; l'action missionnaire de l'ancien prêtre uniate saint Alexis Tóth devait ramener dans le sein de l'Eglise orthodoxe des dizaines de paroisses égarées dans l'uniatisme.

(Je mentionne ces faits parce qu'ils ont un goût particulièrement amer pour nous, francophones. Dans la politique menée par le Vatican en Amérique du Nord, le Canada français n'était qu'un réservoir de prêtres et de fidèles pour catholiciser les Etats-Unis, mais il était hors de question que les Canadiens français installés aux Etats-Unis puissent garder leur langue et leur culture. Le Vatican redoutait par dessus-tout que le catholicisme romain devienne aux Etats-Unis une religion de minorités ethniques - italienne, française, polonaise - et pensait qu'en anglicisant tous les catholiques des Etats-Unis, il arriverait à convertir les Etasuniens au papisme. C'est ainsi que les catholiques italiens, français, polonais, ruthènes, etc., se virent imposer des évêques irlandais, puis des prêtres irlandais bilingues, puis des prêtres irlandais unilingues anglophones. On sait trop les résultats de cette politique: si les Etats-Unis ne sont bien sûr pas devenus une nation catholique romaine, on ne compte plus que 1'500'000 francophones aux Etats-Unis, sur 14 millions de personnes d'origine ethnique française, résultat de l'activité d'anglicisation menée par le clergé catholique. Il est évident que si les Franco-Américains du début du XXe siècle avaient pu se tourner vers l'Orthodoxie et obtenir des diocèses de leur langue comme l'ont fait les Ruthènes, il y aurait aujourd'hui trois ou quatre fois plus de francophones aux Etats-Unis. On sait que, confronté au même problème du génocide culturel mené par l'épiscopat irlandais des Etats-Unis, une partie de la communauté polonaise s'est séparée du Vatican et a fondé l'Eglise nationale catholique polonaise, membre de l'Union d'Utrecht, et qui joue jusqu'à ce jour un grand rôle dans le maintien de la langue polonaise en Amérique.)

Après 1945, le paysage orthodoxe en Amérique s'est encore compliqué du fait du refus d'une partie des émigrés de maintenir des liens avec l'épiscopat de leur pays d'origine, épiscopat qu'ils percevaient comme manipulé par les communistes. C'est ainsi que les communautés serbe, roumaine, bulgare et albanaise se sont divisées entre une faction qui maintenait les liens avec le pays d'origine (d'où l'existence jusqu'à ce jour de diocèses des patriarcats de Serbie, de Roumanie et de Bulgarie en Amérique du Nord) et une faction qui rompait les relations ecclésiastiques avec son Eglise-mère. Les Roumains et les Bulgares qui refusaient de garder des relations avec Bucarest et Sofia formèrent des diocèses au sein de la Métropole russe; les Albanais qui rompirent les relations avec Tirana formèrent un diocèse sous la juridiction de Constantinople, alors que ceux qui gardaient des relations avec Tirana formèrent un diocèse au sein de la Métropole russe; enfin, une partie des Serbes forma une Eglise orthodoxe serbe libre, qui est revenue en 1990 sous la juridiction du patriarcat de Serbie où elle constitue le diocèse de New Gracanica. Ces divisions n'ont plus de conséquences de nos jours: le diocèse roumain dépendant du patriarcat de Bucarest fonctionne en harmonie avec le diocèse roumain de la Métropole devenue OCA; ce qui distingue maintenant ces diocèses parallèles est leur degré d'américanisation.
Une autre modification importante du paysage orthodoxe en Amérique a été l'apparition d'une Eglise orthodoxe ukrainienne en exil, fondée par des réfugiés politiques d'après 1945, et qui a pris une place importante dans les provinces canadiennes des Prairies (Manitoba, Saskatchewan, Alberta); après une solitude d'un demi-siècle, cette Eglise orthodoxe ukrainienne s'est à son tour placée sous la juridiction du patriarcat de Constantinople en 1995.

Devenue presqu'aussi multi-ethnique que l'avait été l'ancien diocèse d'avant 1917, la Métropole, qui comptait des Russes, des Ruthènes, des Roumains, des Bulgares, des Albanais, des convertis anglo-saxons, des convertis amérindiens de l'Alaska, a en plus, sous l'influence des prêtres théologiens Alexandre Schmemann et Jean Meyendorff, fait le choix d'une action missionnaire au sein de la société nord-américaine, qui passait par l'utilisation plus importante des langues locales (anglais, espagnol et français) dans la liturgie, par l'adoption du calendrier corrigé (sauf en Alaska) et par la recherche d'un statut canonique qui permette de devenir une Eglise purement américaine. Cette évolution s'est concrétisée en 1970-71, et, en un temps très rapide, la Métropole russe est devenue l'Eglise orthodoxe en Amérique, à la suite d'un statut d'autocéphalie accordé par le patriarcat de Moscou. Ce statut d'autocéphalie est d'une canonicité plus que douteuse, car on ne peut donner l'autocéphalie qu'à une Eglise locale rassemblant tous les orthodoxes d'un territoire donné. Les autres Eglises orthodoxes locales, qui maintiennent des diocèses en Amérique du Nord (Constantinople, Antioche, Serbie, Roumanie et Bulgarie), préfèrent considérer que l'Eglise orthodoxe en Amérique (OCA) n'a qu'un statut d'autonomie, et non d'autocéphalie. Ce qui n'empêche pas cette Eglise d'être considérée comme pleinement orthodoxe et légitime par les autres.

L'OCA, dont le primat est le métropolite de Washington, est l'une des trois plus importantes juridictions orthodoxes en Amérique du Nord, avec Constantinople et Antioche; on estime qu'elle compterait 120'000 fidèles aux Etats-Unis, et elle a en plus des paroisses au Mexique et en Australie, et un diocèse au Canada, avec à sa tête l'archevêque Séraphin (Storheim), lui-même d'origine norvégienne et converti à l'Orthodoxie à l'âge de trente-deux ans. L'OCA dispose d'une faculté de théologie prestigieuse, le séminaire Saint-Vladimir à Crestwood près de New York. Cette juridiction reflète la diversité culturelle des orthodoxes en Amérique du Nord: à côté de paroisses qui comptent un grand nombre de convertis et qui utilisent la langue locale -anglais essentiellement, mais il y a aussi des paroisses hispanophones au Mexique et des paroisses francophones au Québec, ainsi que des communautés qui célèbrent dans les langues amérinidennes de l'Alaska -, il y a des paroisses plus proches des émigrés, et qui continuent à utiliser le slavon, le roumain ou l'albanais.

A noter que l'OCA présente la particularité d'avoir au sein de son synode un évêque français, Mgr Pierre (L'Huillier), canoniste célèbre appelé en Amérique en 1979 pour aider à l'épanouissement de cette nouvelle Eglise, et qui en fut l'archevêque de New York jusqu'à sa retraite. Quand j'ai eu l'insigne chance de le rencontrer, dix-neuf ans de vie à New York n'avaient en rien émoussé son français.
Sylvie
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Message par Sylvie »

Merci lecteur Claude pour ce travail gigantesque.

Votre message me servira de base pour essayer de comprendre.

Après avoir lu sur les vieux calendristes etc. je craignais de tomber dans une Église Orthodoxe considérée comme hérétique. Je ne serais pas plus avancée dans mon cheminement vers la vérité si je pars de l'une considérée hérétique pour tomber dans une autre. Comme je m'intéresse à l'Église Orthodoxe depuis peu (environ 2 mois) c'est difficile de s'y retrouver.

Un grand merci.

Sylvie
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