Chose promise, chose due.lecteur Claude a écrit :Dès maintenant, voici le texte évoqué par Augustin717 et cité par Nina Garsoïan:lecteur Claude a écrit :Cher Augustin,augustin717 a écrit :Christ est ressuscite!
Si je me souviens bien, j'ai lu dans un histoire de l'Eglise de l' Antiquite, ecrite par H.-I. Marrou qu'au cours du VI-eme siecle deja, le catholicos armenien ironisait le patriarche de Constantinople a cause de l'usage, chez les grecs, du pain a levain, en disant qu'il ne voulait pas "manger des brioches" avec le dit patriarche.
Votre grande érudition me confond. Après de longues recherches, j'ai en effet trouver trace de cette histoire à la page 268 du livre de Nina Garsoïan. Toutefois, il n'est pas sûr que ce soit une allusion aux azymes, mais il semblerait plutôt que cela voulait dire que les Arméniens monophysites ne reconnaissaient pas la validité des sacrements des orthodoxes.
Je viens de vivre une journée riche en émotions et il me faut beaucoup plus de temps pour saisir les textes écrits en caractères grecs qu'en caractères latins. Il est à noter que la phrase attribuée au catholicos arménien Moïse ne figure pas dans une source écrite en arménien, mais dans un source écrite en grec.
Permettez-moi de revenir dans quelques jours sur cette source intéressante que vous avez trouvée.
102. `O δέ καθολικός Mώσής σύ nρoσέσχε τoiς npoσταχθεiσι, λέγων• `Oú μή παρέλθω τόν noταμóv 'Aζάτ oúδ" σύ μή φάγω φoυρvιτάpιv oúδ' σύ μή niω Θερμόv'.
Traduction et commentaires suivront ultérieurement (j'ai beaucoup de travail en retard aujourd'hui). Je prie nos honorables lecteurs de se contenter pour le moment de l'original grec, et de remercier Augustin717 pour les ressources de sa grande érudition.
J'ai trouvé cette citation du catholicos arménien Moïse II `Oú μή παρέλθω τόν noταμóv 'Aζάτ oúδ" σύ μή φάγω φoυρvιτάpιv oúδ' σύ μή niω Θερμόv' page 268 de l'ouvrage de Nina Garsoïan, L'Eglise arménienne et le grand schisme d'Orient, Peeters, Louvain 1999.
Moïse II fut catholicos suprême des Arméniens de 574 à 604, à une époque où le catholicossat n'avait plus son siège à la Sainte-Etchmiadzine, mais à Dwin.
Madame Garsoïan traduit ainsi la phrase du patriarche: "Je ne traverserai pas le fleuve Azat et je ne mangerai pas de pain [au levain] cuit au four ni ne boirai de l'eau chaude." Cela aurait été la réponse du catholicos arménien à une invitation à venir discuter en territoire impérial avec les orthodoxes.
Cela étant dit, il ne s'agit donc pas du texte de la lettre du catholicos, mais d'un extrait d'une source orthodoxe (et non monophysite), rédigée en grec (et non en arménien) mais curieusement affublée par les historiens du nom latin de Narratio de rebus Armeniae, écrite plusieurs siècles après les faits relatés.
Supposons toutefois que la phrase soit authentique. Elle ne représente pas pour autant une preuve certaine de l'utilisation des azymes dans le rite arménien à la fin du VIe siècle.
En effet, le mot veut simplement dire "pain cuit au four". Il me semble que supposer qu'il veuille automatiquement faire allusion au pain eucharistique au levain suppose de projeter sur le passé les positions actuelles de l'Eglise arménienne, qui se veut un pont entre les autres monophysites et l'Orthodoxie, et reprochait déjà aux orthodoxes au XIXe siècle, par la plume du patriarche arménien de Constantinople Malachie (Ormanian), le fait que nous ne reconnaissons pas la validité des sacrements en dehors de l'Orthodoxie.
Les Arméniens utilisent aussi un pain cuit (bien qu'azyme) pour leur eucharistie. La réponse du catholicos Moïse II pourrait tout simplement être une indication que, dans le passé, l'Eglise arménienne avait une ecclésiologie différente de celle qu'elle connaît de nos jours, et que, tout simplement, elle ne reconnaissait pas la validité des mystères des orthodoxes. La réponse attribuée à Moïse II voudrait dès lors dire: "Nous, monophysites, ne reconnaissons pas votre eucharistie; pour nous, elle n'est que du pain cuit au four", sans allusion particulière à la question des azymes qui n'existaient peut-être pas encore dans l'Eglise arménienne.
Quant aux propos du catholicos sur "l'eau chaude", c'est une allusion au fait que les Arméniens monophyistes réprouvent l'usage orthodoxe d'ajouter l'eau chaude du zéon au vin du calice avant la communion, car ils y voient (à juste titre) une proclamation de notre foi dans les deux natures de Notre Seigneur, Dieu et Sauveur Jésus-Christ, foi inacceptable à leurs yeux.
Voilà les réflexions que m'inspirent le texte que nous avons pu retrouver grâce à l'allusion d'Augustin717. Je ne pense donc pas que ce soit un témoignage certain pour faire de l'Arménie le point de départ de cette curieuse pratique des azymes.
Un Arménien de France a eu le dévouement de faire le travail considérable de numériser l'ouvrage classique (et introuvable) du patriarche Malachie (Ormanian), L'Eglise arménienne, directement rédigé en français en 1910 (il est vrai que le français, à cette époque, était plus ou moins la langue de culture à Istanbul). Vous pourrez lire le beau livre de Mgr Malachie à l'adresse http://www.armenweb.org/espaces/reflexi ... c101753609 .
Voici le passage où Mgr Malachie professe ouvertement la théorie des branches et s'en prend à l'ecclésiologie orthodoxe:
L'église latino-catholique, dont l'esprit d'exclusivisme est connu, proclame cet axiome intolérant, que hors de l'église romaine il n'y a point de salut éternel. L'église gréco-orthodoxe, de son côté, refuse d'admettre les sacrements administrés en dehors de ses usages, si bien qu'elle en est arrivée à recourir au rebaptême et à la réordination. De sorte que ces deux églises, qui ont adopté les noms pompeux de catholique et d'œcuménique, comme preuve de leur universalité, sont, par le fait, isolées et retranchées dans le cercle de leur individualité. Cette intolérance n'est nullement dans l'esprit de l'église arménienne, qui ne saurait admettre qu.une église particulière ou nationale, si vaste soit-elle, puisse s'arroger le caractère d'universalité. Elle soutient, que la véritable universalité ne peut exister que dans le groupement de toutes les églises, autour du principe: Unitas in necessariis, où se résument les principes fondamentaux du christianisme. Cette condition une fois admise, chacune est libre de varier sur les points secondaires. Ces principes, l'église arménienne les réduit il la plus stricte signification. Elle n'admet comme nécessaires que les définitions dogmatiques des trois premiers conciles cecuméniques, définitions qui remontent à une époque, où les églises particulières gardaient encore entre elles leur unité et leur communion respective. De sorte que toute église qui reconnaît les dogmes de la Trinité, de l'Incarnation et de la Rédemption, peut, suivant son opinion, faire partie de l'église universelle, et, à ce titre, elle confère à ses fidèles le droit au salut éternel. Toutes conservent entre elles la communion in Spiritualibus, où s'exalte l'union de la foi et de la charité, réclamée pour l'unité du christianisme. Les autres points, concernant la doctrine ou la croyance, peuvent être admis ou rejetés, soit à la suite de la décision d'un concile particulier, soit en vertu de l'autorité des docteurs, sans qu'il en résulte aucun inconvénient pour l'intégrité de l'unité universelle.
Certes, mais cela ne veut pas dire que, dans un passé plus ancien, l'Eglise arménienne ait toujours professé cette "théorie des branches". En tout cas, les propos du catholicos Moïse II, s'ils ont vraiment été tenus, montrent bien qu'il ne reconnaissait pas l'eucharistie des orthodoxes. Mgr Malachie (Ormanian) est ainsi bien mal venu de reprocher aux orthodoxes d'être resté fidèles à l'ecclésiologie traditionnelle.