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La Passion du Christ, victoire sur la mort ou satisfaction ?
Publié : jeu. 22 sept. 2005 23:01
par Jean-Marc
Je sais que l'Orthodoxie récuse la doctrine latine de la satisfaction selon laquelle le Christ est mort pour réparer l'injure faite au Père par le péché. A cette théorie de la satisfaction développée en particulier par Saint Anselme de Canterbury au XIème siècle, un concile oriental du même siècle a partiellement répondu en affirmant que le Sacrifice du Christ était offert à la Trinité toute entière et non seulement au Père.
Plus largement, il me paraît possible de dégager de l'enseignement ds Pères et de l'Eglise orthodoxe que le Christ a souffert sur la Croix et a connu le trépas pour nous arracher à la mort, conséquence du péché, et à l'emprise de Satan, lequel a été terrassé, et qu'il a offert Sa mort victorieuse en Sacrifice de louange à la Sainte Trinité. En fait, il n'ya pas à proprement parler de sacrifice propitiatoire, mais un sacrifice de louange, rendu présent, ainsi que tous les autres mystères christiques, lors de la Divine Liturgie.
Qu'en pensez-vous ?
La Passion du Christ
Publié : jeu. 22 sept. 2005 23:50
par eliazar
Je n'arriverai jamais à "com-prendre" comment l'homme peut s'imaginer "offenser" Dieu en péchant.
Par exemple, la traduction "oecuménique" du Notre Père me choque particulièrement par son "Pardonne-nous nos offenses..."
J'ai toujours pensé que c'est lui-même que le pécheur blesse en se séparant de Dieu par son péché.
Si je suis tombé dans quelque hérésie, aidez-moi à en sortir. Merci d'avance.
Publié : ven. 23 sept. 2005 10:28
par Glicherie
N'oublions pas que le sacrifice du Christ sur la Croix est un acte gratuit de pur amour de Dieu pour l'homme.
"Dieu a tellement aimé le monde qu'Il a donné Son Fils unique, afin que quiconque croit en Lui ne périsse point mais qu'il ait la vie éternelle." Jn3,16.
"Il a livré Son âme afin de la reprendre" Jn 10,17.
Je crois que 2 fils au moins apportent des éléments sur le sujet:
"le sang du Christ offert à qui?"
"Crucifixion, homicide ou déicide ?"
Publié : ven. 23 sept. 2005 11:54
par Jean-Louis Palierne
Nous avons là un exemple (parmi d'autres) du scandale que provoque pour les Français qui s'approchent de l'Orthodoxie l'usage de traductions du Notre Père qui sont empruntées au monde occidental. La question ressort sans cesse, car elle irrite profondément tous ceux qui recherchent une vérité supérieure à celle des religions d'Occident.
Que l'Église orthodoxe ait donc le courage de s'affirmer sans fausses concessions !
Il me semble que la bonne traduction devrait être Remets-nous nos dettes, comme nous remettons à ceux qui nous doivent.
Publié : ven. 23 sept. 2005 13:16
par hilaire
en disant débiteur plutôt qu'à ceux qui nous doivent il me semble que l'on gange en fluidité sans altération du sens.
Publié : ven. 23 sept. 2005 14:37
par Jean-Louis Palierne
Absolument d'accord, je craignais seulement que ça prenne une allure trop comptable. Mais il est vrai que dans le français classique, lorsqu'on savait faire de belles phrases, on disait avec une courbette « Monsieur, je suis votre débiteur. » Et en ce sens-là c'est OK.
Publié : ven. 23 sept. 2005 15:02
par Glicherie
Je vous propose de lire le lien suivant:
http://orthodoxie.free.fr/notre_pere,_v ... enique.htm
L'article de Maxime Kovalevsky est interessant. Il date de 1966, et présente la version suivante:
Notre Père qui es aux cieux
Que Ton Nom soit sanctifié,
Que Ton Règne arrive,
Que Ta Volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain substantiel
Et remets-nous nos dettes comme nous remettons à nos débiteurs,
Et ne nous soumets pas à l’épreuve,
Mais délivre nous du Malin.
La traduction semble très satisfaisante. Elle est d'ailleurs en usage dans certaines paroisses orthodoxes canoniques comme celle de Louveciennes.
Publié : ven. 23 sept. 2005 17:49
par Jean-Louis Palierne
Je crois en effet que cette traduction est bien meilleure. Mais pour la 6ème demande, il me semble qu’il serait bon d’adopter la traduction qui avait jadis été proposée par Carmignac : « Garde-nous de consentir à la tentation ». Avec une construction toute différente, elle est la seule à pouvoir exprimer en français toute la signification du texte, telle que nous l’ont commentée les Pères. Le français en effet est très rigoureux sur la question du “faire”, “faire faire”, “consentir”, “projeter” etc. et la traduction « ne nous soumets pas à l’épreuve est ressentie comme imputant à Dieu la responsabilité de l’épreuve. Les convertis français sont très sensibles à cela, alors que les Orthodoxes pur sucre sont nourris de textes de prières, d’hymnographie qui les instruit et commente la 6ème demande.
Publié : ven. 23 sept. 2005 17:58
par Jean-Marc
Jean-Louis,
Puisque vous vous êtes penché sur ce fil, pouvez-vous dire ce que vous pensez de mon post initial concernant la mort du Christ considérée comme un sacrifice de louange, "eucharistie" au sens ethymologique, offert à la Sainte Trinité et non comme sacrifice propitiatoire offert au Père en réparation des péchés ?
Publié : ven. 23 sept. 2005 19:42
par Jean-Louis Palierne
L’Eucharistie véritable nous est présentée par le Seigneur comme un “sacrifice non sanglant”. Les sacrifices sanglants offerts par les Juifs dans le Temple était une condescendance due au fait que les peuples païens de l’époque qui entouraient les Juifs pratiquaient de tels sacrifice. Dieu acceptait donc (du bout des lèvres si j’ose dire) de recevoir de tels sacrifices, mais dans le Temple unique. La cruxifixion du Christ fut une telle dérision qu’elle annule la condescendance du culte du Temple. Si elle annonce quelque chose, c’est plutôt parce que le signe de la Croix était un signe eschatologique, comme cela a été rappelé dans un autre fil. Les Juifs avaient ainsi annulé la légitimité du Temple, dont le voile se déchira en deux. S’il y a “sacrifice de louange", c’est parce qu’ainsi fut gagnée LA lutte contre la mort, le péché et le Diable. L’Image non faite de main d’homme s’est projetée sur le Linceul et chaque année se renouvelle le miracle du Feu sacré sur le cierge du patriarche de Jérusalem. C’est pourquoi les chrétiens célèbrent la Résurrection le huitième jour, qui est une réitération du premier jour, et c’est pourquoi l’Église a décidé de fêter Pâques le dimanche qui suit la Pâque des Juifs.
Publié : ven. 23 sept. 2005 23:11
par Jean-Marc
Merci de votre précision. Nous sommes loin de l'obsession propitiatoire que j'ai connue dans les milieux cathos tradis. Du reste, les protestants ont écarté la notion de Sacrifice propitiatoire dans leur doctrine eucharistique mais sont demeurés parfaitement latins dans leur conception de la Rédemption. Pires même lorsqu'ils prêchent la prédestination, la ""rançon payée au Père" ne suffisant plus à assurer à tous la possibilité du salut.
Publié : lun. 26 sept. 2005 19:17
par Anne Geneviève
La traduction du Notre Père citée ici et utilisée d'abord à l'ECOF, encore à l'UACORO, est celle de Lev Gillet. A mon sens une des meilleures en français, bien meilleure que celle dite oecuménique.
Je suis d'accord avec Jean Louis, elle serait encore meilleure avec la 6e demande dans la version de Carmignac.
Publié : lun. 26 sept. 2005 19:27
par Jean-Marc
Mais alors, avec la version "remets nous nos dettes", très proche du pater en latin d'ailleurs, se pose toujours la question : comment interpréter cette demande sans tomber dans l'explication juridique (le terme "dettes" pourrait s'y prêter), l'idée d'une offrande propitiatoire et satisfactoire destinée à apaiser le courroux du Père et à obtenir de lui qu'il accorde son pardon ?
Passion du Christ
Publié : lun. 26 sept. 2005 20:52
par eliazar
Mais tout simplement, cher jean-Marc, par la mise en notre mémoire, une bonne fois, de cette notion fondamentale : que notre dette envers le Père n'est autre que la Vie qu'Il nous a donnée, l'Amour-Agapè dont Il ne cesse de nous nourrir, vêtir, abreuver tout au long de notre vie, etc. etc.
C'est à dire TOUT. A commencer par le commencement : d'être non des animaux supérieurs descendus du singe, mais des êtres créés à l'Image et à la Ressemblance de la Tri-Unité divine.
Nous avons une dette d'amour immense, absolue envers le Dieu-Trine. Il nous donne la Grâce - pour que nous la Lui rendions, en la faisant fructifier en nous.
En tant que Père, Il nous a créés par Amour.
En tant que Fils, Il s'est incarné par Amour (avec les conséquences que nous savons - et qu'Il savait aussi)...
En tant qu'Esprit, Il habite en nos coeurs et chaque moment de prière qui nous permet de nous "raccrocher" à la Trinité dans les moments de tentation, comme de Lui rendre ce que nous Lui devons (c'est à dire l'Amour, la Glorification, la Louange Juste (orthodoxie) ... c'est de Lui-en-nous qu'elle provient : c'est l'Esprit qui crie en nous "Abba! Pater!, dit saint Paul. Sans Lui, nous ne serions même pas fichus de prier !!! c'est dire !
Rien de juridique là-dedans. L'Amour n'est pas un cas pour les tribunaux : ni ceux du droit, ni ceux de la raison. Celui qui est Aimé, s'il ne rend pas cet amour à Celui qui l'a aimé le premier - alors, il se coupe de l'Amour, c'est à dire de sa propre vie.
Le péché, c'est se couper de Dieu. Combattre le péché, en nous, c'est rendre à Dieu Sa Juste Louange (orthodoxie). C'est ce que dit et redit sans cesse notre bien-aimé Paul de Tarse. C'est pour cela que je l'ai joint à ma signature au risque d'énerver nos correspondants qui peuvent me trouver bien gnagnan.
Parce que c'est primordial. Toute l'Église existe pour cela : elle est l'Epouse sans tache - celle qui aime en retour celui qui l'a aimée et choisie.
Tout le reste, à mon avis, est piètre littérature.
Publié : lun. 26 sept. 2005 21:24
par Jean-Louis Palierne
Ah non !
Les dettes que nous devons, ce sont tous nos manquements à la Loi. et bous demandons à Dieu de nous accorder sa Grâce -- dans tous les sens du mot Grâce. C’est ce que proclament les Anges lors de la Nativité du Seigneur dans la chair : “Gloire à Dieu au plus haut des cienx, paix sur la terre, bienveillance aux hommes”. La bienveillance, la condescendance pour les hommes, pour nous tous qui n’avons rien mérité, c’est la Bonne Nouvelle que le Christ est allé annoncer aux justes de l’Ancien Testament, et d’abord à Adam et Ève, qui attendaient dans l’ombre de la mort.
C’est pourquoi aussi je crois qu’il serait bon de traduire le “Kyrie eleison” par “Accorde-nous ta Grâce”.
Bien sûr nous devons aussi rendre grâce à Dieu d’exister et de vivre, et de goûter à l’Arbre de vie. Mais ce n’est pas le sens premier de la cinquième demande du Notre Père.